Dépression et stress augmentent le risque d`évènements
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Dépression et stress augmentent le risque d`évènements
Dépression et stress augmentent le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs chez les patients diabétiques. Par Kamel Mohammedi, janvier 2016 ___________________________________________ Source : http://care.diabetesjournals.org Lire : Cummings DM et al. Consequences of Comorbidity of Elevated Stress and/or Depressive Symptoms and Incident Cardiovascular Outcomes in Diabetes: Results From the REasons for Geographic And Racial Differences in Stroke (REGARDS) Study. Diabetes Care January 2016 39:101-109. doi: 10.2337/dc15-1174 Il est actuellement établi que le stress et la dépression nerveuse sont associés à un mauvais contrôle du diabète [1, 2]. Cette association semble être réciproque, où les anomalies métaboliques peuvent également être associées à une aggravation des troubles dépressifs [3]. Dans la présente étude, les auteurs ont évalué l’association entre les troubles dépressifs nerveux et l’augmentation du niveau de stress avec le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs chez des patients diabétiques et nondiabétiques de la cohorte REGARDS (REasons for Geographic And Racial Differences in Stroke). L’objectif principal de cette cohorte a été d’étudier l’impact de différences géographiques et ethniques sur l’incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et l’excès de mortalité lié à l’AVC dans le Sud-Est des USA [4]. Les participants ont été inclus entre janvier 2003 et octobre 2007 et suivis pendant 5 ans. Des entretiens téléphoniques ont été effectués tous les 6 mois, ainsi que des visites à domicile permettant de réaliser des prélèvements sanguins et urinaires, et de collecter les données cliniques. Le diagnostic du diabète a été retenu soit sur la base des données de l’anamnèse (autodéclaration, ou traitement hypoglycémiant), ou sur les résultats de glycémie à jeun ou non à jeun ≥ 1,26 ou 2,00 g/l, respectivement. Le diagnostic de dépression nerveuse a été établi devant un score CESD (Center for Epidemiologic Studies Depression) ≥ 4. Un niveau de stress psychologique a été considéré comme étant élevé devant un score (échelle de mesure du stress de Cohen) ≥ 9. Les critères de jugement étaient l’incidence des AVC, syndromes coronariens aigus (SCA) et décès d’origine cardiovasculaire (DCV). Dans la présente étude, les auteurs ont étudié 22 003 participants après avoir exclu ceux ayant un antécédent d’AVC ou de SCA ou des données manquantes de diabète ou de suivi. Diabète, troubles dépressifs, et niveau élevé de stress ont été rapportés à l’inclusion chez 4 090 (18,6 %), 2 202 (10 %) et 6 132 (28 %) participants respectivement. Les troubles dépressifs et le niveau élevé de stress ont été plus fréquents chez les patients diabétiques en comparaison aux participants non diabétiques (36,8 % vs. 29,5 %). Parmi les patients diabétiques, ceux rapportant des troubles dépressifs ou un niveau élevé de stress, ou les deux troubles psychologiques à la fois, étaient plus souvent des femmes, des Afro-américains, ou issus de famille à faible revenu économique. Ils avaient également des valeurs Société Francophone du Diabète ⎯ Janvier 2016 élevées de CRP-us. L’incidence des évènements cardiovasculaires était deux fois plus élevée chez les patients diabétiques comparés aux sujets non diabétiques. Chez les patients diabétiques, la présence de troubles dépressifs ou de niveau élevé de stress était associée à un risque plus élevé de SCA, AVC et DCV. Tandis que dans le groupe de non diabétiques, le risque élevé d’évènement cardiovasculaire était particulièrement observé chez les patients souffrant des deux troubles psychologiques à la fois. Les associations persistaient dans le groupe de patients diabétiques après ajustement sur des facteurs démographiques, sociaux, économiques et cardiovasculaires. La présence des 2 troubles psychologiques en même temps chez les patients diabétiques était associée à une augmentation du DCV de 115 % en comparaison aux patients diabétiques sans aucun trouble psychologique. Les auteurs ont observé une tendance à l’augmentation du risque de DCV chez les participants nondiabétiques avec un ou deux troubles psychologiques en comparaison à ceux sans aucun trouble (27 % vs. 12 %). Le risque de DCV était plus élevé de 53 % chez les patients diabétiques souffrant d’au moins un trouble psychologique comparés aux sujets non diabétiques sans aucun trouble. Cette étude montre une augmentation du risque d’évènements cardiovasculaires majeurs chez les patients souffrant de troubles dépressifs ou d’un niveau élevé de stress par rapport à ceux qui en sont indemnes. Ce risque est plus marqué chez les patients diabétiques comparés aux sujets non diabétiques. L’augmentation de risque de SCA, d’AVC, ou de DCV était indépendante des autres facteurs de risque cardiovasculaire, démographiques, sociaux et économiques. Le risque élevé d’AVC était identique dans tous les modèles statistiques y compris celui ajusté sur les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels, suggérant l’existence d’autres mécanismes liant ces pathologiques neurologiques. Cette étude montre également un effet additif des troubles dépressifs nerveux et niveau élevé de stress sur les événements cardiovasculaires chez les patients diabétiques et nondiabétiques. Des travaux antérieurs avaient déjà montré l’association de troubles dépressifs et niveau élevé de stress avec les évènements cardiovasculaires [5]. Cependant, les mécanismes physiopathologiques susceptibles d’expliquer ces associations sont insuffisamment étudiés. Certains travaux suggèrent l’implication de la dysfonction endothéliale et l’inflammation de bas grade [6]. D’autres études ont évoqué l’implication du manque d’adhésion aux soins et de l’inobservance thérapeutique dans l’augmentation du risque cardiovasculaire chez ces patients fragiles [1, 7]. Cette large étude prospective intéressante présente quelques limites, particulièrement celles liées à la méthodologie - étude de cohorte non contrôlée, où d’autres facteurs potentiellement confondants n’ont pas été suffisamment appréhendés. Les auteurs n’ont pas pris en considération la durée du diabète qui est susceptible d’influencer les associations étudiées. Enfin, les résultats de cette étude, réalisée dans une population particulière des états du Sud-Est des USA, ne peuvent pas être généralisés de façon systématique à d’autres régions du monde. En conclusion, les troubles dépressifs et le niveau élevé de stress sont associés à une augmentation du risque d’évènements cardiovasculaires majeurs chez les patients diabétiques. Ces troubles psychologiques doivent être pris en considération dans la prise en charge globale du risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques Société Francophone du Diabète ⎯ Janvier 2016 ___________________________________________ Références [1] Gonzalez JS, et al. Depression and diabetes treatment nonadherence: a meta-analysis. Diabetes Care 2008;31:2398– 2403. doi: 10.2337/dc08-1341 [2] Lin EHB, et al. Treatment adjustment and medication adherence for complex patients with diabetes, heart disease, and depression: a randomized controlled trial. Ann Fam Med 2012;10:6–14. doi: 10.1370/afm.1343 [3] Pan A, et al. Bidirectional association between depression and type 2 diabetes mellitus in women. Arch Intern Med 2010;170:1884–1891. doi: 10.1001/archinternmed.2010.356 [4] Howard VJ, et al. The reasons for geographic and racial differences in stroke study: objectives and design. Neuroepidemiology 2005;25:135–143. doi: 10.1159/000086678 [5] Redmond N, et al. Perceived stress is associated with incident coronary heart disease and all-cause mortality in low- but not high-income participants in the Reasons for Geographic And Racial Differences in Stroke study. J Am Heart Assoc 2013;2:e000447. doi: 10.1161/JAHA.113.000447 [6] Plante GE. Depression and cardiovascular disease: a reciprocal relationship. Metabolism 2005;54(Suppl. 1):45–48. doi: 10.1016/j.metabol.2005.01.013 [7] Bonnet F, Irving K, Terra JL, Nony P, Berthezène F, Moulin P. Anxiety and depression are associated with unhealthy lifestyle in patients at risk of cardiovascular disease. Atherosclerosis 2005;178:339–344. doi: 10.1016/j.atherosclerosis. 2004.08.035 Société Francophone du Diabète ⎯ Janvier 2016