BIO SAINT MICHEL OK - UNI
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BIO SAINT MICHEL OK - UNI
BIO SAINT MICHEL Versailles est ici un début plus qu’une fin. Un hasard géographique qui a valu à ce duo, polymorphe dans ses émotions comme dans ses pleins et déliés musicaux, de se retrouver placé à l’épicentre de la French Touch : des coordonnées sur la carte de l’électro made in France qui vaudront à certains de hasardeux parallèles. Pourtant, Philippe (Thuillier, 28 ans) et Emile (Larroche, 19 ans) réfutent toute appartenance à un «crew» versaillais. Et pas seulement parce que le premier est né dans le Berry et que le second, baladé de par le monde par ses parents acteurs de théâtre, n’a mis les pieds dans les environs du château que lorsqu’il a fait la connaissance de son acolyte il y a quatre ans à peine. Malins, aguerris, doués de cette sagesse que l’on réserve d’habitude aux anciens, ils se méfient des cases, des clichés et des étiquettes comme de la peste. De fait, la somptueuse partition de Making Love & Climbing s’est davantage écrite dans l’écrin d’une chambre qu’à l’ombre des statues ou des figures tutélaires de Air, Phoenix ou Daft Punk. Et nos deux compères d’expliquer en cœur : « On croit à une forme de discrétion. Tu ne peux pas constamment envoyer du lourd pour convaincre, c’est une question de libre arbitre. Le mode «Panzer Division», ça n’est pas notre truc. On n’est pas dans la prise d’otage artistique.» Adeptes de la demi-mesure : d’emblée, leur parti pris interpelle autant qu’il surprend. A une époque où il est davantage question de coups marketing, de surenchère et de matraquage en règle, Saint Michel refuse de basculer dans la caricature, prend suffisamment de recul pour permettre toutes les interprétations possibles, choisit de séduire plutôt que de prendre toute la place. Pourtant, il y aurait tout lieu de les assimiler à une version musicale de la série Amicalement vôtre. Philippe : « Emile vient d’une famille de gens de théâtre, athées, de gauche, parisiens, moi d’une famille de militaires de droite, catholiques, versaillais. On ne veut pas de le dire de manière tonitruante, on laisse ça derrière nous, sans être neutres. » Créé en réaction à leur précédent groupe, Milestone (qui n’a jamais atteint son but), il en prend le contre-pied dans le fond comme la forme. Electro plutôt qu’organique, ludique plutôt qu’académique, binôme plutôt que quintette par besoin d’aller droit au but, hybride là où un certain purisme – voire un purisme certain, dominé par l’influence de Radiohead – s’imposait, il en a pourtant conservé une valeur cardinale : l’infinie délicatesse, qui arpente telle un funambule les 13 titres de l’album. Une volonté de ne pas en faire trop, doublée d’une indépendance d’esprit qui marquait déjà de son seau leur premier EP, I Love Japan, sorti au printemps dernier. «On aimerait croire que notre musique suffise à plaire au public, sans artifice» explique le benjamin de ce duo qui a de la sagesse à revendre. Vœu pieu ? Loin de là. En resserrant le point de vue, le groupe voit s’ouvrir devant lui un champ d’expérimentations infini où les cadres établis par Philippe sont bousculés par Emile, où les refrains catchy, fédérateurs, succèdent à des couplets sur le fil et où, parfois, l’autotune sert une certaine autodérision… Leur formation théorique (école d’ingénieur du son pour Philippe, conservatoire de jazz pour Emile), ils l’ont mise de côté au profit d’une quête sensible de la couleur des sentiments et de la mélodie du bonheur. Dixit Philippe : « J’ai commencé le piano à 12 ans, mais je ne sais toujours pas lire la musique. Notre unique leitmotiv, c’est de trouver, à l’oreille, des harmonies dignes de ce nom. Quand on travaille ensemble, je ne me heurte pas à Emile. Il réagit avec ses tripes, comme moi. » Dans ce dédale de cordes (“77”, le département d’une histoire d’amour inachevée), de ritournelles électro-acoustiques (“Ceci n’est pas une chanson”) ou de tubes qui ne demandent qu’à éclore (“Would you stay”, “Sticky”), la langue anglaise, utilisée comme un instrument, un riff ou un slogan, s’impose naturellement quand il s’agit de chanter les filles (“Katherine”, “Lucie”) et les tourments amoureux, dans un kaléidoscope de motifs sentimentaux. Question d’esthétique, d’éducation, et d’un bon goût irréprochable : s’ils revendiquent un amour sans limite pour la musique d’OutreManche, de Nick Drake à Aphex Twin, des Beatles à l’électro la plus pointue, leur pop sentimentale, nostalgique, leur spleen électronique qui vient parfois s’égarer sur le dancefloor ou leurs scies musicales chauffées à blanc évoquent autant Archive que Kavinsky (“Bob”), Air (“Noël Fadded”, “I Love Japan”), Vampire Weekend (“Friends”) ou Empire of the Sun (“Unicorns”). Alex Gopher, cet autre membre éminent de la « Gold List» versaillaise, leur aura encore permis, en mixant l’album, de clarifier leur vision. De ce savant dosage d’influences, de ces entrelacs sonores, de quelques heureux accidents et de centaines d’heures de studios transformés pour l’occasion en terrain de jeu, Saint Michel aura fait de Making Love & Climbing un patchwork de titres en constante évolution, d’une étonnante homogénéité. Mais au fait, pourquoi, ce titre ? «C’est une métaphore de la vie : s’accrocher, tomber, redescendre, rebondir, s’écraser par terre. Nos paroles peuvent ouvrir sur différentes lignes de fuite, différentes interprétations. Même si on en était capables, on n’écrirait pas comme Bob Dylan.»