Genre, sexualité et droits sexuels: vue d`ensemble - Bridge
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Genre, sexualité et droits sexuels: vue d`ensemble - Bridge
G E N R E UNE MISE À JOUR D E E T D É V E L O P P E M E N T ENBREF B R I D G E • N O. 1 8 • J A N V I E R 2 0 0 7 Sexualité DANS CE NUMÉRO: • Genre, sexualité et droits sexuels: vue d’ensemble • Initiative pour le pouvoir des filles au Nigeria • Deux genres : ça suffit? Le Musée du Travesti au Pérou La sexualité peut engendrer beaucoup de souffrances à cause de la violence sexuelle, du VIH/SIDA, de la mortalité maternelle, des mutilations génitales féminines ou encore de la marginalisation de ceux et de celles qui sont en rupture avec les normes, comme les hommes au comportement non machiste, les femmes célibataires, les travailleur(ses) du sexe, les individus ayant des relations sexuelles avec des personnes du même sexe, et les personnes transgenres. Mais la sexualité peut aussi apporter bonheur, assurance, intimité et bien-être. Comment faire en sorte qu’elle apporte plus de bonheur et moins de souffrance ? Ce bulletin En Bref, espère inspirer ses lecteurs(trices) en donnant à réfléchir sur cette question à travers un panorama et des recommandations sur le genre, la sexualité et les droits sexuels, un article sur le programme d’éducation de l’Initiative pour le pouvoir des filles au Nigeria, et un extrait sur le Musée du Travesti et la promotion des droits des transgenres au Pérou. Genre, sexualité et droits sexuels: vue d’ensemble SUSIE JOLLY, B R I D G E , et PINAR ILKKARACAN, Women for Women’s Human Rights ‘T OUT LE MONDE m’avait prévenue ... que les hommes allaient me courir après avec beaucoup d’enthousiasme. C’était donc sur moi que reposait la responsabilité de préserver la moralité des hommes. Les enseignants étaient plus risibles. Ils nous montraient des films effrayants sur les infections sexuellement transmissibles : des vagins béants, infestés par les plaies, ayant une apparence terriblement différente de ce dont j’avais l’habitude. On ne nous disait pas comment cette « transformation » avait eu lieu. Le message sous-jacent était virginité, virginité, virginité : pas pour moi, mais pour le mari qui m’aimerait pour toujours et pour mes parents – lire mon père – qui pourrait alors obtenir tellement d’argent du fameux marié. Everjoice Win, 2004, p.13 Pourquoi les décideurs politiques, les praticiens, et les militants accordent-ils tant d’importance au genre et à la sexualité? Sexualité et genre peuvent se combiner et avoir des conséquences extrême-ment variables sur la vie des gens – entre le bien-être et le mal-être, et parfois entre la vie et la mort. Les idéologies qui prétendent que les femmes doivent être pures, chastes et vierges jusqu’au mariage peuvent mener aux mutilations génitales féminines, aux crimes d’honneur, et à une restriction de la mobilité des femmes, ou de leur participation économique et politique. La pensée qui dit que les hommes doivent être « macho » peut impliquer que la violence sexuelle par les hommes est attendue plutôt que condamnée. Les inégalités de genre et les tabous autour de la sexualité ENBREF 18 • janvier 2007 VUE D’ENSEMBLE Organisation Mondiale de la Santé, Définitions de travail Il existe différentes façons d’appréhender la sexualité et les droits sexuels (pour en savoir plus, voir la Boîte à Outils, plus de détails au dos du bulletin). En 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé a convoqué un groupe régional de différents experts pour établir des définitions de travail. Les résultats sont les suivants : peuvent exacerber la propagation du VIH/SIDA. Par ailleurs, 68 000 femmes meurent encore chaque année à cause d’avortements illégaux (Organisation Mondiale de la Santé, 2005). Dans beaucoup d’endroits, il faut, pour être considéré comme un « vrai homme » ou une « vraie femme », agir à cent pour cent de façon hétérosexuelle, et rester en accord avec les stéréotypes de genre. Ainsi, être lesbienne, gay, bisexuel(le) ou transgenre (LGBT) peut mener à une marginalisation voire à la violence (Samelius and Wagberg 2005). Cependant, si la sexualité a des répercussions relatives à la pauvreté, la marginalisation, et la mort, elle peut aussi engendrer plaisir, épanouissement, bien-être, et peut améliorer les relations humaines grâce à une intimité et un plaisir partagés. En réalité, le sexe peut être le lieu où les femmes échappent aux pressions liées à leur réputation, pour satisfaire pleinement leurs désirs, où les hommes laissent aller leur vulnérabilité en y prenant du plaisir, où les personnes transgenres affirment leur identité avec des partenaires qui les voient comme elles désirent être vues. Comment défier les idéologies de genre dominantes sur la sexualité ? Comment rendre l’épanouissement, le bien-être et le plaisir accessibles à toutes et tous ? Les droits sexuels constituent une solution. Les droits sexuels forment un cadre prometteur parce qu’il a déjà une certaine influence qui a émergé après des années de mobilisation par les activistes de défense des droits au Nord comme au Sud (femmes, lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, transgenres, personnes vivant avec le VIH/SIDA, et travailleurs(ses) du sexe). En outre, un cadre basé sur les droits sexuels peut aider à identifier les liens existants entre les différentes questions de sexualité, et à former une alliance large et diversifiée pour qu’un changement ait lieu. Parmi les droits sexuels, on peut trouver à la fois le droit d’être libéré(e) de toute violence et de toute coercition dans sa sexualité, et le droit d’explorer et de rechercher plaisirs, désirs et épanouissement. Dans les années 90, des accords décisifs sur les droits humains relatifs à la sexualité ont été conclus au sein des Nations Unies à ENBREF 18 • janvier 2007 Sexualité ‘La sexualité est un aspect central, constitutif de la personne humaine tout au long de la vie, et inclut le sexe, les identités et les rôles de genre, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduction. La sexualité se vit et s’exprime dans les pensées, les fantasmes, les désirs, les croyances, les attitudes, les valeurs, les comportements, les pratiques, les rôles et les relations. Alors que la sexualité peut inclure toutes ces dimensions, toutes ne sont pas toujours vécues ou exprimées. La sexualité est influencée par l’interaction de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux, économiques, politiques, culturels, moraux, légaux, historiques, religieux et spirituels.’ Les droits sexuels ‘Les droits sexuels englobent les droits de l’homme qui sont déjà reconnus dans les législations nationales, dans les documents internationaux relatifs aux droits de l’homme et dans d’autres Vienne, au Caire et à Pékin. Depuis, tout un travail sur ces questions se poursuit au sein de différentes instances des Nations Unies. La résurgence actuelle des fondamentalismes religieux, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou hindous, rend toute activité sur les droits sexuels plus difficile. Et les conflits politiques se déchaînent toujours sur des questions qui vont de l’avortement, à l’abstinence, en passant par le travail du sexe. Dans le même temps, des mouvements progressistes s’organisent pour qu’un changement s’opère. Certaines initiatives stimulantes soutiennent les droits sexuels pour les femmes – par exemple, des formations sur les droits humains en Turquie qui incluent un module sur “le plaisir sexuel en tant que droit humain des femmes”, le soutien qui s’organise auprès des femmes célibataires qui n’ont pas la « sécurité du mariage » en Inde, la lutte contre les mutilations génitales féminines à travers la promotion du plaisir au Kenya, ou l’Initiative pour le pouvoir des filles (Girl Power Initiative – GPI) au Nigeria, expliquée ci-dessous. Des actions créatives documents unanimement reconnus. Ceux-ci incluent le droit de chacun(e) de vivre hors de toute contrainte coercitive, discriminatoire et violente et le droit à: • à un niveau maximal de santé en matière de sexe, y compris l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive • à rechercher, recevoir et transmettre des informations relatives à la sexualité • à une éducation sexuelle • au respect de l’intégrité corporelle • au choix de ses partenaires • à décider d’être sexuellement actif(ve) ou pas • à des relations sexuelles avec consentement • à un mariage avec consentement ; • à décider si, et quand, il/elle veut avoir des enfants ; et • à mener une vie sexuelle satisfaisante, sûre et agréable. L’exercice responsable des droits de l’homme veut que toute personne se doit de respecter les droits d’autrui. ’ Organisation Mondiale de la Santé, 2004, Définitions de travail se mettent aussi en place avec les hommes, en tant que partenaires des femmes, de même qu’un travail d’exploration des droits sexuels des hommes eux-mêmes. Les transgenres se mobilisent également, comme le montre le Musée du Travesti au Pérou, présenté dans ce bulletin. De nouvelles alliances qui adoptent une approche intégrée de la sexualité se forment, comme la Coalition pour les droits sexuels et corporels dans les sociétés musulmanes (Coalition for Sexual and Bodily Rights in Muslim Societies), fondée en 2001 et formée de plus de 60 organisations nongouvernementales (ONG), de militants et d’universitaires du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’Asie du Sud et du Sud-Est. Parmi eux, des personnes et organisations qui travaillent sur les droits des femmes, la sexualité, l’éducation, les questions de LGBT, le VIH/SIDA, et la santé reproductive et sexuelle. Le réseau a permis aux gens de voir au-delà des questions qui les préoccupent d’ordinaire, de comprendre les connections existantes avec les autres Initiative pour l (Girl Power Ini thèmes, et d’aller dans le sens de la constitution d’un mouvement commun pour les droits sexuels. Recommandations Les institutions internationales, les gouvernements, les ONGs, les agences de développement, le mouvement des femmes, les militants des droits humains, entre autres, ont un rôle crucial à jouer pour contribuer à améliorer le bien-être sexuel, en soutenant les droits sexuels de la façon suivante : Reconnaître l’importance de la sexualité • Reconnaître l’importance de la sexualité et des droits sexuels dans la vie des gens. • Reconnaître que la sexualité n’est pas seulement une question de santé et de violence. Identifier les liens que la sexualité entretient avec bien-être et mal-être, richesse et pauvreté, intégration et marginalisation, et comprendre le rôle de la sexualité dans les luttes politiques. Adopter une approche intégrée, genrée et positive de la sexualité • Reconnaître les liens entre les différentes questions de sexualité. Soutenir les approches intégrées de la sexualité qui remettent en question le genre, la race, la classe sociale, et les autres structures de pouvoir. • Renforcer les mouvements unitaires de lutte pour les droits sexuels, en soutenant les alliances formées de différents types de groupes tout en s’attaquant aux inégalités de genre et aux autres inégalités au sein-même de ces groupes et entre les groupes. • Adopter une approche intégrée des droits sexuels qui prenne en compte le genre et qui les rende accessibles à toutes et à tous – les femmes auxquelles on ne reconnaît pas ces droits à cause de l’inégalité de genre, les transgenres dont l’existence même peut être ignorée, et les hommes hétérosexuels pour lesquels on pense que tous ces droits sont déjà acquis et qui pourraient estimer qu’ils n’en ont pas besoin. • Aller au-delà du droit à être libéré(e) de toute violence, en défendant des droits plus positifs ainsi que le droit au plaisir. • S’inspirer des initiatives encourageantes qui sont déjà en place et s’associer à elles ! ‘J Plate-forme d’Action de Pékin Paragraphe 96 ‘Les droits fondamentaux des femmes comprennent le droit d’être maîtresses de leur sexualité, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence, et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine. L’égalité entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la sexualité et la procréation, y compris le respect total de l’intégrité de la personne, exige le respect mutuel, le consentement et le partage de la responsabilité des comportements sexuels et de leurs conséquences. ’ La Plate-forme d’Action de Pékin a été adoptée lors de la 4ème Conférence mondiale sur les femmes des Nations Unies, à Pékin, en 1995. Le texte complet peut se trouver sur : http://www.un.org/womenwatch/daw/plat form Cet article résume le Panorama sur « Genre et sexualité » (voir au dos de ce bulletin pour plus de détails). SUSIE JOLLY est Chargée de communication sur le genre à BRIDGE, Institute of Development Studies, Université de Sussex, Brighton, BN1 9RE E-mail: [email protected]. PINAR ILKKARACAN est coordinatrice de Women for Women’s Human Rights–New Ways Foundation, Inönü Caddesi, 37/6 Saadet Apt. Gümüssuyu, 80090, Istanbul, Turkey. Tel.: +90 (212) 251 00 29 Fax: +90 (212) 251 00 65 E-mail: [email protected] Site internet: http://www.wwhr.org EB E CROIS que mon corps m’appartient, je le contrôle et je devrais prendre toutes les décisions.’ Pearl Osakue, femme de 23 ans, sociologue et diplômée de la GPI ‘… avec la GPI, [j’ ai appris] que j’avais des droits…. personne ne mérite d’être violé(e), les hommes et les femmes sont égaux, et personne n’est inférieur à quelqu’un d’autre. J’ai aussi appris à avoir confiance en moi. GPI est un lieu où vous pouvez donner votre opinion ; quelqu’un écoutera et sera prêt à répondre à vos questions …’ Merylyn Okwechime, diplômée de la GPI Aujourd’hui au Nigeria, on met beaucoup de pression sur les filles pour qu’elles aient des relations sexuelles - leurs petits amis, leur paires, ou encore le besoin (service sexuel rendu en échange de biens). Cependant, il existe aussi une forte pression pour qu’elles n’en aient pas – pression des parents pleins d’enthousiasme pour que leurs filles restent vierges jusqu’au mariage, des églises, des enseignants, et des programmes d’éducation en faveur de l’abstinence. Les Etats-Unis, dans leurs programmes d’assistance en matière de VIH/SIDA, font la promotion de l’éducation à l’« abstinence seulement ». La résurgence de doctrines chrétiennes conservatrices dans certaines zones d’Afrique renforce cette tendance. Les tests de virginité sont également réapparus dans certaines régions. Non seulement ils entraînent des risques de santé physique et émotionnelle pour les filles ainsi testées, mais ils sont en plus parfois perçus comme un moyen d’éviter toute infection par le VIH/SIDA, ce qui donne aux gens la fausse impression qu’ils n’ont pas besoin d’utiliser de préservatifs. Les raisons valables qui justifient que les filles ne devraient pas avoir de relations sexuelles ne manquent pas – attraper le VIH/SIDA ou d’autres infections sexuellement transmissibles, tomber enceinte, abandonner l’école, se retrouver dans une situation de pauvreté. Cependant, les risques peuvent être amplement réduits lorsqu’on utilise des préservatifs. Quelles que soient les pressions, certaines filles choisissent d’être actives sexuellement. Au ENBREF 18 • janvier 2007 le pouvoir des filles tiative – GPI) au Nigeria Les filles de la GPI pendant un rassemblement pour soutenir l'éducation sexuelle sein de l’Initiative pour le pouvoir des filles (Girl Power Initiative - GPI), on dit : « Prenez vos propres décisions, mais si vous n’êtes pas prêtes à acheter un préservatif, vous n’êtes pas prêtes à avoir des relations sexuelles ». L’une des leçons que l’on enseigne concerne les préservatifs – la durée de conservation, le stockage, comment vérifier s’ils sont toujours utilisables, comment avoir le courage d’aller en acheter un, etc. Mais les cours couvrent beaucoup plus de sujets que celui du préservatif. Le programme de la GPI s’adresse à des filles de 10 à 19 ans et s’étend sur trois années, avec des sessions de quatre heures toutes les semaines. La formation se compose de modules sur les compétences personnelles, la santé sexuelle, la croissance et le développement humains, la société et la culture, le genre, les droits humains, les relations humaines, la violence basée sur le genre et les compétences économiques. L’approche vise à renforcer le pouvoir des filles plutôt qu’à mettre en valeur leur vulnérabilité, afin qu’elles aient le contrôle de leur vie sexuelle et reproductive et qu’elles se réalisent pleinement en tant qu’individus. ‘Les filles de la GPI ne se cachent pas de leur activité sexuelle ou de leur infection sexuellement transmissible (IST). Elles disent de but en blanc qu’elles veulent faire les tests d’IST, et celles qui ont des partenaires me disent qu’elles veulent s’assurer que leurs partenaires seront traités. Certaines femmes mariées ne peuvent pas dire ce genre de choses.’ Dr Gloria Archibong, Directrice Médicale, Faith Foundation clinic, Nigeria Par exemple, Tina, une fille de la GPI âgée de 17 ans, avait une amie de 16 ans qui avait déjà abandonné l’école après être tombée enceinte. Cette dernière voulait éviter une seconde grossesse et avait donc prévu de prendre une potion à base de plantes. Mais Tina lui a expliqué que les préservatifs empêchaient de tomber enceinte et protégeaient du VIH/SIDA. Elle l’a donc accompagnée au marché pour en acheter. Nous avons également reçu une fille de 13 ans qui a réussi à empêcher sa tante de faire pratiquer une mutilation génitale sur sa fille. L’adolescente de 13 ans a d’abord essayé de parler à sa tante, sans succès. Elle a donc persuadé sa mère et l’a amenée chez sa tante. Sa mère a convaincu la tante d’abandonner son projet. De même, un certain nombre de filles de la GPI ont réussi à empêcher des mariages arrangés pour des filles en payant le prix de la mariée. Les premiers cours de la GPI se sont tenus en 1994 pour 16 filles – nos filles, et BENE MADUNAGU, G P I certaines de leurs camarades de classe. Aujourd’hui, une dizaine d’années plus tard, la GPI concerne plus de 50 000 filles chaque année, à travers différents centres dans quatre états nigérians et des programmes de proximité dans 28 écoles. Par ailleurs, nous produisons une lettre d’information, un programme de télévision et de radio, et nous avons établi un Institut pour le Développement du Genre (Gender Development Institute) qui encourage les débats sur l’égalité de genre parmi les ONG, les enseignants, les fonctionnaires publics, les médias et les politiciens. La GPI a inspiré des responsables communautaires et nationaux qui ont pris position contre certaines pratiques comme les mutilations génitales féminines. L’organisation a également contribué au Curriculum National d’Education Sexuelle du Nigeria (Nigeria’s National Sexuality Education Curriculum), adopté par le gouvernement fédéral en 2000, et se charge actuellement de former les professeurs pour qu’ils le mettent en place. Résultat : les filles ont confiance en elles et s’affirment au sein de leur famille, elles parlent en leur nom et au nom des autres. Nombreuses sont les nouvelles recrues qui viennent de familles qui connaissent les filles de la GPI et qui veulent que nous formions leurs filles pour qu’elles deviennent comme celles de la GPI. BENE MADUNAGU est co-fondatrice et co-coordinatrice de Girl Power Initiative (GPI). National Headquarters/Cross River Centre, 44 Ekpo Abasi Street, P. O. Box 3663, UNICAL Post Office, Calabar, Nigeria. Tel.: +234 (87) 230 929 Fax: +234 (87) 236 298 E-mail: [email protected] Site internet: http://www.gpinigeria.org/ EB ENBREF 18 • janvier 2007 Deux genres, ça suffit ? Le Musée du Travesti au Pérou GIUSEPPE CAMPUZANO, Musée du Travesti ‘I L EST INDISPENSABLE et urgent d’arrêter de laisser guider avec l’idée absurde que seuls deux types de corps possibles existent, femme et homme, inextricablement liés à seulement deux genres, féminin et masculin. Les questions de transexualité et d’intersexualité sont pour nous une priorité parce que la présence, l’activisme et les contributions théoriques des transexuels et des personnes intersexuées nous montrent le chemin à prendre pour établir un nouveau paradigme qui permettra l’existence d’autant de corps, de sexualités et d’identités qu’en souhaitent les êtres humains sur cette terre, et que chaque corps, sexualité et identité soit respecté(e), désiré(e) et célébré(e).’ Commission Internationale des droits humains des gays et lesbiennes, Bureau d’Amérique Latine, 2005, p.7-8 1566 les colons interdisent les identités transgenres Il y a presque 500 ans, les colons espagnols sont arrivés en Amérique Latine et ont pris le contrôle de l’empire Inca. Avant leur arrivée, existait une identité indigène de personnes qui ne se considéraient ni comme des femmes, ni comme des hommes. Les colons ont supprimé cette identité, en punissant ces individus en les flagellant et en les humiliant publiquement. Le terme Travestis est un terme moderne utilisé pour désigner les personnes qui, à travers toute l’Amérique Latine, croisent les genres, les sexes et les apparences vestimentaires, et qui a émergé de cette identité supprimée. Les travestis du 21ème siècle – héritiers de ce qu’il y a de pire dans les rôles de genre Dans les espaces publics, ils sont perçus comme suffisamment masculins pour être battus par les policiers, alors qu’au sein des relations humaines, cela dépend. Parfois les travestis sont perçus comme masculins, quand ils travaillent pour subvenir aux besoins de leur famille; parfois comme féminins, quand ils sont confrontés à la violence, qui vient quelquefois du même cercle familial. Sur le marché du travail, le travail du sexe devient presque l’unique option possible pour eux, à cause de la ENBREF 18 • janvier 2007 discrimination dont ils sont victimes. Cependant, les travestis se mobilisent aujourd’hui pour revendiquer leurs droits et pour élargir leurs possibilités. Le musée du Travesti du Pérou Le Musée du Travesti fait partie de ces initiatives. Je l’ai mis en place en 2004, pour rendre visible la riche tradition historique des travestis, à la fois pour les travestis euxmêmes, et pour le grand public. Le Musée se présente sous forme d’exposition itinérante de productions artistiques et d’éléments informatifs sur les travestis depuis les périodes historiques jusqu’à nos jours. L’exposition a déjà été présentée dans différents parcs, squares, boulevards, marchés, universités, et centres à travers le Pérou. Le 6 avril 2006, deux jours avant les élections nationales, les militants du Musée ont investi une rue très fréquentée à San Isidro, le quartier le plus riche de Lima, pour afficher d’immenses versions imprimées d’articles de presse locale décrivant l’identité travestie, le harcèlement, les assassinats, et la résistance politique des travestis, devant un grand mur couvert d’affiches électorales. Les militants ont parlé aux passants, pour débattre entre autres de la signification du message que la candidate conservatrice à la présidentielle Lourdes Flores transmet pour sa campagne : « Vous êtes une femme, je suis une femme, je ferai des choses pour vous et je les ferai de façon juste » (je paraphrase). En tant que femme riche, éduquée et blanche, de quelles femmes parlait-elle ? Est-ce qu’elle incluait les femmes qui ne font pas partie de l’élite ? Est-ce qu’elle comptait parmi elles les travestis, dont certains se considèrent comme des femmes ? Notre message Le musée ne fait pas que célébrer les travestis – nous avons aussi pour objectif de montrer que le fait de catégoriser tous les êtres humains en tant qu’homme ou femme pose certains problèmes, et pas uniquement pour les travestis. Beaucoup de personnes ne correspondent pas à ces catégories. On peut avoir un appareil génital féminin mais avoir des fesses ou des seins trop petits pour qu’ils soient considérés comme féminins. On peut avoir un pénis mais développer un complexe à cause de la société qui estime qu’il est trop petit pour appartenir à un vrai homme. On peut aussi avoir un corps qui correspond parfaitement aux stéréotypes de la beauté féminine mais avoir envie de vivre comme on attend d’un homme qu’il vive. Les catégories de sexes, de la même façon que celles de genre, sont socialement construites (au moins jusqu’à un certain degré). Comme pour le genre, la socialisation régule et réprime la diversité des sexes. Si l’on remet en question le fait de placer chaque individu dans la case « homme » ou « femme », on peut mettre un terme à l’exclusion des travestis tout en élargissant les possibilités de chacun(e). Les droits des transgenres et le féminisme – une lutte commune ? Les travestis ont hérité de ce qu’il y a de pire dans chacun des rôles de genre et ont besoin de se libérer de l’oppression basée sur le genre. Les travestis et les autres personnes transgenres du monde entier permettent de raisonner autrement sur la pensée conventionnelle du genre et du sexe. Ainsi, la demande de respect des droits des transgenres est inextricablement liée aux objectifs du mouvement féministe. Il est temps de travailler ensemble pour aller audelà des dichotomies limitées qui nous contraignent toutes et tous. Cela pourrait se traduire en pratique par: • La construction d’échanges et d’une solidarité entre les militants transgenres et féministes • Le soutien des droits des transgenres de la part des féministes • Une reconnaissance que les catégories de sexe sont au moins en partie socialement construites, qu’elles peuvent, comme celles de genre, être oppressantes, et qu’elles peuvent changer. GIUSEPPE CAMPUZANO est directeur du Musée du Travesti, Las Begonias 2608, Lima 14, Peru. Tel.: +51 (1) 422 5099 E-mail: [email protected] Site internet: http://www.geocities.com/travestimuseum EB kit actu’ REFERENCES ET LECTURES C O M P L E M E N TA I R E S Genre et Sexualité Commission Internationale pour les droits des gays et des lesbiennes (IGLHRC) (2005) Institutional Memoir of the 2005 Institute for Trans and Intersex Activist Training (Mémoire institutionnel de la formation de 2005 de l’Institut pour le militantisme trans et intersexué) http://www.iglhrc.org/files/iglhrc/LAC/ITIAT-Aug06E.pdf Organisation Mondiale de la Santé (2004) ressources en lien avec la sexualité http://www.who.int/reproductive-health/ gender/sexual_health.html Egalement disponible: Organisation Mondiale de la Santé (2005) Rapport sur la santé dans le monde, 2005 - donnons sa chance à chaque mère et à chaque enfant http://www.who.int/whr/2005/whr2005_en.pdf « Genre et sexualité » Samelius, L. and Wagberg, E. (2005) Sexual Orientation and Gender Identity Issues in Development: A Study of Swedish policy and administration of Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender issues in international development cooperation, (Orientation sexuelle et identité de genre dans le développement: étude de la politique et de l’administration suédoise sur les questions de LGBT dans la coopération internationale) Agence suédoise de Coopération Internationale, ASDI, Document du département de Santé http://www.ilga-europe.org/europe/guide/country_by_ country/sweden/sexual_orientation_and_gender_identity_issues_in_d evelopment exemples de pratiques innovantes et des recommandations kit actu’ En plus de ce bulletin, le kit comprend: • un Panorama, qui fait état des principaux problèmes, donne des • une Boîte à Outils, avec des résumés de nouveaux textes de référence, des études de cas, des outils, des ressources en ligne et les coordonnées des organisations concernées. En bref sera aussi disponible à partir de février 2007 en français, espagnol et portugais sur le site Internet de BRIDGE ou en version papier à BRIDGE. Le Kit actu’ sera quant à lui disponible en français et espagnol. Win, E. (2004) en Sexuality in Africa Magazine (Magazine Sexualité en Afrique), 2004, volume 1 Sites Internet Utiles: Centres de ressources régionaux et nationaux sur la sexualité: Afrique: http://www.arsrc.org/ Amérique Latine: http://www.clam.org.br/publique/cgi/ cgilua.exe/sys/start.htm?tpl=home Asie du Sud et du Sud-Est: http://www.asiasrc.org/index.php Europe: http://www.europeansexuality.eu Etats-Unis: http://nsrc.sfsu.edu/Index.cfm Behind the Mask (Derrière le masque - site Internet africain de LGBT) http://www.mask.org.za Commission Internationale des droits humains des gays et des lesbiennes http://www.iglhrc.org International Network of Sex Work Projects (Réseau de projets sur le travail du sexe) http://www.nswp.org Siyanda http://www.siyanda.org (rechercher ‘sexualité’) Eléments de travail de l’IDS sur la sexualité http://www.ids.ac.uk/ids/particip/research/sexrights.html Merci de prendre note du fait que toutes les adresses Internet sont valides au mois de Novembre 2006. ENBREF Dites-nous ce que vous avez pensé de ce numéro! Email: [email protected] Ou écrivez-nous: BRIDGE, Institute of Development Studies, University of Sussex, Brighton, BN1 9RE, UK Fax: +44 (0)1273 621202 ENBREF 18 • janvier 2007 BRIDGE soutient les efforts déployés dans la sphère politique et sur le terrain en faveur du genre, en termes de plaidoyer et d’intégration transversale, en faisant le lien entre théorie, politique et pratique par une information accessible et variée sur les questions relatives au genre. BRIDGE est un service d’information et de recherche spécialisée sur le genre et le développement et basé à l’Institute of Development Studies (IDS) au Royaume-Uni. Ce numéro d’En Bref a été réalisé grâce au soutien financier de l’Agence suédoise de Coopération Internationale (ASDI). Nos remerciements vont également à l’agence de coopération irlandaise (Irish Aid), à la Direction du Développement et de la Coopération en Suisse (DDC), ainsi qu’au Ministère du Développement International au RoyaumeUni (DFID) et encore une fois à l’ASDI pour leur soutien permanent au programme BRIDGE. © Copyright: Institute of Development Studies 2007 ISSN: 1358-0612 Editeurs: Susie Jolly and Emily Esplen Merci au directeur de BRIDGE Hazel Reeves pour le soutien éditorial et à The Write Effect pour la relecture. Pour plus d’information sur BRIDGE, merci de contacter: BRIDGE, Institute of Development Studies, University of Sussex, Brighton BN1 9RE, UK Tel: +44 (0)1273 606261 Fax: +44 (0)1273 621202 Email: [email protected] Siyanda: base de données exhaustive sur le genre et le développement http://www.siyanda.org/ BRIDGE: téléchargement gratuit de tous nos rapports, y compris les Kits Actu’ http://www.bridge.ids.ac.uk L’IDS est un organisme de charité à responsabilité limitée, inscrite en Angleterre au registre des organisations caritatives sous le numéro 877338.