Extrait texte « Nuits d`amour éphémère » Le partage

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Extrait texte « Nuits d`amour éphémère » Le partage
Le partage de la Nuit
Extrait texte « Nuits d’amour éphémère »
Adolfo. – Laissez-moi vous expliquer. Quand j’ai parlé de précipitation, c’est que l’on a parfois besoin d’aide avant de
prendre une décision importante. Vous me comprenez. Nous vivons à toute allure, dans un monde angoissant. Nous
nous laissons accabler par des futilités et nous oublions ce qu’il y a de fondamental : les grandes vérités de la vie. Vous
avez lu la Bible ?
Sabina. – Qu’est-ce que ça peut te faire ? Si tu dis ça pour que je me sente inculte… Alors voilà ! En plus de me sentir
complètement saoule, idiote, abandonnée, maltraitée par les scénaristes… en plus de ça, tu veux que je me sente
complètement inculte…
Adolfo. – Il ne s’agit pas de ça. Que vous ne possédiez pas encore la bible ne signifie rien de… Je suis là pour ça. Il y
a, ce mois-ci, une offre spéciale. Tout à fait exceptionnelle. Ce volume, par exemple, relié pleine peau et vendu au prix
habituel de vingt-cinq mille pesetas, nous vous l’offrons, ce mois-ci et ce mois-ci seulement, au prix insignifiant de vingt
mille cent quatre-vingt dix-neuf pesetas.
Sabina. – (décrochant le téléphone) Oui, allô ? (elle raccroche et regarde Adolfo) Personne.
Adolfo. – Je peux vous assurer qu’il s’agit là d’une véritable aubaine. Une occasion à saisir ! Et puis, nous l’avons dans
tous les coloris, ou presque, car nous pensons toujours à notre client et aux couleurs de son mobilier. En entrant, j’ai
remarqué vos meubles. C’est du pin. D’un goût exquis, soit dit en passant, et la verte, tout comme conviendraient
parfaitement…
Sabina. – Je ne peux pas. Je ne vais pas pouvoir…
Adolfo. – Il y en a de moins chères.
Il cherche un autre modèle.
Sabina. – C’est sûr : rien que d’entendre sa voix, je ne vais plus pouvoir parler et je vais rester là, comme le nain de
Blanche-Neige. Muette. (Elle rit)
Adolfo. – (riant sans comprendre) Celle-ci, par exemple, beaucoup plus classique, ne coûte que dix-huit mille deux
cents.
Seuls cette nuit
Extrait texte « Nuits d’amour éphémère »
Une station de métro déserte.
José.- Eh ! Attendez…
Carmen s’arrête net. José s’approche.
Carmen.- (effrayée, elle parle à toute vitesse) Je n’ai rien. Je suis descendue dans le métro parce que je me suis
retrouvée sans un sou. Pas un centime, je le jure… Tenez. (Elle lui tend son sac) Vous pouvez le garder. La montre a
de la valeur. Tenez, vous pourrez la revendre. Les bagues… je n’arrive pas à les ôter. Par pitié, pas les doigts. Vous
n’allez pas me couper les doigts…
José.- Mais qu’est-ce que vous racontez ? Qu’est-ce qui vous prend ? Je vous ai demandé quelque chose ?
Carmen.- Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’est-ce que vous me voulez, à moi ?
José.- Putain ! C’est ce qui s’appelle se taper un flippe ! J’ai une sale gueule, ou quoi ?
Carmen.- Non, non, c’est que… il est très tard. Je n’ai pas l’habitude d’être toute seule dehors à des heures pareilles…
Je ne prends jamais le métro et…
José.- Je vois. D’habitude, à cette heure-ci, t’es chez toi, devant la télé. (désignant le sac et la montre) Ramasse tes
affaires, respire. (Carmen acquiesce) Calme-toi ! Hein ? Calme-toi.
Carmen.- Qu’est-ce que vous vouliez ?
José.- Je voulais savoir si tu attends depuis longtemps.
Carmen.- Oui, assez. On m’a dit que le dernier métro allait passer…
José.- Le dernier, il a toujours du retard. Remarque, il devrait déjà être là.
Carmen.- (scrutant le tunnel) Je crois qu’il arrive.
José.- (après un temps) J’entends rien.
Carmen.- Moi non plus.
José.- Bon, ben, y’a plus qu’à attendre. (Il sort un sandwich) T’en veux ?
Carmen.- (sans regarder) Non merci je ne fume pas.
Carmen arpente nerveusement le quai.
José.- Du calme ! Tu me donnes le tournis. T’as faim ?
Carmen.- Non merci.
José.- C’est au jambon
Carmen continue d’aller et venir sans lui prêter attention.
José.- T’entends ? C’est un sandwich au jambon.
Carmen.- Et alors ?
José.- Alors c’est au jambon. T’en veux un bout ?
Carmen.- Non vraiment, merci. J’ai dîné il y a un moment.
Elle continue d’aller et venir de plus en plus nerveuse.
José.- Au restaurant ?
Carmen.- Comment ?
Extrait texte « Nuits d’amour éphémère »
José.- Je demande si tu as mangé au restaurant ?
Carmen.- Oui.
José.- Toute seule ?
Carmen.- Ça commence à être inquiétant, ce retard.
[…]
Au clair de la Nuit
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Rosi court vers la balançoire. Fran la rejoint. Elle s’assoit sur un des sièges, Fran s’assoit sur le siège en face et fait
monter Rosi.
Fran. – On va faire un jeu. Celui qui est en haut doit dire une vérité. Une de ces choses qu’on n’ose jamais dire tout
haut. Tu veux bien ?
Rosi. – D’accord. C’est toi qui commences.
Fran. – (s’élevant) J’aimerais un procès qui me fasse millionnaire !
Rosi. – (en haut) Je voudrais avoir une maison de campagne.
Fran. – Je suis lâche.
Rosi. – Je suis ignorante.
Fran. – J’ai des hémorroïdes.
Rosi. – J’ai un oignon au gros orteil.
Fran. – Je hais mon père.
Rosi. – (s’en s’arrêter) Pouquoi ?
Fran. – (s’en s’arrêter) C’est pas du jeu de poser des questions.
Rosi. – (en haut) D’accord.
Fran. – A toi de jouer.
Rosi. – Je n’aime pas le devoir conjugal.
Fran. – Pourquoi ?
Rosi. – Pas du jeu !
Fran. – (s’élevant) Mon père battait ma mère.
Rosi. – Je ne jouis pas au lit.
Fran. – J’ai une toute petite bite.
Rosi. – J’ai ce truc qui fait mal à la chatte.
Fran arrête le jeu.
Fran. – Tu n’as jamais joui au lit ?
Rosi. – Oh, si, ça m’a bien plu une ou deux fois, je crois, je ne m’en souviens pas. Maintenant, ça fait mal… C’est que
je suis toute sèche, tu sais ? Les liquides du ventre ne coulent plus vers le bas… Ah lala ! Ce que je suis en train de te
raconter.
Fran. – Raconte-moi tout.
Rosi. – Eh bien… Paco, il met ses genoux entre mes cuisses et il les ouvre. Alors moi, je prie, je prie pour qu’il fasse
vite et qu’il m’arrose avant que j’y vois trente-six chandelles.

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