Inauguration du monument de Pouyer

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Inauguration du monument de Pouyer
Inauguration du
monument de PouyerQuertier à Rouen, le
dimanche 17 novembre
1894 / Société libre
d'agriculture, [...]
Source gallicalabs.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Méline, Jules (1838-1925). Inauguration du monument de Pouyer-Quertier à Rouen, le dimanche 17 novembre 1894 / Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du
département de l'Eure. 1895.
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SOCIÉTÉ JLIPRE
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INAUGURATION
Di:
MONUMENT DE POUYER-QUERTIER
A
Rouen, <e<Hmatte&rtt Hacem~ 1894.
L'inauguration du monument élevé à Rouen, sur ta
place Cauchoise, pour perpétuer le souvenir de notre
éminent compatriote M. TPouyer-QuM'tier', a ~u lieu le
dimanche ii novembre 4894 avec une grande ?o!enaité,
Ce monument 9 a pour auteurs deux Rouennais de
talsttt, MM. Alphonse GuUioux, sculpteur, et Jules
AdeMne, architecte. Le piédestal est ecpiarre de
Lorraine, avec assises Ct~ granit de Belgique; au-dessus,
se trouve ta statue ~ë Pouye~QaMti~)n!o recoonait
& sa physionomie caractéristique, avec son frontdécouvert, ses larges favoris. La ~ose est familière, PouyerQuertie)'semble être à latriauneou dansquelque mee*
Fe'H~QuertifM' (Augustin-Thomas~tlé te 3 septembt'e iMO &Etouttevitte-tttSëXax (Seine-tnMrieure), est <McM6 & Roum te 2 swH l89h
i86t, Mxfre <)e nam~-sur-'Andetie,coMei)!et' ~nêra) de t'Eure –1891,
ft~M~M de la SoeiM
~t'AxMmtt <~ wnMO (;4~m)
i'Em'e
H~re d'agricutture de t'Eure.
<
«?,
t.t Société d'a~ricuttttra oxprima tous see'Mmerciementa àM. te
Nt'eetem' du journat MHtMh'aftOt!, qui a bien wnttt mettre & s& diapMit!o!)~ eHchS <{?! a &6!& fa rcpt-uSaeMuuuu tuut)ù<tc«!.
ting protectionniste. Son bras droit élevé souligne, d'un
geste de main étendue, la parote. L'autre main, appuyée
à la hanche, retient quelquesfeuillets. C'est le Pouyer de
la grande campagne protectionniste.
Ce monument a été exécuté, pour l'architecture,
par M. Baron, entrepreneur. La fonte a eu lieu
chez Barbedienne. Une grille à panneaux, très simple,
entoure l'ensemble du monument. Cette gri!le, d'une
composition très heureuse, fait honneur à M. Marron,
l'habile ferronnier rouennais.
Ce monument, qui a été érigé à l'aide d'une souscription, a coûté 500,000 francs.
A cette cérémonie assistaient MM. Méline, député,
Hendlé, préfet, Laurent, maire de Rouen, les députés
de la Seine-Inférieure, etc. Étaient également présents:
MM. Louis Passy, député de l'Eure, de la t'emëre,
ancien député, de Vallon et le comte de Boury, conseillers généraux de l'Eure, -Tardiveau, directeur du CoM/
?'er de
/'2?Mre.
On remarquait dans l'assistance la présence de
M. Robert de Lambertye, petit-fils de Pouyer-Quertier,du
marquis de la Roche-Lambert,son gendre.
Au
pied du monument, étaient groupées des déléga-
personnel des établissementsPouyer-Quertier
de Floury-sur-AndeUe, des sociétés agricoles des cantons d'Ëtrépagnyet de Gisors.
Après des discours prononcés par MM. Hondié, préfet de la Seine-Inférieure, Laurent, maire de Ronen,
etc., M. J. Mélino, député, ancien ministrè; président de
la Commission dos douanes et de l'Associationfrançaise
du commerce et de l'industrie, a pris la parole et s'est
exprimé ainsi
Lions ~du
MtSStEUM,
Apres les discours si,étoquonts, si nutorisés, que vous
VetttM d'outcudte et qui ~omi ohtMtraco dans s6a détails
Ja laborieuse ot glorieuse existence d<! grand industnoi~
dti ptuasimt orateur, de l'ardent patriote dont ce baau,
monument consacre la mémoire, il ne reste plus à
éclairer qu'un côté de cette forte et rayonnante figure.
Je vous demande la permission de le faire comme président de l'Association de l'industrie et de l'agriculture
françaises dont Pouyer-Quertier a été le principal fondateur. Sa création était dans sa pensée le couronnement et comme la conclusion de sa carrière militante.
On vient de vous dire ce que fut cette vie de lutte
pendant trente années, comment les traités de commerce
de 1860, conclus'sans le consentement de la France et
contre sa volonté,éveillèrent son patriotisme, et firent de
lui, dès le premier jour, l'opposant le plus résolu de la
politiqueéconomiquede l'empire.
Avec une clairvoyance rare à cette époque, il aperce"
vait dans le lointain dn monde l'évolution irrésistible
qui poussait tous les peuples à se faire industriels, &
se suffire à eux-mêmes, et il envisageait avec effroi
l'instant fatal où l'Angleterre, refoulée partout,, retomberait de tout son poids sur notre marché pour l'écraser.
Pendant toute la durée de l'empire il ne cessa de
dénoncer le danger; il le fit avec un grand courage,
bravant la mauvaise humeur du gouvernement d'alors,
qui, après l'avoir soutenu, finit par le combattre et lui fit
perdre son siège de député. Los députés qui sacrifient
ainsi leur situation leurs convictions méritentbien qu'on
leur élevé dés statues.
Mais Pouyer-Quertier ne donna sa véritable mesure
qu'âpres la guerre. Los désastres de l'année terrible,
l'effroyable rançon qu'il fallut prélover sur Itt fortune
et le travail de la Franco pousseront au paroxysme ses
idée" et ses convictions. Avant la guerre, !c proM~p
économique n'était pour lui qu'une pure question de
just'ee et d'intérêt industriel; après ia guerre, elle lui
apparut comme une des formes du patriotisme, une
nécessité impérieuse de notre relèvement, presque une
question de,vie ou de mort pour la nation.
Il comprenaitqu'avecles charges écrasantes, les lourds
impôts qui avaient peser sur le producteur français, la
lutte deviendrait impossible pour lui si on continuait la
politiqt~ de i860, et U trouvait inique qu'on n'obligeât
pas le producteur étranger a payer à la frontière ce
surcroît de charge qui allait écraser le travail français.
Ce fut là l'idée maîtresse qui s'empara de son .esprit et
q~il semit a répandre partout, la développant sous toutes
les formes, dans tous les milieux, brodant sur elle toutes
les variations brillantes de son éloquence si vigoureuse,
si humoristique, si empoignante.
H fut bientôt amené à élargir te champ dë~ son action
par l'entrée en ligne d'un allié imprévu t~dantTinter–
vention devait être décisive.
L'ag-rioulture, qui n'avait pas été tonchée~u début par
les traités~do 1860, s'était d'abord désintéresséede notre
t'égtme économique et'endormie dans une trompeuse
sécurité.Elle futbientot réveillée do son sommeil par un
véritable coup de.
Des peuples neufs et vigoureux arrivaient brusquement à la vie agriccle; d'immenses tBrrito:res étaient
défriches ot tivrcs à ta culture dans des conditions d&'
bon marché invraigambijthles. La seule barribre.qui
nous
avait pondant longtemps servi da rempart, la distance,
s'abaissait tous les jours davantage par !u développement des moyens da communication, la diminution
Mnstsnto dos frets, si iHc'n q!HT! jor:r vint nu i! CR C8&t&
>
Q~nerre.
moins de transporter une tonne de blé de New-York au
Havre que de Lille à Paris.
Alors éclata une crise agricole sans précédent, entraînant l'avilissement général dos coure de tous les produits et la dépréciation de la terre dont la valeur tomba
de 40 p. 100 en quelques années. Quand l'agriculture
vit le gouffre béant dans lequel elle menaçait de tomber;
elle fut prise d'une véritablepanique et un cri s'éleva dé
toute part réclamant des mesures de défense énergique
contre la concurrence étrangère qui menaçait de tout
engloutir.
Pouyer-Quertier ne se trompa pas sur la nature et la
gravité du danger et, avec une s&reté de coup d'oeil
admirable, il fit rapidement volte-face pour voler au
secours de l'agriculture avant même de sauver l'industrie ou plutôt pour la sauver. ïl savait trop bien que
dans notre pays de France l'agriculture est la première, la meilleure cliente de l'industrie, que quand
elle souffre, tout souffre, et qu'aucune branche de production ne pèut prospérer quand elle est malheureuse.
C'est ainsi qu'il entama cette mémorable campagne
qui eut un si grand retentissement et qu'on le vit,
nouveau Pierre l'Ermite, prêchant partout l'union indissoluble de l'agriculture et de l'industrie pour la défeMe
du travail national. Personne n'a plus contribué que lui
faisceau
& ce mouvement puissant qui a réuni on un
serré toutes les forces vives de la production françMHo
et qui a décidé de notre victoire définitive. C'eat ta son
plus beau titre à. la reconnaissance do la postérité.
Ce n'est pas le seul. Pouyer-Quartier n'otmt pan
seulement un puissant orateur, nu ardent propugaudiate,
c'était aussi un organisateur, un esprit prévoyant qui
voyait loin dans l'avenir, qui savait par expérience que
toutes les victoires sont éphémères quand on ne fait rien
pour en garder les fruits.
Il se rendait bien compte que pour tenir l'opinion daas
ces matières complexes et délicates, il ne suffisait pas
de quelques discours isolés, qu'il fallait sans cesse agir
sur l'esprit public en l'éclairant par la parole, par les
écrits, en ne laissant passer aucune erreur, aucun mensonge, en se tenant en communication constante avec
les pouvoirs publics.
Depuis longtemps, il était frappé sous ce rapport de
la déplorable minorité des défenseurs du travail naHonal en face de leurs adversaires pendant que ceux-ci
marchaient la tête haute et la main dans la main, puissamment unis et syndiqués, soutenus par la 'finance et
le commerce, appuyés sur la presse et sur le gouvernement, la masse immense des producteurs français s'en
allait la tête basse, sans lien et sans cohésion, à l'état
de poussière impalpable et insaisissable, incapable dé
résister, et ne sachant que se lamenter sans agir.
Pouyer-Quertier entreprit de mettre un terme à cette
impuissance désolante on organisant un centre d'action
autour duquel toutes les forces do la productionfrançaise
pourraient se réunir, et qui serait comme unfover de
lumière et do vérité rayonnant partout. ~dé par des
nommas do foi robuste comme lui, ~ui s'appelaient
Foray, Claude (des Vosges), Gustave Denis, Leblan,
Thiribs, CtMrlos Saint, Ponnior, 't'rouillior, Ht votre
infatigabla président M. Thouroudo, il ht appel A toutes
lof hoMMH yolQutéH, ot, urAcc )\ son nom, a sa gmndo
autorité, cot appel fut Mitehdu.
C'est de, cette conceptioa qu'est sortie cette grande
Association de l'indaa.ria et de l'agriculture française
qui embrasse aujourd'hui la France entière. PouyerQuertier avait rêvé d'en faire la rivale et l'égale du
Cobden Club j'ai le regret de .dire qu'elle en est
encore loin, et cepjodant, malgré l'insuffisance des
moyens dont elle dispose, elle apu, grâce au dévouement
infatigable de ses membres, et en multipliant ses efforts,
tenir tête à tout le monde, faire face à toutes les difficultés, et il me sera bien permis d'ajouter, moi qui l'ai
vue à ''œuvre depuis bientôt vingt ans, et bien avant
d'être a sa tête, que sans elle plus d'une bataitle que
nous avons gagnée aurait été infailliblement perdue.
Et voilà pourquoi, messieurs, je suis ici pour rendre
en son nom un respectueux hommage de reconnais"
sance à la mémoire de ce grand lutteur.
Personne ne peut le faire avec plus de conviction
que moi; car personne n'a plus profité que moi de ses
leçons, de ses exemples et de son appui. Entré après
lui dans la lice, à l'heure.des grandes batailles parlementaires, perdu presque se~l au milieu d'adversaires acharnés et d'une incontestable valeur, que serais-je devenu
si je n'avais senti à côté de moi des vaillants comme
Pouyer-Quortier, toujours prêta à se jeter on avant et
à tenir tête aux assaillants 1
Je n'oublierai jamais la bienveillance avec laquelle il
m'accueillitdes lopremtorjour, la sympathie atfectueHso
qu'il me témoigna on toute circonstance, les encouragements qu'il mo prodigua aux joui"} de défaite.
J'ai connu bien pou d'hommes d'un Citractoro aussi
ouvert, aussi généreux je n'en ai jamais connu de
moins personne), do mpins préoccupé do ffuro 3cntir
o
aux autres sa supériorité. Il n'y a que ces natures
d'élite et les vrais croyants qui sont capables de ces. délicatesses.
Messieurs, si une statue est, comme je le crois, un
enseignement, il n'y en a pas qui soit plus à sa place
que celle de Pouyer-Quertier dans cette grande cité industrielle. Car elle offre aux générations futures le type
et le modèle de l'industriel accompli: le véritable industriel en effet, dans le sens élevé du mot, n'est pas celui
qui se borne à bien gérer les affaires de sa maison et
qui se désintéresse de tout ce qui ne le touche pas
directement; c'est, au contraire, celui qui s'intéresse
a tout, qui a les yeux toujours Sxés sur la marche générale do son industrie dans ses rapports avec le mouvement économique du monde et qui est prêt à tous
les eHbrts, à tous les sacrincespout* la défendre, qui
se préoccupe sans cesse de ses ouvriers pour leur procurer du travail et améliorer leur sort.
Pouyer-Quertior était cet industriel-là. Toujours il a
saoriiié, quand il l'a fallu, son intérêt personnel à
l'intérêt général: il adonné sans marchander son cœur
et sa vie aux ouvriers, dont i! défendait le travail avec
une si ardea~e passion.
Que les jeunes industriels qui passeront devant sa
statuette souviennunt toujours do cela et disent hieti
que ce qui fait lit gloire du Pouyor-Qucrtier, co n'est
pas seulement d'avoir été un grand industriel, un grand
orateur, un excellent ministre des ihu.mc(M, c'est surtout d'avoh' été l'homme d'une idée et le ttcienHotU'Io °.
p)uu convaincu du travail t')'.mc<us.
Hr.); p~roion nnt ~t.~ nonvn~on d'n.pp!ndi'bmants.
0
Le dernier discours a été prononcé par M. Robert
de Lambertye, qui a exprimé les remerciements de )a
familto.
La Société d'agriculture de l'Eure a eu à cœur de ~'associer &
l'hommage rendu &
mfimoire de son ancien président,
M. Poayet'-Qmertier.

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