Une organisation en béton

Transcription

Une organisation en béton
entreprise bâtiment
Démarche globale
Une organisation en béton
Spécialiste des planchers, structures et ossatures
de bâtiments implanté à Bédarieux (Hérault),
KP1 a entamé la restructuration de son système
de sécurité aux échelons local et national.
Le recrutement de personnels dédiés
à ces questions constitue le ciment de cette
nouvelle organisation.
A
ussitôt qu’un accident a lieu, la production est arrêtée. Quand
la prévention a échoué, il est
nécessaire d’intervenir à chaud
pour marquer les esprits et
comprendre pourquoi. » En
ces termes, Frédéric Claverie,
directeur d’usine, témoigne
d’un changement profond et
peu banal de l’état d’esprit de
Un responsable
sécurité national
Au début des années 2000,
KP1 met en place un agent
de prévention et de sécurité
(APS) dans chacune de ses
usines. Il s’agit d’un opérationnel doté d’une « double
© Yves Cousson/INRS
Depuis 2000, KP1 fait de la
sécurité une de ses priorités.
Résultat : le taux de fréquence
aété divisé par deux et le nombre
d’accidents pratiquement
par quatre.
l’entreprise KP1 en matière de
prise en compte de la sécurité
au travail. Mais il n’est pas le
seul. Car ici, on a bien compris qu’une action efficace,
c’est-à-dire qui parvient à
prévenir l’accident, doit être
réfléchie en amont de l’activité. Numéro un européen du
béton précontraint basé dans
la vallée de l’Orb à Bédarieux
(Hérault), ce professionnel
du bâtiment a, comme beaucoup, une culture ancestrale
fondée sur les seuls objectifs
de production. Aujourd’hui,
l’entreprise a fait de la sécurité
son autre priorité. L’usine de
Bédarieux, l’une des dix-neuf
du groupe, emploie une centaine de personnes dont un
petit volant d’intérimaires.
Quatre lignes de produits y
sont fabriqués : les appuis de
fenêtre, la prédalle, la poutre
précontrainte et la poutrelle.
En sept ans, l’entreprise a
divisé par deux son taux de
fréquence (de 100 à 50) et
réduit le nombre d’accidents
du travail de 23 à 6 pour l’année 2007. Et ce n’est pas le
fruit du hasard.
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Travail & Sécurité –
­­ Octobre 08
Le créateur de
l’e ntrevous EMS
N
ée de la fusion
de PPB et Feder
Béton, l’entreprise KP1,
anciennement BDI, a
développé un savoirfaire dans les secteurs du
béton précontraint haute
performance, de l’injection
plastique et des matériaux
composites et polystyrène
qui lui confère une place
unique parmi les industriels
du bâtiment. Entre autres
innovations, KP1 est à
l’origine du lancement en
2000 de l’entrevous en
matériau composite leader
(EMS), qui constitue une
petite révolution dans le
marché du plancher. Sur un
pavillon moyen, la mise en
œuvre de l’entrevous EMS
nécessite la manipulation
de 350 kg de matériaux
avec une simple palette,
alors qu’avec un entrevous
en béton, il faut en
manipuler 22 tonnes sur
12 palettes. Il améliore
l’ensemble de la sécurité
sur les planchers : rapidité
de mise en œuvre,
résistance, propriétés
antidérapantes. Tous les
ans, KP1 met sur le marché
de nouveaux produits
pour répondre et devancer
les réglementations. Le
groupe dispose de dix-neuf
usines et onze agences
ou dépôts. À Bédarieux,
l’entreprise produit
annuellement 35 000 m3 de
béton, 53 000 m linéaires
de poutres et 1 500 000 m
linéaires de poutrelles.
L’investissement a été lourd, mais
le bénéfice pour les opérateurs
est important. L’outil installé à
l’atelier appuis de fenêtre permet
de manipuler des pièces de 40
à 110 kg sans effort ni contrainte
posturale. Le coût : 33 000 euros. de fenêtre. « Les appuis pèsent
de 40 kg à 110 kg. Avant, il
fallait se mettre à deux pour
les soulever… et le dos pouvait en prendre un coup ! », se
souvient François Lomonaco,
opérateur. Un système de
pinces à double commande a
donc été développé de façon
spécifique pour l’application.
Selon la hauteur de travail,
l’opérateur utilise des boutons de contrôle différents, ce
qui limite ses contraintes posturales. Coût global de l’appareillage : 33 000 euros.
© Yves Cousson/INRS
Des évolutions
à tous les échelons
casquette » mais, rapidement,
des besoins plus importants
sont définis. Un animateur
qualité, sécurité environnement (QSE) est donc nommé
à temps plein sur la région.
Plus récemment, début 2008,
Michael Grillon est embauché en tant que responsable
sécurité à Bédarieux et sur
un site voisin. « Ce dernier a,
entre autres missions, la valorisation des actions entreprises
par les salariés pour améliorer les conditions de travail
en réalisant des fiches et des
affiches », explique Didier
Uthuralt, contrôleur de sécurité à la CRAM LanguedocRoussillon. « Chahutée par les
résultats sécurité de l’année
passée, un peu en deçà de nos
attentes, l’entreprise a multiplié les leviers. Depuis fin 2007,
un responsable sécurité national régit la politique générale
de la maison », ajoute Frédéric
Claverie.
Localement, cette démarche
se traduit par des faits. Tous
les mois, des « quarts d’heure
sécurité » sont consacrés à
des discussions autour de
thèmes choisis par les chefs
d’atelier et à l’analyse des
accidents. En parallèle, des
ateliers sont formés pour
travailler à la réduction des
risques à l’aide du document
unique. Plusieurs réalisations
et de nombreuses installations d’aides mécaniques à la
manutention ont vu le jour,
notamment à l’atelier appuis
Un peu plus loin, l’atelier poutres a, quant à lui, été doté
de manipulateurs à charges
compensées. C’est ici que l’on
fabrique les produits précontraints. Un fusil de tension de
25 kg, suspendu au manipulateur, est utilisé pour allonger les câbles placés dans
les prédalles. Du point de
vue des charges soulevées,
ce dispositif permet de se
sentir beaucoup plus… léger.
Une potence comprenant un
système de poids compensé
a également été mise en
place sur les postes d’essais
destructifs, où sont cassées
les poutrelles. « Le rehaussement des différents postes de
travail ainsi que ces apports
successifs ont considérablement amélioré l’ergonomie »,
note Didier Uthuralt. Certes,
tout n’est pas résolu. L’un des
points sensibles reste l’utilisation de peignes lourds
devant être placés dans les
moules, pour lesquels aucune
solution satisfaisante n’a
encore été trouvée en termes de compensation de
charges. L’entreprise poursuit également sa réflexion
sur l’aménagement du poste
de chargement des produits
finis dans les remorques
d’expédition qui, en dépit de
l’installation d’un manipulateur, est problématique visà-vis du positionnement des
opérateurs.
« Le responsable sécurité générale dégage les thèmes prioritaires et constitue des groupes
qui ont obligation de résultat.
La volonté de la direction est
forte. Si les agents de maîtrise ont acquis une meilleure
conscience de la sécurité, ça
n’est pas encore ancré dans
la culture du métier », estime
Frédéric Claverie. « L’opérateur
a lui aussi évolué dans la
bonne direction. Aujourd’hui,
on peut parler de sécurité sans
que l’on nous rie au nez »,
poursuit Michael Grillon.
Prochainement, la mise en
place d’un système d’évaluation du comportement portant sur l’ordre, la propreté et
la sécurité devrait à nouveau
toucher tous les maillons de
la chaîne. L’année sera également marquée par le lancement de la surveillance
journalière du site, couplée à
des audits sécurité et le renforcement de la communi­
cation auprès des opérateurs
et agents de maîtrise.
Grégory Brasseur
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