Faibles débits liquides : le Cetiat planche sur un banc
Transcription
Faibles débits liquides : le Cetiat planche sur un banc
Solutions MÉT R O L O G I E Krohne Le nombre de bancs d’étalonnage pour les faibles débits liquides en Europe se compte sur les doigts de la main. Faibles débits liquides : le Cetiat planche sur un banc Il existe beaucoup d’instruments permettant de mesurer des débits de liquide inférieurs à un litre par heure. Mais bien peu de possibilités de raccordement de ces équipements au Système International d’unités. En France, le Cetiat, Laboratoire Associé au Laboratoire National de Métrologie et d’Essais couvre jusqu’à présent les débits supérieurs à 8 l/h. En dessous, rien. Avant d’élaborer son cahier des charges pour un nouveau banc “faibles débits”, le Cetiat a mené une enquête préalable auprès des laboratoires, des industriels et des fournisseurs d’instrumentation. E nviron 10 % des industriels mesurent des débits liquides inférieurs à 1 l/h. Et dans ce domaine-là, il n’existe en France aucun moyen de raccordement à un banc d’étalonnage de référence. Au Cetiat, laboratoire associé au Laboratoire National de Métrologie et d’Essais, le banc gravimétrique dédié à la débitmétrie liquide ne “descend” pas au-dessous de débits de 8 l/h. Souvent, les utilisateurs renvoient leurs équipements auprès du fournisseur pour une simple maintenance : pour le nettoyer, changer une pièce, ou pour quelques réglages… Mais on ne peut pas parler de véritable étalonnage. Pour combler ce manque, le Cetiat a pour projet de réaliser un banc d’étalonnage dédié aux faibles débits de liquide. Avant de finaL’essentiel liser le cahier des charges, et afin de mieux Beaucoup de principes de cerner les besoins, il a mesure flirtent avec des engagé une étude débits liquides en dessous du auprès des fournisml/h seurs d’équipements Mais il n’existe que très peu de mesures et auprès de moyens pour étalonner des utilisateurs, c’estces instruments dans cette à-dire les industriels et gamme les laboratoires qui Le Cetiat, après avoir jouent quotidienneconsulté fournisseurs et ment avec le goutte à utilisateurs, a établi un cahier goutte. Le rapport des charges pour un nouveau banc d’étalonnage complet de cette étude (engagée en 2004 et Celui-ci devrait être limitée à la France) est disponible d’ici trois ans aujourd’hui publié et 34 disponible auprès du Cetiat ou de l’Aratem. L’appellation “faible débit de liquide” est propre à ce document et couvre les débits inférieurs à une limite fixée de manière arbitraire à un litre par heure. Le massique avant tout Sur 40 sociétés contactées, constructeurs et distributeurs de matériels de mesure de débits, 21 affirment commercialiser un ou plusieurs instruments dédiés à la mesure des faibles débits de liquide (voir le tableau “les instruments de mesures”). Première observation de l’enquête : les principes de mesure proposés sont globalement les mêmes que ceux disponibles pour les débits plus élevés et ils en présentent la même diversité : organe déprimogène, ultrasons, Coriolis, thermique… Seuls le débitmètre à effet Vortex, restreint aux écoulements turbulents, et la turbine, dont aucun distributeur n’a été recensé dans cette étude, ne sont pas cités dans ce domaine des faibles débits. Deuxième observation : les débitmètres massiques (thermiques ou à effet Coriolis) sont particulièrement présents sur le marché de la mesure de faibles débits de liquide. La simplicité du fonctionnement des débitmètres à flotteur et leur faible coût en font une technologie distribuée de manière très large (comme c’est également le cas pour les débits plus élevés). On retrouve également beaucoup de débitmètres à suivi d’index mais pour des applications très particulières. Développés pour la surveillance des systèmes de chromatographie, ils sont commercialisés essentiellement par des distributeurs de matériels pour l’analyse. Quatre labos en Europe Deuxième volet de l’enquête, les possibilités de raccordement de ces débitmètres ont été étudiées à une échelle internationale, grâce à la base de données “Calibration and Measurement Capability of National Metrology Institutes”, maintenue par le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM). Le bilan est pauvre. En Europe, quatre laboratoires ont été identifiés : un en Allemagne, un au Royaume-Uni, un troisième aux PaysBas et enfin un quatrième en Suisse (voir tableau, “les possibilités de raccordements”). Aucun banc d’étalonnage en France. Le raccordement des débitmètres dédiés à la mesure de faibles débits de liquide est possible jusqu’à une valeur seuil de 40 ml/h, malheureusement insuffisante pour la plupart des technologies précédemment identifiées (débitmètres à suivi d’index, débitmètres massiques, débitmètres laminaires ou débitmètres à flotteur). Les étalonnages sont généralement réalisés avec un liquide à température ambiante, à l’exception de ceux effectués au NEL (National Engineering Laboratory) au Royaume-Uni dont les installations permettent de générer un écoulement de liquide de 5 à 50 °C et jusqu’à 6 bar de pression. Des besoins de partout Toujours au cours de son investigation, le Cetiat a demandé aux laboratoires et aux industriels de s’exprimer sur les moyens mis en œuvre pour la mesure des faibles débits de liquide et sur la surveillance métrologique de ces moyens. Un fichier d’utilisateurs potentiels de 2 400 contacts constitué avec le concours de l’Agence Rhône-Alpes pour la Maîtrise des Technologies de Mesure (Aratem) a été utilisé. Parmi les 100 industriels ou laboratoires ayant répondu à cette enquête, 11 réaMESURES 785 - MAI 2006 - www.mesures.com Solutions lisent des mesures de faibles débits de liquide. Le nombre d’industriels ayant répondu est donc assez faible et ces résultats sont à considérer avec prudence. Les participants sont issus des domaines du transport, chimie, santé, cosmétique et parfumerie ou encore de la métallurgie, des machines et des équipements. En revanche, le domaine de l’agroalimentaire, pourtant largement consulté et mettant souvent en œuvre des produits à forte valeur ajoutée (colorants, arômes, conservateurs…), n’a pas participé. Il en paraît de même pour les activités de recherche et de développement menées au sein des laboratoires du CNRS ou des laboratoires universitaires. Un complément d’enquête est actuellement réalisé auprès des interlocuteurs de ces laboratoires chargés de recherche en microfluidique, la science des écoulements en milieu très confiné. Les résultats de cette étude sont donc parcellaires mais les informations, souvent homogènes, paraissent significatives. En terme de débit, 8 établissements mesurent ou souhaitent mesurer des débits minimums compris dans la plage 10 ml/h à 100 ml/h. Pour la plage de température du liquide, les besoins s’étendent de -50 °C à 250 °C, mais on observe, dans 9 cas, une concentration des mesurages entre 10 et 50 °C. De la même façon, la pression du liquide s’étend sur un large intervalle, de 1 à 100 bar mais plus de 80 % des valeurs se regroupent entre 1 et 10 bar. Une large proportion des mesurages est réalisée sur de l’eau. Les carburants, les huiles et les solvants figurent également parmi les liquides utilisés. Les produits insecticides, les additifs visqueux et le tétrahydrofurane ont également été cités. Les manipulateurs de faibles débits privilégient les débitmètres massiques (débitmètre à effet Coriolis et débitmètre thermique) qui représentent plus de la moitié des instruments de mesure cités. Même s’ils sont très largement présents sur le marché, les débitmètres à flotteur n’ont été cités qu’une seule fois par les industriels. On peut supposer que les performances métrologiques de ces capteurs sont insuffisantes pour leurs applications. En revanche, certaines technologies susceptibles de fonctionner à des valeurs de débits inférieures à un litre par heure n’ont pas été mentionnées par les utilisateurs. Ce sont débitmètres à organe déprimogène, les débitmètres à ultrasons, les compteurs volumétriques (instruments peu distribués en France). Le débitmètre électromagnétique reconnu pour ses performances à forts déMESURES 785 - MAI 2006 - www.mesures.com fier un champ d’application de la mesure des faibles débits de liquide : celui du contrôle des systèmes d’analyse par chromatographie liquide haute performance (3 instruments de mesure parmi les 18 cités sont utilisés dans ce contexte). Un banc pour tous Sur les 11 industriels et laboratoires réalisant des mesures de faibles débits de liquide, 8 déclarent procéder à la surveillance métrologique de leurs instruments de mesure. Celle-ci est, le plus souvent, réalisée à l’aide d’un système gravimétrique (par pesée) mis en œuvre par l’entreprise elle-même. Enfin, deux demandes particulières ont été exprimées par Endress+Hauser les interlocuteurs contactés : d’une part, la réalisation de Ici le banc d’Endress + Hauser, accrédité Metras, en Suisse couvre les débits d’eau de 600 ml/h. Il utilise une méthode gravimétrique pour les débitmètres massiques et une prestations d’étalonnage sur méthode volumétrique pour les débitmètres volumiques. site (permettant une caractérisation métrologique globale de la chaîne de bits, n’est pas identifié non plus comme un mesure) et d’autre part l’analyse du comporsystème potentiel de mesure des faibles dé- tement des instruments soumis à des débits bits. Le débitmètre laminaire, quant à lui, est pulsatoires (permettant une caractérisation plus fréquemment utilisé en débitmétrie des du comportement dynamique des débitmègaz qu’en débitmétrie des liquides, ce qui tres). tend à expliquer son absence parmi les dé- Avant de satisfaire toutes les demandes parbitmètres listés. ticulières, le Cetiat prévoit d’abord l’élaboraCette étude a, d’autre part, permis d’identi- tion d’un banc répondant aux besoins du Instruments de mesure Nombre de fournisseurs identifiés Débit minimum (ml/h) Meilleure incertitude (% du débit) Compteur volumétrique 1 600 1,50% Débitmètre à ultrasons 1 500 5% A organe déprimogène 1 10,2 5% Electromagnétique 3 3,6 0,20% Coriolis 4 1 0,12% Suivi d’index 5 3 1 Laminaire 2 0,3 2 % PE (PE min. : 6 ml/h) Flotteur 8 0,012 2 Thermique 4 0,001 1 % PE (PE min. : 6 ml/h) Principe de mesure PE min. : Pleine Echelle minimale Le tableau dresse une liste des principes de mesure identifiés par le Cetiat au cours de son enquête. Pour le cas des débitmètres massiques, les indications des constructeurs ont été converties en utilisant une approximation grossière de la masse volumique de l’eau (1 000 kg/m3 ). Les valeurs d’exactitude annoncées sont également celles relevées dans la documentation des instruments. Les valeurs minimales pour chacune des technologies ont été retenues. 35 Solutions plus grand nombre. Le principe par gravimétrie reste le même que celui utilisé pour les plus hauts débits (on pèse la quantité d’eau qui s’écoule pendant un laps de temps et on compare cette masse d’eau à celle qui a été mesurée par le débitmètre à étalonner). La difficulté des faibles débits vient de la pesée. Les performances métroloEmerson Process Management giques, comme la précision ou le Les débitmètres massiques (Coriolis temps de réponse de la balance ou thermique) sont très utilisés par sont deux paramètres cruciaux. les industriels pour la mesure des faibles débits. Aujourd’hui, un D’autres éléments tels que la régu“Coriolis” peut descendre jusqu’à des lation du débit, la préparation de débits de 1 g/h. l’eau (eau filtrée dégazée), les phénomènes d’évaporation ou de condensation dont également tout particulièrement importants pour la mesure des faibles débits. L’innovation sur le prochain banc du Cetiat vient du fait que la pesée ne se fera plus uniquement en statique mais pourra se faire aussi en dynamique, c’est-à-dire d’une manière continue. Ceci permet de contrôler constamment la qualité de l’écoulement pendant le temps de la pesée. Dans le cahier des charges, le nouveau banc devra donc 36 Les possibilités de raccordement Pays Laboratoire Débit minimal Type de liquide Suisse Endress + Hauser 600 ml/h Eau Allemagne Trigas FI 180 ml/h liquide de masse volumique comprise entre 770 et 1 000 kg/m3 Royaume-Uni TUV NEL 120 ml/h eau, kérosène, gasoil, huiles minérales Pays-Bas Nmi Van Swinden Laboratorium 40 ml/h huiles minérales ... rien en France couvrir des débits en dessous du litre par heure. La limite inférieure, pas encore fixée précisément, pourrait atteindre 1 ml/h. Les étalonnages pourront être réalisés à différentes températures (entre 10 et 50 °C), et à différentes pressions jusqu’à 10 bar. Le Cetiat envisagera certainement dans un second temps de monter son banc en pression, pour couvrir les besoins au-delà de 10 bar. Mais des contraintes restent encore à surmonter pour maintenir un débit constant aussi faible que 1 ml l/h à plusieurs dizaines de bar. Initialement, le banc fonctionnera sur de l’eau. D’autres liquides néanmoins devraient suivre, avec notamment des applications sur des alcools. Il reste encore quelques mises au point techniques et financières (des fournisseurs comme Krohne ou Emerson sont partenaires). Le banc devrait voir le jour sous peu… dans trois ans, environ. Nathalie Bédiat Cetiat (Centre Technique des Industries Aérauliques et Thermiques) MESURES 785 - MAI 2006 - www.mesures.com