Un vigneron touche-à-tout - Domaine Diserens `Les Moines`
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Un vigneron touche-à-tout - Domaine Diserens `Les Moines`
Saveurs 12 MARS 2015 19 DES DOMAINES ET DES VINS Un vigneron touche-à-tout A la tête du Domaine Les Moines, le Vaudois Serge Diserens est un personnage hors normes connu pour n'être jamais à court d'idées originales. Une vocation précoce Son travail de vigneron, Serge l’aime depuis l’enfance. Et explique, preuve à l’appui, qu’il le pratique depuis… 1986! «Cette année-là, mon grand-père paternel m’a acheté un petit tonneau en plastique de 15 litres. Il m’a montré les lignes de vigne en me disant: «Tu vois les quinze premiers ceps? Ils sont à toi. Tu t’en occupes et tu fais ton vin!» Ce que j’ai fait. J’ai mis des levures, etc. J’avais 10 ans quand, l’année suivante, j’ai sorti mon premier millésime. Une cuvée de vingt bouteilles sur lesquelles l’étiquette était un de mes dessins. L’histoire ne dit pas si mon grand-père a remplacé mon chasselas par le sien!» A l’époque, le garçon déclare, depuis quelques années déjà, qu’il sera inventeur. Il bricole, s’intéresse à tout, et plus particulièrement à l’électricité. À LA CAVE «J’ai commencé à faire du vin à l’âge de 9 ans!» Depuis, le vigneron de Villeneuve, qui brille d’abord par ses crus, excelle également dans bien d’autres domaines comme la production de miel, de bières et d’autres créations ingénieuses. EN CHIFFRES Le domaine, c’est: •Surface 5,3 hectares, dont 4 en propriété. •Cépages cultivés Chasselas, gamay, pinot noir, gamaret, garanoir, diolinoir, syrah, malbec, merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc, cabernet Jura, pinot gris, rheinriesling. •Encavage 60 000 et 62 000 cols par an. •Spécialités Le chasselas Les Moines Blanc Tradition, médaille d’or au Mondial du chasselas pour le millésime 2013. «C’est le produit phare de la maison.» L’adolescent réalise que le seul métier regroupant toutes les activités qui lui plaisent est celui de la vigne. Une constatation plutôt bienvenue pour lui qui est né dans une famille où, depuis 1870, on produit du raisin et du vin. Fin connaisseur en la matière, son grand-père, Claude, possède une cave exceptionnelle et l’initie très tôt aux vins prestigieux qu’il lui fait déguster, affûtant son palais aux saveurs les plus délicates. Ce qui lui permet d’acquérir une culture étonnante pour quelqu’un d’aussi jeune. «La bible de mon grand-père était le Traité de vinification de Benvegnin et Capt. C’était le seul livre qu’il consultait dans le cadre de son travail. Un jour, je me suis dit que ce n’était pas possible… Il fallait qu’un Diserens apprenne comment améliorer la qualité des vins et ait une connaissance plus approfondie des vignes. C’est à ce momentlà que j’ai décidé de suivre les études d’ingénieur en œnologie.» En 1998, son grand-père décède alors que lui-même suit, à Bâle, le stage lui permettant d’entrer à Changins (VD). Le choc est rude. Le jeune homme obtient une dérogation pour pouvoir le terminer sur le domaine familial et continue ses études. En 2001, il sort premier de sa volée, avec le meilleur travail de diplôme 2001. Changins ne lui réserve pas que ce bonheur, puisqu’il y rencontre sa future femme, Stéphanie Delarze, dont il aura deux enfants, Héloïse et Victor. Elle aussi est à la tête d’un domaine viticole, La Beaudelière, à Aigle (VD). Tous deux choisissent cependant de poursuivre leur voie professionnelle indépendamment l’un de l’autre, et de conserver leurs identités. Depuis, Serge Diserens partage son temps entre sa famille, sa cave où il élabore des vins superbement maîtrisés issus de vieilles vignes, son entreprise qui emploie sept personnes plus les saisonniers, et l’école de Changins où il donne des cours de pratique de cave. Infatigable, il multiplie les activités. Il brasse de la bière. Il s’occupe de ses abeilles, conduit bénévolement le train à vapeur de Gryon pour les enfants six fois par an, s’adonne à la photo… Pour lui, impossible de gaspiller une heure à ne rien faire. Hyperactif, Serge Diserens? Il s’amuse de la question en répondant par une pirouette: «C’est un peu comme un loisir pour moi: j’ai plaisir à améliorer les choses du quotidien!» Martine Bernier n + D’INFOS Domaine Les Moines, route des Moines 9, 1844 Villeneuve, tél. 021 960 12 01. [email protected] www.lesmoines.ch Nous avons dégusté trois vins de Serge Diserens… Chasselas Les Moines Tradition 2013 Cépage Chasselas. On l’aime Pour son nez frais et expressif! Aux premières senteurs de fruits du verger, de pommes bien mûres succèdent de délicieuses notes de fruits jaunes, de parfums de mirabelle, ainsi qu’une délicate touche florale. Un aspect minéral se révèle à l’olfaction, évoquant un côté dit de «pierre à fusil». En bouche, ce chasselas tout en fraîcheur se révèle tendu, gorgé de notes fruitées et s’étire assez longuement au palais. On le sert Avec un fromage à pâte dure assez jeune, un gruyère par exemple, un beau poisson du lac cuisiné avec simplicité, ou en apéritif dînatoire. On le garde 2 à 3 ans. On l’achète 12 fr. 50 (prix départ cave). Gamay Vieilles Vignes 2013 Cépage Gamay. On l’aime Pour son premier nez aux accents finement épicés et ses senteurs de petits fruits noirs un brin sauvages, de petites baies, de mûres. Une brève aération suffit à laisser la place à une magnifique explosion de fruits! Une délicate note de sureau apparaît en arrière-plan. La bouche, dotée d’un beau volume, se révèle tendue. Des arômes de petites baies légèrement acidulées, de raisinets entre autres, jouent une belle partition en parfait accord avec des saveurs évoquant le poivre blanc et les épices. Un très beau vin, que l’on pourra attendre, même s’il procure déjà bien du plaisir ! On le sert Avec un carpaccio de bœuf, quelques rouelles de saucisson sec aux cèpes! Une cuisine épicée d’inspiration thaïlandaise. On le garde 4 à 6 ans. On l’achète 19 fr. 20 (prix départ cave). Gamaret 2012 Cépage Gamaret. On l’aime Le coup de cœur de la dégustation! Un boisé fin se dégage dès le premier nez, relevé de très discrètes notes évoquant la cannelle. De superbes senteurs de baies noires viennent prendre le relais, accompagnées de subtils parfums rappelant les sous-bois, le cuir noble. La bouche se révèle élégante, profonde et complexe. Des tannins particulièrement soyeux viennent tapisser le palais, accompagnés de savoureux arômes de fruits noirs qui s’étirent longuement en bouche pour le plus grand bonheur de l’amateur. On le sert Avec des rognons de veau rôtis entiers, sur une réduction de vin rouge. Un T-bone steak à l’échalote, une belle entrecôte parisienne ou un râble de lièvre. On le garde 7 à 10 ans. On l’achète 30 fr. (prix départ cave). Eric Bernier n © PHOTOS ERIC BERNIER S i Géo Trouvetou et le professeur Tournesol avaient eu un fils, il aurait pu ressembler à Serge Diserens. Dans sa cave du Domaine Les Moines, à Villeneuve (VD), ce jeune vigneron de 37 ans au sourire d’adolescent élève ses vins avec talent. Une maîtrise saluée par les experts, comme en témoigne notamment la médaille d’or obtenue l’an dernier par son chasselas Les Moines Blanc Tradition au Mondial du chasselas. Tous ceux qui le connaissent savent que le personnage est doté d’une curiosité insatiable et d’une dose d’inventivité largement supérieure à la moyenne. Lui qui cumule les diplômes d’ingénieur en gestion et d’ingénieur en œnologie est né avec un esprit étonnamment créatif. Il ne cesse de trouver des idées pour améliorer la qualité de ses vins et le quotidien de son domaine, imagine des boîtiers et des systèmes, simples pour lui, complexes aux yeux du commun des mortels. Le tout en cherchant constamment des solutions pour s’affranchir toujours davantage des herbicides et autres produits toxiques dans sa vigne, d’ailleurs déjà cultivée en production écologique et intégrée.