Téléchargez ce document (80.7 ko)

Transcription

Téléchargez ce document (80.7 ko)
S TRUCTURES
GOUVERNEMENTALES ET INSTITUTIONS NATIONALES DES DROITS DE L’
HOMME :
EXPÉRIENCES ET PERSPECTIVES
LES INSTITUTIONS NATIONALES DES DROITS DE L’HOMME :
UNE PERSPECTIVE EGYPTIENNE
Ibrahim SALAMA
Directeur des Affaires juridiques
Ministère des Affaires étrangères (Egypte)
L
’expérience égyptienne en matière des institutions nationales des droits
de l’Homme est intéressante à étudier à plusieurs égard. En fait, l’Egypte
a récemment, en juillet 2003, adopté une loi qui crée une institution nationale
des droits de l’Homme, mais l’expérience égyptienne ne date pas de 2003.
En réalité beaucoup d’initiatives ont été prises dans le domaine de la
promotion et de la protection des droits de l’Homme en Egypte sans que de
telles initiatives ne soient toujours qualifiées en tant qu’institutions nationales
des droits de l’Homme.
Un exemple évident est celui du Conseil National de la Femme. Créé il y a une
dizaine d’année, ce Conseil joue un rôle primordial dans le domaine des droits
de la femme. Dans une période relativement courte ce conseil a réussi à
changer le paysage des droits de la femme en Egypte d’une manière radicale
et positive.
Beaucoup de modifications législatives ont été introduites en Egypte dans des
domaines qui affectent les droits de la femme grâce aux efforts, démarches et
initiatives prises par le Conseil National de la Femme.
Ces efforts ne se limitent pas au niveau législatif et ne se contentent pas de
généralités. En effet, le Conseil National de la Femme a introduit en Egypte
pour la première fois une institution d’ombudsman et un système de plaintes
individuelles efficace et largement réparti dans toutes les régions du pays.
C O L L O Q U E
I N T E R N AT I O N A L
–
L E
C A I R E
43
( E G Y P T E ) ,
1 0
E T
1 1
M A I
2 0 0 3
S TRUCTURES
GOUVERNEMENTALES ET INSTITUTIONS NATIONALES DES DROITS DE L’
HOMME :
EXPÉRIENCES ET PERSPECTIVES
Malgré l’expérience pratique relativement courte de telles institutions des
droits de l’Homme en Egypte on peut déjà non seulement en dresser un bilan
positif, mais aussi en conclure des leçons pour l’avenir.
La première leçon dont l’expérience égyptienne est assez significative est celle
qui concerne le lien entre les particularités culturelles et religieuses et
l’universalité des droits de l’Homme. Le statut de la femme constitue une
parfaite démonstration du fardeau et du poids des traditions dans plusieurs
sociétés dont l’Egypte n’en fait pas exception.
L’égalité entre hommes et femmes en matière du divorce a longuement causé
des difficultés et même des souffrances tragiques pour des milliers de femmes
en Egypte en raison de l’abus par les hommes de leur monopole du droit à
rompre le bien de mariage. Quand une solution a été trouvée pour remédier à
cette situation ce fut à partir de la tradition islamique même que cette solution
fut élaborée. Il s’agit là de la loi numéro 1 de l’année 2001, dite la loi du
« KOLH », qui signifie le droit de la femme a divorcer sans devoir invoquer une
motivation précise ni subir la discrétion des juges.
Ce qui nous intéresse et mérite d’être souligné à ce propos est le fait que le
retour aux sources et la recherche dans la tradition islamique a permis
d’atteindre l’objectif souhaité sans se heurter à des obstacles majeurs qui
d’habitude accompagne les solutions perçues comme étant « imposées » de
l’extérieur. Il s’agit là d’un élément fondamental pour la promotion et la
protection des droits de l’Homme, ce que nous appelons la « légitimité
culturelle » des conceptions et des solutions en matière des droits de l’Homme.
Dans cette optique, le rôle institutions nationales des droits de l’Homme prend
toute se dimension. En effet, l’une des idées reçues dans ce domaine limite le
rôle de telles institutions essentiellement au seul champ national. Loin de là,
nous pensons que les institutions nationales de droits de l’Homme peuvent et
doivent jouer un rôle fondamental et fondateur dans la création d’une véritable
et authentique universalité dans les normes des droits de l’Homme. En effet,
une analyse approfondie des données méthodologiques et des dynamiques
politiques du processus de création des normes des droits de l’Homme sur le
plan international laisse planer un doute bien fondé quant à la représentativité
et à l’universalité de plusieurs normes juridiques dans le domaine des droits
de l’Homme.
Une comparaison entre les organes des traités des droits de l’Homme et les
institutions nationales s’impose à cet égard. Les organes des traités prennent
pour point départ un texte international, avec toutes les imperfections
C O L L O Q U E
I N T E R N AT I O N A L
–
L E
C A I R E
44
( E G Y P T E ) ,
1 0
E T
1 1
M A I
2 0 0 3
S TRUCTURES
GOUVERNEMENTALES ET INSTITUTIONS NATIONALES DES DROITS DE L’
HOMME :
EXPÉRIENCES ET PERSPECTIVES
inhérentes à tout processus de négociation diplomatique d’un texte juridique.
Alors que les vues d’une institution nationale émanent de l’expérience vécue
et des valeurs respectées dans une société.
Une deuxième leçon à tirer est que ce véritable développement progressif des
normes des droits de l’Homme se fait dans le pratique, sur le terrain et dans la
tradition d’une société donnée. En effet il y a bien trop de normes, règles et
standards en matière des droits de l’Homme sur le plan international.
Cependant, ce n’est pas toujours un bon indice ni un honnête paramètre de
l’« état des lieux » en matière des droits de l’Homme dans un pays déterminé.
Il faut donc rechercher et retrouver les racines de conceptions et les origines
de coutumes de chaque société en matière des notions de base telles que les
libertés individuelles et les droits de l’Homme.
En matière de droits de l’Homme les manuels servent moins que l’expérience
vécue à travers un dialogue proprement national. Certes le dialogue est
également nécessaire sur le plan international, mais il n’en reste pas moins vrai
que la remise en cause dans ce cadre suscite la critique. Le facteur
international reste important, mais sujet à controverse et, de fait, controversé.
Il y a là une confusion difficile à dissiper entre deux facteurs : la perception
d’ingérence inacceptable, et la réalité de la politisation des notions de droits
de l’Homme et leurs utilisation comme facteur et moyen de politique
étrangère. Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre de ces deux facteurs négatifs sur
le développement des normes des droits de l’Homme, les institutions
nationales risquent beaucoup moins les controverses et les malentendus.
Dans un premier temps les institutions nationales des droits de l’Homme ont
naturellement tendance à se concentrer sur leurs champs nationaux respectifs.
Il n’en reste pas moins souhaitable que cette expérience essentiellement de
nature nationale porte également son fruit international le plus précieux et
manquant : un dialogue authentique et une véritable universalité des normes
des droits de l’Homme, tout les droits, et pour tous les hommes.
C O L L O Q U E
I N T E R N AT I O N A L
–
L E
C A I R E
45
( E G Y P T E ) ,
1 0
E T
1 1
M A I
2 0 0 3