souvenirs de la famille Gailly site WEB V2 R002

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souvenirs de la famille Gailly site WEB V2 R002
Pierre PREVOT
SOUVENIRS de la FAMILLE GAILLY
1
Reproduction totale ou partielle interdite sans l’autorisation de l’auteur.
Pierre PREVOT, 101 rue de Bon Secours, 6220 FLEURUS – A.E.S.S Histoire - Ulg
Du même auteur :
Souvenirs de la famille Gailly - Ce texte a été publié en première version dans le bulletin 17
de 1989 de la Société d’Histoire, Arts et Folklore des communes de Fleurus. Ce texte est une
seconde version en format PDF.
La fondation de la mutuelle Sainte Barbe. - L’article initial a été publié dans Société
d’Histoire, Arts et Folklore des Communes de Fleurus, bulletin n°17, pp.21 à 23. Ce texte est
une seconde version en format PDF.
L’hospice et les œuvres de bienfaisance à Fleurus ou Plaisirs et Charité Ce texte a été publié
en version originale dans le bulletin 25 de 1992 de la Société d’Histoire, Arts et Folklore des
communes de Fleurus. Ce texte est une seconde version en format PDF.
Les moulins de la famille Naveau : mythe et réalité, Seconde édition en format PDF.
Souvenirs de la famille Folie Seconde édition en format PDF
Du moulin de Fleurus… aux moulins de sulfate de baryte, Seconde édition en format PDF.
La brasserie Dubois Seconde édition en format PDF.
Un vrai Fleurusien : Paul Vassart - Seconde édition en format PDF
Réédition du livre de Charles JACQUET : Souvenirs sur la petite ville de Fleurus sur la révolution de 1830 (…)
– présentation – commentaires et illustrations.
Une querelle oubliée : la question de l’inhumation. 2006. Texte en format PDF.
Gaston De Spandl : (1775 - 1836) - Régisseur financier- maître de fosse. 2011 - Seconde édition en format PDF.
La vente des biens nationaux à Fleurus - 2008. Texte en format PDF.
Le démembrement de l’abbaye de Soleilmont – – 2011- Seconde édition en en format PDF.
Deux frères dans les biens noirs : les Derkenne - – 2011- Seconde édition en en format PDF.
Un quartier oublié – le Vieux Campinaire à Fleurus – ou - La mutation d’un zone forestière en zone industrielle
au XIXeme siècle (en cours d’élaboration).
2
SOUVENIRS DE LA FAMILLE GAILLY1
Dans les archives d’une ancienne famille de Fleurus – les Gailly – nous avons eu la chance de
découvrir quelques documents remarquables relatifs au début du siècle passé et dont nous
allons publier ci-après quelques extraits2.
Ainsi commençait un de nos premiers articles publiés en 1989. Depuis l’intérêt pour cette
famille n’a cessé. De nouvelles recherches nous ont permis de quelque peu remanier notre
premier article.
La famille Gailly à Fleurus
Les premières mentions aux registres paroissiaux font mention d’un Jacques Gailly, décédé à
Fleurus le 20 janvier 1748. Il avait épousé Marie Catherine Gilson, décédée le 19 janvier
1759.
De ce couple sont baptisés 4 enfants :
Pierre Michel : le 20 juin 1733
Marie Joseph : le 26 mai 1734
Jean Nicolas : le 29 septembre 1736
Jean François :
Ce sont Jean Nicolas et Jean François qui vont essaimer sur Fleurus3.
La branche Jean Nicolas
Jean Nicolas Gailly, maître de carrières de pierre de tailles et bourgeois de Fleurus, épouse
Marie Ursule Fontaine le 13 avril 1760 à Fleurus 4
1. François Joseph Ghislain : 5 mars 1761 – 4 avril 1761
2. Nicolas Jean Joseph Ghislain : 10 janvier 1763 – 19 mars 1829 ; époux de Marie
Madeleine Durlet.
3. Pierre Joseph Ghislain : 3 décembre 1764 - ? époux de Marie Thérèse Devers.
4. Marie Joseph : 24 juillet 1766 – 28 avril 1834 ; épouse d’Anselme Martin Naveau (le
constructeur du moulin Naveau) (voir article sur les moulins de Fleurus)
1
Ce texte a été publié en première version dans le bulletin 17 de 1989 de la Société
d’Histoire, Arts et Folklore des communes de Fleurus.
2
L’auteur remercie ici chaleureusement madame A. M. Bauloye et monsieur Charles Gailly
qui ont accepté de répondre à nos questions avec tant de gentillesse et nous ont communiqué
des documents remarquables.
3
Nous nous sommes volontairement limités sur la partie de la famille Gailly propriétaire de
l’auberge.
4
Cette profession s’explique par la présence des anciennes carrières et des fours à chaux
situés derrière l’auberge que tenait la famille Gailly. A la fin du XVIIIème siècle, début du
XIXème, apparaissent de nouvelles familles de tailleur de pierres, de couvreurs en ardoises, ce
qui semble indiquer une évolution importante dans le choix des matériaux de construction des
habitations. On délaisse le paillage et le torchis au profit de la pierre, de la brique et de
l’ardoise.
3
5. Melchior Joseph Ghislain, 6 janvier 1769- ?
6. François Joseph : 24 novembre 1771 – 24 novembre 1771
7. Jean François Ghislain : le 24 juin 1773 - ? , époux d’Alexandrine Joseph Chaudron
(mariage le 13 germinal an XII ou le 3 avril 1804)
A l’Etat Civil, lors de la naissance des enfants, le père est renseigné avec une série de
professions différentes : aubergiste, cabaretier, brasseur, tailleur de pierres et vendeur de
bières5. Les Gailly sont cependant principalement des tailleurs de pierre, ou plus précisément,
des maîtres de carrières car ils ont du bien. C’est ainsi qu’ils ont notamment acquis en 1781
une maison au village de Ligny6 dont ils rachèteront plus tard les deux rentes grevant le bien7.
En 1783, ils deviennent propriétaires d’un jardin emmuraillé à la rue des tanneries8.
A partir de 1791, le couple va vendre une partie de ses biens afin de récupérer les capitaux
indispensables à la construction de la future auberge le long de la chaussée. Le 16 mai 1791,
Jean Nicolas Gailly et son épouse vendent à Jean Nicolas Gailly et son épouse Madeleine
Durlet, une maison située sur la grand place de Fleurus, pour la somme de 300 florins et une
rente9. En 1792, ils vendent une autre maison située près du couvent des Récollets en cette
ville, (actuellement, la rue du Collège à Fleurus) à Antoine Fisher et Marie Françoise Joseph
Folie pour le prix de 2.900 florins Brabant10.
L’auberge Gailly
L’origine exact de a construction de l’auberge nous est mal connue car nous avons retrouvé
dans les archives notariales deux documents contradictoires.
Selon un acte du 5 juin 1787 passé devant le notaire Gautot senior de Fleurus, Perpète de Paul
de Barchifontaine loue outre 10 bonniers de terres labourables sises à Fleurus et à partir de
1796 de 20 bonniers de terres sises dans les campagnes de Plomcot et de Ligny - à Thomas
Foucart, originaire de Bliquy, un terrain et une maison à construire avec écuries et grange
pour former une auberge sur le pavé de Fleurus à Sombreffe. La construction de cette auberge
est évaluée à 3.000 florins et doit être habitable en juin 1788. 11
Trois plans étaient joints en annexe à l’acte, mais ils sont disparus malheureusement. Pour
moi, il est possible que cet acte soit relatif à l’ancienne ferme des voituriers et fermiers
Philippart, composée d’une belle grange et une maison, le tout se trouvait sur l’actuelle
chaussée de Charleroi, près du magasin GB.
Selon un acte du 1 juillet 1790 du notaire Warnier, Jean Nicolas Gailly achète une pièce de
terre le long de la nouvelle chaussée, près du ruisseau de Plomcot. ; ce qui semble mieux
correspondre à la localisation de notre auberge. Je pense que c’est sur ce terrain que va être
5
Registres paroissiaux de Fleurus et Etat civil de Fleurus aux dates indiquées – documents
consultés aux archives de l’Etat à Mons et à l’administration communale de Fleurus
6
A.E.M., Notariat, n°1090, notaire Van Meerbeeck, acte du 19 juin 1781.
7
A.E.M., Notariat, n°330, notaire Delvaux, acte du 15 mars 1784.
8
A.E.M., Notariat, n° 977, notaire Reumont, acte du 16 octobre 1783.
9
AEM, Notariat, n°979, notaire Reumont, acte du 16 mai 1791 – la rente est due aux héritiers
de Philippe Misonne suivant acte passé devant le notaire Petit le 5 novembre 1763.
10
A.E.M., Notariat, n°980, notaire Reumont, acte du 20 février 1792.
11
A.E.M., Notariat, n°486, notaire Gautot, acte du 5 juin 1787
4
érigée l’auberge Gailly en 1791.12 L’immeuble sera négligé au cours des années 1960 -1970.
Il sera finalement démoli en décembre 1999.
L’auberge Gailly en état de délabrement – photo de l’auteur (1989)
Elle a été démolie en décembre 1999.
Les enfants du couple Gailly-Chaudron sont :
a) Jean François Ghislain,
Né le 10 messidor an XII (le 29 juin 1804), il exerça la profession de vétérinaire à
Quaregnon où il succomba à une blessure de cheval.
b) Antoine Joseph
né le 13 janvier 1806 et décédé le 7 novembre 1897 à Thulin et dont un chapitre lui est
réservé infra.
c) Philippine Françoise Emilie
née le 25 février 1808, épousa en premières noces un Noiset et en secondes Joseph
Preud’homme. En 1861, ce couple réside à Bruxelles, rue des Champs Elysées 23.
d) Thérèse Joseph
née le 30 avril 1810, épousa le 22 juillet 1835 Nicolas Quinet, né à Gilly, qui exerça les
professions de voiturier et de marchands de bois.
e) Charlotte Joseph
née le 7 janvier 1813, épousa Désiré Friart qui fut successivement cabaretier, brasseur et
fermier à Blaregnies.
f) François Joseph
né le 30 septembre 1817, époux de Catherine Goffint et décédé à Quaregnon avant 1861.
12
Ch THEYS, Op. Cit., page 43 – A.E.M., Notariat, n°1140, notaire Warnier, acte du 1 juillet
1790.
5
g) Emmanuel Alexandre
né le 8 août 1819, épousa Virginie Mineur. Il exerça la profession d’horloger à Gerpinnes.
h) Aldegonde Virginie
née le 6 juin 1821, se maria avec Maximilien Hollevoet et est négociante rue de la
madeleine, 73 à Bruxelles13.
En 1815, le couple Gailly-Chaudron vit toujours avec ses cinq premiers enfants à l’auberge de
la barrière ou auberge Gailly. Cet immeuble se situait sur la chaussée de Charleroi, direction
Gembloux à main droite. Il fut démoli en décembre 1999 pour faire place à une toute nouvelle
construction à usage commercial (un marchand de vélos présentement)14.
Ce bel immeuble était suffisamment vaste pour accueillir les voyageurs. Selon Clément Lyon,
rédacteur à L’éducation populaire, l’auberge jouissait d’un certain succès15.
…Comme en ce temps-là (1815), on ne connaissait point les chemins de fer, le roulage, activé
par le commerce de charbon avec le Brabant et le pays de Namur, était des plus importants et
les routiers s’arrêtaient volontiers à cette auberge renommée…16.
Les écuries se trouvaient sous le bâtiment principal et on y accédait par l’arrière. Un
recouvrement de ciment cachait les briques du bâtiment, ainsi que les pierres d’assises et
d’angles. Au-dessus de la porte d’entrée, un blason était dessiné dans le ciment ; il s’agissait
en fait d’un arbre avec quelques fruits ….un « gailly »17.
13
L’éducation populaire, le 17 mars 1898, rubrique nécrologique.
Il s’agit sans doute d’une allusion directe à une ancienne barrière où les voyageurs payaient
le droit de chausséage (passage).
15
L’éducation populaire était un hebdomadaire régional rapportant le plus souvent les potins
mondains de Charleroi. Les journalistes ont parfois tendance à embellir certaines situations. Il
avait été créé par Clément LYON. Sur celui-ci, on lira Joseph HARDY, Historiens de
Charleroi, in La vie wallonne, tome XXIX, nouvelle série (n°270), 2ème série, 2 trim. 1955,
pp. 81 à115 et le livre de Joseph HARDY, Chroniques carolorégiennes, (inspirées des écrits
de Clément Lyon), Charleroi. A compléter par une publication récente Christian JOOSTEN,
L’éducation populaire de Clément Lyon, un homme et son journal à Charleroi à la fin du
XIXeme siècle, in Documents et rapports de la société royale d’archéologie d’histoire et de
paléontologie de Charleroi, tome LVIII, 1996-2006, Charleroi,2006, pp. 25 à 56.
16
L’éducation populaire, le 17 mars 1898, rubrique nécrologique.
17
Gailly : c’est le mot wallon pour désigner un noyer.
14
6
Détail de la façade de l’auberge Gailly : le « gailly » (noyer) moulé dans le ciment
au-dessus de la porte d’entrée principale.
Le 16 juin 1815
Le 16 juin 1815, lors de la bataille de Ligny, l’auberge fut englobée dans les avant-postes
français. Laissons le journaliste de L’éducation populaire, nous raconter cette mémorable
histoire :
……..Ce jour-là, brusquement les armées prussiennes et françaises se rencontrèrent dans les
plaines de Fleurus et dans le voisinage de l’auberge paternelle, située sur le côté droit de la
route de Fleurus-Namur, presque à la hauteur du village de Ligny, où eut lieu l’action
principale de la bataille. Sur la gauche de la route, un peu plus loin que la propriété de
Plomcot se trouvait un longue ligne d’épaulements, gazonné à la hâte, derrière lesquels
l’artillerie française envoyait ses boulets sur Ligny, un peu plus loin, sur la droite de la route
vers Tongrinne, était massé la cavalerie.
Ah ! quelle fut calamiteuse pour nos campagnards fleurusiens, cette terrible journée qui se
termina par la défaite de l’armée prussienne, commandée par Blücher. Tous durent
abandonner leurs demeures avec leurs femmes, leurs enfants, leurs objets les plus précieux,
leurs chevaux, leurs bestiaux18 ; ce fut dans la matinée au bruit des premiers coups de canon,
qu’ils s’enfuirent ainsi au loin vers les bois, en bandes éperdues, désordonnées, par tous les
chemins et sentiers, en poussant des cris d’effroi et de désespoir ; dans l’après-dîner,
lorsqu’ils virent l’horizon se couvrir de noires fumées à travers lesquelles apparaissaient,
18
Cette scène n’est pas sans rappeler l’exode de mai 1940.
7
comme de fulgurants éclairs, les flammes sinistres de Ligny incendié au bruit épouvantable
du canon et de la fusillade, ils purent croire que leur ruine était consommée.
….L’auberge du père Gailly était située presque à l’extrémité droite de la ligne de bataille
des Français, à quelques distances de leurs batteries d’artillerie qui -…- foudroyaient Ligny
et de la cavalerie commandée par le général Excelmans. Dans la matinée, des boulets étant
venus s’abattre sur sa demeure, le père s’était enfui avec sa femme et ses nombreux enfants,
dans la direction de Tongrinne, à travers champs, profitant des chemins creux pour se garer
des balles qui sifflaient à leurs oreilles ; la mère portait sur ses bras son dernier né. Les
autres enfants, frères et sœurs, suivaient éperdus, accrochés aux jupes de cette bonne mère.
-….- Pendant de longues années, nos riches contrées agricoles du pays de Fleurus restèrent
désolées par les conséquences de cette guerre qui, pour n’avoir eu lieu que quelques jours de
durée19(13), n’en avait pas moins ruiné les fermes dans leur bétail, dans leurs chevaux, dans
ces belles moissons qui ondulaient dans la vaste campagne, comme les vagues de la mer, et
que le chaud soleil de juin commençait à dorer.20
Au-delà des clichés littéraires, il faut reconnaître que la journée du 16 juin fut très pénible
pour les civils et particulièrement pour les agriculteurs qui virent la future récolte piétinée,
saccagée, voire brûlée et le bétail réquisitionné par la troupe21. Ces événements militaires sont
aussi évoqués dans une poésie de circonstance dont voici un bref extrait :
Enfant, il a vu les batailles,
Celles du grand Napoléon :
A ses oreilles les mitrailles
Apprirent un jour ce grand nom.
C’était presque cette journée
Où le géant fut abattu
C’était Fleurus,ô destinée !
Dernier succès du grand vaincu.
Fleurus, où la vague opportune
Poussait encore le vaisseau,
Dernier remous de la fortune
19
La bataille de Ligny ne dure que la journée du 16 juin 1815. Peut-être que le journaliste
inclut les accrochages du 15 juin entre Prussiens et Français à Gilly et Fleurus Soleilmont, ou
alors, il évoque les journées des 16 – 17 – 18 juin et les jours suivants. En effet, des milliers
de cadavres de soldats des deux camps furent emmenés, pour y être incinérés sans la moindre
identification, dans les fours à chaux de Fleurus, Charleroi et Fontaine-l’Evêque. Willy
GUERLEMENT, Anderlues au fil des temps, tome II, édition des trois sources, 1986, page
119.
20
L’éducation populaire, le 17 mars 1898, rubrique nécrologique.
21
Sur le ressentiment des populations locales, sur les réquisitions et les levées d’hommes, on
lira J. KAISIN, Annales historiques de la commune de Farciennes, tome II, Tamines, 1889,
pp. 238 à 247 et 309 à 313 et J. KAISIN, Annales historiques de la commune de Châtelineau,
Farciennes, 1871, pp.337 à 388.
8
Fleurus qui devint Waterloo22(16)
L’enfant dont il est question ici, c’est Antoine Gailly. Le 16 juin 1815, il était âgé de neuf ans
lorsqu’il s’enfuit avec ses parents à travers la campagne. Cet épisode de sa vie l’avait
fortement marqué et il n’hésitait pas à le raconter à l’occasion. Mais notre homme a d’autres
souvenirs fort intéressants comme nous allons le voir.
Antoine Gailly à Rome
Antoine Gailly est élevé par ses parents « dans les grands principes de la foi et de la piété
chrétienne »23. Après avoir accompli ses études à l’Athénée de Namur, au petit séminaire de
Floreffe et enfin au Collège de Fleurus24, il poursuivait les études de la religion au collège
philosophique de Louvain25. Cependant, comme ce collège était mal considéré, il décide
d’aller parfaire ses études au collège belge de Rome. La plus grande partie du coût de ces
études était couverte par la bourse d’étude qu’il avait obtenue.26
Après un voyage mouvementé, il arrive à Rome en septembre 1828 où il séjourne pendant
trois ans. Il entretient une importante correspondance avec ses proches restés au pays. Les
lettres adressées à ses parents ont été précieusement conservées et soigneusement
dactylographiées par la famille Gailly. En dépit d’un style vieillot, ampoulé, cette
correspondance est fort intéressante, car notre étudiant explique les embarras de son voyage,
22
Poésie d’Arthur DUPONT (Thulin 1857 – Puebla 1885) dans Cinquantenaire de mr l’abbé
Gailly, curé de Thulin, Péruwelz, 1894, pp.4 à 7.
Sur la campagne de 1815, on se référa à H. BERNARD, Le duc de Wellington et la Belgique,
Bruxelles, 1983, pp.147 à 248. Le professeur Bernard réfute scientifiquement la thèse selon
laquelle Grouchy aurait fait perdre la bataille de Waterloo à Napoléon. Dans ses Mémoires
dictées à Las Casa, l’Empereur déchu crée sa légende en chargeant de fautes ses subordonnés.
Sur Napoléon et le mythe toujours vivace qui l’entoure, on lira avec profit L.E. HALKIN,
Initiation à la critique historique, 4ème édition, Paris, 1973, pp.187 à 198. Le portait exécuté
par ce maître de la critique historique est peu flatteur pour Napoléon. « Celui-ci s’occupait
trop de sa gloire pour penser au bien de peuple, au sang de ses soldats, à l’avenir de son
pays,.. »
23
L’éducation populaire, le 17 mars 1898, rubrique nécrologique.
24
Le Collège de Fleurus, auquel fait allusion Antoine Gailly se situait rue du Collège, sur
l’emplacement de l’actuelle salle des fêtes de l’ancien hôtel de ville (celui de 1905, sur la
place Ferrer). Ce collège est payant à l’époque et organisé par le pouvoir communal. Le
directeur en est Jean François Denis de 1822 à 1832, date à laquelle un différend sans doute
d’ordre politique surgit. Le pouvoir communal refuse de renouveler la convention existante
avec Jean François Denis. Les tribunaux donnent raison à la Ville qui peut alors nommer
comme nouveau directeur Maximilien Duvivier le 1 janvier 1834. Une copie du règlement du
concours pour le poste de directeur du collège est consignée dans le registre aux délibérations
du Conseil communal de Fleurus.
A.E.M., Administration communale, Fleurus, n°4, registre aux délibérations du Conseil
communal et Charles JACQUET, Souvenirs sur la petite ville de Fleurus, Bruxelles, 1865, pp.
22 et 23. (copie accessible sur le présent site.)
25
Dictionnaire d’Histoire de Belgique, publié sous la direction du professeur H. HASQUIN,
Bruxelles, 1988, pp.96.
26
L’éducation populaire, le 17 mars 1898, rubrique nécrologique.
9
la vie quotidienne à Rome, l’élection du Pape, les cours suivis ; mais aussi commente les
événements de Fleurus dont ses parents l’informe : ainsi, les fiançailles de Pauline Gailly avec
Léopold Misonne, futur notaire27. Nous nous sommes limités à publier les extraits des lettres
relatives aux événements de 1830 en Belgique.28
Le 6 janvier 1830, Antoine Gailly écrit à ses parents :
Je suis inquiet sur l’issue des affaires ecclésiastiques de notre pays : on dit qu’elles sont
encore incertaines et la manie des pétitions n’a pas encore cessé. Quant à vous autres, je
vous recommande de toujours vous tenir neutres et de ne jamais signer pour quelque sujet
que ce soit.29
Visiblement, notre étudiant est inquiet de la grogne qui règne en Belgique. Cette anxiété va
grandir au fil des mois. Le 16 septembre 1830, il écrit :
Chers Parents,
Je m’étais proposé de ne pas vous écrire avant que je n’eusse premièrement de vos nouvelles,
mais vaincu par l’impatience, et surtout après avoir ouï parlé des troubles qui viennent d’être
excités en Belgique, il me fut impossible de pouvoir différer plus longtemps. J’ai appris, chers
parents, que les Belges à l’exemple des Français avait levé l’étendard de la révolte, que
Bruxelles avait été investi de tous côtés et qu’enfin tout le pays était en émeute.30
Inquiet sur tant de périls où notre patrie non moins que nos intérêts particuliers se trouvent
engagés, je désirerais que vous m’envoyassiez au plus tôt possible des détails assurés qui
puissent me donner connaissances des événements déplorables …
Effectivement en Belgique comme à Fleurus, les événements se sont précipités. Le 4
septembre 1830, un conseil communal extraordinaire est convoqué. Non seulement les
membres en fonction y participent mais aussi les principaux bourgeois non-orangiste de la
27
Pauline Gailly est la fille de Jean Jacques Gailly, marchand de bestiaux et rentier et de
Philippine Wirtz (Confer mon article sur les moulins Naveau sur le site :
www.fleurusouvenirs.be) La mariée apporte en dot une maison sise rue de Namur à Fleurus
d’une valeur estimée à 2.571 florins des Pays Bas 42 cents. Le couple devra payer une rente
viagère aux parents Gailly la somme de 68 florins 57 cents.
Le contrat de mariage entre Léopold Misonne, notaire à Fleurus et Pauline Gailly a été passé
le 20 mai 1829 chez le notaire Carpent de Fleurus - A.E.M., Notariat, n°3539, notaire
Carpent, acte du 20 mai 1829, n°3952.
Le partage des biens entre les enfants a été conclu par le notaire Werner De Corte de
Gosselies, mais passé à Fleurus dans l’étude de Léon Misonne. A.E.M., Notariat, n°14.360,
Notaire Werner De Corte, acte du 10 octobre 1886. Les biens sont partagés entre huit enfants,
dont Elvire Misonne, entrée en religion sous le nom de sœur Pauline. La maison parentale se
trouvait rue de Namur avec un parc à l’arrière avec une porte de sortie sur la rue Sainte Anne.
Ce parc a disparu pour faire place à la résidence Flaubert, 14 rue Sainte Anne. Elle avait été
acquise en mai 1838 à la famille Demoriamé pour y établir aussi l’étude notariale. C’est
d’ailleurs le notaire Léon Misonne qui reprend cette propriété lors du partage.
28
Les lettres originales sont conservées par la famille Gailly. Elles ont été dactylographiées
par mademoiselle Gabrielle Gailly, figure bien connue des anciens fleurusiens. Mademoiselle
Gailly était la fille du docteur Charles Gailly. Elle était née le 6 août 1892 à Fleurus et est
décédée le 14 février 1995 à Grez Doiceau. Elle fut membre de la Commission de
l’Assistance publique de Fleurus et de la Fraternité Dominicaine de Bruxelles.
29
Collection privée, lettre d’Antoine Gailly à ses parents, le 6 janvier 1830.
30
Collection privée, lettre d’Antoine Gailly à ses parents, le 16 septembre 1830.
10
ville, dont Jean Jacques Gailly, un petit cousin de notre étudiant31. Ceux-ci vont élire une
commission composée de neuf membres32, chargée de veille à la sûreté publique et au
maintien de l’ordre. Un service de gardes civiques fut ainsi instauré. A lire Charles Jacquet, ce
fut l’occasion pour beaucoup de se distraire agréablement33. Les événements militaires ne
31
Sont présents ce 4 septembre :
- Fréderic de Zualart, bourgmestre ;
- le chevalier de Paul de Barchifontaine, premier assesseur ;
- Anselme Piton, deuxième assesseur ;
- Victor Bodart, Charles Oudart, Simon Charles Pasquier, Jean François Dehennault, Bernard
Dereuser ; tous ces derniers, membres du Conseil ;
- Jean Joseph Preumont, propriétaire ;
- Pierre Lefebvre, artiste vétérinaire ;
- Charles Balisaux, médecin ;
- Amand Bivort, négociant ;
- Antoine Lebon, écrivain ;
- Auguste Quirini, propriétaire ;
- Jean Baptiste Reumon, négociant ;
- Constantin Gréant, négociant ;
- Antoine Leborne ;négociant ;
- Xavier Sinet, négociant ;
- Auguste Pasquier, pharmacien ;
- Julien Hamoir, propriétaire ;
- Jean Jacques Gailly, propriétaire.
A.E.M, Administration communale, Fleurus, n°4, registre aux délibérations du Conseil
communal, le 4 septembre 1830.
32
Il s’agit de :
- Jean Joseph Preumont, président ;
- Constantin Gréant, secrétaire ;
- Auguste Quirini, Amand Bivort, Julien Hamoir, Charles Balisaux, Michel Carpent, Antoine
Leborne, Auguste Pasquier, Jean Baptiste Reumont.
Relevons parmi ces membres, le notaire Michel Carpent qui en réalité n’est pas présent à la
séance, mais qui a probablement donné son accord préalable.
33
« Les jeunes gens de Fleurus s’amusaient quelquefois à faire des patrouilles pendant la nuit.
Ils allaient de ferme en ferme, en gardiens vigilants de la propriété. Ils frappaient aux portes
au nom de la commune, et souvent le matin retrouvait encore ces joyeux défenseurs de l’ordre
à boire et à chanter des gaudrioles La garde de service mettait toutes les nuits des sentinelles
sur le pont de Saint-Joseph (soit le carrefour formé de la chaussée de Charleroi et les rues
Vandervelde et Brennet) et au moulin Naveau. Souvent le chef oubliait de faire relever ces
sentinelles, qu’un profond sommeil empêchait de retourner au logis. Beaucoup de braves
citoyens profitaient aussi de patriotiques circonstances pour déloger et aller donner des
coups de canif dans leur contrat. Que de jeunes filles vertueuses se sont dévouées pour la
patrie, en allant tenir compagnie, pendant leur faction, aux braves soldats de l’ordre, de la
morale et de la propriété, pour que cette faction leur parut moins longue et moins ennuyeuse !
Combien de fois aussi ces intrépides patrouilleurs mirent-ils le désordre au lieu de l’ordre, en
changeant les enseignes des boutiques et des cabarets, en frappant aux portes, en arrachant
les cordons de sonnettes, ou en faisant la chasse aux chiens et aux chats à coups de
bayonnette (sic) ! Que de chats provenant de ces chasses nocturnes ont été mangés en civets
dans des pique-niques pleins d’enthousiasme civique ! » - Ch. JACQUET, Op.Cit ., pp.12 et
13.
11
surviennent que fin septembre et nos volontaires se distinguent lors des combats des 25 et 26
septembre au parc de Bruxelles.34
C’est au début du mois de novembre qu’Antoine Gailly est informé par un courrier de ses
parents de ce qui s’est réellement passé chez nous. Le 14 novembre, il leur répond :
Chers Parents,
Il me serait impossible de pouvoir vous exprimer avec quel transport mêlé de joie et de
crainte je reçu votre lettre du 18 octobre. Je me trouvais dans les plus grandes inquiétudes
relativement aux troubles du Pays, ainsi qu’à votre situation, mille choses roulaient dans ma
tête, comme il est de coutume d’arriver à ceux qui ne voient pas ou ne sont pas bien informés
des graves événements auxquels ils sont intéressés. J’avais vu d’abord dans les feuilles
publiques de Rome, qui sont toutes pleines de ces terribles dissensions, que les habitants de
Wavre, Jodoigne, Genappe, Gosselies, etc, avaient pris part à l’élan patriotique et avaient
volé au secours des Bruxellois pour repousser les adversaires. Delà, je concluais que les
fleurusiens n’en seraient pas les derniers. D’un autre côté, j’avais lu que les Hollandais en
étaient venus aux mains avec les paysans entre Gembloux et Charleroi. Comme Fleurus est
un des endroits qui se trouvent entre ces deux villes, j’avais tout lieu de croire que les plaines
pouvaient avoir été le théâtre de ce combat - …- enfin vous pouvez facilement vous imaginer
recevoir de vos nouvelles, maintenant grâce au Ciel, je suis un peu rassuré.
Je remercie Dieu de ce qu’il vous ait conservé sains et saufs dans cet état périlleux des choses
et ne cesse de mêler mes prières avec vous, afin qu’il daigne mettre obstacle à ces désordres
qui ravagent notre patrie et rétablir la paix qui ne s’est jamais mieux sentie que dans ces
circonstances.35
S’il est enfin rassuré sur sa famille et loue la Bonté divine de l’avoir protégée, par contre, sa
situation matérielle s’est aggravée. Il ignore s’il percevra encore sa bourse d’études et il
demande à ses parents de lui faire parvenir de l’argent36. Toutefois, au fil des semaines, la
situation va se normaliser et notre étudiant peut terminer ses études sans plus devoir se soucier
de ses finances.
En septembre 1831, il est ordonné prêtre et reçu comme docteur en théologie.37 Il peut enfin
rentrer au pays. En 1832, il est vicaire de Gilly jusqu’en 1835. De 1835 à 1844, il est curé de
Blaregnies-Aulnois (Borinage) et puis curé de Thulin jusqu’à sa retraite. Il y déploie une
activité importante et semble un des personnages clefs de ce village38.
34
Ch. JACQUET, Op.Cit., pp.15 à 20 et V. ERNEST, Les volontaires de Carolorégie en
1830, Bruxelles, l’Eglantine, 1930, et du même auteur, La révolution belge en 1830 en
Carolorégie, Bruxelles, l’Eglantine, 1930.
35
Collection privée, lettre d’Antoine Gailly à ses parents, le 14 novembre 1830
36
Collection privée, lettre d’Antoine Gailly à ses parents, les 14 novembre 1830 et 7 janvier
1831
37
Collection privée, lettre d’Antoine Gailly à ses parents, le 11 septembre 1831.
38
L’éducation populaire, le 17 mars 1898, rubrique nécrologique.
Lors du cinquantenaire de son ordination, une fête fut célébrée à son intention à Thulin et une
plaquette de circonstance avec son portrait fut publiée.
Cinquantenaire de mr l’abbé Gailly, curé de Thulin, Péruwelz, 1894.
12
Après la mort des parents, les enfants de la famille Gailly devront se résoudre à mettre en
vente publique l’auberge et le vaste terrain qui l’entoure. Le 10 juin 1861, elle est vendue à
Jean Joseph Lecocq et Marie Lessoye de Wanfercée-Baulet pour le prix de 13.825 francs39.
Par un acte du 8 février 1882, le couple Lecocq-Lessoye fait don de la partie supérieure du
terrain en forme de triangle à leurs fils : François et Joseph Lecocq, marchands de lin, afin
qu’ils puissent y bâtir une maison.40 En 1887, après le décès des parents Lecocq – Lessoye, un
des enfants -Joseph Lecocq - rachète les parts aux 6 autres enfants dans l’auberge et en
devient ainsi seul propriétaire41.
Pierre Joseph Albert G. PREVOT.
A.E.S.S.- Histoire – Ulg.
39
A.E.M, Notariat, n°4881, notaire Léopold Misonne, acte du 10 juin 1861.
A.E.M., Notariat, n°6677, notaire Edouard Soupart, acte du 8 février 1882.
Les deux maisons des fils Lessoye existent toujours. L’une d’elle est actuellement le
restaurant grec « l’Artémis ».
41
A.E.M., Notariat, n° 6688, notaire Edouard Soupart, actes du 10 janvier 1887, n°1857 et
1858.
40
13
ANNEXE :
Voici un contrat de location et d’exploitation d’une carrière de pierres le 26 janvier 1804 à
Ligny (actuellement Wanfercée-Baulet) au lieu dit « les fours à chaux » près du ruisseau de
Plomcot en face du « château Balisaux »- (actuellement les meubles Lalieux sur la chaussée
de Charleroi à Gembloux).
Ce genre de texte est rare. Non seulement il met en scène la famille Gailly, mais en plus, il
préfigure les futurs cahiers des charges que les ingénieurs français imposeront dans l’industrie
charbonnière à tous les futurs concessionnaires.
Location d’une carrière de pierres au profit des Gailly
Acte du 5 pluviose an XII ou le 26 janvier 1804
Ce jourd’hui 5 pluviôse an douze, par devant moi notaire public admis par le département de
Jemappes, de résidence à Charleroi, soussigné présents les témoins ci après nommés,
comparut en personne François Joseph Piton par Jeanne Thérèse Vincent son épouse,
propriétaire demeurant en cette ville à promesse qu’elle faut de lui faire agréer et ratifier le
présent acte le plus tôt possible, à nous bien connu, laquelle nous a dit et déclaré d’avoir remis
en rendu en louage et bail ainsi qu’elle fait par les présentes pour et au profit de Jean Nicolas
Gailly, propriétaire demeurant à Fleurus, ici présent et acceptant tant pour lui que pour
Pierre et François Gailly, ses frères, une carrière de pierres de taille à exploiter dans la
prairie dite Madame sous la juridiction de Ligny, pour par y ceux acceptant en jouir à titre
de bail pendant le terme de neuf années consécutives qui prendront cours le 10 ventôse
prochain pour finir la veille de pareil jour lesdites neuf années révolues et expirées sans qu’au
bout du dit terme reconduction tacite puisse avoir lieu et sans qu’il soit besoin de faire aucun
renvoi et pour le surplus aux clauses, conditions et obligations suivantes :
Savoir :
o Que lesdits acceptants seront tenus et obligés de travailler et exploiter ladite carrière
comme il appartient, et extraire les pierres aussi profond qu’il se pourra en
approfondissant jusqu’à l’au vive, sans en pouvoir laisser en arrière, ni en soustraire
aucune d’icelles en brute, c’est-à-dire, qu’elles devront être façonnées avant que le
transport ne puisse s’en faire à peine de cinquante francs septante neuf centimes
d’amende pour chaque charrée de pierres ainsi vendues. Qu’ils devront s’entendre
avec les autres maîtres de carrières contiguës à celle-ci remise, afin de ne pas se nuire
les uns les autres, et de fidèlement entretenir les limites qui sont tracées à la largeur de
quinze mètres tant en face que sur le derrière.
o Qu’ils devront recommencer leur exploitation à l’endroit où ils l’ont laissé en arrière et
l’approfondir comme dit est jusqu’à l’eau vive avant de poursuivre la coupe déjà
découverte.
o Que le premier buffet de pierre devra se mesurer aux frais des acceptants suivant les
coupes sur la belle litée, avant de pouvoir entreprendre un deuxième buffet et ainsi
consécutivement jusqu’à l’expiration du présent bail
o Qu’ils devront exploiter et emporter de la dite carrière au moins dix mètres de pierre
chaque année à commencer le 10 ventôse prochain (le 1 mars 1804).
o Qu’ils seront obligés de payer cent nonante francs quarante septe centimes soixante
deux centièmes de centimes pour cinq mètres et pour sept mètres et demi par année la
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somme de deux cent quatre vingt cinq francs septante un centimes quarante trois
centièmes de centimes pendant le cours du présent bail en mains dudit comparant ou
de son commissionné en son domicile audit Charleroi en deux termes égaux, savoir ,
la moitié le quatorze fructidor prochain (le 1 septembre 1804) et l’autre moitié au dix
ventôse suivant (le 1 mars 1805) ainsi de suite à pareils jours lesdits neufs rendages
satisfaits et accomplis.
Ledit buffet étant découvert, lesdits acceptants seront obligés d’en avertir ledit
comparant ou son commis pour en faire le mesurage comme aussi de payer le surplus
de sept mètres demi s’il y a lieu, dans la proportion de rendage ci-dessus.
Ne pourront acceptant admettre, ni employer aucun autre maître tailleur de pierres
dans leur société.
Il est interdit expressément auxdits acceptant d’employer plus de quinze ouvriers
tailleurs, y compris les roquettaires (sic). Et de payer dix neuf francs quatre centimes
septante six centièmes de centimes de chaque ouvrier qui excédera le nombre de
quinze.
Devront en outre se munir d’un permis avant de pouvoir employer aucun ouvrier qui
excédera le nombre ci-dessus.
Que lesdits acceptant seront tenus de faire emporter et brouetter toutes les terres et
bricailles de la dite carrière ou buffet, dans les endroits à désigner par ledit comparant
ou son commis, à peine de répondre de tous frais, dommages et intérêts.
Conditionné que lesdits acceptants ne pourront faire cuire que huit fournées de chaux
annuellement avec les débris de leur carrières, à peine de payer pour chaque fournée
excédante cinq francs septe centimes nonante quatre centièmes de centimes.
Il est interdit auxdits acceptant de fournir des pierres de la dite carrière à d’autres
maîtres de carrières, à peine qu’en cas de contravention, le bail trouvera sa fin et le
comparant en droit de remettre la carrière à qui bon lui semblera sans être tenu à aucun
renom préalable.
Seront lesdits acceptants obligés de livrer aux ordre du premier comparant
annuellement quatre navées (sic) de pierres brutes à la maçonnerie sans déduction de
leur rendage, ou de payer pour chaque navée que ledit comparant n’aura pas besoin,
une somme de deux francs cinquante trois centimes nonante sept centièmes de
centimes.
Que lesdits acceptants s’obligent par les présentes de garantir ladite carrière avec de
bons contreforts ou charpentes à leur frais ; afin d’éloigner les malheurs qui pourraient
arriver, soit aux personnes, soit aux bestiaux qui en tous cas, resteront responsables,
envers quiconque, de tous frais, dommages et intérêts.
Qu’en cas de défaut de payement d’une ou plusieurs échéances aux termes stipulés, le
bai trouvera sa fin si le premier comparant l’exige ; sans qu’il soit obligé de recourir à
la voie judiciaire, à quoi les acceptants se soumettent et consentent à l’exécution de
cette clause, ainsi qu’aux précédentes reprises au présent contrat.
Qu’il ne sera admis qu’un seul maître pour une carrière quoi qu’il y aurait société ou
point ; bien entendu que les secrétaires seront compris dans le nombre des quinze
ouvriers stipulé au présent bail.
Les frais des présentes, timbres, deux expéditions, enregistrement, inscription, sont à
la charges des acceptants.
L’accomplissement de tout quoi, les parties contractantes ont obligé leurs personnes, biens
meubles et immeubles présents et futurs, pour y avoir au besoin recours selon lois in forma
avec constitution sur tout porteur de cette ou de son double authentique pour consuivre (sic)
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les œuvres de lois afférentes aux bureaux des hypothèques où il appartiendra aux quels
promettant, obligeant.
Et pour l’exécution des présentes, les parties contractantes font élection de domicile en leurs
demeures sus désignées auxquelles lieux elles consentent la validité des actes et exploits qui
pourront y être faits et signifiés nonobstant changement de demeure.
Ainsi fait et passé en l’étude de moi ledit notaire, les jours, mois et an que dessus en présence
de Joseph Stevant et de Jean Charles Demoulin, demeurant à Ligny et Fleurus, propriétaires y
résidents, témoins, lesquels autant bien que les parties contractantes ont signé avec moi ledit
notaire après lecture. Les présentes seront mises à exécution par qui il appartiendra.
A.E.M., Notariat, n°514, Notaire F.J. Gautot junior de Charleroi, acte du 5 pluviôse an XII
n°54.
(Le titre de l’acte a été ajouté par mes soins évidement.)
Le même jour, - soit le 5 pluviôse an XII - François Joseph Piton, représenté par Jeanne
Thérèse Vincent, son épouse, propriétaire, demeurant en cette ville,(…) nous dit avoir remis
et rendre en louage et bail ainsi qu’elle fait par les présentes, pour et au profit de Jean
Charles Demoulin, propriétaire, demeurant à Ligny, acceptant tant pour lui que pour
François Demoulin, son frère, une carrière de pierres de taille à exploiter, dans la prairie
dite Madame sous Ligny, pour en jouir à titre de bail pendant le terme de 9 ans consécutifs,
pour le 10 ventôse prochain. Le tout aux mêmes conditions.
Il y avait donc deux « trous » d’extraction proches l’un de l’autre, comme le confirment le
témoignage des anciens de Fleurus.
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