Charles Compagnie : le théâtre pour renaître de la

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Charles Compagnie : le théâtre pour renaître de la
L'Interdit
Charles Compagnie : le théâtre pour renaître de la souffrance
Soumis par Sylvain Marcelli - Photos : Karine Delmas
07-12-2007
Le roman "Sans sang" d’Alessandro Baricco, évoque les horreurs de la guerre et la possibilité de la résilience.
Comme un écho à sa propre vie, le jeune comédien Charles Compagnie le porte sur scène, avec quatre acteurs.
Entretien intime, interview vérité.
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Pourquoi avoir adapté ce texte signé Alessandro Baricco ?
Ce roman très court, d'une centaine de pages, est très intense et absolument virtuose. C'est l'histoire d'une vendetta
après une guerre civile : les vainqueurs se vengent sur un homme qui a commis des crimes de guerre. Ils vont chez lui,
mais il est avec ses gosses. Il cache sa petite fille. Les vainqueurs tuent son fils, l'un d'eux voit la petite fille cachée mais
ne dit rien. En repartant, ils incendient la maison. Dans la deuxième partie du livre, le bourreau retrouve sa victime : il a
peur que la petite fille qu'elle était fasse justice elle-même. Va-t-elle le tuer ? Sans doute, mais avant ils parlent, dans un
café. Faut-il se venger ou pardonner ? La force du texte de Barrico est de poser cette question essentielle avec une
écriture d'une grande délicatesse. Il y a des passages hallucinants, des monologues qui sont des tours de force pour un
acteur. Parfois, Barrico manie des poncifs, mais il les retourne et cela devient vraiment une langue universelle. Il est très
fort pour trouver l'émotion pure, atteindre le sublime, pointer le plus petit dénominateur commun de l'être humain. Ce
texte peut accompagner les gens dans leur propre guérison. Ce qu'il raconte est évident, mais cela n'avait jamais été
dit aussi simplement.
Comment porter ce roman sur scène ?
En le respectant à la virgule près, en partant du premier mot pour arriver au dernier mot. Dans cette mise en scène, j'ai
enlevé seulement une fois l'expression "dit-il", qui ne passait pas à l'oral. Pour porter ce texte, je crois à l'acteur, à la
puissance de l'incarnation. Je crois plus à Artaud qu'à Brecht. En fait, la distanciation, la dialectique, ça m'emmerde et ça
emmerde le spectateur. Sur scène, il y a quatre comédiens, qui figurent chacun plusieurs personnages. Comme le
bouquin est très visuel, il y a aussi de la vidéo, une vidéo qui parle directement à l'inconscient. Ma première idée était
d'ailleurs d'adapter ce texte sous la forme d'un moyen métrage.
Pourquoi es-tu tellement ému par ce texte ?
Ce texte me parle très fort car il entre en résonnance avec ce que j'ai traversé. J'ai assisté à une guerre. A trente piges,
je veux me débarrasser de cette histoire. Quand j'étais gamin, mon père travaillait pour Action contre la faim. Parti en
mission au Soudan, il m'a emmené avec lui un été. J'avais onze ans et j'ai vu des camps de réfugiés éthiopiens.
J'avais onze ans et j'ai vu un enfant de mon âge mourir de faim sous mes yeux. J'en fais encore des cauchemars. Je
revois les médecins qui s'acharnent sur lui alors qu'on sait qu'il va mourir. Je revois ce marabout au milieu du désert où
tout est blanc, propre, technologique, les médecins autour de cet enfant. Et mon père qui d'un coup me voit et me dit "tu
sors", mais je ne peux que rester. Le même jour, un Dinka, un homme de deux mètres de haut, entièrement scarifié,
s'est précipité sur moi avec un coupe-coupe. J'ai cru qu'il allait me couper la tête. En fait, il a tué un serpent derrière
moi. Après cette expérience, je suis rentré en France avec une sainte colère comme dit Nougaro. Et j'ai créé le premier
club "Tiers Monde" du collège. A treize ans, j'ai pris la carte des Jeunesses communistes, à quatorze ans je l'ai déchirée.
J'étais syndiqué dans toutes les organisations d'extrême gauche à l'université. A vrai dire, ces dix ans d'action politique
pendant l'adolescence m'ont emmené dans le mur : j'étais devenu une caricature de moi-même. En 1997, j'ai passé
trois mois à l'hôpital après avoir été agressé à Lille. C'est sur ce lit que j'ai pris la décision d'assumer de ne faire que du
théâtre, de m'autoriser à y croire comme un instrument d'action politique. Avec le collectif de la Mandragore, de 1998 à
2002, nous sommes allés très loin dans les revendications sur scène. Aujourd'hui, je veux parler un langage plus
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L'Interdit
universel et plus apaisé. Baricco me permet de dépasser toute cette violence. Ce texte est ma catharsis.
Senza Sangue, de Alessandro Baricco, par la compagnie [ta zoa]. Mise en scène : Charles Compagnie. Avec Sophie
Boulanger, Carmelo Carpenito, Henri Lavie, Floriane Potiez et la participation de Léna Dhalluin. Conception vidéo :
Bénédicte Alloing. Chorégraphie : D’Ici-Danse. Création du 8 au 15 décembre 2007 au Zem Théâtre à Lille. Les
samedis 8 et 15 à 19h00, les autres soirs à 20h30, relâches le dimanche 9 et le jeudi 13 décembre. Tarif plein : 7,5 €.
Tarif réduit : 5 €. Réservations : 03 20 54 13 44.
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