Patrimoine ouvrier, mémoire industrielle à Boulogne

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Patrimoine ouvrier, mémoire industrielle à Boulogne
Patrimoine ouvrier, mémoire industrielle à Boulogne-Billancourt : quelles traces sur le territoire ?
Émeric Pinkowicz
Animateur de l’architecture et du patrimoine à Boulogne-Billancourt
Merci de me donner la parole. Bonjour. Effectivement, je vais vous présenter le patrimoine industriel
à Boulogne-Billancourt. Pour commencer, j’ai envie de dire que c’est un projet autour du patrimoine
industriel qui est en train de se construire. C’est un exemple de travail en cours.
Peut-être commencer par une présentation de la ville. J’aime bien commencer par cette photo qui
est peut-être un petit peu floue, mais qui présente très clairement la ville. On voit Paris, qui est sa
voisine importante bien évidemment. On voit la tour Eiffel, on voit la Seine qui l’enserre et qui la
sépare de toute la banlieue Ouest. On voit au premier plan l’île Seguin, que tout le monde connaît,
les terrains Renault, qui sont totalement débâtis. Et puis, tout au fond de la photo, on voit le bois de
Boulogne. Voilà, c’est Boulogne-Billancourt, une grande plaine avec une île, juste à côté de Paris.
Ça, c’était pour la géographie. Je vous resitue un peu l’histoire, quelques éléments. C’est un petit
village, qui naît au Moyen Âge. Je vous montre – loin du patrimoine industriel – l’église Notre-Dame,
qui a été construite au XIVe siècle, et qui marque un peu le début de l’histoire de la ville. Le
pèlerinage de Notre-Dame, qui avait lieu à Boulogne-sur-Mer et a été rapproché par Philippe le Bel à
Boulogne-Billancourt. Après, voilà ce qui se passe, du XIVe jusqu’à la Révolution française. Je trouve
que cette image est assez parlante. On voit l’église tout en haut, avec son petit hameau, une
maladrerie et puis Billancourt où il y a une petite ferme. Enfin, bref, il n’y a rien, il ne se passe rien à
l’époque moderne, ou si peu. Par contre, au XIXe siècle, on commence un développement, dans une
dynamique parisienne bien évidemment, mais avec certaines caractéristiques boulonnaises malgré
tout. Ici, c’est une vue du cadastre de 1825. Les habitants sont plutôt concentrés dans le Nord de la
ville, et on atteint à peu près 2 500 habitants, c’est assez peu. Par contre, 25 années plus tard, sur le
cadastre de 1859, toutes ces zones en noir, ce sont des bâtis, des bâtiments, la ville qui se densifie, et
on passe à 25 000 habitants. En 1905, tout le territoire est pour ainsi dire urbanisé. On atteint 44 000
habitants et, quelques années après, dans les années 20, on arrive à 97 000. C’est très clairement
une ville qui s’est développée très rapidement, en l’espace d’une centaine d’années à peine.
Autre repère, André Morizet, qui est le maire de la ville de Boulogne, s’il fallait n’en retenir qu’un.
C’est celui qui va gérer cette ville chaotique de 1919 à 1942, puisque c’est un développement très
chaotique, imbriquant des usines, des habitations... C’est lui qui va avoir la lourde tâche de reprendre
en main cette grande ville, en fait ce village, qui est passé de 2 500 habitants à 97 000. Son grand
œuvre, si j’ose dire, c’est l’hôtel de ville de Tony Garnier, inauguré en 34, que j’ai mis ici parce que
c’est aussi quelque part un peu du patrimoine ouvrier, dans la mesure où c’est la maison de tous.
Morizet l’a souhaitée comme cela, et très vite, les gens vont se l’approprier. La population ouvrière
de Billancourt va se l’approprier. On a des échanges, par exemple, de courrier entre André Morizet et
des organisations syndicales de chez Renault, notamment, qui demandent la location, enfin le prêt
des espaces, pour notamment des bals. Cela se passe dans la salle des mariages que vous voyez ici ou
dans ce grand hall, où d’ailleurs Morizet pouvait aussi organiser des remises de prix. Donc c’est toute
une culture, plutôt populaire, qui s’est développée à Boulogne-Billancourt.
Toujours en repère, de graves bombardements, très meurtriers lors de la Seconde Guerre mondiale.
On n’est pas au Havre, bien évidemment, mais quand même, c’est Renault essentiellement, les
usines Renault, qui sont visées. Alphonse Le Gallo, qui est le maire reconstructeur, et que j’ai mis ici
(on le voit avec le général de Gaulle). Le Gallo est le maire qui va accompagner le déclin industriel de
Boulogne. André Morizet, lui, a plutôt accompagné les conséquences de la désindustrialisation, et le
Gallo va plutôt accompagner la désindustrialisation. Georges Gorse, pour finir sur les maires
importants, parce qu’en fait il est élu en 1971, et c’est un profond changement sociologique qui se
joue dans la ville, puisque André Morizet et le Gallo étaient plutôt SFIO, et Georges Gorse est plutôt
gaulliste. La ville aujourd’hui, pour finir ce préambule, c’est 115 000 habitants, une économie
essentiellement tertiaire, avec 12 000 entreprises et 80 000 emplois. Cela fait vraiment de Boulogne
un pôle de l’Ouest parisien.
L’industrialisation du territoire commence en 1850. C’est une activité très traditionnelle dans la
banlieue parisienne, la blanchisserie, qui est très vite industrialisée à partir de 1850, sous l’effet des
progrès techniques, notamment des machines à vapeur. Ici vous avez le lavoir Guibert, une
photographie présentant l’industrialisation de la blanchisserie. Cela a plutôt lieu dans le Nord de la
ville et, petit à petit, cela va s’étendre. Ensuite, c’est d’autres usines, qui sont vraiment liées à des
inventions, qui vont s’installer à Boulogne. C’est l’entreprise Renault Frères, à la fin du XIXe siècle,
quand Renault aura fait sa première voiturette – on va y revenir. L’aéronautique, au début du XXe
siècle, avec les frères Voisin, les frères Farman, qui s’installent à Boulogne. Et puis, dans le sillage de
ces grandes industries, de la blanchisserie, de l’automobile et de l’aéronautique, d’autres industries
plus modestes par leurs dimensions, par leurs produits (c’est des savons, des lessives, des
carrosseries, des moteurs...), qui sont en général des sous-traitants des trois premières. Vers 1925,
on a aussi le cinéma qui s’installe avec les Studios de Boulogne-Billancourt et, plus tard, de Boulogne.
Pour revenir sur Renault, qui est très important, tout commence ici, dans ce petit hameau fleuri, où
Renault, la famille Renault, a une propriété. C’est du temps où Boulogne ressemble à la campagne.
Renault trafique, dans une petite resserre du jardin de ses parents, ses mécaniques. Il arrive à
construire une petite voiturette, qu’il essaye à Paris, et très vite, c’est là où ça s’est fait, ou ça été
pensé, à Billancourt, qu’il va développer son activité, qui va très vite prendre de l’ampleur. Très
rapidement, on va passer à une industrialisation. Il y a une parenthèse, c’est la Première Guerre
mondiale. Là, en fait, il va surtout produire de l’armement, des munitions… Très vite, c’est devenu un
grand industriel. Pour vous dire, Renault a occupé 40 000 ouvriers à certains moments, donc on
imagine… Cela a représenté, sur Boulogne, 1/10 du territoire. Voilà des grands espaces de
mécanique, où tout était mécanisé. Ces 40 000 ouvriers, c’est aussi des grèves, des moments, des
luttes sociales. Ici, une image – j’aurais pu en prendre d’autres, il y a eu des grèves en 1936, en
1968... – : on voit quelques ouvriers devant les usines Renault.
Les usines Renault, c’est l’île Seguin également. Je voulais reprendre un peu aussi le départ. L’île
Seguin, au départ, c’est une île, un ball-trap pour un tir aux pigeons. La voilà tout en couleurs, la
Seine... c’est très agréable, très bucolique. Vous voyez cette carte postale également sur Billancourt,
avec certainement une guinguette à l’arrière-plan, le chien... Bref, on imagine la douceur de vivre.
Après Renault, c’est devenu un paquebot, très souvent surnommé un paquebot ; tout est
industrialisé, tout est bâti. Cela a commencé à partir de 1929. C’est très rapide, parce que Renault a
des vues sur l’île Seguin depuis assez longtemps, mais il y a des récalcitrants, des gens qui sont
propriétaires et qui, finalement, encerclés, vont jeter l’éponge. Donc, l’île sera pour lui dans son
entier. Ici, vous avez une image… Elle est assez difficile à dater, cette image, mais je pense qu’elle
date un petit peu d’avant la guerre, puisque le pont de Sèvres est encore l’ancien pont. Déjà, elle a
cet aspect massif que peut-être certains ont connu. À l’intérieur, comment c’est ? C’est des rues, des
grandes rues, avec des immeubles très hauts et – c’est un peu la spécificité de l’île Seguin – cette
élévation, cette production massive – notamment vous imaginez dans les années 60, on produit
jusqu’à 8 millions d’automobiles pour certains modèles –, qui se fait sur ces grands plateaux, avec
des monte-charges… Enfin, c’est vraiment très millimétré et assez impressionnant.
Autre grande entreprise, le matériel téléphonique. Voilà une entreprise qui fabriquait notamment
des centrales téléphoniques, qui est née dans les années 20, et un bâtiment très soigné, dont on ne
connaît pas l’architecte, mais qui a été plutôt inspiré de l’architecture industrielle américaine. Ici,
c’est une image des espaces à l’intérieur, puisque ce bâtiment (l’entreprise a périclité) a laissé ces
grands espaces vides qu’un jour j’ai pu visiter. C’est assez récent, cela date peut-être de deux ou trois
ans. D’autres images encore... C’est tout un paysage, que j’essaie de vous faire défiler, qui a constitué
l’identité de Boulogne, notamment cette brique. On voit ici le haut des fenêtres. C’est vraiment une
esthétique très industrielle qui a occupé le paysage. Ici, encore au LMT, un shed qu’on voit, et qu’on
voit même de l’extérieur. C’est vraiment très caractéristique de l’architecture industrielle, avec cet
éclairage zénithal.
Ensuite, d’autres entreprises. L’aéronautique, ici c’est l’atelier des frères Voisin, là c’est un produit,
un ballon, un dirigeable fabriqué par l’entreprise Astra, qui était également à Boulogne. Ici, c’est les
Farman qui sont en train de monter des biplans. Et puis ici un Goliath, autre produit-phare de
l’industrie aéronautique boulonnaise. Pour finir, c’est REP, Robert Esnault-Pelterie, qui est un des
inventeurs de l’aviation. Ici, c’est l’atelier de montage des aéroplanes. Tout cela pour vous dire, en
conclusion... cette carte, qui montre bien l’impact sur la ville de l’industrie, parce que tout ce que
vous pouvez voir en violet était des usines. Cette carte a été produite après la Seconde Guerre
mondiale. Elle permet d’avoir une vue de ce que cela pouvait représenter sur le territoire. Vous
voyez Renault, on voit l’île Seguin en bas, on voit le trapèze occupé par Renault. Mais après, toutes
ces zones étaient d’autres usines, la blanchisserie… qu’on a vues à l’instant.
Tout ce patrimoine a connu un triste… pas forcément un triste sort, mais en tout cas, il a connu une
histoire bien particulière puisque la ville a connu une désindustrialisation à partir de la Seconde
Guerre mondiale, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Vous voyez par exemple sur cette
carte, c’est tous les impacts des bombardements, des bombes tombées sur Boulogne, qui visaient
essentiellement Renault. Mais l’imbrication des usines et de l’habitat a causé presque 3 000 morts.
Très nettement, au lendemain, quand la ville est déclarée sinistrée, au retour de la paix, on demande
à l’architecte en chef de la reconstruction, André Gutton, de trouver une solution dans cet espace si
dense en industries et habitations. La solution trouvée est d’exclure l’industrie. Cela va se faire très
lentement, mais complètement, totalement. Aujourd’hui, il n’y a plus d’industrie à Boulogne.
Deux exemples ; je prendrai les usines Salmson, très symptomatiques. C’est une usine qui produit des
moteurs d’avion, d’automobile, qui souffre pendant la Seconde Guerre mondiale des
bombardements, et qui, au lendemain de la guerre, peine à retrouver un équilibre économique. Les
temps ont changé et elle n’arrive pas à produire en masse, elle fait plutôt des objets de luxe. Tout va
être rasé. On aura peu d’intérêt pour ce patrimoine, et je voulais juste vous lire quelques mots de
Fernand Pouillon – non pas que j’attaque Fernand Pouillon, c’est pourtant quelqu’un qui avait un
certain regard –, juste pour montrer... Il résume l’usine Salmson en quelques mots : « Depuis
longtemps, je pensais que Paris se survivrait avec honneur si l’on voulait bien s’occuper de ses
arrière-cours, de ses hangars, de ses entrepôts civils ou militaires, masqués le plus souvent sur les
boulevards par l’alignement des immeubles bas ou très vétustes. Je songeais à curer Paris de ses
indésirables industries et à reloger les riverains dans de beaux appartements, des locaux neufs et
organisés. À Boulogne, je pouvais en faire la démonstration, bâtir un ensemble aussi important que
Rockefeller Center, là où 70 000 m² de hangars obscurs, de ruelles malodorantes, de taudis
comparables à ceux des plus horribles bidonvilles, s’élevaient et s’étaient installés au cours du siècle.
» Le constat sur le patrimoine industriel des usines Salmson est assez clair. On rase tout. On a un peu
de la chance, pour le coup, parce que c’est remplacé par un ensemble très intéressant, Pouillon qui
construit la résidence du Point du jour. C’est le même sort pour les usines Farman, dont j’ai déjà un
peu parlé. Là, pour le coup, des bâtiments de moindre qualité, c’est pour ça que j’ai préféré parler de
Salmson.
Le cas Renault. Voilà un cas un peu à part, puisqu’au lendemain de la guerre, on condamne la
présence de l’industrie. Au lendemain de la guerre, Renault est nationalisé. Alors que, normalement,
la présence de l’industrie était condamnée dans la ville, Renault reste, puisque c’est l’État et que
l’État a décidé que Renault resterait. Le plan Gutton ne s’adapte pas à Renault. Ici, c’est une vue de
l’île Seguin et du trapèze. Déjà après-guerre – vous voyez, le pont de Sèvres a été renouvelé –, on
commence petit à petit à moderniser l’usine, ce qui va faire sa réussite économique pendant les
années 60 et 70. Très vite, à la fin des années 70, le modèle économique s’épuise. Il devient de plus
en plus difficile d’exporter la production de Boulogne. Cela se faisait par barges, sur la Seine, donc
c’est assez compliqué. Naît un projet, dans les années 80, « Billancourt 2000 », de reconstruction de
tout le territoire Renault. Finalement, un seul bâtiment voit le jour, c’est le bâtiment de Vasconi, qui
est sous vos yeux, qui est en fait une interprétation moderne de l’usine. On voit bien la forme des
sheds qu’on a vus au préalable, et que tout le monde connaît, parce que c’est un des symboles de
l’usine ; ici complètement modernisés avec des matériaux, notamment le verre. Ce n’était pas
vraiment un lieu industriel, mais plutôt de promotion pour Renault. C’est le seul bâtiment du projet
Billancourt qui va voir le jour. Le 31 mars 92, c’est la fermeture des usines Renault. Alors là, c’est
toute une déshérence d’un patrimoine qui est tombé bien évidemment en désuétude, ne servant
plus. Ici, voilà une première image de l’île Seguin. On voit le bâtiment encore à peu près en bon état.
Mais là, c’est il y a très peu de temps, c’était en 2003. Vous voyez au premier plan (on ne voit peutêtre pas très bien), il y a des machines qui vont s’approcher petit à petit du bâtiment pour le détruire.
Voilà ce que ça donne. C’est la destruction qui est aussi quelque chose d’assez incroyable, puisqu’on
détruit, et il faut emmener les gravats par bateau, par la Seine. C’est assez titanesque. L’île Seguin,
vous avez vu les photos du début, et voilà ce que c’est à la fin de l’année 2004. Il n’y a plus rien, il y a
simplement un terrain qui est dépollué. C’est pour cette partie les deux exemples : Salmson, c’est
tabula rasa, mais on reconstruit dessus ; et Renault, qui a été très lent, puisque cela date de 2004, et
les usines s’arrêtent de fonctionner en 92.
Quelles traces maintenant dans la ville après une telle désindustrialisation ? Il y a eu des petites
choses comme cela : une sirène que la ville a dû acheter sous la pression populaire mais qui n’est pas
vraiment une marque importante du patrimoine. Il y a des choses, bien évidemment, notamment
cette porte d’entrée de l’île Seguin, ce pont Daydé qui a vu nombre d’ouvriers sur son tablier. Et ici ce
mur de l’artillerie, ce bâtiment qui a été construit pendant la Première Guerre mondiale, et qui
aujourd’hui – c’est ce que je disais dans l’après-midi – est complètement incongru, puisqu’il longe le
quai Georges Gorse (il est soutenu par derrière parce que sinon il peut s’effondrer) et il reste comme
cela pour témoigner de cette architecture. Ça, c’est les vestiges. Sinon, si on regarde attentivement,
notamment si on suit certaines visites commentées et patrimoniales, on peut voir… Par exemple,
vous voyez ces petits bâtiments, tout petits, perdus dans des rues, qui étaient plutôt des bâtiments
industriels, qui, aujourd’hui, sont habités par d’autres personnes, plutôt des artistes, des lofts, qui en
ont fait autre chose, qu’on peut percevoir ici ou là. D’autres exemples, il y en a deux à ma
connaissance. Il y a cette entreprise qui était une entreprise de parfums, Élisabeth Dardenne, qui a
été transformée en pépinière d’entreprises et en cantine, et qui aujourd’hui a été restaurée. Ce n’est
pas une photo tout à fait récente, mais celle d’à côté, où on voit l’appareillage de briques, est
particulièrement révélatrice du soin qui a été apporté à cette usine. L’autre, c’est le LMT, qu’on a
déjà vu, qui est devenu aussi une pépinière d’entreprises. Simplement, on a changé son toit. Vous
avez vu qu’il y avait un toit en briques rouges, et maintenant il est transparent. Une appropriation un
peu curieuse, parce qu’elle est un peu élitiste : l’entreprise qui était chargée de réhabiliter
l’ensemble a confié à un artiste norvégien, Per Barclay, une intervention. Il a coulé de l’huile sur le
sol, le bâtiment se reflétait sur cette huile, et pendant trois jours, il y a eu un petit événement autour
de ce patrimoine désaffecté. Voilà quelques photos de ce que ça a pu donner.
Après, qu’est-ce qu’on fait de ces traces ? Il y a quand même eu une demande dans la ville,
notamment de cette société historique de Boulogne, qui a essayé de relayer une volonté de garder
une mémoire. On s’intéresse plutôt à la technique, on s’est intéressé plutôt aux objets, à ce qui a pu
être produit. En fait, la seule préoccupation patrimoniale des lieux concernera Renault, parce que,
peut-être, l’entreprise est plus importante, peut-être qu’il y avait des personnes sensibles aussi chez
Renault. Donc, Renault, la société Renault, l’entreprise Renault, loue un bâtiment, rue des
Abondances, à Boulogne, qui héberge le musée Renault, un musée très étonnant parce que ne
correspondant pas à nos normes modernes, mais qui a le mérite d’exister – c’est un musée associatif,
ils ont collectionné énormément de choses ; c’est des dons... Aujourd’hui encore, on arrive à l’entrée,
le mardi après-midi et le jeudi après-midi, et deux anciens de chez Renault, un couple, monsieur et
madame Roche, attendent à l’entrée et vous accueillent. Cela, c’était pour Renault.
Ensuite, un autre musée des années 30, un musée de site qui s’est appuyé sur le territoire et qui
collectionne des affiches par exemple, des moteurs, des choses comme cela, des produits. Mais très
peu, finalement, autour du patrimoine bâti. Encore une autre affiche, Caudron Renault, une affiche
d’aéronautique…
Le pavillon sur l’île Seguin qui est un peu l’aboutissement de cette volonté de protéger, ou en tout
cas d’essayer de transmettre quelque chose, a été constitué, c’est un compromis. Je tiens à le dire,
parce que cela réunissait comme commanditaires la Société d’histoire Renault, la ville de Boulogne,
l’Ametis (l’association des cadres de chez Renault), l’ATRIS, l’association des travailleurs de chez
Renault, et la Saem, qui est le propriétaire pour le moment de ce bâtiment. Tous ensemble, il a fallu
proposer un projet qui satisfasse tout le monde. Cela a duré, puisque cela a commencé en 2007, et
en 2012 il a été inauguré. C’est une architecture un petit peu curieuse. En fait c’est des containers qui
ont été mis en œuvre par Christian Nancey. Cela sied bien, finalement, au patrimoine de Renault.
Qu’est-ce qu’on y voit à l’intérieur ? C’est un lieu de préfiguration ; ce n’est pas un lieu définitif de
mémoire, mais de préfiguration. Ici, vous avez une grande fresque chronologique, qui raconte
l’histoire, avant Renault, pendant Renault et après Renault, ce qui compte, puisque c’est aussi un lieu
de communication, notamment sur les projets autour de l’île Seguin. Vous voyez ici la grande
maquette qui présente la reconstruction.
En guise de conclusion, cette image : on est sur l’île Seguin. Il y a un restaurant derrière le grillage,
qui nous accueille. Je trouve que c’est assez symbolique. Il n’y a vraiment plus rien, il n’y a que ce
petit lieu de mémoire. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais en 1999, il y a eu une polémique
autour de la destruction de l’île Seguin, et on n’en a vraiment rien gardé, et aujourd’hui, l’île Seguin,
c’est ça.

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