jeux d`écriture au château de la roche-guyon

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jeux d`écriture au château de la roche-guyon
JEUX D'ÉCRITURE AU CHÂTEAU
DE LA ROCHE-GUYON
6ème ex-aequo chez les Benjamin(e)s
Marn, le prince papillon
par Sidonie Sala, 14 ans
Collège Claude-Monet – Magny-en-Vexin
J’étais comme toujours seule dans ma chambre dans mon palais à Florence, en Italie.
J’attendais avec impatience que le jour se lève pour me préparer à partir en France, au
château de La Roche Guyon, rencontrer le prince Marn. Alors que je rêvassais dans mon lit
en regardant le soleil s’élever dans la fraîcheur de ce matin de printemps, j’entendis mon père
m’appeler :
-– Lyriae ! Prépare-toi nous partons dans quelques minutes !
– Bien père, répondis-je en enfilant une robe rouge aux nombreux rubans bleus.
Lorsque je sortis, de ma chambre, les valets couraient de tous côtés, emportant chaque objet
nécessaire au voyage.
Le trajet pour la France était long et hommes et chevaux étaient épuisés. Nous arrivâmes
après plusieurs jours de galop et le prince Marn nous accueillit avec un grand sourire. C’était
un beau jeune homme d’une vingtaine d’années. Ses cheveux châtain mi-longs étaient
illuminés de mille reflets rouges et ses yeux noisette semblaient tachetés de paillettes d’or. Il
m’aida à descendre de Bella, ma jument, en me dévorant du regard et je tournai la tête, mal à
l’aise. Il fit une rapide courbette et je fis à mon tour une révérence. Puis il prit ma main,
l’embrassa de ses lèvres délicates et me fit signe de le suivre dans les jardins. Nous nous
assîmes alors sur un banc de pierre blanche.
– J’ai quelque chose à vous montrer mais avant… Connaissez-vous la légende me
concernant ?
– Celle du prince papillon ? Ma mère me la racontait tout le temps quand j’étais petite,
c’était ma préférée…
– Et si je vous disais que ce n’est pas qu’une simple histoire…
Sans me laisser le temps de répondre, il s’éloigna du banc et, dans un nuage de brume, il se
métamorphosa en un magnifique papillon monarque.
– Alors c’était vrai… chuchotai-je, bouche bée.
Marn se posa sur mon doigt en quelques battements d’ailes et s’envola pour reprendre forme
humaine.
– Étant donné que nous serons bientôt mariés… nous pouvons nous tutoyer ?
– Bien sûr.
– Tu es magnifique, Lyriae !
Il avait presque murmuré cette phrase, ses lèvres n’étaient maintenant qu’à quelques
centimètres des miennes et je sentais son souffle chaud sur ma bouche. Il s’approcha encore
et sa bouche délicate se posa sur la mienne. Le baiser fut court mais me parut durer une
éternité et quand Marn s’éloigna de moi, j’aurais voulu le retenir pour l’embrasser à nouveau.
En me regardant dans les yeux, il sourit et je ne pus m’empêcher de rougir. En le regardant
mieux, on pouvait voir une petite tache de naissance sur son cou, sous l’oreille. Voyant mon
regard insistant et comprenant que je regardais sa tache de naissance, Marn brisa le silence :
– Cette marque est apparue à mes seize ans, quand on m’a appris que je pouvais me
métamorphoser en papillon. Elle représente d’ailleurs un papillon.
Pour appuyer ses paroles, il s’était légèrement approché pour me permettre de mieux voir la
marque. Hésitante, je tendis la main et effleurai sa peau du bout des doigts.
– Es-tu le premier ? À avoir ce pouvoir ?
– Oui, je suis le seul à pouvoir faire cela… mais tout à un prix...
Il changea de forme, devenant papillon et redevenant humain la seconde qui suivait.
– C’est magnifique… ce pouvoir est magnifique… Mais à quel prix ?
– Je préfère sérieusement ne pas t’en parler...
Je ne savais plus quoi dire, j’étais impressionnée par cette capacité à changer d’apparence
pour revêtir tour à tour celle d’un papillon monarque puis celle d’un humain.
Comme nos pères l’avaient prévu, nous passâmes une semaine ensemble, dormant dans
deux chambres voisines et passant toutes nos journées dans les jardins ou la bibliothèque.
Nous nous étions beaucoup rapprochés au point d’accepter la promesse de mariage. Mon
père nous suivait parfois pour nous observer mais nous partions chaque fois en courant et en
riant. Marn était vraiment un bon prince, généreux mais avec une poigne de fer. Il ferait un très
bon roi.
Le jour du départ était arrivé, je devais repartir le jour même pour Florence. Ne pas nous
séparer après tout ce que nous avions déjà vécu, je lui fis signe de me suivre à l’écart de nos
parents.
– Viens avec moi, demandai-je précipitamment.
– Quoi ? Comment ça ?
– Viens avec moi en Italie… Je t’en prie, pars avec moi pour Florence…
– Je vais en parler à mon père mais je ne peux rien te promettre puisque nous ne
sommes pas encore mariés…
– Alors nous avancerons le mariage. Nous pouvons dire à ton père que nous nous
marierons à Florence.
J’étais désespérée, prête à tout pour être avec lui. Ill partit parler à son père et mon cœur
battait la chamade. Lorsqu’il revint, le sourire aux lèvres, mon cœur et ma respiration se
calmèrent peu à peu.
– Nos chevaux sont prêts, nous allons bientôt partir.
Sans lui répondre, je lui au cou et l’embrassai en pleurant presque de joie.
Nous rejoignîmes nos parents et partîmes pour Florence. Contrairement à l’aller, le retour fut
plus long. Marn et moi restions côte à côte sur nos chevaux, Bella et Orage. L’étalon de Marn,
Orage, était un magnifique pur-sang ébène à la longue crinière brillante et douce tandis que
Belle était une jument pie avec une crinière de couleur crème. Nous arrivâmes à Florence et
je rentrai avec Marn dans les écuries pour nourrir nos chevaux et les laisser se reposer.
– Vous avez beaucoup de chevaux… constata Marn en jetant un œil au reste des
écuries.
–
Oui nous en avons presque une vingtaine de différentes origines.
Je me mis face à lui pour l’embrasser, passai les bras autour de son cou et il plaqua une main
sur ma nuque comme pour m’empêcher de partir. J’aurais voulu rester ainsi pour toujours mais
tout à une fin, même les plus belles choses.
Nous avions cinq mois avant le mariage et je passai ces mois avec Marn dans les jardins ou
à essayer de belles robes pour l’occasion. Elles étaient toutes magnifiques, allant du blanc au
bleu nuit, du rose au rouge vif, du vert pomme à l'émeraude profond. Les bijoux que j'essayais
étaient d'or ou d'argent, sertis de lapis-lazuli, d'émeraudes ou de rubis.
Quand vint enfin le jour des noces, je passai la matinée à me coiffer et enfin j’enfilai une robe
victorienne rouge sang à corset, enfilant autour de mon cou et de mes mains des bijoux
d'argent et d'hématite. Quand je fus prête, je sortis de ma chambre pour rejoindre la petite
chapelle du château. Marn était là, devant l'autel. Mon père prit mon bras sans mot dire et me
conduisit jusqu'à l'autel d'un pas décidé. Le prêtre entama son discours et Marn et moi
prononçâmes nos vœux au moment venu.
– Je vous déclare unis par les liens sacrés du mariage, dit le prêtre, vous pouvez
embrasser la mariée.
Marn se tourna vers moi avec un sourire, releva le voile de dentelle qui masquait mon visage
et m'embrassa avec passion, comme si ce baiser était le dernier. Nous sortîmes de la chapelle
pendant que valets et servantes nous lançaient des pétales de roses et d’œillets. Marn me prit
à part, l'air grave :
– Lyriae, pardonne-moi je t'en prie, dit-il en pleurant légèrement.
– Te pardonner ? De quoi ?
– De t'abandonner ainsi…
Et Marn se métamorphosa et se posa au creux de ma main. Ses ailes se figèrent, il était mort.
Marn, le prince papillon, n'était plus. Je m’effondrai, les joues baignées de larmes, tenant
contre mon cœur le petit papillon sans vie et passant la main sur mon ventre d'un geste
maternel.
– Subirait-il le même sort ? Ce petit être qui grandissait en moi... Mourrait-il également ?

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