L`investissement dans l`hôtellerie

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L`investissement dans l`hôtellerie
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semaine du 14 au 20 septembre 2012 - n°555
Hôtels
Une classe d’actifs
revêtant un intérêt patrimonial
v La détention conjointe de murs d’hôtel et de son fonds
de commerce permet à son propriétaire de sortir
son investissement de son assiette de calcul de l’ISF
Un rendement variable… Certains investisseurs, essentiellement des institutionnels - mais on trouve aussi quelques particuliers -,achètent toutefois uniquement des murs
d’hôtels, ceux appartenant à de grandes chaînes
hôtelières qui externalisent leur immobilier,
par exemple, mais les transactions de murs
simples, ne sont pas, en nombre, majoritaires.
Dans ce cas, un bail commercial est conclu
entre le propriétaire des murs et l’exploitant.
A moins que ce dernier ne soit pas en mesure
de régler son loyer - qui peut toutefois être
variable en fonction du chiffre d’affaires généré par le gestionnaire -, le rendement se veut
relativement stable. Comme pour un investissement en immobilier de bureaux, l’investisseur reçoit un loyer encadré par un indice.
C’est d’ailleurs le cas des propriétaires de
résidences de tourisme qui ont acquis un logement dans le cadre du dispositif fiscal CensiBouvard. Yves Marchal, directeur général
Europe du Sud de Jones Lang LaSalle
Hôtels, rappelle d’ailleurs que « ce modèle de
vente à la découpe par appartements ne se serait
n’est plus seulement investisseur immobilier, il est aussi
entrepreneur, exploitant un fonds de commerce
jamais diffusé auprès du grand public s’il n’avait
pas été sécurisé par un bail commercial » (Ndlr :
ce qui n’exonère pas les investisseurs de rencontrer un certain nombre de problèmes, lire
L’Agefi Actifs n°554, pp. 2 et 3).
… en fonction du modèle d’exploitation arrêté. En revanche, dans l’hypothèse
d’une acquisition fonds de commerce et
murs, le cœur des transactions du marché,
l’investisseur peut enfiler son costume de
gérant ou confier l’exploitation de l’hôtel à un
opérateur hôtelier qui opte pour un contrat
de location gérance (celui-ci loue le fonds de
commerce) ou pour un mandat de gestion (il
est prestataire de services).
Dans cette dernière configuration, la plus
courante selon les observateurs du secteur, le
rendement attendu par l’investisseur est plus
incertain, plus cyclique, mais aussi potentiellement plus élevé car il dépend du résultat
brut d’exploitation de l’hôtel auquel l’investisseur, propriétaire du fonds de commerce,
est directement intéressé en tant qu’entrepreneur. Aussi, alors que le rendement de murs
seuls s’établirait entre 6 % et 7 % (loyer net
sur montant de l’investissement hors frais
de notaires), celui d’un investissement murs
et fonds pourrait aller jusqu’à 9 %, voire
davantage, mais les modalités de calcul sont
variables et peu vérifiables. Certains professionnels privilégient le rapport du résultat
brut d’exploitation (RBE)
sur le montant de l’acquisition lorsque d’autres inscrivent le résultat net au
numérateur.
REA
L’investissement hôtelier
a ceci
de spécifique qu’il concerne le plus souvent
l’acquisition conjointe des murs et du fonds
de commerce, contrairement à d’autres actifs immobiliers. L’investisseur devient ainsi
propriétaire, le plus souvent via une SCI, et
exploitant, via une société commerciale. Aussi, soit il gère lui-même son hôtel en entrepreneur aguerri - seul ou affilié à un réseau
de franchises ou de chaînes hôtelières volontaires -, soit il conclut un contrat de location
gérance ou un mandat de gestion avec une
grande marque qui s’octroiera, dans ce dernier cas, des honoraires de gestion.
Pour un particulier fortuné, l’avantage patrimonial est clair : en tant qu’outil de travail,
l’hôtel ne rentre pas dans l’assiette de calcul de
l’impôt de solidarité
sur la fortune (ISF).
Une solution
de diversification et
d’optimisation fiscale à laquelle Patrick
Brispot, responsable
de l’ingénierie patrimoniale de CBRE
Global Private
Solutions, a fréquemment recours
pour ses clients.
Yves Marchal,
directeur général Europe du Sud, Les investissements
peuvent varier de 7 à
Jones Lang LaSalle Hôtels
100 millions d’euros
avec un ticket moyen aux alentours de 10 millions d’euros.
v Le placement n’est pas sans risque puisque l’acquéreur
pour les marques de qualité, ce qui permet de sécuriser leur activité sur le long terme », poursuit-il.
Aussi, c’est bien volontiers que les opérateurs hôteliers transfèrent le risque financier
et juridique lié à l’exploitation de l’hôtel à
l’investisseur.
Les externalisations nourrissent
l’offre. Que ce soit dans le cadre de grandes
externalisations, comme c’est le cas pour
Accor ou B&B, ou dans celui de nouveaux
projets de construction qu’elles initient (murs
ou murs et fonds), les sociétés hôtelières,
qui « n’ont pas vocation à être propriétaires »,
d’après CBRE Hôtels, disposent d’un savoirfaire suffisamment reconnu
en France pour trouver des
investisseurs, institutionnels
ou particuliers fortunés, qui
leur font confiance. « C’est
Le marché hôtelier
une question d’utilisation des
a représenté 1,2 milliard d’euros
ressources. Externaliser leur
Transfert du risque
de transactions en 2011 et devrait
immobilier en France leur pervers l’investisseur.
présenter des volumes similaires
met de travailler intelligemment
D’après Olivier Barthocette année.
d’autres marchés comme le Brélin, senior consultant chez
Actif de diversification
sil ou la Chine sur lesquels elles
CBRE Hôtels, les opérapour les institutionnels,
ont besoin de démontrer leur
teurs hôteliers fonctionnent
les hôtels intéressent également
compétence en investissant ellesaujourd’hui davantage avec
les particuliers.
mêmes dans le pays. Une fois
des mandats de gestion
lancée leur marque, elles pour(lorsqu’ils ne détiennent
En acquérant conjointement
ront ensuite faire le même exerpas le fonds de commerce
les murs et le fonds, les grandes
cice et externaliser », explique
et ne sont que prestafortunes peuvent sortir leur
Olivier Bartholin.
taires de services) qu’avec
investissement de l’assiette
En province, « les vendeurs
des baux commerciaux
de calcul de l’ISF.
sont au deux tiers des hôteliers
(lorsqu’ils louent les murs
qui partent à la retraite », déde l’hôtel mais détiennent
le fonds de commerce) « qui représentent des clare Philippe Souterbicq, directeur général de
engagements bilanciels importants pouvant péna- la société Christie + Co spécialisée dans les
liser le cours de leur action ».
transactions d’hôtels.
De plus, alors que les baux commerciaux
sont conclus le plus souvent pour neuf ou
Une demande hétérogène. Quant aux
douze ans, « les mandats de gestion, eux, peuvent
acheteurs, Philippe Souterbicq les classe en
avoir une durée de vingt ans, voire beaucoup plus, trois catégories : les investisseurs profession-
orientations
nels, d’abord, souvent multipropriétaires,
qui utilisent la dette comme effet de levier et
se positionnent sur des fonds de commerce
avec ou sans les murs. On trouve ensuite les
investisseurs institutionnels, fonds d’investissement, assureurs qui investissent sur des
projets en général supérieur à 20 millions
d’euros.
Enfin, restent les investisseurs opérationnels, ceux qui vont diriger eux-mêmes leur
hôtel (moins d’une cinquantaine de chambres
en général) et s’impliquer, directement ou
indirectement, dans sa gestion quotidienne.
Il peut s’agir d’anciens directeurs d’hôtels
comme de personnes se lançant dans l’hôtellerie à la suite de reconversions de fortunes
avec des problématiques d’impôt de solidarité
sur la fortune (ISF).
Après la cession de leur affaire, ils réinvestissent le fruit de leur vente dans une nouvelle entreprise en acquérant conjointement
les murs et fonds d’un ou plusieurs hôtels afin
que l’investissement, bien professionnel, soit
exonéré d’ISF.
Une classe d’actifs qui fait son chemin. D’après IPD, « le volume global investi
en France en immobilier d’entreprise (bureaux,
commerces et logistique) devrait retomber à
12 milliards d’euros en 2012 ». Drainé par de
grandes transactions, le marché des hôtels
a représenté environ 1,2 milliard d’euros en
France en 2011, d’après Jones Lang LaSalle,
qui prévoit pour 2012 des volumes similaires.
Avec près de 10 % des échanges en immobilier d’entreprise, le marché hôtelier prouve
qu’il n’est pas aussi marginal qu’il y paraît
mais qu’il constitue une réelle classe d’actifs
qui s’installe, au fil du temps, comme « un
moyen de diversification ou de spécialisation pour
des foncières, des OPCI, des SCPI, et même des
particuliers », conclut Yves Marchal. A nne -L aure D eclaye