Animaux de compagnie
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Animaux de compagnie M É D E C I N E E T C H I R U R G I E Conduite à tenir lors d'alopécie chez le chien William Bordeau L'alopécie se définit comme une diminution du nombre de poils, qui peut aller jusqu'à une perte totale. Elle résulte d'une atteinte de la tige pilaire du follicule pileux ou d'une anomalie du cycle pilaire. Il s'agit d'un syndrome, non spécifique, fréquemment rencontré en dermatologie canine, tout comme l’est le prurit. Principales causes Il n’existe actuellement aucune classification des alopécies canines internationalement reconnue, et celle-ci varie donc selon les auteurs. D'un point de vue dichotomique, on peut opposer les alopécies héréditaires aux alopécies acquises, les alopécies inflammatoires aux alopécies non inflammatoires, ou encore les alopécies spontanées aux alopécies auto-induites. Cette dernière dichotomie a au moins le mérite d’être simple, et c’est pourquoi nous l’emploierons. Concernant les dermatoses prurigineuses qui peuvent être à l'origine d'une alopécie autoinduite, on a essentiellement différentes dermatoses parasitaires, comme la gale sarcoptique, la pulicose ou l'otacariose, et différentes dermatites allergiques, comme la dermatite atopique ou la dermatite par allergie aux piqûres de puces. Les principales dermatoses responsables d'une alopécie spontanée sont d’origine parasitaire, notamment fongique, ou endocrinienne.D'autres causes moins fréquentes, mais pas aussi rares qu'on pourrait le penser, doivent être également recherchées, notamment certaines génodermatoses (lire tableau). Eléments de diagnostic La recherche de la cause de l'alopécie démarre avant tout par le recueil minutieux de l'anamnèse et des commémoratifs. Il est important de ne pas négliger cette étape qui représente près de la moitié du temps de la consultation. Ce n'est que par la suite que l'examen clinique doit être réalisé, ce qui conduira alors à envisager différentes hypothèses diagnostiques, confirmées ou infir- Caniche présentant un syndrome de Cushing. mées par les examens complémentaires adéquats. • Anamnèse et commémoratifs L'âge à l’apparition de l'alopécie est un élément important à connaître. Si le chien est âgé de moins d’un an, on peut envisager une alopécie congénitale, une démodécie et une dermatophytose, tandis que, chez des chiens adultes à âgés, on peut s’orienter notamment vers une alopécie d'origine néoplasique ou dysendocrinienne. Certaines races sont prédisposées pour certaines dysendocrinies, notamment le caniche pour l'hypercorticisme, alors que d'autres le sont pour certaines dermatoses parasitaires, notamment le sharpei ou les bouledogues pour la démodécie. La couleur de la robe détermine l’apparition de certaines dermatoses comme l'alopécie des robes diluées chez les chiens à robe bleue ou la dysplasie des follicules pileux noirs. Le lieu de résidence du chien est un élément important à connaître, notamment pour déterminer la pression parasitaire en puces. Un chien vivant en pavillon a ainsi un risque supérieur de contamination par rapport à un chien en appartement. En région méditerranéenne, on peut envisager une leishmaniose et, du centre de la France jusqu'au Nord, on pourra penser à une alopécie récurrente des flancs puisqu’elle s’observe essentiellement au-delà du 45e parallèle. Génodermatoses Alopécie des robes diluées / Dysplasie des follicules pileux noirs Hypotrichose et alopécie congénitale Alopécie en patron Dermatomyosite Adénite sébacée Dysplasies folliculaires cycliques ou non Alopécies d'origine dysendocrinienne Syndrome de Cushing Hypothyroïdie Dysendocrinie sexuelle Alopécie X ? Alopécies d'origine néoplasique Alopécies d'origine parasitaire Insectes (pulicose...) Acariens (gale sarcoptique cheylétiellose, otacariose...) Champignons (dermatophytose...) Alopécies auto-induites d'origine allergique Dermatite par allergie aux piqûres de puces Dermatite atopique Autres causes Effluvium télogène Alopécies cicatricielle,post-injection et par traction Alopécie en patron. William Bordeau Principales causes ➞ 6 Supplément Les Cahiers Pratiques n° 2 à La Dépêche Vétérinaire du 9 décembre au 15 décembre 2006 Animaux de compagnie M É D E C I N E E T C H I R U R G I E ➞ la lampe de Wood pour révéler la présence de la moitié des souches de Microsporum canis. Le trichogramme est un examen complémentaire, extrêmement intéressant, mais trop souvent négligé. On examinera l’apex, la tige et la racine. L'examen de l'apex permettra de déterminer si le poil est cassé et, ainsi, si l'alopécie est spontanée ou auto-induite. Au niveau de la tige, on recherchera des spores fongiques ou des œufs, comme ceux de cheylétielles ou de poux, ou encore des agrégats de mélanine que l'on peut observer lors d'alopécie des robes diluées. Au niveau de la racine, on déterminera dans quelle phase majoritaire du cycle se trouvent les poils prélevés. Une majorité de poils en phase télogène permettra d'envisager une dysendocrinie ou un effluvium. prurit et, si l'épilation est facile, cela permettra notamment de s’orienter vers une dysendocrinie ou un effluvium. La présence de manchons pilaires doit faire suspecter une démodécie, une alopécie des robes diluées, une dysplasie des follicules pileux noirs ou encore une adénite sébacée. • Examens complémentaires Ce n'est qu'après avoir recueilli l'anamnèse, les commémoratifs et effectué les examens cliniques que l'on pourra réaliser différents examens complémentaires ayant pour but d'infirmer ou de confirmer les hypothèses diagnostiques retenues. On pourra notamment effectuer des raclages cutanés pour mettre en évidence différents parasites comme les demodex ou les sarcoptes, un brossage cutané pour recueillir certains parasites comme les cheylétielles, ou un examen à Démarche diagnostique pratique lors d’alopécie canine La recherche de l’étiologie d’une alopécie canine est une démarche complexe. Nous n'en présentons ici qu'une approche dichotomique simplifiée, permettant de diagnostiquer les principales causes d'alopécie chez le chien. Il faut toutefois toujours voir le cas dans sa globalité en ne négligeant pas l’anamnèse, les commémoratifs et les manifestations cliniques des dermatoses les plus courantes. (suite page 8) William BORDEAU Consultant exclusif en dermatologie Clinique vétérinaire de Château-Gaillard (3, avenue du maréchal Foch, 94700 Maisons-Alfort, tél. : 06.64.54.24.68) Sertolinome. William Bordeau William Bordeau La vie en communauté permettra d'envisager différentes dermatoses parasitaires, comme les dermatophytoses, la gale sarcoptique ou encore la pulicose. Une alopécie cyclique doit faire penser à une alopécie récurrente des flancs, et un stress important dans les semaines qui ont précédé la survenue de l’alopécie doit orienter vers un effluvium. • Examen clinique Un examen clinique général est nécessaire avant de réaliser un examen dermatologique. En effet, certaines dysendocrinies, tout comme certains syndromes paranéoplasiques, peuvent être à l'origine de symptômes généraux, comme une polyuropolydipsie, une apathie ou une prise ou une perte de poids. L'examen clinique dermatologique ne doit pas se limiter aux lésions qui ont amené les propriétaires à consulter. On recherchera d'autres manifestations parfois plus discrètes, comme une pododermatite ou encore une inflammation de la face antérieure des conques auriculaires, signes évocateurs d'une dermatite atopique. La distribution et l’extension des lésions sont importantes. On observera notamment si l'alopécie est focale, multifocale ou extensive. On se demandera si ces lésions sont symétriques ou non. Si elles sont symétriques, cela permettra notamment d'envisager certaines dysendocrinies et certaines génodermatoses. Après avoir effectué un examen à distance, on effectuera un examen rapproché avec notamment l'observation minutieuse des poils.Si leur extrémité est cassée, cela permettra d'envisager l'existence d'un William Bordeau William Bordeau Alopécie circonscrite due à une démodécie. Alopécie récurrente des flancs. Supplément Les Cahiers Pratiques n° 2 à La Dépêche Vétérinaire du 9 décembre au 15 décembre 2006 Dermatophytose. 7 Animaux de compagnie M É D E C I N E E T C H I R U R G I E Conduite à tenir lors d'alopécie chez le chien William Bordeau Alopécie X. Adénite sébacée. On se rappellera que les examens complémentaires ne sont là que pour confirmer ou infirmer les hypothèses diagnostiques. Dans ce sens, il ne faut pas effectuer de biopsies cutanées sur toute alopécie d'origine inconnue, sans laisser d'hypothèse diagnostique à l'histologiste, dans l'espoir qu'il puisse effectuer le diagnostic. Dans un premier temps, il est essentiel de déterminer si l'alopécie est d'apparition spontanée ou auto-induite. Les propriétaires rapportent généralement l'existence d'un prurit lors du recueil de l'anamnèse et des commémoratifs. Si tel n'est pas le cas, l'observation minutieuse du pelage en zone alopécique, et notamment la présence de poils cassés, de taille inégale, permettra de faire cette distinction. À noter, toutefois, que bon nombre de dermatoses sont à l'origine de complications infectieuses et, de ce fait, certaines dermatoses initialement non prurigineuses peuvent le devenir. La réalisation d'une antibiothérapie d'épreuve est alors intéressante pour déterminer si le prurit est primaire ou secondaire. A – Si cette alopécie est auto-induite, se référer au premier numéro des cahiers pratiques, intitulé «Conduite à tenir face à un prurit chez le chien» (par Emmanuel Bensignor). Globalement, il faut essentiellement envisager une dermatite allergique ou une dermatose parasitaire. Concernant les dermatites allergiques, il faut penser à la dermatite par allergie aux piqûres de puces et à la dermatite atopique. Parmi les dermatoses parasitaires prurigineuses, on recherchera essentiellement une gale sarcoptique, une pulicose, une cheylétiellose ou encore une otacariose. On va donc réaliser différents examens complémentaires comme des raclages, un brossage ou un test à l'acétate adhésive. B – Si l'alopécie est d'apparition spontanée, on s'attardera alors sur la distribution et l’extension des zones alopéciques. B1 – En cas d'alopécie focale ou multifocale Premièrement, il faut exclure une démodécie. On va alors réaliser des raclages multiples et profonds, jusqu'à la rosée sanguine, sur les zones alopéciques, après avoir fortement pressé la peau entre le pouce et l'index. Le prélèvement est ensuite déposé dans du lactophénol, avant d'être observé au microscope à l'objectif 10. Deuxièmement, il faut exclure une dermatophytose. On va alors faire un examen minutieux des zones alopéciques à l'aide d'une lampe de Wood, celle-ci permettant de faire fluorescer près de la moitié des souches de Microsporum canis. Les poils fluorescents sont ensuite prélevés pour être observés au microscope afin de confirmer l'existence de poils teigneux. En l'absence de fluorescence, des poils sont prélevés en bordure de la zone alopécique. Si l'examen à la lampe de Wood et le trichogramme ne sont pas concluants, on réalisera alors une culture mycologique. Troisièmement, en présence de lésions compatibles avec une pyodermite, il faut mettre en place une antibiothérapie d’épreuve. En l’absence de lésions compatibles, il faut envisager une dermatose plus rare, comme une alopécie postinjection ou une alopecia areata, et effectuer des biopsies cutanées. B2 – En cas d'alopécie bilatérale et symétrique Premièrement, chez un chien adulte à âgé, il faut envisager une dermatose d'origine dysendocrinienne. En fonction des symptômes généraux que présente, ou non, l'animal, il faudra effectuer une exploration endocrinienne permettant de diagnostiquer un syndrome de Cushing, une hypothyroïdie et une dysendocrinie sexuelle. Deuxièmement, si l'exploration endocrinienne s'avère non concluante, il faudra réaliser des biopsies cutanées. En fonction de l'anamnèse, des commémoratifs et des signes cliniques, il faudra demander à l'histologiste de rechercher diverses génodermatoses comme une alopécie des robes diluées, une alopécie en patron, une dysplasie folliculaire cyclique ou non ou une adénite sébacée. William BORDEAU Consultant exclusif en dermatologie Clinique vétérinaire de Château-Gaillard (3, avenue du maréchal Foch, 94700 Maisons-Alfort, tél. : 06.64.54.24.68) William Bordeau William Bordeau (suite de la page 7) Alopécie des robes diluées. William Bordeau Hypothyroidie. 8 William Bordeau William Bordeau Dysplasie des follicules pileux noirs. Dysplasie folliculaire. Supplément Les Cahiers Pratiques n° 2 à La Dépêche Vétérinaire du 9 décembre au 15 décembre 2006