Peinture animalière
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Peinture animalière
re Pe in tnuim a l ière a Mermaids. Huile sur panneau, 50 x 30 cm. (Finaliste du International Artist Art Prize Challenge – catégorie « Art animalier », cette peinture a également reçu une mention spéciale au concours international Golden Turtle en Russie en 2015.) J’ai senti une attirance pour le lamantin la première fois que j’ai vu cet animal étrange dans un zoo en Floride, mais ça me faisait de la peine de les voir évoluer dans un si petit espace. Plus tard, j’ai eu la chance de pouvoir les observer en liberté et j’ai décidé d’en faire le sujet d’une peinture. J’étais surtout captivée par la façon dont le mouvement des vagues déformait les reflets, sans nous empêcher d’en voir les détails. Évidemment, le lamantin et son petit sont également un sujet magnifique à eux seuls. Avant de commencer à peindre, j’ai passé beaucoup de temps à les observer dans le zoo pour mémoriser la manière dont ils nageaient ensemble. C De la savane aux prairies verdoyantes de son pays d’adoption, Tanya Achilleos Lock nous fait parvenir des images qui nous touchent au plus profond de notre humanité. Que ce soit un oiseau de nos jardins ou un animal sauvage, il s’en dégage la même présence et une sensation de vie à l’état pur... e n’est peut-être pas anodin que la peintre Tanya Achilleos Lock, qui vit et travaille dans le comté pittoresque du Wiltshire dans le sudouest de l’Angleterre, soit née en Nouvelle-Zélande. En effet, c’est dans ce pays à la riche diversité de faune et de flore qu’elle a découvert sa passion pour l’histoire naturelle, et en particulier pour les oiseaux. Elle a grandi dans la maison de son beaupère, Raymond Harris Ching, où elle s’est imprégnée des œuvres de cet artiste renommé pour ses peintures ornithologiques. C’est avec lui que Tanya a appris les bases de la peinture à l’huile ; ce sont ses encouragements et son approche exigeante l’ont poussée à se perfectionner. L’amour de Tanya pour les animaux, qui se traduit également Tanya Achilleos Lock Portrait Tanya Achilleos Lock est née en Nouvelle-Zélande. Après des études de photolithographie et de graphisme, elle entame une carrière dans la publicité. Installée en Angleterre depuis les années 90, elle est aujourd’hui directrice artistique dans une entreprise multinationale. En 2013, après seulement deux ans consacrés à la peinture de manière sérieuse, Tanya a vu certaines de ses œuvres primées au prestigieux concours BBC Wildlife Artist of the Year. Elle soutient également plusieurs organismes pour la sauvegarde de la nature, dont la fondation David Shepherd et, par le passé, Traffic (le réseau de WWF), à qui elle vient de faire don d’un de ses tableaux. 68 PRATIQUE DES ARTS N° 123 / AOÛT-SEPTEMBRE 2015 par des actions en faveur de leur protection, allié à un sens aigu du détail, donne naissance à des œuvres réalistes dans lesquelles elle ne ménage pas ses efforts pour rendre chaque détail du visage de l’animal. Devant l’une de ses œuvres, on croit entendre le pépiement des oiseaux ou voir le vent caresser les poils du félin qui nous observe... Du sujet, le spectateur devient objet. Parfois l’arrière-plan est moins travaillé pour mettre en avant le sujet, d’autres fois l’artiste peint Here today, gone tomorrow. Huile sur panneau, 80 x 60 cm. (Deuxième place dans la catégorie « Animaux en voie de disparition » de l’édition 2013 du BBC Wildlife Artist.) Au départ, je me suis mis en tête de peindre le rhinocéros à l’échelle, mais j’ai abandonné cette idée quand je me suis rendu compte que je n’avais pas de support assez grand, et aussi parce que j’étais pressée de commencer. J’ai donc pris le plus grand panneau à ma disposition. Mais la prochaine fois, c’est promis, je le réaliserai en grandeur nature ! J’avais aperçu ce jeune rhinocéros lors d’un safari en Afrique et j’ai tout de suite eu envie de le peindre. À cet âge, la corne n’a pas encore poussé, ce qui met pour l’instant le jeune rhinocéros à l’abri des braconniers. The Gift Bearer. Huile sur panneau, 58 x 36,5 cm. AOÛT-SEPTEMBRE 2015 69 re Pe in tnuim a l ière a Giraffe (détail). Huile sur panneau, 51 x 61 cm. chaque motte de poussière et chaque grain de sable ! « J’adore me focaliser sur les petits détails et je commence souvent par l’œil. Si je le réussis, j’ai l’impression que l’animal m’observe pendant que je donne vie au reste de la composition. Quand j’arrive à la fin, j’ai l’impression qu’un rapport s’est créé avec l’animal ou l’oiseau et j’ai du mal à m’en séparer. » LA PHOTOGRAPHIE Souvent, l’étape la plus difficile dans la création de mes peintures est la recherche du matériel de référence. Quand vous êtes en pleine nature, il est très rare d’avoir assez de temps pour dessiner l’animal avant qu’il ne se sauve. Il ne faut pas avoir de complexes concernant l’utilisation de la photo – les plus grands artistes animaliers en font autant. Je préfère prendre mes propres photos et je travaille avec un Canon 550D. J’ai débuté avec un Panasonic Lumix FZ45, qui est un très bon appareil de type « bridge », mais le délai d’attente entre chaque photo était trop long. Quand je pars, j’emmène toujours deux boîtiers, chacun équipé d’un objectif différent. C’est très pratique car on ne perd pas de temps à changer l’objectif en pleine action, et ce n’est pas forcément une extravagance non plus : ça évite de faire rentrer de la poussière dans l’appareil quand je fais un safari, ou des embruns quand je suis en mer. À long terme, on écono- Turaco Treetops. Huile sur panneau, 50 x 72 cm. TANYA ACHILLEOS LOCK (Première place dans la catégorie « Oiseaux du monde » de l’édition 2013 du BBC Wildlife Artist.) Avec cette œuvre, je voulais faire deux tableaux en un. Je m’explique : je voulais que le centre d’intérêt change selon qu’on l’observe de près ou de loin. À une distance de deux ou trois mètres, on peut appréhender et apprécier l’image dans sa globalité. En s’approchant, on prend plaisir à découvrir tous les détails de l’oiseau. « J’ai eu de vrais moments d’inspiration en observant mon sujet dans le viseur de mon appareil photo. » Bringing back the olive branch. Huile sur panneau,61 x 51 cm. mise de l’argent. En général, je monte un objectif 18-300 mm et un 200-500 mm. Je préfère les fichiers RAW qui préservent plus de détails. J’adore voyager pour découvrir les animaux dans leur environnement naturel, mais les meilleurs endroits pour observer les sujets sont souvent les zoos, les réserves naturelles ou les refuges. Il est facile d’approcher les animaux, car ils y sont plus habitués à la présence humaine. J’ai eu de vrais moments d’inspiration en observant mon sujet dans le viseur de mon appareil photo. LA COMPOSITION Je suis une peintre réaliste. Il y a sans doute plusieurs explications à cela. J’ai grandi entourée d’œuvres réalistes, mais j’aime aussi peindre ce que je vois, ou créer une image de ce que j’aimerais voir. Ma carrière dans les arts graphiques m’a permis d’aiguiser mon regard, mais je dois lutter pour ne pas regarder mes peintures comme une image publicitaire destinée à un client. Il y a toujours cette tentation de rogner l’image et de chercher un cadrage très serré, mais ce qui marche dans le design graphique ne marche pas forcément pour la peinture. C’est pour cette raison que je travaille sur des panneaux non standard : je coupe la planche à la taille et au format qui me semble les mieux adaptés au sujet, plutôt que d’adapter la peinture au format de mon support. Mon approche de la composition est assez classique. Je me sers de la règle des tiers et je divise l’image en neuf parties égales à l’aide de deux lignes horizontales et des lignes verticales. Il m’arrive cependant de Bushbuck. Huile sur panneau,42 x 41 cm. Mes couleurs © Lily Achilleos Blanc de titane, orange de cadmium, jaune de cadmium foncé, rouge de cadmium moyen et foncé, oxyde de chrome, outremer (nuance verte) bleu Winsor, bleu de cobalt, bleu de céruléum, noir de Mars et gris de Payne (pour un noir très foncé, je mélange terre d’ombre brûlée et bleu de Prusse), ocre jaune, terre d’ombre brute, rouge clair, garance rouge, violet de Mars, violet de cobalt, violet de dioxazine. Aujourd’hui, je me sers de couleurs Winsor & Newton, dans les gammes Artiste et Alkyde Griffin (pour couvrir les grandes surfaces), mais leur changement de conditionnement me pousse à changer de marque : à cause des nouvelles étiquettes, il est difficile de distinguer les différentes couleurs, surtout quand les tubes sont empilés ensemble. Les nouvelles bouteilles avec un bouchon de sécurité enfant (vernis, médium...) sont aussi très difficiles à ouvrir. Si on ne fait pas attention, le bouchon se trouve collé après plusieurs utilisations. La dernière fois, j’ai pris un scalpel pour ouvrir la bouteille et j’ai failli y laisser un doigt ! Les couleurs Old Holland sont de meilleure qualité, et les étiquettes très lisibles, mais elles sont un peu plus chères. Je mélange chaque couleur avec du liquin ou de l’huile de lin pour qu’elle sèche plus rapidement. Je n’utilise pas systématiquement la gamme Alkyde Griffin car je trouve les couleurs alkydes trop « collantes ». Le liquin rend à la fois les couleurs plus fluides et réduit le temps de séchage, mais la couleur est plus diluée et je dois appliquer plusieurs couches. 70 PRATIQUE DES ARTS N° 123 / AOÛT-SEPTEMBRE 2015 Mothercare. Huile sur panneau, 42 x 41 cm. (Mention spéciale : dans la catégorie « Oiseaux britanniques » de l’édition 2013 du BBC Wildlife Artist.) En 2012, j’avais peint une famille de poules d’eau (The Homemaker) et j’ai réussi à les retrouver l’année suivante. J’ai passé un moment à observer le mâle qui cherchait des insectes et la femelle qui nourrissait les petits. Tout d’un coup, une couleuvre de presque un mètre s’est approchée du nid, sans doute pour croquer les oisillons, mais le mâle l’a chassé. Impressionnée par son courage, j’ai eu envie de peindre la petite famille de nouveau. J’ai rapidement fait une esquisse avant de retourner dans mon atelier. J’ai opté pour un cadrage serré qui attire le spectateur au cœur du sujet. Dans la nuit, il s’est mis à pleuvoir et il a plu sans arrêt pendant plusieurs jours. Le niveau de l’eau est monté et, à mon retour, il n’y avait plus rien. PRATIQUE DES ARTS N° 123 / AOÛT-SEPTEMBRE 2015 71 re Pe in tnuim a l ière a s a p à s Pa Le caneton TANYA ACHILLEOS LOCK La toute première peinture à l’huile de Tanya fut celle d’un caneton. À l’époque, la tâche lui semblait insurmontable, mais en suivant pas à pas l’exemple de son beau-père, elle a réussi. Nous présentons ici une démo que se destine tout particulièrement à tous ceux qui souhaitent commencer la peinture animalière... Skomer Island. Huile sur panneau, 50 x 72 cm. 1 Pour réaliser la photo idéale, il faut trouver un petit caneton et patienter jusqu’à ce que sa position convienne pour votre composition. Les petites ondulations à la surface de l’eau sont très importantes, ainsi que des reflets dans des tons clairs et quelques tons moyens et foncés pour que l’eau soit réaliste. Une fois la photo prise, faites quelques esquisses. 72 ou du liquin qui, par leurs propriétés siccatives, accélèrent le séchage. Par conséquent je dois travailler très rapidement. Une fois l’œuvre finie, je la laisse sécher deux semaines avant de la vernir avec un vernis satiné de chez Winsor & Newton. Propos recueillis par : Simon Thurston. PRATIQUE DES ARTS N° 123 / AOÛT-SEPTEMBRE 2015 2 Dessinez les contours de l’oiseau à l’aide d’un crayon (3B ou 4B). Je conseille à mes stagiaires de dessiner le plus de détails possibles, même si ce n’est pas forcément ce que je fais. Passez ensuite une couche de Liquin Original et laissez sécher entre 24 et 48 heures. L’avantage de ce médium est qu’il facilite les corrections. Par exemple, si vous n’êtes pas satisfait de votre choix de bleu pour l’eau, il suffit d’essuyer les couleurs et de recommencer. Mon matériel Le support Je peins sur un panneau de fibres à densité moyenne (MDF) sans acide. Ce matériel est bon marché et facile à découper pour obtenir le format que je désire. Il faut l’enduire avant de l’utiliser : j’ai un stock de panneaux déjà coupés et apprêtés avec du gesso. Le chevalet J’ai un chevalet magnifique de la marque Mabef, qui appartenait à mon beau-père. Mon mari l’a trouvé un jour quand nous aidions ma mère et mon beau-père à ranger la cave. Il était cassé et avait besoin d’un bon coup de papier de verre, car Ray y avait littéralement peint des centaines de tableaux et le chevalet avait fait plusieurs fois le tour du monde. Mon mari l’a réparé et Mabef nous a même envoyé gratuitement une pièce qui était cassée. Je l’adore et je pense sérieusement à demander que l’on m’enterre avec ! En matière d’éclairage, j’y clipse une lampe pour chevalet à lumière du jour de la marque Daylight. 3 © Lily Achilleos LE PROCESSUS Je travaille à plein temps, donc pour mener de front ma carrière de peintre, mon activité professionnelle et ma vie de famille (je suis mère de trois enfants), je dois être très disciplinée. Je travaille tous les soirs de 19 h à 21 h. En général, je passe ainsi un mois sur une peinture. J’aime écouter des livres audio en peignant. Je reste extrêmement concentrée, presque en transe, tout en écoutant l’histoire : si celle-ci me plaît, la peinture se passe d’autant mieux et les deux heures passent sans que je ne m’en rends compte. Je peins sur un panneau de MDF que j’enduis auparavant de deux ou trois couches de gesso blanc. Je ponce la surface entre chaque couche pour enlever toute trace des coups de pinceau et pour obtenir la surface la plus lisse possible. Je commence souvent par des croquis (que je ne garde pas). Lorsque je suis prête, je fais mon dessin préparatoire à l’aide d’un crayon 2B ou 3B. Une fois que je suis satisfaite du dessin, j’applique une couche d’un médium à peindre, du liquin, pour qu’en cas d’erreur, il soit facile de retirer la couleur et retrouver le dessin initial. Quand je peins, j’ai la main pleine de pinceaux ronds, chacun chargé d’une couleur différente. Comme vous pouvez le voir, je procède centimètre carré par centimètre carré à travers mon support. À chaque nouvelle couleur, je trempe mon pinceau dans de l’huile de lin © Lily Achilleos déroger à cette règle et de choisir un cadrage plus serré pour mettre en valeur le visage et les yeux. Coupez un panneau de MDF (d’une épaisseur de 5 mm) aux dimensions souhaitées. Pour un tel sujet, je vous conseille de choisir un grand format ! Cela permet de renforcer l’impression de solitude et de vulnérabilité du caneton. Passez trois couches de gesso acrylique blanc et poncez légèrement la surface entre chaque couche. Laissez sécher pendant environ 12 heures. Identifiez le ton le plus clair dans l’eau et faites un passage de cette couleur sur toute la partie aquatique. Ne vous inquiétez pas si vous dépassez sur le dessin du caneton – ça vous aidera à fondre le sujet dans l’arrière plan. Selon votre photo de référence, cette couleur pourrait être un vert pâle ou un bleu-vert. Ici, j’ai appliqué un mélange d’outremer (nuance verte), d’ocre jaune avec une touche de noir et un peu de blanc de titane. Faites néanmoins attention de ne pas cacher votre dessin, car sans ces traits pour vous guider, vous n’aurez plus de feuille de route. Si vous le souhaitez, vous pouvez appliquer une couche de terre d’ombre brûlée sur l’oiseau. Laissez ensuite sécher pendant 24 heures. 4 Les pinceaux Mes pinceaux vont de la taille 00 pour les petits détails jusqu’à 6 pour les plus grandes surfaces. Je me sers de pinceaux à aquarelle très fins qui ne résistent pas très longtemps à la peinture à l’huile – j’en suis donc une grande consommatrice. Pour de très grandes zones, comme les étendues d’eau, j’ai recours à un pinceau plat en soie de porc « Series C » de la marque Pro Arte. « J’aime écouter des livres audio en peignant. Je reste extrêmement concentrée tout en écoutant l’histoire : si celle-ci me plaît, la peinture se passe d’autant mieux. » Passons maintenant à la partie la plus difficile : les yeux. Il faut procéder en deux étapes. Commencez par la pupille (mélangez de la terre d’ombre et du bleu de Prusse pour obtenir un noir profond) et travaillez vers l’extérieur. Je dilue mes couleurs avec de l’huile de lin pour qu’elles soient plus fluides et qu’elles sèchent plus vite. L’avantage, c’est que nous pouvons passer une deuxième couche de couleur dès le lendemain. Après les yeux, on s’attaque au plumage. J’ai utilisé de la terre d’ombre brûlée, du noir de Mars, de l’ocre jaune et du blanc de titane pour les plumes les plus sombres et du jaune de Naples, du blanc de titane, du noir de Mars et une touche de jaune de cadmium pour les plumes jaunes. Duckling. Huile sur panneau, 60 x 42 cm. 5 Pour finir l’eau, posez les ombres. Ajoutez la terre d’ombre et le noir de Mars à un mélange d’outremer (nuance verte) et d’ocre jaune. Pour les lumières, faites scintiller les vaguelettes avec une touche de blanc de titane pur, et pour une dernière touche, un petit trait de blanc dans l’œil de l’oiseau le fera briller. C’est fini, vous pouvez signer votre toile ! 6 Comme l’utilisation de liquin ou d’huile de lin accélère le séchage, vous pouvez vernir votre peinture après deux mois. Le vernis fait ressortir les couleurs. N’oubliez pas de choisir un cadre adapté. Je serais heureuse de recevoir une photo de l’œuvre finie et, si vous avez envie de progresser, pourquoi ne pas assister à l’un de mes stages !