Le bon usage des minuscules et des majuscules
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Le bon usage des minuscules et des majuscules
Savoir compter, savoir conter - Savoir compter, savoir conter - Savoir compter, savoir conter - Savoir compter, savoir conter - Savoir compter Épisode n° 11 - Le bon usage des minuscules et des majuscules ! Alain Gély* C ombien faut-il attribuer de majuscules au directeur général des Impôts ou au ministre des Affaires étrangères ? Trois, pour ne pas risquer de les vexer ? Aucune, considérant qu’aucun des mots utilisés n’est un nom propre et ne se situe en début de phrase ? Une seule, pour faciliter la lecture et, si oui, où la situer ? Et pourquoi les Bretons ontils droit à une majuscule alors que les paysans ou les pêcheurs bretons ne peuvent généralement prétendre qu’à du « bas de casse » ? Le « Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale » (dernière édition en 2007) apporte des réponses précises à ces questions et à beaucoup d’autres. Le lecteur ou futur rédacteur scrupuleux s’y reportera. une citation, généralement présentée entre guillemets. Cette règle générale admet toutefois des exceptions subtiles. Ainsi les points d’exclamation, d’interrogation ou de suspension n’exigent pas de majuscule à leur suite lorsqu’ils ne servent qu’à détacher des éléments successifs d’une phrase. Un exemple célèbre : « Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. » (Molière, L’avare, acte IV, scène VII.) On tentera simplement ici d’en extraire et d’en illustrer l’essentiel avec une idée principale : que nos textes soient clairs et agréables à lire, ce qui suppose d’en assurer la meilleure lisibilité et la plus grande cohérence possibles. Majuscules et minuscules : les règles de base On le sait, les majuscules sont requises comme lettres initiales des noms propres. Elles ne s’appliquent pas aux noms communs ni aux adjectifs, sauf quand ils se situent au début d’une phrase, après un point ou des signes équivalents (points d’exclamation, d’interrogation ou de suspension). Il en est de même après un deux-points quand celui-ci introduit Courrier des statistiques n° 126, janvier-avril 2009 Les quatre premières locutions interjectives, clairement liées, constituent en fait une seule phrase. En revanche, la cinquième est une nouvelle phrase. Autre exception : C’est aux cris de Vive l’empereur ! que la foule accueillit le souverain. Ici, le deux-points est éludé ainsi que les guillemets qui, d’ordinaire, encadrent le texte cité. On remarque que le point d’exclamation, dans ce cas, n‘achève pas la phrase et n’exige donc pas de majuscule à sa suite. * Rédacteur en chef du Courrier des statistiques. Encadré 1 – Majuscules, minuscules, capitales, haut et bas de casse À l’instar du Parlement, la langue française écrite est dite bicamérale : chaque lettre de l’alphabet existe en deux versions, les minuscules et les majuscules. « Majuscules » ou « capitales » ? En toute rigueur, capitales s’emploie pour qualifier le style typographique et majuscules pour désigner le style orthographique, l’écriture manuscrite. Ainsi, dans la phrase « LONGTEMPS MARCEL S’EST COUCHÉ DE BONNE HEURE », écrite ici en capitales, seules la première lettre et la dixième lettre sont majuscules. En pratique, nombre de dictionnaires considèrent capitales et majuscules comme synonymes et, souvent, les logiciels de traitement de texte les confondent allègrement. On parle aussi de haut de casse pour les capitales et de bas de casse pour les minuscules. En typographie, la casse est une boîte plate divisée en compartiments et servant à ranger les caractères. Le bas de cette boîte contenait les caractères minuscules tandis que les caractères majuscules était rangés dans la partie supérieure. Cet emplacement a servi, dans la profession, à désigner les divers types de caractères. Par « bas de casse » ou « bas-de-casse » il faut donc entendre les minuscules.. Notons aussi l’existence : – des « petites capitales », capitales de la taille des minuscules, qui peuvent être utiles, voire recommandées ; – et des lettrines, grandes capitales qui se déploient souvent sur plusieurs lignes au début d’un article. 75 Alain Gély L’emploi de la capitale est également requis au départ : – la caisse régionale de sécurité sociale ; – d’un alinéa (même s’il ne se situe pas en début de phrase) ; – la cour d’assises du Rhône ; – le service des Eaux et Forêts ; – d’une énumération matérialisée par des numéros ou par des lettres de classifications ; – au premier mot d’un vers de type classique. En revanche, la minuscule est de règle lorsque des alinéas commencent par des tirets. La délicate question des organismes publics et des sociétés La capitale n’est pas seulement le signe distinctif de la première lettre des noms propres et des phrases. On l’emploie aussi : – pour les sigles (on y reviendra plus loin) ; – l’état-major de la 5e armée ; – l’institut Pasteur de Bordeaux. Ainsi, il n’y a pas lieu, par exemple, d’attribuer une capitale aux ministères et encore moins aux directions. o la République ; o l’Administration (au sens de l’autorité administrative ) ; o le Congrès (en tant que réunion des deux chambres du Parlement)… ; – des adjectifs qui qualifient des « quasi-noms propres » mais à la condition qu’ils se situent avant eux : o le secrétariat d’État aux Anciens Combattants ; o le ministère des Affaires étrangères. Les cas où un nom commun exige une majuscule sont principalement les suivants : – les « quasi-noms propres » qui spécifient une conférence ou un congrès : o la conférence des Six ; o la conférence du Désarmement. Pour ce qui est des organismes uniques, le premier mot nécessaire à l’identification portera une majuscule ainsi que l’adjectif qui le précède éventuellement : – le Bureau des longitudes ; – la Cour des comptes ; – le Comité de salut public ; – quelques noms communs qui désignent des institutions : – la Haute Cour de justice ; o les États baltes ; – la Sécurité sociale (l’institution). – pour certaines abréviations ; – pour mettre en exergue un mot dans une phrase ou les « mots caractéristiques » dans certaines locutions ou expressions. Arrêtons-nous sur ce dernier point en l’illustrant par l’exemple des organismes publics. Il faut distinguer les organismes multiples (ceux dont il existe un certain nombre du même type) et les organismes uniques. Pour les organismes multiples, leurs noms sont des noms communs d’espèce qui restent en bas de casse. Ils peuvent être individualisés soit par un nom propre, soit par des termes de spécialisation qui sont en quelque sorte des « quasi-noms propres » et qui requièrent la capitale. On écrit : – la chambre de commerce de Lyon ; 76 Encadré 2 – Exemples d’alinéas non séparés par des points 1er cas : énumération avec tirets La Grande-Bretagne comprend : – l’Angleterre ; – l’Écosse ; – le pays de Galles. 2e cas : alinéas sans tirets et sans numérotation Nous étudierons successivement : L’illusion de la sécurité collective ; La diplomatie des coups de force ; Le déclenchement de la guerre. 3e cas : énumération avec numéro ou lettre de classification Le Code pénal français distingue trois catégories d’infractions : 1. Les crimes ; 2. Les délits ; 3. Les contraventions. 4e cas : vers de type classique Mignonne, allons voir si la rose, Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vesprée … On notera que les minuscules s’imposent aussi dans le cas d’une liste, même numérotée, au sein d’un même paragraphe : « La communauté se dissout : 1° par la mort naturelle ; 2° par la mort civile ; 3° par le divorce ; 4° par la séparation de corps ; 5° par la séparation de biens. » (Code civil, article 1441). Savoir compter, savoir conter - Épisode n° 11 - Le bon usage des minuscules et des majuscules En théorie ces règles s’appliquent aussi aux sous-ensembles de ces organismes. Les sous-directions, divisions ou bureaux, voire sections ou autres unités, devraient être traitées comme le « ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville »… Inconvénients de cette pratique : elle alourdit sensiblement la lecture et donne un côté pompeux. Dans le Courrier des statistiques, on cherche à résister à l’emploi abusif des capitales, ne serait-ce que pour bien faire ressortir celles qui s’imposent vraiment, mais les spécialistes ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. S’agissant des sociétés, associations, centres, comités, compagnies, syndicats… la capitale est attribuée au premier mot « faisant indiscutablement partie de la raison sociale ». Si ce premier mot est un article ou un adjectif, le nom qui suit porte également une majuscule : – l’association nature ; Les Amis de la Dates et lieux La logique des règles énoncées pour les organismes est transposable aux dates et aux lieux. Ainsi, le cap Vert, la mer Morte et le mont Blanc exigent une capitale pour les mots qui les singularisent et seulement pour eux. Idem pour la fête du Travail, le Mardi gras et le mercredi des Cendres. Ici aussi, on met la capitale à l’adjectif précédant le substantif considéré comme un nom propre, sauf toutefois s’il y a une idée de comparaison ou d’opposition entre deux états, situations… car il a alors une fonction d’adjectif qualificatif : – le Grand Canyon ; On met la capitale aux différents mots reliés par un trait d’union, à l’exception des articles et des prépositions. – Colombey-les-Deux-Églises ; – la compagnie L’Urbaine et la Seine ; – les députés du Val-de-Marne ; – la société La Grande Maison de blanc. S’agissant maintenant des personnalités qui dirigent ces organismes, à qui attribuer des majuscules et combien ? Un ministre « quelconque » n’a pas droit à la majuscule, que peut seul revendiquer le Premier ministre. On pourra craindre de vexer tel président de chambre à la Cour des comptes en ne l’appelant pas « Président » mais, dans le paragraphe suivant, on n’attribuera qu’une minuscule à un président d’association locale… Où tracer la frontière entre les personnes qui seraient suffisamment importantes et celles qui ne le seraient pas ? Le mieux est sans doute de réserver le même sort à tous les présidents en leur attribuant le bas de casse (voir aussi l’encadré sur les titres de civilité). A fortiori, les directeurs, même généraux, se contenteront d’une minuscule. Ces titres ne peuvent s’abréger que lorsque l’on parle de la personne et que le titre est suivi du nom ou de la qualité de cette personne. Mais, inversement, ces titres seront composés en toutes lettres chaque fois que l’on s’adressera à la personne (avec du bas de casse lors d’une adresse verbale, avec une capitale lors d’une adresse écrite) ou lorsque ces titres seront employés seuls, car ils ont alors une fonction grammaticale dans la phrase. J’ai rencontré M. Dupont et Mme Martin. Bon appétit, messieurs ! Veuillez agréer, Madame, l’expression… Elle faisait la conversation avec le monsieur du banc. – la basse Seine. – la Banque industrielle du Nord ; d’assurance Encadré 3 – Titres de civilité, honorifiques et religieux – les Pays-Bas. Les dates ne requièrent pas de majuscules sauf quand elles désignent un événement historique : – le 22 septembre, aujourd’hui, je m’en fous (G. Brassens) ; – les massacres de Septembre ; – le 14 Juillet ; – le 14 juillet au matin, le roi se leva comme à l’accoutumée. Les noms d’habitants, de pays ou de villes utilisés adjectivement s’écrivent en bas de casse (minuscule), sinon avec une capitale initiale : – les Français ; – les Canadiens français ; – les agriculteurs français. Courrier des statistiques n° 126, janvier-avril 2009 De nombreuses subtilités peuvent ici intervenir. On n’y entrera pas dans le cadre du présent article : le lecteur curieux se reportera aux « Règles typographiques… » (op. cit.) L’emploi des capitales dans les sigles et les abréviations Les sigles sont des groupes de lettres désignant certains organismes dont le nom comporte plusieurs mots. Ils sont formés de la première lettre, ou des premières lettres ou encore de la première syllabe de chacun des constituants les plus importants. On parle d’acronymes lorsque le sigle peut se prononcer comme un mot ordinaire. Quand et où opter pour des capitales ? Il n’y pas de règle stricte qui stipule un nombre de lettres minimum ou maximum, à partir duquel on emploierait des minuscules. Dans le Courrier des statistiques, on adoptera la pratique la plus courante : – pour les sigles qui comportent trois lettres ou moins (CGT, ONU,…) on utilise toujours des capitales ; 77 Alain Gély – pour les sigles non prononçables, ceux qu’on doit épeler, ils s’écrivent aussi en capitales quel que soit le nombre de lettres (SNCF, DGDDI,…) ; – on réserve la capitale à la première lettre des acronymes de plus de trois lettres (Insee, Unesco, Coreper, Miviludes…). Notons que les lettres qui constituent les sigles perdent leurs accents (EDF), même en bas de casse : Insee... Remarquons enfin que la pratique consistant à séparer les lettres des sigles par des points est désormais tombée en désuétude. Ceci les allongeait inutilement. On n’écrit donc plus D.G.S.E. mais DGSE. Mais cette règle quasi-unanimement admise pour les sigles ne vaut pas toujours pour les abréviations. ment, de mots longs et fréquemment employés dans l’ouvrage considéré. Ces abréviations sont bien utiles, par exemple, dans des tableaux statistiques chargés ; résumé (bd pour boulevard, fg pour faubourg). – les abréviations conventionnelles. On évitera d’abuser des lettres capitales en dehors des cas qui exigent leur emploi, en début de phrase et pour les noms propres. Qu’elles soient conventionnelles ou de circonstance, les abréviations se terminent généralement par un point et conservent les majuscules des mots qu’elles résument. Exceptions : – les abréviations de trois lettres ou moins passent en capitales quand elles sont analogues à des sigles, qu’elles soient ou non prononçables (CV pour curriculum vitae, JO pour Journal officiel de la République française et R.S.V.P. pour répondez s’il vous plaît… avec des points, s’il vous plaît !) ; Les abréviations sont de deux sortes : – les abréviations de circonstance, destinées à simplifier l’écriture, notam- 78 – on ne met pas de point à la fin d’une abréviation quand celle-ci s’achève par la dernière lettre du mot Résumé À l’exception de ces cas, les capitales ne s’imposent que lorsqu’on a affaire à un caractère unique, bien spécialisé ou particulier. Ainsi, les « quasi-noms propres » qui spécifient les attributions d’un ministère, requièrent des capitales ; mais ce n’est pas vrai pour le mot ministère lui-même, non plus que pour le ministre, ni a fortiori pour un directeur, même général ! On peut aussi recourir aux lettres capitales quand on veut mettre un mot ou une expression en exergue dans une phrase. n