semaine de la critique

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semaine de la critique
Semaine de la critique
texte - Nicolas Gilson
Chris Marker, Denys Arcand,
Bernardo Bertolucci, Jean Eustache,
Philippe Garrel, Barbet Schroeder,
Ken Loach, Leos Carax, Amos Gitaï,
Wong Kar-Wai, Guillermo del Toro,
Jacques Audiard, François Ozon,
Gaspar Noé… la liste de ceux qui ont
fait leurs débuts à « la Semaine de la
Critique » (SIC) est longue.
Ainsi baptisée par Nelly Kaplan,
la SIC voit le jour en 1962. Un an
auparavant, Robert Favre Le Bret, à
l’initiative de l’Association Française
de la Critique Cinéma, programmait
à Cannes, hors compétition, le film
« Connection » de Shirley Clarke.
Séduit par l’expérience, le programmateur d’alors décide de céder à
l’association une salle le temps d’une
semaine et lui demande d’y proposer
une sélection de films. L’historien du
cinéma Georges Sadoul en rédige
le règlement qui n’évoluera que peu
par la suite.
La volonté de cette section parallèle
au Festival de Cannes est la découverte de jeunes talents. Il s’agit de
mettre en avant des premières et
des deuxièmes œuvres venues du
monde entier. Des longs mais aussi
des courts métrages – des sept
longs métrages initiaux, la programmation a évolué en intégrant une
sélection de courts métrages et en
organisant des séances spéciales.
Ainsi, chaque année, ce sont quelques 20 films et autant de réalisateurs qui sont à découvrir.
LE FIFF CELEBRE LA SIC
A l’occasion de l’anniversaire de la
SIC, le FIFF a organisé hier une rencontre autour d’Alex Masson, critique
français de cinéma ayant fait partie du
comité de sélection de la Semaine et
qui le rejoindra à nouveau en 2012,
sur la présence belge dans cette section parallèle de l’évènement cannois.
Ont pris part aux discussions menées
par Alain Lorfèvre, critique à la Libre
Belgique, Vincent Tavier (producteur
de « C’est arrivé près de chez vous »,
« Komma », « Calvaire »), Fabrice
Du Welz (« Calvaire », « Vinyan »),
Benoît Mariage (« Le Signaleur »,
« Les Convoyeurs attendent »,
« Cowboy »), Micha Wald (« Alice
et moi », « Voleurs de Chevaux »,
« Simon Konianski »), Valéry Rosier
(« Dimanches ») et Martine Doyen
(« Komma »).
Le public a pu découvrir l’histoire
de la SIC. Lors de sa création elle
s’est voulue selon les termes d’Alex
Masson un réel « contre pouvoir »
face à la programmation du Festival
de Cannes qui se voulait consensuellement politique. Un cri finement en-
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tendu par le comité d’organisation du
festival international qui a d’emblée
intégré ce mouvement contestataire
en son sein tout en en dessinant la logique de programmation, contrainte
de par son nom même (une semaine,
sept films). Ce qui fait la différence,
c’est que la section est pleinement
ouverte au public. La reconnaissance
accordée à la SIC au fil des ans va de
pair avec sa croissance. En effet, si
dans les années 80 le comité de sélection devait choisir parmi quelques
300 films, il a en maintenant en main
plus de 1000.
Un des combats de la SIC a été de
voir son image de « cinéma pointu »
évoluer vers le constat que « la critique n’est pas forcément en opposition avec le public ». Le comité de
sélection tient à proposer une palette très large de films, de genres
(en envisageant de s’ouvrir, comme
ce fut déjà le cas avec « Armadillo »,
au documentaire), tout en respectant l’envie d’avoir des films venus
des cinq continents. Il lui faut aussi
s’adapter à l’évolution de la société,
de plus en plus médiatique, où la position de force de l’image s’est imposée. La SIC doit maintenant faire le
« buzz », créer l’évènement. Ce fut
le cas cette année encore avec « La
Guerre est déclarée » comme ce le
fut par le passé avec « Destricted »
ou encore « C’est arrivé près de chez
vous »…
Le film de Rémy Belvaux, André
Bonzel et Benoît Poelvoorde est
emblématique d’un basculement.
Il permettait à la SIC de soudainement, par le biais d’une comédie
non conventionnelle, casser le moule
dans lequel on l’enfermait peut-être.
Et comme l’a raconté Vincent Tavier,
la vie du film a aussi été rendue possible grâce à la SIC. Le délégué en
place en 1992, Jean Roy, avait découvert le film dès l’étape de montage et avait décidé de le sélectionner
s’il était fini à temps – ce qui a incité
dossier pro
la Communauté française à accorder une aide afin qu’ils le terminent.
Si la production cinématographique
belge a augmenté, cela est dû bien
évidemment à la mise en place d’une
réelle économie mais aussi grâce
à une capacité de développer des
univers et des formes innovantes et
plurielles. Pour Alex Masson, il n’y a
pas un, mais des cinémas belges, et
ce bien au-delà du clivage communautaire. La présence du cinéma belge à
la SIC est aussi facilitée par l’intervention, notamment, du centre WallonieBruxelles qui permet au comité de
sélection un accès aux films.
Avoir obtenu un prix pour son court
métrage à la SIC en 1997, a eu un
impact très favorable sur la suite des
évènements pour Benoît Mariage
qui a, dans la foulée, proposé un
long métrage à la Commission. Plus
encore, c’est aux yeux des quidams
que le statut des cinéastes se module
et évolue : ainsi Valéry Rosier avoue,
après y avoir présenté son film en mai
dernier, que ses parents ne le considèrent plus comme « un alcoolique
chômeur », tant Cannes dans le subconscient collectif est quelque chose
d’extraordinaire. Et c’est aussi la reconnaissance des producteurs qui a
lieu : alors que les cinéastes courent
derrière eux, d’un coup, après sélection, le jeu s’inverse. Comme en témoigne Fabrice Du Welz la sélection
de « Calvaire » à la SIC a été synonyme d’un changement : du jour au lendemain, dans les institutions où l’on
ne comprend pas ce qu’est le cinéma
de genre, cela a créé une ouverture à
la diversité du cinéma.
Au fur et à mesure des discussions,
la diversité du cinéma belge n’a
cessé d’être évoquée avec comme
points communs une belgitude indéfinissable et une filiation inévitable
à « Toto le Héros » qui a ouvert la
route des possibles et qui a permis
de croire que, oui, le cinéma belge
existe, plaît et s’exporte.