Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE
Transcription
Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE
Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard LES PRATIQUES PRÉADOLESCENTES AU COLLÈGE DU POINT DE VUE DU CPE : L’EXEMPLE DU VÊTEMENT Caroline GIRARD étudiante en Master MÉEF, spécialité 2, parcours 1, 2011-2012 Résumé : Comment s’habillent les préadolescents ? Cette interrogation est symbolique de l’entrée des pratiques juvéniles au sein des établissements scolaires et des questions que cela engendre chez les professionnels de l’éducation et notamment chez les CPE. C’est la raison pour laquelle j’ai tenté d’y répondre au cours de mes recherches en M1 et M2. Pour cela, j’ai analysé les pratiques vestimentaires des préadolescents, avant de chercher à comprendre comment les professionnels de l’institution scolaire les voient. Enfin, j’ai tâché de dégager de cette analyse des pistes éducatives pour appréhender ces pratiques propres aux élèves de collège. Mots-clés : préadolescence, pratiques vestimentaires, collège, CPE. Introduction que CPE (et donc en tant que professionnel de l’éducation) on peut considérer les pratiques Actuellement CPE stagiaire, mes recherches de M1 en sciences de l’éducation et de M2 vestimentaires des collégiens et les intégrer dans une réflexion professionnelle. MÉEF spécialité « éducation et encadrement »1 Pour cela, j’ai dans un premier temps cher- ont eu pour objet de dégager des pistes de ché à mieux comprendre les élèves de collège, réflexion pour mieux comprendre les collé- en les considérant dans leur globalité à travers giens et leurs pratiques culturelles à travers un une dénomination moins connotée scolairement exemple précis : le vêtement. que celle de « collégiens », et en cherchant à comprendre quelles sont leurs pratiques vestimen- En effet, de nombreux débats animent les taires. J’ai donc recueilli des données théoriques discussions entre professionnels, mais aussi la mais aussi empiriques. Ces dernières sont issues société. Les phénomènes des lolitas, la mode, le d’entretiens longs que j’ai menés auprès de col- port des casquettes sont autant de sujets qui ont légiens de tous les niveaux, par groupes de 3 ou fait naitre des interrogations au sein de l’institu- 4. Puis, j’ai cherché à comprendre comment ces tion scolaire sur l’impact de ces pratiques collé- pratiques culturelles particulières sont considé- giennes. J’ai donc cherché à comprendre pour- rées par les professionnels de l’éducation, afin quoi les vêtements avaient autant d’importance de dégager des réflexions qui puissent ouvrir des pour les collégiens, mais aussi comment, en tant pistes éducatives notamment pour les CPE. 1 Sous la direction de Nathalie Dupont. 37 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard 1. Comment qualifier les élèves de collège ? d’indépendance rencontré à l’adolescence. Julie Delalande, Laurence Filisetti et Nathalie Dupont indiquent que cet âge de la préadolescence cor- La question de savoir comment qualifier les respondrait plus ou moins à la période de scola- collégiens de manière globale sans les réduire risation en collège, période propice à l’autono- à leur rôle d’élève a été soulevée par plusieurs mie rencontrée à la préadolescence (Delalande, chercheurs. Selon Marcel Gauchet, il existe dif- Dupont, Filisetti, 2010). férents âges de la vie : l’enfance, l’adolescence et la jeunesse (Gauchet, 2004). L’adolescence Ainsi, le terme de préadolescent semble aurait gagné en importance suite à de nouvelles être le plus adapté pour citer les collégiens en données sociales telles que l’allongement de la incluant leur vie extrascolaire, le préadolescent vie. Olivier Galland complète cette analyse en étant celui qui fait preuve de plus d’autonomie distinguant l’adolescence de l’enfance en terme que l’enfant encore dépendant, mais aussi celui d’indépendance vis-à-vis des parents. Cependant qui ne dispose pas encore de l’indépendance de celle-ci reste incomplète puisque l’adolescent l’adolescent. David Le Breton définit la préado- est matériellement dépendant de ses parents lescence comme « une période culturellement (Galland, 2010). L’adolescence apparait donc et socialement spécifique ; elle précède l’en- comme un âge au cours duquel on s’éloigne de trée dans la vie et se traduit par un va-et-vient ses parents et du modèle adulte. Mais Hervé entre la turbulence et la construction de soi » Glévarec précise qu’il s’agit davantage d’un (Le Breton, 2008). temps pendant lequel se ferait l’apprentissage de l’autonomie que d’un âge opposé à celui de l’adulte (Glevarec, 2010). L’adolescence ne serait donc pas vraiment une période de rébellion, mais 2. Les pratiques vestimentaires des préadolescents de construction de soi. Le préadolescent se positionne donc Si le terme d’adolescent semble alors comme un acteur social à part entière, avec des convenir pour qualifier les élèves de collège, marqueurs sociaux qui lui sont propres, et en in- Marcel Gauchet précise que l’adolescence a teraction avec les autres acteurs sociaux. Aurélie tendance à connaitre une « déconstruction » Maurin évoque le fait qu’en accédant à de nou- (Gauchet, 2004). Si Gauchet parle d’un âge de velles compétences physiologiques, cognitives et puberté qui précéderait l’adolescence, Hervé comportementales les préadolescents investis- Glévarec préfère au terme de puberté celui de sent de nouveaux objets auxquels ils accordent préadolescence qui semble moins restrictif (Glé- une valeur érotique, affective, intellectuelle ou varec, 2010). Cet âge de la préadolescence se sociale (Maurin, 2010). On constate en effet que définirait par un gain d’autonomie par rapport les préadolescents utilisent certains aspects ma- à l’enfance, sans pour autant atteindre le niveau tériels de la société contemporaine comme marqueurs générationnels. Le vêtement apparait 38 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard comme l’un de ces marqueurs, ce que Glévarec pouvoir faire comme tout le monde. Parce que tu explique par le fait que « la culture matérielle regardes, à part deux ou trois, il n’y a pas beau- des jeunes est un élément central de leur iden- coup de gens bizarres. Tu vas être mal-aimé si tu tité » (Glévarec, 2010, p. 36). Les préadolescents es différent. » (Laïla, 5e). Cette volonté semble investiraient donc massivement l’univers vesti- surtout très marquée chez les préadolescents mentaire, mais de façon réfléchie et construite. les plus jeunes. Les collégiens de 6e et 5e insis- Ils utiliseraient le vêtement pour exprimer qui tent sur leur envie de se fondre dans la masse, ils sont, c’est-à-dire des membres d’un groupe d’être intégrés par leurs pairs : « au collège, tout d’âge particulier mais avec une identité propre et le monde veut à peu près se ressembler, rentrer qui maitrisent des codes qui leur appartiennent dans... Une norme. » (Laïla, 5e). Cette intégra- (Mardon, 2010). tion passe par l’apprentissage et la maitrise des codes vestimentaires propres au groupe préado- Les pratiques préadolescentes sont effec- lescent. tivement très codifiées et utilisent de manière précise les aspects marquants de la société. Mais pour affirmer son appartenance au Ainsi, les marques et la mode font partie inté- groupe d’âge, le préadolescent semble aussi grante de la façon dont les préadolescents uti- vouloir se différencier des autres âges de la vie, lisent les vêtements. Hervé Glévarec situe le pic et notamment de l’enfance et de l’âge adulte. d’intérêt pour la mode entre 11 et 14 ans, c’est- Caroline Lebrun aborde notamment la volonté à-dire pendant la période de la préadolescence qu’a le préadolescent de se démarquer de l’âge et de la scolarisation en collège (Glévarec, 2010). de l’enfance en évitant de porter des vêtements Pour Dominique Houssonloge, cette importance qui y sont apparentés (Lebrun, 2005). Certaines des marques et de la mode chez le préadolescent couleurs trop voyantes peuvent ainsi rappeler est telle qu’il serait devenu une cible de choix aux préadolescents le monde de l’enfance, à tel pour les marques (Houssonloge, 2010). Mais si point qu’ils se moquent de ceux qui les portent les préadolescents sont visés par les publicités en les affublant de noms qui rappellent les préfé- et les marques, ils n’en sont pas pour autant to- rences des enfants : « tu vas pas mettre des trucs talement victimes. rose pétant, jaune canari […] c’est l’affiche ! On dirait un Pokemon ! » (Laïla, 5e). Les préadolescents semblent d’abord chercher dans la façon dont ils utilisent les vêtements Mais plus le préadolescent se rapproche de à se fondre dans la masse de leurs pairs. Pour l’âge de l’adolescence, plus il gagne en autono- Caroline Lebrun, c’est « parce qu’il est habillé en mie et cherche à s’individualiser, y compris dans [pré]adolescent qu’un [pré]adolescent est [pré] ses tenues vestimentaires. Le plus important adolescent » (Lebrun, 2005). Le vêtement per- n’est plus seulement de montrer son apparte- mettrait au préadolescent de montrer son ap- nance au groupe de pairs, mais aussi d’affirmer partenance au groupe de pairs et donc d’affirmer sa propre personnalité à travers ses vêtements. son identité préadolescente : « au collège, il faut Pauline Beyou explique que le vêtement 39 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard permettrait aux préadolescents d’exprimer des les normes » (Anna, 5e). Mais les préadoles- états, des sentiments et de se construire une cents doivent également être capables d’affir- image qui corresponde à ce qu’ils ressentent et mer leur personnalité sans pour autant paraitre à ce qu’ils sont (Beyou, 2010). Maxence en est différents : « au collège, ce qui a changé, c’est le un exemple : « je préfère m’aimer moi et pas regard. Le regard qu’ont les autres. Si tu es mal plaire aux autres que... Pas m’aimer et plaire aux habillé, les gens vont moins venir vers toi. C’est autres. » (Maxence, 3e). Lors de mes recherches, moins facile de s’intégrer » (Anna, 5e). C’est la rai- les élèves de 4e et surtout de 3e (et donc les pré- son pour laquelle il est important de ne pas sem- adolescents les plus âgés) ont davantage insisté bler bizarre : « je crois qu’il n’y a pas beaucoup sur la volonté de s’affirmer en tant qu’individu de gens bizarres. Tu vas être mal-aimé si tu es que les 6es et 5es. C’est le cas de David : « Les plus différent » (Laïla, 5e). jeunes que nous, ils s’habillent avec des trucs extravagants. Moi c’est qu’à partir de la 4e que j’ai S’ils ne parviennent pas à maitriser toutes commencé à prendre soin de mon apparence » les subtilités des codes vestimentaires de leur (David, 3e). Il semble que plus il maitrise les codes groupe d’âge, les préadolescents s’exposent à vestimentaires de son groupe d’âge, plus le pré- des formes de violence multiples, dont les plus adolescent peut jouer avec et s’émanciper pour courantes sont les moqueries et l’isolement : « il affirmer progressivement sa personnalité à tra- y a un peu deux sortes de gens. Il y a ceux qui vers son apparence et sa façon de se vêtir. C’est sont bien habillés, qui ont... Genre connus ! Po- également l’occasion pour lui de transmettre ces pulaires : et d’un autre côté, t’as tous les... Tous codes à ses cadets en les initiant aux pratiques les gens à qui personne ne parle, qui sont dans préadolescentes comme Annabelle qui guide leur coin, et justement, c’est ces gens-là, heu... son petit frère : « avant il s’en foutait, et puis Qui sont souvent pas très bien habillés » (Sonia, maintenant que je prends soin de mes habits, 5e). Mais il peut aussi s’agir de regards réproba- du coup il suit. Et donc du coup quand il va faire teurs lorsque les tenues semblent inadaptées au les magasins avec ma mère il m’emmène aussi. » groupe d’âge : « au collège, les gens te regardent (Annabelle, 3e). beaucoup plus » (Sonia, 5e). Ce à quoi Charline ajoute : « si tu es mal habillé, ils te regardent bi- Mais si les pratiques vestimentaires préa- zarre ! » (Charline, 5e). dolescentes sont très codifiées, lorsqu’un préa- 40 dolescent ne les applique pas, il peut être victime Le vêtement est donc un moyen de mon- de nombreuses violences plus ou moins visibles. trer son appartenance au groupe de pairs, mais Les préadolescents doivent effectivement trou- c’est aussi le moyen pour le préadolescent de ver le juste milieu afin de n’être ni trop ni trop s’approprier un corps en pleine puberté. Selon peu : il ne faut « pas mettre de trucs trop courts » Pauline Beyou, le vêtement permettrait de faire (Tom, 5e), ne pas mettre « des tenues trop dé- le deuil du corps d’enfant et de s’approprier nudées » (Émilie, 6e), certains veulent « grandir l’image inconnue renvoyée par les transforma- trop vite » (Anna, 5e). Bref, il faut « rester dans tions corporelles liées à la puberté (Beyou, 2010). Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard Catherine Joubert et Sarah Stern expliquent jours compatibles avec les attentes de l’école. ainsi que le fait de laisser apparaitre un sous- Sylvie Octobre évoque une modification dans le vêtement permettrait de signifier sa sexualité rapport à la culture des jeunes générations nées (Joubert, Stern, 2005). Le rapport au vêtement dans un univers où l’accès à la culture, à l’informa- est ainsi étroitement lié au rapport au corps, ce tion et au savoir est numérique2 (Octobre, 2009). qu’on peut observer chez les préadolescents Pour Octobre, cela a notamment entrainé une qui connaissent des modifications corporelles désinstitutionnalisation qui met à mal l’autorité marquantes. des institutions de transmission, parmi lesquelles l’école. Celle-ci doit faire face à d’autres modes Si de prime abord on peut penser que les de transmission, et notamment la transmission habitudes vestimentaires préadolescentes ne horizontale entre pairs. Or, en ce qui concerne sont pas réfléchies, elles sont en réalité très le vêtement, la transmission des pratiques chez étudiées et répondent à des codes précis. les préadolescents est essentiellement faite par Cependant, à travers ces pratiques, on décèle les pairs. On peut alors se poser la question de la des violences qui peuvent être plus ou moins cohérence d’une intervention de l’école dans ces visibles, mais qui peuvent être particulièrement pratiques vestimentaires. Pourtant, l’institution angoissantes pour les préadolescents qui font prend position de manière visible sur ce sujet, alors très attention à la façon dont ils se vêtis- notamment dans les règlements intérieurs. sent. Aurélia Mardon évoque ainsi le groupe de pairs comme une vraie contrainte pour le préa- Il paraissait donc intéressant de rencontrer dolescent dans le cas des pratiques vestimen- ces professionnels de l’éducation pour analyser taires (Mardon, 2010), ce que mettait en avant le regard qu’ils portent sur ces pratiques propres Dominique Pasquier chez les lycéens (Pasquier, aux élèves, mais aussi pour comprendre pourquoi 2005). Ces violences entre pairs peuvent égale- ils s’intéressent à des pratiques qui ne relèvent ment s’accompagner d’une image négative de pas directement du cadre scolaire. Pour cela, j’ai soi lorsque le préadolescent ne parvient pas à étudié deux types de données : les règlements s’approprier l’image de son propre corps. Il im- intérieurs de huit collèges, afin d’avoir une vision porte alors de s’intéresser à la façon dont les objective de la considération de l’institution en- adultes des établissements scolaires perçoivent vers les pratiques vestimentaires des préadoles- les pratiques vestimentaires préadolescentes. cents, et j’ai réalisé des entretiens longs avec des assistants d’éducation, un principal et deux CPE, dans différents collèges. L’analyse que j’ai faite 3. Le regard des professionnels sur les pratiques vestimentaires des préadolescents de ces entretiens s’est principalement appuyée sur les entretiens avec les CPE, puisque le but de mes recherches étaient de tirer des pistes édu- L’institution scolaire semble méfiante vis- catives pour les CPE dans leur travail quotidien à-vis des pratiques préadolescentes, d’autant avec les préadolescents. plus que ces dernières ne semblent pas tou- 2 Elle les appelle les digital natives. 41 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard 42 L’analyse des règlements intérieurs a per- C’est d’ailleurs parce qu’il est difficile de mis de vérifier que l’institution scolaire s’exprime savoir comment agir en tant qu’éducateur face au sujet des pratiques vestimentaires préadoles- à des pratiques vestimentaires qui ne dépen- centes. En règle générale, ces pratiques sont évo- dent pas de l’école, mais qui interfèrent dans les quées comme inadaptées au sein d’un établisse- relations entre les élèves que les professionnels ment, et sont donc proscrites. En ce qui concerne de l’éducation s’interrogent sur ce phénomène. les vêtements, les interdictions concernent cer- Les adultes sont effectivement inquiets de voir taines tenues. On compte parmi celles-ci les te- les élèves utiliser des codes qu’ils semblent, du nues trop connotées religieusement, puisque point de vue de l’adulte, ne pas maitriser et qui l’obligation de laïcité dans les établissements entraine de vrais problèmes relationnels entre scolaires publics stipule que « dans les écoles, les les élèves. collèges et les lycées publics, le port de signes ou Pour les professionnels de l’établissement tenues par lesquels les élèves manifestent une scolaire, la préadolescence est un âge au cours appartenance religieuse est interdit »3. Mais les duquel il existe un décalage entre les aspirations règlements intérieurs font aussi référence aux des élèves et leur développement physique et tenues « inadaptées » et « provocatrices » qui ne psychique. Ce décalage serait même au cœur de sont pas les bienvenues. Cependant, lorsque les la préadolescence qui serait cet âge de la vie où règlements intérieurs évoquent ce type de te- les jeunes « voudraient avoir déjà les avantages nues, c’est toujours de manière très floue et sans de l’adolescence sans en avoir les aptitudes, précision. Aurélia Mardon analyse ce flou comme c’est-à-dire pour certains traits de leur caractère, la preuve que l’institution scolaire ne représente de la psychologie, ils sont encore dans l’enfance » pas un frein réel aux pratiques vestimentaires (Sabine, CPE). Ce décalage se ressentirait dans la préadolescentes (Mardon, 2010). Ce qui relève façon dont les préadolescents s’habillent. Les de l’inadaptation ou de la provocation reste donc collégiens portent alors parfois des vêtements à l’appréciation de chacun ce qui, selon certains jugés inadaptés à leur âge par les éducateurs, enquêtés, est la raison pour laquelle il est dif- sans avoir conscience de la signification de leur ficile de mener une intervention éducative au- tenue vestimentaire, et notamment la connota- près des élèves sur leurs comportements vesti- tion sexuelle. En effet, ce qui inquiète les édu- mentaires en n’utilisant que les prescriptions du cateurs, c’est la dimension sexuelle véhiculée règlement intérieur. Cette difficulté est soule- par certaines tenues vestimentaires portées par vée par les enquêtés : « avec les beaux jours, on les préadolescents. Sabine évoque le fait que nous avait demandé de reprendre les élèves sur certains ne mesurent pas « jusqu’à quel point leur tenue vestimentaire, et on ne le fait pas for- c’est sexy, jusqu’à quel point c’est tendancieux, cément parce que si on se base sur le règlement jusqu’à quel point ça donne une image d’eux qui intérieur, on n’en a pas les moyens » (Jérôme, est fausse par rapport à ce qu’ils sont en réalité » AED). (Sabine, CPE). C’est une fois de plus ce décalage 3 Extrait de la loi 2004-228 du 15 mars 2004, article entre l’effet voulu et l’effet obtenu qui pose L141-5-1 du code de l’Éducation. question, et notamment chez les jeunes filles Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard pour lesquelles les mini-jupes et les décolletés poser problème, comme le fait remarquer Denis : sont souvent évoqués pour illustrer une hyper- « un garçon en short, ça ne choque personne ! féminisation à un âge auquel ce n’est pas adapté. Une fille en short... ça choque. Ça pose question L’inquiétude nait alors chez les éducateurs quant quand même, mine de rien » (Denis, CPE). Denis aux comportements que de telles tenues peu- met ainsi en avant une situation récurrente dans vent provoquer, surtout de la part des garçons. le discours des éducateurs : les problèmes ves- Sabine continue ainsi : « les filles, elles peuvent timentaires évoqués sont principalement fémi- s’habiller de certaines façons qui vont attirer le nins, contrairement aux attitudes parfois provo- regard des garçons plus grands qu’elles, qui vont cantes des garçons, notamment ceux qui laissent avoir envie de choses vis-à-vis d’elles parce qu’ils apparaitre leurs sous-vêtements : « les garçons, se sentent attirés, parce qu’ils se sentent excités ça va, c’est juste leur mode où on voit leur cale- par elles et par leur look » (Sabine, CPE). Cette in- çon, c’est tout » (Charlotte, AED). Cette minimi- quiétude vis-à-vis d’une sexualisation de l’image sation apparait comme le signe d’une discrimi- de soi interroge directement sur le rapport au nation sexuée liée aux pratiques vestimentaires corps qu’ont les préadolescents. De manière plus des préadolescents. globale, les éducateurs se posent la question du rapport que l’école entretient avec l’image du Mais s’il existe des discriminations sexuées corps : « l’école... Ce n’est pas qu’elle nie le corps, autour des pratiques vestimentaires préadoles- mais... On a quand même un rapport au corps qui centes, les éducateurs sont également inquiets est compliqué. L’école a un rapport très compli- des discriminations sociales qu’elles peuvent qué avec ça » (Denis, CPE). Cette interrogation également entrainer. En effet, les éducateurs soulève une problématique importante, qui est remarquent que si les préadolescents adoptent celle de réussir à traiter, au sein de l’école, des globalement les mêmes tenues vestimentaires, sujets qui touchent les préadolescents. C’est il existe tout de même des différences selon le d’autant plus difficile que les éducateurs sentent milieu social dans lequel évolue l’élève. Sabine, qu’il est nécessaire de mener une éducation au- CPE dans un collège qui accueille des élèves issus tour du rapport au corps et au vêtement, parce des catégories socioprofessionnelles les moins que ceux-ci induisent des rapports conflictuels favorisées, évoque chez les élèves des copies de entre les préadolescents. Si les préadolescents marques, parce qu’ils n’ont pas toujours accès évoquaient les moqueries et l’isolement, les édu- aux originaux. Mais elle évoque aussi les trafics cateurs insistent également sur la discrimination de vêtements qui peuvent exister dans les ban- sexuée et notamment à l’égard des filles : « le lieues : « je suis vigilante, je n’ai pas de preuves problème du côté sexy pour les filles ne se pose mais je suis vigilante sur le fait qu’il y ait des pe- pas beaucoup dans les banlieues, parce qu’ici, tits trafics autour de choses tombées du camion on est vite soit une pute soit une soumise... Et comme on dit... [...] Dans certaines familles, si le que le mieux, pour avoir la paix, c’est d’être môme veut un peu d’argent de poche, qu’il s’en entre les deux » (Sabine, CPE). Il est vrai que ce fasse, et ça peut être un moyen à travers les frin- sont surtout les tenues féminines qui semblent gues de chourer des trucs à Carrefour et puis 43 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard de les revendre » (Sabine, CPE). Autour de cette vue sur les pratiques préadolescentes n’est pas problématique du vol, il y aurait la nécessité de forcément écouté par les élèves qui peuvent le ne pas se sentir différent parce qu’on n’a pas les juger illégitime : « je pense qu’il n’y a pas une ad- moyens de s’acheter tel ou tel vêtement, ce qui hésion au départ. Je pense qu’ils ressortent de peut entrainer des situations de vol ou encore mon bureau en disant : ‘‘ la vieille schnock, elle de racket. Chez les élèves issus des catégories n’aime pas comment on s’habille nous les jeunes socioprofessionnelles les plus défavorisées, il parce qu’elle est vieille et qu’elle ne sait plus ce existe donc un enjeu particulier à prendre en qui est bien pour les jeunes ‘‘ » (Sabine, CPE). compte en tant qu’éducateur : le vêtement peut représenter une souffrance parce que l’élève n’a Nous l’avons vu, l’appartenance au groupe pas accès aux vêtements les plus prisés par les de pairs est particulièrement revendiquée par les préadolescents, comme les marques ou les vête- préadolescents. Mais si cette appartenance existe ments à la mode. Cela peut entrainer des vols ou au sein des établissements scolaires, elle se main- du racket, notamment lorsqu’au sein d’un même tient aussi à l’extérieur, et ce en continu, ce qui établissement, d’autres élèves possèdent les est relativement nouveau. Cette nouveauté est vêtements ou les accessoires convoités. notamment due à l’utilisation marquée des nouvelles technologies de la communication. Cette Ces signes de violence visibles ne doivent prolongation des liens hors de l’établissement pourtant pas occulter la peur d’être mis à l’écart, scolaire peut induire de réelles difficultés pour qui peut en être l’origine. La volonté de montrer gérer des problèmes entre préadolescents qui son appartenance au groupe préadolescent est dépassent le cadre strict de l’établissement sco- effectivement prédominante dans les pratiques laire : « il y a un espèce de continuum entre ce des élèves. Seulement, lorsque les codes préado- qu’ils font à l’extérieur et ce qu’ils font ici. Ou lescents ne sont pas maitrisés (qu’ils soient ves- entre ce qu’ils font ici, qui démarre ici, et ce qui se timentaires ou autres), cela peut entrainer une poursuit à l’extérieur » (Denis, CPE). Cette conti- forme de rejet et d’isolement, comme l’explique nuité entre les espaces scolaire et privé induit Denis lorsqu’il prend l’exemple d’une élève de 6e une obligation de continuité éducative avec les qui adopte les codes vestimentaires des élèves familles. Cette nécessité relève notamment du de 3e et n’est alors acceptée ni par les élèves de fait que la limite éducative de l’école est consti- 6e, ni par ceux de 3e. Les vêtements peuvent dès tuée par les parents. En effet l’école n’est pas la lors être l’occasion de dénigrer les autres, ce à seule à tenir un rôle éducatif, et elle ne peut te- quoi les éducateurs doivent être vigilants. nir ce rôle qu’en lien avec les parents, qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants. L’école 44 Par ailleurs, cette volonté de marquer son est donc obligée de prendre en compte le rôle appartenance au groupe de pairs peut parfois des parents, comme l’exprime Sabine : « quand s’accompagner d’un éloignement de l’univers des on dit que les parents sont les premiers éduca- adultes. Les éducateurs, et plus particulièrement teurs il faut aussi que nous, quand on intervient les CPE, sont conscients du fait que leur point de comme éducateurs, on n’aille pas contrecarrer... Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard Ce n’est pas comme si on mettait à la poubelle 4. Spécificités du métier de CPE l’aspect éducatif des parents ! » (Sabine, CPE). La continuité éducative entre l’école et les familles Les pratiques vestimentaires préadoles- est donc nécessaire pour que les préadolescents centes interrogent quotidiennement le CPE. Dès puissent comprendre et intégrer les règles sco- lors, celui-ci doit s’interroger sur la façon dont il laires et parentales, comme l’explique Henri : peut, dans le cadre de ses missions, considérer « quand il n’y a pas trop d’écart entre le monde ces pratiques propres aux élèves préadolescents familial et le monde scolaire, là, ça se passe avec lesquels il travaille. bien » (Henri, principal). Cette continuité induit donc l’idée que l’école ne peut négliger l’aspect Le métier de conseiller principal d’éduca- éducatif des parents, et que si l’école a un rôle tion apparait comme difficile à définir sociologi- éducatif à jouer y compris du point de vue des quement. L’identité professionnelle du CPE est tenues vestimentaires, elle ne peut le tenir seule souvent décrite comme complexe, notamment et doit s’appuyer sur les parents et sur leur rôle du fait de la multiplicité des tâches qui lui incom- éducatif. bent. C’est parce que les pratiques vestimen- Si les textes officiels donnent des direc- taires préadolescentes sont complexes que tions à l’activité professionnelle du CPE4 , ils sont les éducateurs de l’institution scolaire sont significatifs de la multiplicité de ses missions : obligés de les considérer dans leurs pratiques organisateur de la vie scolaire et de la vie collec- professionnelles quotidiennes. En effet, même tive hors classe, animateur de la vie scolaire, chef si ces habitudes semblent peu problématiques d’équipe responsable du service vie scolaire, en elles-mêmes, elles induisent finalement des responsable du contrôle des effectifs et de l’as- difficultés majeures, qu’elles soient relation- siduité, conseiller technique du chef d’établis- nelles ou personnelles. Pour cela, les éducateurs sement, travail en équipe, animation éducative, ne peuvent négliger les spécificités de ces pra- rôle pédagogique... Toutes ces missions mises tiques et notamment le fait qu’elles soient pré- bout à bout rendent peu lisible le métier de CPE. adolescentes et donc par définition étrangères Cette impression est renforcée par le fait que le aux adultes. Par ailleurs, ils ne peuvent pas non CPE répond à la nécessité immédiate et impré- plus ignorer l’importance de l’éducation paren- visible du quotidien des élèves et de l’établisse- tale lorsqu’ils agissent auprès des élèves. Dès ment. L’impossibilité d’anticiper les événements lors, puisque les CPE ne peuvent pas ignorer les et le nombre important des tâches qu’il accom- pratiques préadolescentes dans leur pratique plit rendent son métier complexe et difficile- professionnelle, il convient de mettre en pers- ment définissable y compris pour les chercheurs. pective la façon dont ils peuvent les intégrer dans une réflexion qui tienne compte des parti- 4 cularités de leur métier. 1989 ; circulaire du 28 octobre 1982 ; doc. IGEN 2006 : Décret du 12 août 1970 modifié par le décret de le métier de CPE aujourd’hui : quelques repères 45 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard Pierre Sérazin et Jean Lecanu expriment cette 5. Pistes éducatives difficulté en attribuant cinq fonctions au métier (l’encadrement éducatif, le suivi individuel L’action du CPE auprès des préadolescents de l’élève, l’écoute, l’animation et l’organisa- apparait naturellement dans sa façon de consi- tion), une définition qui, selon eux, illustre l’idée dérer l’élève. En effet, si nous avons vu l’impor- selon laquelle le métier de CPE est celui de la tance de ne pas réduire le préadolescent à son dispersion5. rôle scolaire, il semble que les CPE eux-mêmes s’y refusent. D’abord, parce que l’individu en Cependant, à travers cette dispersion ap- face d’eux ne veut pas qu’on le considère uni- parente, il semble que l’on puisse mettre en quement comme un élève. Les préadolescents avant des aspects importants du métier de CPE. existent aussi dans l’école et revendiquent l’im- Jacques Ardoino estime ainsi que le CPE se dis- portance de ce lieu pour eux, qui leur fournit tingue par son implication éducative, qui néces- un espace-temps de construction identitaire en site à la fois l’adhésion à un projet et un inves- tant que lieu de rencontre et de socialisation tissement relationnel vis-à-vis d’autrui6. Cette avec les pairs, tout en banalisant et normalisant implication, qui peut être considérée comme un leurs pratiques comme l’explique Aurélie Maurin fil conducteur du métier de CPE, s’exerce alors au (Maurin, 2010). Mais c’est aussi parce que les CPE quotidien selon les aléas rencontrés. L’improvisa- sont confrontés au quotidien aux revendications tion face aux différentes situations inhérentes préadolescentes qu’ils ne peuvent les ignorer. au contexte de l’établissement et au public qu’il Dès lors, ils ne peuvent pas voir l’élève de façon accueille, dans un but de continuité éducative « scolaro-scolaire » en délaissant le préadoles- et relationnelle, est donc bien significative du cent. Cette période de la vie représente un âge métier de CPE. si particulier que lorsqu’on travaille avec les préadolescents, on ne peut pas faire l’impasse sur la Dès lors, il semble que le CPE doit être ca- sensibilité, les changements physiologiques ou pable de répondre aux urgences du quotidien en les pratiques du groupe d’âge, qui sont autant adaptant ses réactions au contexte d’établisse- de facteurs qui peuvent influencer voire boule- ment et avec l’optique plus global d’une implica- verser la vie de l’élève au sein de l’établissement. tion éducative complète. Mais inversement, le CPE ne peut faire l’impasse sur l’élève, puisqu’en tant que professionnel au sein de l’institution scolaire, son travail est tourné vers les élèves. Le CPE doit donc considérer l’élève de façon globale, sans nier le fait qu’il est un préadolescent, tout en rappelant au préadolescent qu’au sein de l’établissement scolaire, il Sérazin P. et Lecanu J. (1991). Le conseiller principal 5 d’éducation. Ardoino J. (2000). Les avatars de l’éducation. 6 46 est un élève. Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard En s’intéressant au préadolescent, le CPE la tenue vestimentaire de l’élève, mais on inter- s’interroge sur les pratiques vestimentaires pré- roge directement le rapport que le préadolescent adolescentes. Mais l’attention qu’il y porte doit entretient avec son propre corps afin qu’il ap- être encore plus importante lorsqu’elles devien- prenne à s’accepter tel qu’il est et à se respecter. nent inhabituelles. En effet, ces pratiques peu- Le CPE a effectivement aussi pour mission de per- vent alors être l’expression de malaises voire d’un mettre à l’élève de construire son identité et de réel mal-être. Comme l’explique Pauline Beyou, le faire dans les meilleures conditions possibles. les jeunes filles (car il s’agit souvent de jeunes Cette question du rapport au corps peut égale- filles) ont tendance à vouloir cacher des formes ment être abordée avec des groupes, par exemple qu’elles n’assument pas sous des vêtements sur la thématique des rapports entre les garçons amples, ou bien certaines cherchent à s’appro- et les filles. En effet, les enquêtés mettent en prier des formes féminines grâce des vêtements avant les discriminations sexuées qui peuvent sexy (Beyou, 2010). Pour Aurélia Mardon, ces stra- exister dans l’utilisation des vêtements. Or l’école tégies vestimentaires ont pour but de pallier à un est porteuse d’une valeur d’égalité et le CPE doit développement corporel qui ne correspond pas aussi faire en sorte que la norme des relations gar- à la norme de cet âge et qui peut alors entrainer çons-filles ne soit pas la discrimination. Ce travail des moqueries (Mardon, 2010). Le CPE doit donc sur le corps peut permettre aux préadolescents rester attentif à tout changement brutal de te- d’apprendre à accepter les changements corpo- nue vestimentaire chez les élèves, mais aussi à la rels auxquels ils sont confrontés mais aussi à se combinaison de ces changements avec d’autres respecter individuellement et les uns les autres. facteurs alarmants tels que repli sur soi, change- Si cette thématique interpelle donc le CPE, il doit ments d’humeur, agressivité, baisse des résultats également s’entourer d’autres professionnels et scolaires... Les pratiques vestimentaires doivent notamment de l’infirmier(e) scolaire. être considérées comme un des signes d’un malaise préadolescent. Il importe donc de réfléchir à Les pratiques vestimentaires préadoles- la façon de travailler avec le ou les élèves concer- centes peuvent être le support pour amener les nés sur le rapport qu’ils entretiennent avec leur élèves à intégrer des valeurs d’égalité et de tolé- corps. rance. En tant que lieu de socialisation, l’école est un univers propice à l’apprentissage de l’accepta- Quand il est difficile pour l’élève de s’appro- tion des différences. Les personnels des établis- prier un corps en pleine puberté, la question de sements scolaires ne peuvent ainsi pas rester in- l’image de soi est incontournable. David Le Breton différents face à des comportements qui mettent argue que le corps étant le support du vêtement, en péril ces valeurs. De plus, l’institution scolaire ils sont indissociables l’un de l’autre (Le Breton, se donne pour but d’amener les élèves vers une 2010). L’approche du vêtement devient celle du autonomie d’esprit. Elle se doit donc aussi d’aider corps, ou plus exactement de l’image que le pré- les élèves à développer leur esprit critique y com- adolescent a de son corps. Dès lors, on n’est plus pris dans l’utilisation qu’ils font de leurs propres dans le jugement subjectif de l’adulte vis-à-vis de codes. 47 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard 48 Mais pour cela, le CPE ne peut agir seul. Il public scolaire de l’établissement puisqu’en fonc- doit s’entourer des acteurs du système scolaire, tion des élèves, les pratiques préadolescentes qu’il s’agisse des parents ou des autres profes- peuvent légèrement différer et induire des com- sionnels de l’école, afin de mener une politique portements plus ou moins visibles et plus ou éducative cohérente et continue. Les premiers moins dommageables. Cette action auprès des éducateurs à considérer sont les parents. En assistants d’éducation peut aussi, le cas échéant, effet, le travail éducatif effectué au sein de être menée auprès de tous les adultes de l’éta- l’école ne peut porter ses fruits que s’il prend en blissement scolaire. En effet, le CPE occupe une compte la part éducative des familles. Pour cela, place bien particulière au sein de l’établissement. il importe d’entretenir un dialogue constant avec Ses fonctions l’obligent à rentrer constamment les parents afin d’instaurer une continuité entre en contact avec l’ensemble des membres de la éducation scolaire et éducation familiale. Les pa- communauté éducative : équipe de direction, rents doivent se sentir investis et intégrés dans enseignants, parents, élèves, équipe médico- les décisions de l’école pour que ce partenariat sociale, que ce soit individuellement ou au sein soit efficace. des différentes instances de l’établissement. En ce sens, en tant que conseiller technique du chef Mais en plus des parents, c’est l’ensemble d’établissement et de par sa position d’interlo- des acteurs de la communauté scolaire qu’il faut cuteur privilégié, le CPE peut impulser une poli- essayer de fédérer autour d’une considération tique éducative qui tienne compte des pratiques efficace des pratiques préadolescentes. En tant préadolescentes. Il joue alors un rôle majeur que chef de service de la vie scolaire et conseiller dans la façon dont l’établissement peut adapter technique du chef d’établissement, le CPE a un ses réponses face à des comportements qui po- rôle important à jouer dans cette action. En tant sent problème dans les relations entre les élèves, qu’animateur de la vie scolaire et responsable dans leur comportement face aux adultes ou d’une équipe d’assistants d’éducation, le CPE en- lorsque les élèves adoptent des comportements cadre et fait encadrer les élèves au sein de l’éta- qui peuvent révéler un manque de respect de blissement, notamment pendant les moments soi. Cette dimension collective au niveau de l’éta- hors classe. Or pendant ces temps, les assistants blissement est d’autant plus importante qu’elle d’éducation sont souvent confrontés aux pro- permet de trouver des réponses éducatives blématiques quotidiennes des élèves. Il est donc réfléchies à des comportements et des problé- important qu’ils y soient préparés, par l’intermé- matiques qui font souvent intervenir une réac- diaire du CPE qui connait le public scolaire et ses tion subjective. En cherchant des réponses édu- particularités. Dès lors, la formation des assis- catives adaptées au contexte de l’établissement, tants d’éducation doit aussi prendre en compte on donne une dimension légitime à une interven- les aspects des pratiques préadolescentes, et tion de l’institution autour des pratiques vesti- surtout les difficultés qui peuvent naitre dans mentaires préadolescentes. Nous l’avons vu, le les relations entre les préadolescents du fait de monde scolaire a toute légitimité pour aborder ces pratiques. Cette formation doit s’adapter au la thématique des pratiques préadolescentes Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard afin d’amener les élèves à prendre conscience de l’importance qu’il existe à réfléchir, autour de ces pratiques, aux notions de respect et d’égalité. C’est parce que les problématiques se situent au-delà des pratiques vestimentaires des préadolescents qu’elles sont importantes à analyser comme indicateurs de ce qu’il faut traiter au sein de l’établissement. Bibliographie Beyou, P. (2010). La mode adolescente des 13-15 ans : sous toutes ses coutures, Université de Bordeaux 3, ISIC, (mémoire). Delalande, J., Dupont N. et Filisetti, L. (2010). « Passages entre l’enfant-écolier et le préadolescent-collégien : regards croisés sur la transition du CM2 à la sixième » S. Octobre & R. Sirota (dir.), Actes du colloque Enfance et cultures: regards des sciences humaines et sociales, Paris. Gallande, O. (2010). « Introduction. Une nouvelle classe d’âge ? », Ethnologie française, vol. 40. Gauchet, M. (2004). « La redéfinition des âges de la vie », Le débat, n° 132. Glévarec, H. (2010). La culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l’espace familial, Paris, la Documentation française, Questions de culture. Houssonloge, D. (2010). « Les marques, credo des ados ? », Diversité, n° 162. Joubert, C. et Stern, S. (2005). Déshabillez-moi. Psychanalyse des comportements vestimentaires, Paris, Hachette Littératures, Pluriel. Le Breton, D. (2008). Cultures adolescentes, entre turbulence et construction de soi, Paris, Autrement, Mutations. 49 Les pratiques préadolescentes au collège du point de vue du CPE : l’exemple du vêtement. Caroline Girard Le Breton, D. (2010). La sociologie du corps. Paris : Presses universitaires de France, Que sais-je ? (première édition : 1992). Lebrun, C. (2005). « Fonctions métaphorique et métonymique du vêtement », Adolescence, tome 23. Mardon, A. (2010). « Sociabilités et travail de l’apparence au collège », Ethnologie française, vol. 40. Maurin, A. (2010). « Le passage adolescent : habiter les interstices », Le Télémaque, n° 38. Octobre, S. (2009). « Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ? » Cultural pratices amongst the young ant transmitting insitutions : a clash of cultures ?, Culture prospective, n° 1. Pasquier, D. (2005). Cultures lycéennes : la tyrannie de la majorité, Paris, Autrement. 50