Avant et après le déluge : Aragon devant Céline / Before and After

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Avant et après le déluge : Aragon devant Céline / Before and After
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É tudes
céliniennes
Louis-Ferdinand Céline
Revue n° 6 – Hiver 2010-2011
Colin NETTELBECK
Avant et après le déluge : Aragon devant Céline
Le mépris de Céline pour Aragon est bien connu, de même que l’admi- ration que celui-ci portait toujours à Voyage
au bout de la nuit. Dans une optique purement célinenne, on pourrait se contenter de l’image d’un Ara- gon arrogant et sententieux, dont l’admiration pour un grand écrivain ne se séparait pas de son besoin d’imposer ses propres
conviction politiques. Cependant, l’opposition de ces deux figures vaut la peine d’être creusée da- vantage, car elle
illumine la complexité du climat littéraire dans la France de l’entre-deux-guerres : tant l’endurcissement idéologique
qui précéda la Deuxième Guerre mondiale (surtout après l’arrivée au pouvoir d’Hitler) que la situation apparemment
plus fluide qui caractérisait les années 1920. Notre réflexion se fera à partir de l’analyse de deux livres d’Aragon qui,
à notre connaissance, n’ont pas jusqu’ici été évoqués à propos de Céline : Pour un réalisme socialiste (Paris : Denoël
et Steele, 1935) ; et Anicet, ou le panorama (Paris : Gallimard, 1921) qui, assez prophétiquement, permet de pressentir ce qui, sur le plan de l’imaginaire, pourrait rapprocher Aragon de Céline et ce qui le distancie de lui. Nous irons
jusqu’à suggérer que, dans le contexte de la crise culturelle qui suit la Deuxième Guerre mondiale en France, Aragon
et Céline, par leur dévouement au renouveau du langage littéraire, jouent des rôles plus complémentaires qu’opposés.
Before and After the Deluge : Aragon in front of Céline
Céline’s scorn for Aragon is well-known, as is Aragon’s unbroken admi- ration for Voyage au bout de la nuit.
From a purely Célinian angle, one scar- cely needs to go beyond the image of Aragon as an arrogant and sententious
man, whose admiration for a great writer was not enough to stop him wan- ting to impose his own political views.
However, the conflict between these two figures deserves greater scrutiny, for the light it sheds on the literary climate
in interwar France : both the hardening of ideologies in the lead- up to the Second World War (especially after
Hitler’s rise to power), and the apparently more fluid situation of the 1920s. The essay is built on the analysis of
two of Aragon’s works that, to our knowledge, have not so far been studied in relation to Céline : Pour un réalisme
socialiste (Paris : Denoël et Steele, 1935) ; and Anicet, ou le panorama (Paris : Gallimard, 1921), which, somewhat
prophetically, allows a glimpse of what, in the realm of imagination, shows Aragon close to Céline, and what marks
a distance bet- ween them. We will argue that in the context of the post-war cultural crisis in France, Aragon and
Céline, through their commitment to the renewal of literary language, have complementary, rather than opposed
roles.
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