La Chine se met au vert
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La Chine se met au vert
TOPIC novembre 2006 La Chine se met au vert Surprise au salon automobile de Pékin en octobre dernier : Chery, Le développement durable a encore constructeur « privé » à capitaux 100% chinois annonçait le lancement de sa du chemin à faire Chery A5 ISG, véhicule hybride dont la production commencera en 2007. Elle roulera bientôt aux côtés des bus électriques qui ont commencé à faire leur en Chine. apparition à Pékin, Wuhan, ou Tianjin. Prise de conscience collective de l’urgence en matière de protection de l’environnement ? Voire… La récente décision de la ville de Canton d’interdire les vélos électriques au motif qu’ils occuperaient trop d’espace sur les voies de circulation ne penche pas en ce sens. Raison invoquée ? Quand les 870 000 automobilistes cantonais s’acquittent de la taxe de circulation, les 100 000 cyclistes, eux, n’y sont pas contraints. L’Etat chinois ne ménage pourtant pas sa peine, « société harmonieuse » oblige… A bien des égards, Pékin a prouvé sa détermination à vouloir renverser ou du moins infléchir les signaux environnementaux qui ont déjà dépassé leur cote d’alerte. Le réchauffement climatique en cours n’occupe sans doute pas le premier rang de ses préoccupations. Plus concrètement, le souci de limiter la grogne sociale que la pollution engendre, de mieux maîtriser la hausse de sa demande énergétique et de pérenniser la croissance qui risque très vite de pâtir sérieusement des problèmes environnementaux constituent un casse-tête suffisamment complexe. Le gouvernement chinois connaît parfaitement la réponse à apporter, encore doit-il trouver les moyens financiers de la mettre en œuvre. Réaliser des économies d’énergies et rechercher des sources d’énergie alternatives au charbon (à l’origine de 70% de sa consommation) et au pétrole sans pénaliser pour autant l’activité économique, tel est le défi auquel la Chine est en train de se mesurer. Il ne s’agit pas là d’un choix mais d’une obligation. A la mi-novembre, un rapport de Merill Lynch avertissait ses clients des risques qu’ils encourraient en localisant leurs bureaux à Hong Kong où le niveau de pollution a explosé ces dernières années en raison des émissions des usines implantées dans le Delta de la Rivière des Perles. Il soulignait par la même occasion que la compétitivité de Hong Kong vis-à-vis de Singapour pourrait rapidement s’en ressentir. … mais concilier protection de l’environnement, La pression exercée par l’amélioration du niveau de vie des Chinois qui va de pair avec une demande croissante de produits électroménagers et d’automobiles complique encore davantage la donne. La Chine a par exemple urbanisation galopante, et hausse du niveau de vie relève de la gageure. plus que triplé le nombre de ses climatiseurs depuis 2000. Désormais 84% des ménages urbains en sont équipés. En 2006, près de 7 millions d’automobiles auront trouvé preneurs. On voit mal alors comment la qualité de l’air pourrait ne pas continuer à se dégrader. Et ce n’est pas terminé. D’ici 15 ans, près de 400 millions de ruraux seront venus gonfler les rangs des citadins. Les millions de mètres carré à construire chaque année donnent le vertige, 1500 à 2000 cette année et jusqu’à 30 000 en 2020 ! Cet afflux suppose de revoir complètement les stratégies d’urbanisation qui ont été le lot des extensions urbaines depuis 20 ans. Certains projets pilotes s’y emploient à Macao ou à Dongtan près de Shanghai où des villes nouvelles sortent de terre en respectant les normes les plus strictes en matière d’économies d’énergie dans le secteur de la construction. Il existe aussi un marché juteux du côté des bâtiments actuels dont le tiers nécessite d’être transformé pour réaliser ces mêmes économies. Signe des temps, la presse chinoise se fait régulièrement l’écho des Sensibiliser l’opinion publique préoccupations du gouvernement comme de la population en matière et édifier un cadre d’environnement – ce qui ne lui serait pas venue à l’idée voilà encore trois ou quatre ans –, preuve que le sujet est devenu incontournable en Chine. institutionnel et Pour la première fois cette année, le Bureau National des Statistiques et légal suffira-t-il ? la NDRC (National Development and Reform Commission) ont publié des données sur la consommation énergétique du pays à partir desquelles plusieurs Plans d’économies d’énergie vont être mis en place. Le gouvernement central a demandé aux 1000 entreprises chinoises les plus consommatrices d’énergie – dans le charbon, les matériaux de construction, l’industrie du papier et le textile – de présenter des plans concrets en vue de diminuer leur demande énergétique. Celles-ci ont en effet été responsables du tiers de la demande énergétique du pays en 2004. D’autres mesures telles que le China Clean Act, le Plan 2020 de conservation de l’énergie ou le programme 863 mis en place par le Ministère des Sciences et des Technologies pour financer la recherche dans les véhicules propres ont été instaurées. Autrement dit, le cadre institutionnel et légal de la protection de l’environnement existe bel et bien. Sur le terrain le scepticisme domine… Mais dès qu’il s’agit de la mise en application, l’Etat central se fait discret. D’une part, l’environnement juridique et les incitations financières en faveur de la réduction de la pollution ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Quant aux pénalités encourues par les pollueurs, on ne peut pas dire qu’elles soient très dissuasives. Et les mesures susceptibles d’avoir un impact significatif sur les comportements des entreprises et des consommateurs – les agriculteurs en particulier – n’ont toujours pas les faveurs du gouvernement. Pékin refuse en effet de faire payer l’utilisateur final par crainte de troubles sociaux dont il souhaite pour longtemps encore se passer. Autrement dit le coût d’accès à l’énergie est ridiculement faible. Le prix de l’essence à la pompe à Pékin par exemple n’était que de 0,42 € le litre en mai 2006. En réalité, la hausse des prix que le pétrole connaît depuis deux ans sur les marchés mondiaux n’a pas été répercutée localement même si le gouvernement a timidement tenté quelques augmentations. Pas de quoi inciter en tout cas l’automobiliste à se tourner vers les véhicules propres. … même si des signaux En attendant, la Chine mise sur les sauts technologiques, les restructurations, la révision des spécifications de produits ou sur sa politique encourageants sont à noter du côté des orientations données à la politique industrielle… industrielle dans le but d’améliorer son efficacité énergétique et de freiner les dégâts sur son environnement d’une gestion des déchets anarchique, des émissions massives des gaz à effet de serre et du déversement de polluants chimiques dans ses rivières au bord de l’asphyxie. En ligne de mire : l’exposition Shanghai 2010 dont le thème tournera autour du développement durable. Auparavant Beijing a déjà promis d’utiliser 20% d’énergies renouvelables lors des Jeux Olympiques de 2008. Le pays met toute son énergie à développer la recherche sur les technologies de motorisation hybride ou électrique, ou dans le méthanol produit à partir du gaz naturel, ou encore dans la gestion des déchets organiques. A Shanghai par exemple, le nouveau site pétrochimique – le Shanghai Chemical Industry Park – qui a vu le jour cette année a été conçu avec comme principal objectif de limiter au maximum les émissions de gaz à effet de serre. Il s’est allié les services de Suez Environnement pour le traitement des déchets solides et des eaux usées. Le recours aux technologies étrangères est en effet un incontournable pour le moment dans bien des domaines liés à la protection de l’environnement. Les voitures propres en sont un bon exemple. La plupart des brevets dans l’hybride appartiennent encore à des constructeurs automobiles étrangers. Dans les énergies renouvelables, éolien, solaire ou biomasse, dans la transformation du gaz en méthanol ou du charbon en pétrole, les partenaires étrangers – et les transferts de technologie qui vont avec – sont là aussi de mise. … et les prochaines innovations en matière d’environnement pourraient bien venir de Chine. Dommage que le son de cloche soit tout autre, une fois rendu dans les provinces, lesquelles sont occupées à accroître le montant de leurs rentrées fiscales – décentralisation oblige – et à scruter le taux de croissance qu’elles afficheront à la fin de l’année. Autant dire que la notion de développement durable si tant est qu’elles en aient entendu parler, est très loin d’être une priorité. Pour autant, l’Etat central ne baisse pas les bras, bien au contraire. La protection de l’environnement est une question de survie pour l’économie chinoise. Il se pourrait donc bien que les innovations majeures en matières de protection de l’environnement nous viennent un jour prochain de Chine. L.Bougier A vos agendas : le 7 février 2007, entre 09h00 et 17h00, HEC Eurasia Institute organise son colloque annuel intitulé cette année « L’Asie en 2007 ». Le programme sera mis en ligne à partir de début janvier sur www.hec.fr/eurasia. A noter : Notre dernière étude en partenariat avec la Commission Asie Pacifique des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCE) parue en novembre 2006 sur L’internationalisation des firmes chinoises. Chine : 2ème émetteur des gaz à effet de serre dans le monde Emissions de CO2 (en millions de tonnes) France Japon Russie UE 25 Chine USA 0 1 000 2 000 3 000 2002 4 000 5 000 1990 Source : UNFCCC, IFEN Depuis 2001, la croissance chinoise est redevenue très gourmande en énergie en particulier dans les secteurs de l’acier, du ciment et des produits chimiques Croissance du PIB chinois Croissance de la consommation énergétique chinoise Source : Helio International 6 000