Les aiguilleurs du ciel de Villeneuve

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Les aiguilleurs du ciel de Villeneuve
JEREMY BROADFIELD/St. Albert Gazette
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Lisa Berthiaume, contrôleure tour à l’aéroport de Villeneuve (à droite) et Paul Tziklas, contrôleur sol, gèrent
ensemble le trafic au sol et dans les airs à l’aéroport. Deux contrôleurs sont toujours de service à la tour tous les
jours.
Les aiguilleurs du ciel de Villeneuve
Par Cory Hare
Rédacteur attitré
L e 8 octobre 2008
À l’aéroport de Villeneuve, la journée s’étire, paisible, ensoleillée et sans vent.
Peu de choses à signaler — de temps en temps, un véhicule klaxonne entre ses va-et-vient, quelques aéronefs
décrivent des cercles au loin, un rare hélicoptère bourdonne à proximité. Voilà un peu ce à quoi on peut
s’attendre d’un petit aéroport de banlieue.
Travailler ici comme contrôleur de la circulation aérienne revient à être en vacances payées, vous direz-vous.
Vous ne pourriez pas être plus loin de la vérité.
La tour
Pour grimper à la terrasse d’observation, il faut gravir 65 marches. Tout en haut, une cabine à 16 faces dotées de
fenêtres teintées et inclinées surplombe les deux pistes situées à l’ouest et au nord. Pour le moment, c’est la
piste ouest qui est en service. Les stores de la moitié est de la tour sont donc baissés et créent une atmosphère
détendue.
Des écrans bas et des affichages numériques surgissent du comptoir de la hauteur d’un pupitre. L’ambiance
feutrée à laquelle s’ajoute une vue panoramique des chaumes, porterait n’importe qui à croire qu’un film IMAX
sur la migration des oiseaux est sur le point de jouer.
Le visage dissimulé en grande partie par de grosses lunettes de soleil de style Hollywood, Lisa Berthiaume gère la
circulation aérienne. De sa bouche, à la façon d’un encanteur, sort un flot ininterrompu de paroles appartenant
au jargon de l’aviation.
« Victor Sierra Oscar, vous êtes numéro deux. Le trafic que vous suivez est en finale à un mille et demi. »
L’écran radar de Lisa Berthiaume affiche cinq cibles en mouvement. Chaque blip montre l’indicatif d’appel de
l’aéronef, son altitude et sa vitesse. Mais l’écran n’est pour elle que secondaire. Elle peut voir chaque aéronef à
travers l’immense baie vitrée devant elle.
Les aéronefs suivent des circuits et effectuent des « posés-décollés » sur la piste avant de décrire un cercle à
trois milles de l’aéroport en préparation à leur prochaine approche.
Le travail de Lisa Berthiaume consiste à assurer l’espacement et le mouvement continu des aéronefs. Pour ce
faire, elle doit connaître les capacités de chacun : sa vitesse ascensionnelle, sa vitesse indiquée et sa maniabilité.
« Vous ne pouvez pas simplement les stationner quelque part et leur dire d’attendre, parce qu’ils ne peuvent pas
arrêter », explique Todd Trischuk, le gestionnaire d’emplacement qui supervise les contrôleurs à l’aéroport de
Villeneuve ainsi qu’aux aéroports international et City Centre d’Edmonton.
« Même si les tâches du contrôleur sont fortement assujetties à des procédures, le contrôleur doit savoir
s’adapter à chaque situation, ajoute Todd Trischuk. Son travail consiste à élaborer un plan et à l’exécuter. Pour y
arriver, il doit avoir une excellente orientation spatiale, savoir fonctionner sous pression et surtout, faire preuve
d’assurance et d’esprit de décision.
« Les contrôleurs prennent possession de l’espace aérien et indiquent aux pilotes où aller. C’est comme ça que ça
fonctionne », continue Todd Trischuk.
« Vous pourriez tout aussi bien parler au pilote d’un 747 comptant à bord 500 passagers, et lui dire par où il doit
passer. Cela représente une responsabilité énorme. Les personnes faites pour ce travail en tirent beaucoup de
satisfaction. »
L’aéroport de Villeneuve ne gère pas de gros porteurs, évidemment. Il s’agit toutefois du principal aménagement
de formation de la région pour les avions légers et les hélicoptères. Voilà qui rend l’endroit tout aussi complexe à
gérer que l’aéroport international ou l’aéroport City Centre d’Edmonton.
« On se retrouve donc avec de nombreux aéronefs d’entraînement pilotés par des gens qui font des manœuvres
inattendues parce qu’ils apprennent, justement, à piloter », explique Todd Trischuk.
Todd Trischuck ajoute que la tour offre des services tous les jours, de 8 h à 21 h. Elle compte neuf contrôleurs
qui, tout comme à l’aéroport City Centre, travaillent habituellement en équipe de deux, les équipes de l’aéroport
international ne comptant qu’un seul contrôleur de plus.
Les contrôleurs en service partagent leurs tâches entre la gestion des aéronefs en vol (contrôle tour) et
l’organisation des mouvements au sol (contrôle sol).
Prendre son envol
NAV CANADA exploite le système de navigation aérienne civile du Canada et recrute des contrôleurs pour ses
41 tours. La Société privée a pris la relève de Transports Canada en 1996.
Pour devenir contrôleurs, les candidats doivent effectuer un examen d’aptitudes disponibles dans le site Web de
NAV CANADA. Les candidats potentiels doivent ensuite se soumettre à un examen plus approfondi, puis participer
à quelques entrevues exigeantes.
Les personnes qui réussissent toutes ces étapes suivent alors une formation en salle de classe d’une durée
d’environ cinq mois. Ces cours sont ensuite suivis d’une formation de plusieurs mois en milieu de travail en
compagnie d’un contrôleur expérimenté. Une fois la formation terminée, le contrôleur qualifié touche un salaire
variant entre 57 000 $ et 123 000 $ par année.
Le travail a la réputation d’être extrêmement stressant, mais Todd Trischuk doute qu’il soit pire qu’ailleurs.
« De toute évidence, ce travail comporte un élément de stress. Vous n’avez pas vraiment droit à l’erreur, dit-il.
C’est pourquoi nous choisissons les personnes dont la personnalité convient le mieux à ce type de travail. »
Étant donné le caractère unique de chaque aéroport, les contrôleurs sont certifiés pour travailler qu’à un seul
endroit à la fois. Comme les pilotes, ils doivent constamment se servir de leurs compétences et les rafraîchir pour
demeurer à jour.
Todd Trischuk ajoute que ce type d’emploi est en plein cœur d’une « bulle baby boomer » et a connu une vague
de retraites au cours des dernières années. NAV CANADA est donc continuellement à la recherche de nouveaux
candidats et les jeunes manifestent toujours un grand intérêt.
« La plupart des gens en font leur carrière. Il ne s’agit pas de compétences qu’il est facile d’appliquer à un autre
domaine », fait-il remarquer.
« Beaucoup de nos contrôleurs ont plus de 30 ans de service, et certains approchent même les 40 ans de
service. »
Un art en soi
Paul Tziklas, 46 ans, un résident de St. Albert, est dans le domaine depuis 25 ans. Au cours de sa carrière, il en
est venu à occuper des postes à Fort McMurray, à Tuktoyaktuk, à High Level, à Hay River et maintenant, à
Villeneuve.
Présentement, pendant son quart, il contrôle la circulation au sol et donne des instructions quasi inaudibles dans
son microphone.
Entre les appels intermittents, il fait le tour de la pièce pour vérifier les affichages et mettre de l’ordre. Paul
Tziklas a suivi sa formation environ un an après avoir terminé ses études secondaires.
« Chaque fois que je passais en voiture tout près d’un aéroport, j’étais fasciné de voir les aéronefs décoller et
atterrir », se rappelle-t-il. »
Il aime son travail parce qu’il le place dans une situation d’autorité qui exige de lui de résoudre des problèmes et
de prendre des décisions.
« Contrôler un aéronef est presque un art en soi », affirme-t-il.
« Vous pouvez passer du contrôle d’un aéronef au contrôle de six et même de sept aéronefs en moins d’une
minute. »
Le travail occasionne du stress, mais Paul Tziklas le perçoit comme un bon stress parce qu’il se sent maître de la
situation.
La Société dispose de groupes de soutien et d’autres programmes pour ceux et celles qui voudraient en
bénéficier. D’autres stratégies efficaces pour diminuer le stress consistent à faire de courtes promenades autour
de la tour, à respirer deux ou trois fois profondément ou à s’adonner à la course avec vigueur après le travail.
Pendant les périodes creuses qu’amène le mauvais temps, les contrôleurs revoient leurs procédures pour
s’assurer qu’elles sont bien à jour. De plus, ils suivent de la formation de recyclage tous les trois mois.
Paul Tziklas prévoit continuer sa carrière tant qu’elle ne deviendra pas un fardeau. Et si un jour elle le devient, il
espère que ce sera alors le moment de prendre sa retraite en tant que contrôleur de la circulation aérienne.
« J’adore ça, dit-il. Je me sens bien chaque jour, quand je retourne chez moi. »
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