Tunis : Le secteur bancaire condamné à végéter dans le groupe «8

Transcription

Tunis : Le secteur bancaire condamné à végéter dans le groupe «8
Tunis : Le secteur bancaire condamné à
végéter dans le groupe «8» des pays à risque
très élevé!
AfricanManager
L’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a confirmé le classement du secteur bancaire tunisien (non noté) dans le groupe
«8» sous sa méthodologie BICRA, Banking Industry Country Risk Assessment, ou « évaluation des risques du secteur bancaire par
pays ». Un classement désespérant pour la Tunisie qui veille depuis une longue période à faire sortir le secteur bancaire de sa
crise, mais en vain.
Dans une analyse faite par l’universitaire et expert économique, Moez Labidi et publiée par Mac Sa, il a été indiqué que l’état du
secteur bancaire demeure une source de préoccupation pour les autorités tunisiennes. Et le maintien, par S&P, du classement de
la Tunisie dans le groupe « 8 », sur une échelle de 1 à 10, aux côtés de pays comme le Liban, l'Égypte, la Géorgie, le Nigeria et le
Kazakhstan, avec un BICRA de risque très élevé, est venu raviver davantage les inquiétudes. Moez Labidi a, dans ce contexte,
indiqué qu’à court terme, il semble très difficile que le secteur bancaire tunisien déserte la classe « 8 » et basculer vers un profil
de risque digne d’une économie émergente dynamique comme celle de la Turquie, de la Pologne, ou encore du Chili, soulignant
que plusieurs facteurs freinent le rythme de son assainissement.
Il a indiqué, à ce propos, que la place des entreprises publiques et des offices de l’Etat dans les actifs des banques publiques
complique l’équation de la restructuration. Tant que les banques publiques continuent de jouer le rôle de pompier des entreprises
publiques en difficultés financières, tout projet d’ancrage aux normes de performance et de bonne gouvernance restera lettre
morte.
Labidi a, en outre, évoqué l’exposition des banques tunisiennes à deux secteurs systémiques, le tourisme et l’immobilier (au
niveau des prêts et des garanties) qui est une autre source d’inquiétude, estimant que , certes, l’immobilier tire son épingle du jeu
et continue de profiter des retombées démographiques et plus récemment de la forte demande libyenne. Toutefois, ce secteur
n’est pas à l’abri d’un éclatement de la bulle, l’inversion de la pyramide des âges à l’horizon de l’année 2020 et le regain de
stabilité politique en Libye pourront inverser la tendance.
Selon lui, le secteur du tourisme continue de souffrir de la montée de l’insécurité et de l’incertitude électorale. Du coup,
l’élargissement du périmètre de la régulation à ces secteurs est incontournable pour réussir l’opération de restructuration du
secteur bancaire, selon ses dires.
L’expert économique a, en outre, souligné que le secteur bancaire tunisien est un secteur épuisé, certes par des décennies de
mauvaise gouvernance, mais aussi par des décennies de quasi-monopole du financement d’une économie en développement.
Selon lui, jusqu’ aujourd’hui, les banques publiques contrôlent près de 36 % du marché bancaire et les entreprises se refinancent
à hauteur de 96% auprès des banques et des sociétés de leasing. « L’absence d’un marché financier dynamique explique, en
partie, l’épuisement du secteur. Ainsi, l’aménagement du marché financier, et surtout la dynamisation du segment obligataire de
ce marché, est aujourd’hui plus qu’une urgence, pour épauler le secteur bancaire dans le financement de l’économie, pour lui
permettre de renforcer ses ressources stables, pour offrir une vraie courbe de rendement, tant attendue par les opérateurs des
salles de marchés des banques de la place », selon ses dires.
La volonté politique demeure encore défaillante pour dynamiser le compartiment secondaire du marché de capitaux.
Il a, dans le même ordre d’idées, souligné que la marche vers une économie de marché financier semble irréversible. « Même des
économies, souvent qualifiées d’économie d’endettement, à cause de leur forte dépendance à l’égard du crédit bancaire,
commencent à se positionner dans le peloton de tête des pays à économie de marché financier. Une étude de finance, réalisée en
France a montré que la part du financement obligataire a atteint 67% à la fin 2013. Et pour les sociétés du CAC 40, la proportion
atteint les 73%. Ainsi, la France s’approche de plus en plus du modèle américain où le financement via le marché culmine à 80%
contre 20% pour le secteur bancaire », a-t-il expliqué.
Moez Labidi a par ailleurs, indiqué que si les autorités tunisiennes voulaient réussir l’ancrage du secteur bancaire aux standards
internationaux de rentabilité et de bonne gouvernance, elles ne devraient plus bégayer leurs réformes économiques mais plutôt
capituler devant la symphonie populiste, qui « excelle » dans sa « défense » du contribuable, mais sans aucune solution innovante
et avec comme unique projet.
Labidi a, en outre, estimé que l’action trop lente et trop prudente finira par faire entrer la Tunisie dans le toboggan de la misère
économique, des revendications démesurées et de l’instabilité sociale.