Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales, un

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Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales, un
LE TRANSFERT DE DROITS DE DÉVELOPPEMENT
À DES FINS PATRIMONIALES,
UN OUTIL POUR LE QUÉBEC?
Commission des biens culturels du Québec
Février 2009
AVANT-PROPOS
La Commission des biens culturels du Québec a commandé l’étude sur le
transfert de droits de développement dans le cadre de sa mission visant le
développement et la diffusion des connaissances en matière de protection et de
mise en valeur du patrimoine.
La recherche et la rédaction ont été réalisées par la juriste et urbaniste, MarieOdile Trépanier, professeure à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal
et par Stéfanie Wells, étudiante à la maîtrise en urbanisme.
La technique de transfert de droits de développement est souvent utilisée aux
États-Unis et plus récemment, en Colombie-Britannique. L’étude se veut une
synthèse de la littérature récente en Amérique sur le sujet et une analyse de
plusieurs exemples d’application. Les personnes concernées par le processus de
révision de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et de Loi sur les biens
culturels jugeront de la pertinence d’un tel outil au Québec.
Nous espérons que cette étude pourra être prise en considération pour assurer
une meilleure protection du patrimoine culturel.
Le président,
Mario Dufour
RÉSUMÉ
Cette étude répond à une demande de la Commission des biens culturels du
Québec, dans le contexte d’une révision de la Loi sur les biens culturels (LBC).
Le mandat consiste à faire une synthèse de la littérature nord-américaine sur un
outil original, le transfert de droits de développement (TDD), et à formuler des
recommandations quant à la pertinence de cet outil pour le Québec.
Cet outil vise à aider au maintien des biens immobiliers patrimoniaux en
dissuadant le développement sur les sites patrimoniaux et en le réorientant
ailleurs, sur des sites plus appropriés, tout en apportant un soutien financier à
l’entretien des biens patrimoniaux. Les propriétaires de sites patrimoniaux
protégés, en échange de l’acceptation de restrictions quant à la démolition et au
redéveloppement de leur propriété, parfois même d’engagement à la réhabiliter,
obtiennent la possibilité de vendre sur le marché privé des droits de construction
en faveur d’autres sites. Ces droits sont établis à partir de la portion non utilisée
du potentiel de développement autorisé par la réglementation municipale dans la
zone concernée. Les propriétaires qui acquièrent ces droits non utilisés peuvent
les appliquer sur leur propriété et bénéficier ainsi de l’autorisation d’en
augmenter la densité.
Les modalités de fonctionnement de cet outil comportent diverses étapes.
D’abord, une municipalité adopte un règlement qui va préciser en premier lieu les
objectifs et les types de propriétés visées; ce règlement définit les règles
applicables aux zones émettrices et aux zones réceptrices, les modalités et les
étapes d’un transfert et finalement ses effets pour les différents propriétaires. Un
programme de TDD est un outil de mise en œuvre étroitement rattaché à la
planification urbaine; il est complémentaire aux autres outils. Sa mise en place
requiert une préparation attentive et minutieuse, et la prise en compte d’un grand
nombre de dimensions.
L’application d’un tel transfert demande d’abord un engagement volontaire du
propriétaire du bien patrimonial au moyen d’une entente avec la municipalité ou
un autre organisme, reconnaissant les droits de développement transférables et
les restrictions conséquentes. Puis, ces droits sont vendus sur le marché et
consignés par un acte de vente. Ensuite, l’acquéreur s’adresse à la municipalité
pour obtenir un permis de construction incluant cette densité additionnelle. Pour
faciliter ces transactions, les municipalités ou l’État établissent souvent une
agence ou une banque de TDD qui assure le suivi de ces transactions et en
facilite la réalisation, notamment en informant les propriétaires, mais aussi en
acquérant elle-même des droits transférables et en les revendant, pour pallier les
fluctuations du marché.
Au Québec, les mesures de protection de la LBC sont solidement implantées. La
Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) offre une variété de techniques pour
faciliter l’encadrement des projets immobiliers, notamment les outils
discrétionnaires comme les plans d’aménagement d’ensemble, les projets
particuliers de construction, de modification et d’occupation d’immeubles, ou
encore les usages conditionnels. Les municipalités peuvent aussi demander aux
promoteurs certaines contributions, comme en matière de stationnement ou de
parcs et espaces naturels.
Enfin, l’étude recommande que la technique des TDD soit explorée plus avant
pour tenter une adaptation appropriée au contexte québécois, sous forme de
crédit de densité transférable ou encore de redevance de densité. Des
expériences pilotes pourraient être effectuées dans des régions propices. Un
organisme de soutien semblable à une banque de TDD devrait accompagner les
municipalités et les propriétaires. Des pouvoirs de négociation d’ententes de
conservation, comme à Vancouver, pourraient être accordés à cet organisme et
aux municipalités. De même, des pouvoirs de gestion des crédits de densité
transférables ou des redevances de densité, en arrimage avec les pouvoirs en
urbanisme, pourraient leur être confiés. Des études complémentaires devraient
être poursuivies, notamment en matière de marché foncier et de finances
municipales.
TABLE DES MATIÈRES
I. INTRODUCTION………………………………………………………………………………………… 1
1.
Mandat…………………………………………………………………………………………….. 2
2.
Présentation sommaire…………………………………………………………….……………. 3
II. QU’EST LE TRANSFERT DE DROITS DE DÉVELOPPEMENT (TDD)?................................. 3
1.
Séparation des droits de propriété et mise en marché de droits de développement
(usage)…………………………………………………………………………………………………… 3
2.
Pour conserver des éléments reconnus d’intérêt public et encourager un développement
accru là où la communauté le souhaite………………………………………………………………. 4
3.
Répartition plus équitable des plus-values générées par le développement,
compensation pour le non-développement ou soutien au maintien du patrimoine?.................... 4
4.
Diversité des éléments protégés ou buts poursuivis : éléments patrimoniaux, milieux
naturels........................................................................................................................................ 5
5.
Mesure principalement en termes de superficie à développer ou de densité……………...6
III. MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT D’UN PROGRAMME DE TDD…………………………. 7
1.
Détermination des sites potentiellement émetteurs………………………………………….. 8
2.
Engagement du propriétaire d’un site émetteur et entente formelle……………………….10
3.
Détermination des sites récepteurs……………………………………………………………11
4.
Transaction d’acquisition et détermination de la valeur des TDD………………………….13
5.
Implication d’intermédiaires pour faciliter les transactions…………………………………. 15
6.
Conversion ou utilisation des droits de développement transférés : les projets de
développement dans les zones réceptrices………………………………………………………… 17
7.
Suivi des transactions : procédure type……………………………………………………… 18
8.
Rôle des autorités municipales……………………………………………………………….. 19
9.
Portée territoriale ou l’échelle des programmes de TDD……………………………………19
10.
Autres techniques ………………………………………………………………………........... 20
IV. EXEMPLES D’APPLICATIONS RÉUSSIES EN PATRIMOINE………………………………… 21
1.
New York ……………………………………………………………………………………….. 21
2.
San Francisco ………………………………………………………………………………….. 23
3.
Seattle ……………………………………........................................................................... 24
4.
Vancouver …………………………………………………………………………………….… 25
V. AVANTAGES, DIFFICULTÉS, INCONVÉNIENTS ET RISQUES……………………………….. 27
1.
Avantages……………………………………………………………………………………….. 27
2.
Difficultés………………………………………………………………………………………… 28
VI. FACTEURS ET CONDITIONS DE RÉUSSITE…………………………………………………… 30
1.
Marché dynamique et stable (demande de TDD)…………………………………………… 31
2.
Planification méticuleuse du programme, de ses objectifs et de ses modalités………….31
3.
Détermination adéquate des zones émettrices et réceptrices et des mesures restrictives
et incitatives……………………………………………………………………………………………..32
4.
Articulation étroite avec les mesures d’aménagement et d’urbanisme…………………… 32
5.
Simplicité d’application du programme de TDD……………………………………………...32
6.
Suivi et révision périodique du programme………………………………………………….. 33
7.
Main-d’œuvre qualifiée………………………………………………………………………….33
8.
Soutien du public et volonté politique………………………………………………………… 33
VII. CONSIDÉRATIONS JURIDIQUES…………………………………………………………………34
1.
Contexte américain et canadien………………………………………………………………. 34
2.
Contexte canadien et québécois……………………………………………………………… 36
3.
Quelques caractéristiques des outils disponibles au Québec……………………………... 37
VIII. RECOMMANDATIONS…………………………………………………………………………….. 41
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………………………. 47
I. INTRODUCTION
Au Québec, nombre de domaines conventuels ou privés ont été établis sur des
sites remarquables, au bord des cours d’eau, sur les falaises ou les flancs de
montagnes, avec des forêts ancestrales, des jardins magnifiques ou des vues
impressionnantes. Ces traits caractéristiques des biens patrimoniaux immobiliers
en font souvent des sites convoités pour le développement urbain. Faute de
capacité financière, ces biens patrimoniaux peinent à résister à leur
remplacement par des projets de lotissements résidentiels ou autres. En effet,
l’entretien et la réhabilitation de ces domaines patrimoniaux impliquent des
montants d’argent dont leurs propriétaires ne disposent pas toujours, surtout
dans le cas des propriétés religieuses. Pour sauver une partie de leurs biens, ces
propriétaires sont souvent amenés à céder de vastes parts de leurs domaines au
développement urbain. Les divers outils d’intervention dont disposent le
gouvernement et les municipalités en vertu des lois québécoises, en particulier la
Loi sur les biens culturels1 (LBC) et la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme2
(LAU), ou encore les divers programmes de subvention et de restauration des
bâtiments patrimoniaux, contribuent de façon significative à éviter ces
éventualités regrettables. Cependant, les autorités publiques ne peuvent combler
tous les besoins. Existerait-il d’autres outils, expérimentés ailleurs, qui
permettraient de dissuader le développement sur les sites patrimoniaux et de le
réorienter ailleurs, sur des sites plus appropriés, tout en apportant un soutien
financier à l’entretien des biens patrimoniaux? La technique du transfert de droits
de développement est déjà fort répandue dans les municipalités nordaméricaines. Elle permet de reporter une part des profits des projets immobiliers
privés au soutien de la protection et de la mise en valeur de bâtiments et de
paysages d’intérêt dont les propriétaires renoncent à leur potentiel de
développement en contrepartie. Elle permet aussi d’envisager de procéder par
des transactions entre propriétaires privés avec un minimum d’intervention
publique et donc de coûts administratifs. Enfin, aux États-Unis en particulier, elle
évite l’imposition de taxes, expropriations ou autres contributions forcées, ce qui
plaît beaucoup à l’esprit de libre entreprise des Américains.
Le transfert de droits de développement (TDD) est un outil original développé au
départ dans les années 1960 dans certaines grandes villes américaines (en 1968
à New York) dans le but de mieux préserver des bâtiments patrimoniaux situés
au centre-ville et soumis à de fortes pressions de développement. Les
propriétaires de sites patrimoniaux protégés, en échange de l’acceptation d’une
restriction à ne pas démolir ni redévelopper leur propriété, obtenaient la
possibilité de vendre sur le marché privé des droits de construction en faveur
1
2
L.R.Q., c. B-4
L.R.Q., c. A-19.1
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2
d’autres sites. Ces droits étaient établis à partir de la portion non utilisée du
potentiel de développement autorisé généralement par la réglementation
municipale dans la zone concernée. Les propriétaires voisins, en acquérant ces
droits non utilisés, pouvaient les appliquer sur leur propriété et bénéficier ainsi de
l’autorisation d’en augmenter la densité. La formule s’est par la suite étendue à
une grande quantité d’objets, notamment les sites naturels, les terres agricoles,
la revitalisation des centres-villes. Elle s’est aussi sophistiquée, ajoutant divers
compléments techniques tels que des banques de TDD. Il est à noter que le TDD
a d’abord été expérimenté dans les municipalités. En fait, il existe peu de
programmes à l’échelle des États ou des provinces. Un grand nombre de
possibilités et de variantes ont également été élaborées, chaque municipalité
concevant son programme selon une combinaison particulière de diverses
composantes, en fonction des buts recherchés et des caractéristiques des lieux.
En 2007, Pruetz et al. recensaient 181 programmes de TDD dans divers États,
régions et municipalités aux États-Unis. L’outil a donc pris de l’ampleur et
continue à se développer. Toutefois, Pruetz signale que ces programmes ne sont
pas nécessairement tous couronnés de succès. Leur application comporte
plusieurs opérations; elle peut être complexe et difficile à mettre en œuvre. Elle
requiert aussi un sérieux travail de préparation et d’encadrement de la part des
autorités publiques. Plusieurs auteurs se sont penchés sur l’application de ces
programmes et ont tenté d’en cerner les conditions de réussite ou d’échec. La
présente étude vise à synthétiser cette documentation afin d’alimenter une
réflexion sur la pertinence d’un tel outil pour le Québec.
1. Mandat
Cette étude répond à une demande de la Commission des biens culturels du
Québec, dans le contexte d’une révision de la Loi sur les biens culturels amorcée
avec le livre vert intitulé Un regard neuf sur le patrimoine culturel à l’hiver 2008.
Le mandat consiste à faire une synthèse de la littérature nord-américaine sur le
transfert de droits de développement et à formuler des recommandations quant à
la pertinence de cet outil pour le Québec. On remarquera que la littérature
canadienne est beaucoup plus limitée que la littérature américaine. Il existe peu
d’exemples connus au Canada, mais le cas de Vancouver se révèle fort
stimulant.
On pourrait sûrement trouver d’autres exemples dans le monde, mais il a été
convenu que, pour la période de temps disponible, l’étude se limiterait aux ÉtatsUnis et au Canada. Les moyens et les modalités déployés relatifs au transfert de
droits de développement sont très variés et souvent complexes, aussi paraît-il
plus prudent d’y aller progressivement. Une revue de la littérature traitant de ce
sujet ailleurs dans le monde serait sans doute fort intéressante et pourrait faire
l’objet d’une étude ultérieure.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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L’équipe de recherche est composée de Marie-Odile Trépanier, professeure à
l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal, et de Stéfanie Wells, étudiante
à la maîtrise en urbanisme.
2. Présentation sommaire
L’étude comprend d’abord une présentation théorique de l’outil et de ses
modalités concrètes de fonctionnement en mettant l’accent sur les éléments les
plus pertinents pour le patrimoine. Puis seront résumés quelques cas concrets
d’applications réussies en matière de patrimoine (villes de New York, de San
Francisco, de Seattle et de Vancouver). Ensuite, l’étude se penchera sur les
avantages, les difficultés et les facteurs de réussite des programmes de TDD.
Après quoi, une section sera consacrée à des considérations juridiques, mettant
notamment en relief certaines distinctions importantes entre le contexte
américain et le contexte canadien. L’étude conclura par une appréciation des
possibilités et des conditions d’application de l’outil au Québec.
II. QU’EST LE TRANSFERT DE DROITS DE DÉVELOPPEMENT (TDD)?
1. Séparation des droits de propriété et mise en marché de droits de
développement (usage)
Le transfert de droits de développement (ci-après TDD) repose sur le principe,
reconnu en common law comme en droit civil, que le droit de propriété peut se
décomposer en plusieurs éléments. En droit civil, le droit de propriété se
décompose en trois attributs, l’usus, l’abusus et le fructus. Le droit de propriété
peut être démembré en différents droits partiels reposant sur un ou plusieurs de
ces attributs. Ainsi, l’usufruit combine l’usus et le fructus, sans l’abusus. La
servitude est une autre forme de démembrement du droit de propriété. En
common law, on fait référence à la notion de bundle of law pour désigner
l’ensemble des composantes du droit de propriété et les différents actes qui
peuvent être posés à son égard, tels que louer, vendre, donner, hypothéquer,
utiliser, subdiviser, imposer des restrictions d’usage, etc.
Le TDD constitue donc en théorie un démembrement ou une séparation des
droits de propriété en ce qui concerne plus particulièrement l’usage (usus), soit le
droit de développer ou de construire sur une propriété. Le droit de construire sur
un terrain en est séparé et transféré sur un autre terrain, lequel peut appartenir
au même propriétaire ou à quelqu’un d’autre.
« Contrary to the traditional view that development rights are inextricably tied to a
specific plot of land, TDR systems suggest that development rights in land are
separable from other ownership rights. TDR systems separate the right to possess
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Un outil pour le Québec?
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land from the right to develop land and assert that those development rights are
transferable to other plots of land. » (Frankel 1999, p. 828)
Il s’ensuivra alors une extinction définitive et perpétuelle de la possibilité de
construire sur le premier terrain, en partie ou en totalité, consentie par le
propriétaire et constatée par un acte notarié. Si ce n’est pas le même
propriétaire, le droit de construire sera vendu sur le marché à une autre personne
qui pourra l’appliquer à un autre terrain en plus des droits qui s’y rattachent déjà.
Comme l’affirment les auteurs, le prix de ce droit sera établi entre personnes
libres et consentantes selon le marché foncier.
Mais cela suppose aussi l’existence de tels droits de construire. Ce droit, bien
entendu, n’est pas absolu; il est circonscrit par les règles urbanistiques imposées
par les autorités locales au nom de l’intérêt public. Ce sont les plans et
règlements d’urbanisme, en particulier le zonage, qui vont encadrer le droit de
construire et le potentiel de développement.
2. Pour conserver des éléments reconnus d’intérêt public et
encourager un développement accru là où la communauté le
souhaite
Les potentiels de développement des terrains varient considérablement selon
leur localisation, mais aussi en fonction des actions des autorités publiques à leur
égard, qu’il s’agisse des équipements et infrastructures publics ou de la
réglementation d’urbanisme.
Le recours au TDD peut aider les autorités planificatrices à mieux diriger le
développement selon les principes urbanistiques. Il peut aider à redéfinir les
incitatifs économiques en fonction des priorités établies dans les documents
d’urbanisme (Stinson 1997, p. 328) en décourageant le développement sur les
sites qu’on veut protéger et en l’encourageant là où l’on veut concentrer les
infrastructures, les services et l’urbanisation « compacte ». C’est pourquoi cet
outil est utilisé en étroite symbiose avec les documents d’aménagement du
territoire et d’urbanisme. Il doit reposer sur une vision à long terme.
3. Répartition plus équitable des plus-values générées par le
développement, compensation pour le non-développement ou
soutien au maintien du patrimoine?
Le TDD apparaît pour plusieurs auteurs comme une formule intéressante pour
répartir les plus-values et les moins-values ou encore les charges et les
bénéfices du développement entre les propriétaires fonciers et ainsi assurer plus
d’équité entre eux. Comme l’exprime Pruetz (2003, p. 29), « TDR recaptures a
portion of the extra value previously given away in these upzonings ».
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Un outil pour le Québec?
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Pour certains, il s’agit d’une compensation pour les charges imposées par
l’autorité publique, telles l’interdiction de démolir et l’obligation d’entretenir un
bien culturel classé, ou l’interdiction de construire sur un site naturel protégé.
Toutefois, le droit reconnaît déjà le pouvoir des autorités publiques d’imposer de
telles charges sans compensation par l’intermédiaire de la réglementation. Par
contre, il y a de vifs débats quant à l’extension et aux limites des pouvoirs de
réglementation : jusqu’où une autorité publique peut-elle aller dans l’imposition
de limites au droit de propriété, ou encore jusqu’à quel point peut-elle circonscrire
le droit de construire sans brimer abusivement les droits des propriétaires (ce
qu’aux États-Unis on appelle « taking » et qu’ici on désigne comme de
l’expropriation déguisée)? Dès lors, lorsqu’il est question de compensation en
matière de TDD, certains y voient un moyen pour dépasser les limites du pouvoir
réglementaire et éventuellement éviter des poursuites pour « expropriation
déguisée » dans des cas controversés (Pruetz 2003). D’autres utilisent plutôt le
mot compensation non pas dans son sens juridique de « juste »3 compensation
(Pruetz 2003, p. 29) ou de compensation « pleine et entière », mais dans le sens
plus pragmatique d’incitatif financier. Il s’agit d’un débat terminologique qui peut
avoir de grandes conséquences sur l’ensemble du droit, de sorte que les
urbanistes vont hésiter à utiliser le terme « compensation » et vont souvent
préférer les termes « répartition » ou « redistribution » des plus-values de
développement. Pruetz y voit une façon de dépasser le débat « expropriation vs
réglementation ». Dans l’esprit américain, il est considéré avantageux de régler
les disparités entre les valeurs des propriétés directement sur le marché libre,
sans que l’autorité publique ne doive agir comme arbitre, ou sans qu’elle n’ait à
imposer elle-même de taxes ou autres redevances. (On y reviendra au ch. VII.)
Par contre, certains vont y voir un outil complémentaire pour trouver du
financement au profit du patrimoine auprès de propriétaires qui bénéficient de
l’avantage et des retombées positives de la proximité d’un site patrimonial.
4. Diversité des éléments protégés ou buts poursuivis : éléments
patrimoniaux, milieux naturels...
Pruetz (2003, 2007) a fait un inventaire détaillé des divers programmes et de leur
champ d’application. Les premiers programmes de TDD aux USA ont été
élaborés dans les grandes villes comme New York et San Francisco dans une
perspective de protection du patrimoine bâti et parfois pour en financer la
restauration (cf. Denver, Colo.; Los Angeles, Calif.; Vancouver, C.-B.). D’autres
villes ont aussi poursuivi dans la même veine en encourageant la revitalisation
urbaine (Portland, Ore.; Seattle, Wash.; Washington, D.C.), les centres culturels
3
Cf. à titre d’exemple de l’importance du mot « juste » : « Le propriétaire ne peut être contraint de
céder sa propriété si ce n'est par voie d'expropriation faite suivant la loi pour une cause d'utilité
publique et moyennant une juste et préalable indemnité » - Code civil du Québec, art. 952.
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Un outil pour le Québec?
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(New York; Pittsburgh, Penn.) ou encore le logement abordable (Irvine, Calif.).
Mais l’outil a pris de l’expansion surtout dans le domaine de la protection de
l’environnement et des sites naturels, incluant les habitats fauniques, les milieux
humides, le littoral, les zones inondables, les paysages d’intérêt, etc. (près des
deux tiers des 181 programmes recensés en 2007) ainsi que des terres agricoles
(environ 20 %). Les TDD récents sont souvent inscrits dans des stratégies de
Smart Growth (croissance ou urbanisation intelligente) et servent à ralentir le
développement périphérique au bénéfice des espaces naturels périurbains en
favorisant une urbanisation plus compacte.
La diversité des éléments protégés a entraîné des adaptations, des différences
d’échelles et des variations considérables dans les modalités des programmes.
5. Mesure principalement en termes de superficie à développer ou de
densité
Au départ, les droits étaient transférés sur des terrains à proximité; par exemple,
à New York, pour protéger un bâtiment patrimonial on autorisait l’ajout à un
terrain adjacent de la superficie de plancher non construite au-dessus du
bâtiment patrimonial, mais autorisée dans le quartier. On calculait en nombre
d’étages ou en superficie de plancher (rapport plancher-terrain, coefficient
d’occupation au sol (floor area ratio, FAR). Cependant, lorsque les droits sont
transférés dans des zones résidentielles, on calcule souvent en nombre de
logements à l’acre, formule typique de calcul de densité pour l’habitat.
Figure 1. Illustration du transfert de droits de développement à New York
Source : New York City Zoning Glossary
Certains transferts sont calculés sur une base équivalente, soit le même nombre
(de pieds carrés, d’étages, de logements) en moins et en plus; dans d’autres cas,
un ratio différent est établi pour les sites protégés et les sites à développer,
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Un outil pour le Québec?
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surtout s’il s’agit d’usages différents. Des équations parfois assez sophistiquées
ont ainsi été établies, particulièrement en matière de protection de milieux
naturels ou de terres agricoles.
III. MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT D’UN PROGRAMME DE TDD
En raison de la grande variété des possibilités, ce chapitre présentera une
version simplifiée des principales étapes de mise en place d’un programme de
TDD. L’étude va se concentrer sur les modalités des programmes qui
poursuivent des objectifs de protection et d’aide à l’entretien et à la restauration
de biens immobiliers patrimoniaux, de revitalisation des centres-villes et
éventuellement de protection de paysages urbains ou ruraux.
Un programme de TDD suppose au moins trois types d’intervenants : une
autorité publique, généralement municipale; des vendeurs de droits à partir de
sites identifiés comme zone émettrice de droits de développement; et des
acquéreurs de droits de développement impliquant un ensemble de sites
identifiés comme zone réceptrice de tels droits.
Un programme de TDD est considéré par la littérature comme un outil
réglementaire entre les mains des municipalités, complémentaire aux
instruments d’urbanisme (Stinson 1997, p. 324). Une municipalité adopte donc
un règlement4 qui va préciser en premier lieu les objectifs et les types de
propriétés visées; il va aussi définir les règles applicables aux zones émettrices
et aux zones réceptrices, les modalités et les étapes d’un transfert et finalement
ses effets pour les différents propriétaires.
Un programme de TDD est un outil de mise en œuvre de la planification urbaine;
il est complémentaire aux autres outils, qu’ils soient positifs ou négatifs, actifs ou
réactifs. Sa mise en place requiert une préparation attentive et minutieuse et la
prise en compte d’un grand nombre de dimensions. Les documents de
planification examineront les besoins et possibilités, les objectifs, les contraintes
ainsi que les complémentarités entre les différents outils de mise en œuvre.
Les aires d’application d’un programme de TDD peuvent être déterminées à
l’occasion d’une révision des documents de planification ou elles peuvent l’être
graduellement, en fonction du raffinement de l’outil et de l’expérience locale ou
des demandes des propriétaires ou développeurs. Toutefois, elles doivent être
étroitement arrimées aux documents de planification sans quoi elles risquent
d’être totalement sans effet.
4
Dans la mesure autorisée par une loi habilitante ou par sa charte constitutive.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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1. Détermination des sites potentiellement émetteurs
Après le choix de ses orientations, des aires à protéger et des aires à urbaniser,
à l’intérieur de ses documents de planification, la municipalité intéressée va
déterminer, en fonction des objectifs privilégiés, certaines catégories
d’immeubles ou de sites à partir desquels les propriétaires pourront transférer les
droits de développement à d’autres propriétés. Il peut s’agir de sites soumis à
des restrictions de construction (exemple : des limitations pour la protection des
vues) ou bénéficiant de potentiels de développement autorisés par le zonage,
mais non utilisés (exemple : des terrains déjà occupés par des constructions de
faible densité depuis longtemps dans des quartiers qui par la suite deviennent
soumis à des pressions de redéveloppement). Les premières expériences de
TDD en matière de patrimoine faisaient beaucoup référence à ces droits de
développement inutilisés :
« Frequently, older buildings such as landmarks, theatres and townhouses do not fill
the imaginary, three-dimensional “envelope” of space permitted by the zoning
ordinance under the particular floor area ratio (FAR) for the applicable zoning map
district classification. These low-rise buildings are said to possess “authorized but
unused” or “excess” development rights. » (Richards 1986, p. 437)
La littérature reconnaît l’ensemble des propriétés pouvant faire l’objet de TDD
comme la zone émettrice. Parfois, la municipalité se limite à identifier ces
propriétés. Il peut s’agir d’une liste de sites d’intérêt déjà reconnus ou protégés.
Parfois le règlement va imposer des restrictions nouvelles, par exemple une
reconnaissance de biens patrimoniaux assortie de l’interdiction de démolition.
- Restrictions
Le règlement peut imposer à ces propriétés des règles ou des restrictions qui
vont en limiter le développement. Ces restrictions peuvent viser, entre autres, à
limiter la densité, soit en termes de superficie de lots, soit en termes d’emprise
au sol (ou taux d’implantation au sol) ou de superficie de construction (rapport
plancher-terrain, FAR). Pruetz mentionne les limites imposées à la démolition et
à la modification des bâtiments patrimoniaux comme d’excellents exemples :
« Perhaps the best examples are the historic preservation TDR programs. In San
Francisco it is difficult or impossible to alter or destroy a designated landmark. »
(Pruetz 2003, p. 63)
Relativement à des espaces naturels ou des paysages, il est possible de prendre
appui sur des contraintes physiques (érosion des sols, zones inondables, terrains
en forte pente, etc.) pour imposer de sévères restrictions à la construction.
Cependant, Pruetz note que certaines municipalités refusent d’appliquer les
programmes de TDD à de tels sites qui n’ont de toute façon que peu de valeur
de développement ou dont le développement peut se révéler très coûteux à
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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cause des travaux de préparation du sol requis; ces municipalités préfèrent
utiliser les TDD pour des sites plus soumis aux pressions du développement.
Certains auteurs considèrent important que l’autorité municipale fixe de telles
restrictions de départ. « It must be emphasized that a purely voluntary TDR
program is a weak tool for implementing land use policies. » (Taintor 2001, p.14)
L’imposition de restrictions stimule ainsi les propriétaires à s’engager dans un
transfert de développement pour récupérer le potentiel perdu ou obtenir des
bénéfices additionnels. Autrement, il faudra trouver des incitatifs pour intéresser
les propriétaires (Taintor 2001, p.14). De tels incitatifs dépendent des conditions
du marché foncier et de l’analyse que la municipalité est en mesure d’en faire,
comme on le verra plus loin.
- Transfert facultatif
Si la municipalité impose souvent des limites au développement, le transfert de
droits de développement n’est généralement pas lui-même obligatoire, mais il est
laissé au choix des propriétaires dans la zone émettrice. La façon courante de
faire consiste à réduire le zonage autorisé dans une zone tout en offrant la
possibilité d’un transfert de droits de développement pour les propriétaires
intéressés :
« Most typically, particular areas of a county or other geographical area are downzoned to relatively low densities in an effort to target those areas for preservation;
these are the so-called TDR “sending areas.” Down-zoning gives landowners in
these regions a greater financial incentive to sell development rights, though they are
not required to do so. » (Walls 2004, p. 10)
Pruetz suggère qu’un règlement classique de TDD en milieu naturel ou agricole
(ou en site paysager sensible) propose un choix à un propriétaire : il peut
entreprendre un aménagement de faible densité et n’en obtenir qu’un faible
rendement ou transférer ses droits à un prix plus avantageux et accepter ainsi
que le développement de ses terrains soit plus restreint encore.
Ainsi, les restrictions ne sont pas absolues, mais laissent un choix au
propriétaire; celui-ci peut alors décider, en s’engageant dans un transfert de
droits de développement, de s’imposer certaines restrictions qui, selon la volonté
des parties, seront plus ou moins radicales (voir le cas de Vancouver où cela est
négocié entre propriétaire et Municipalité et est consigné dans une entente, un
Heritage Agreement). La raison de ce libre choix est en grande partie d’ordre
juridique, pour éviter de voir invalider le programme pour motif d’expropriation
déguisée (voir plus loin dans la section considérations juridiques), motif souvent
invoqué à l’encontre d’un règlement de zonage dont les restrictions seraient à ce
point sévères qu’elles empêcheraient totalement tout développement :
« A final, basic question that enabling statutes often do not directly resolve is
whether TDR programs should be mandatory or voluntary. Some states require
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
10
voluntary programs, while others envision mandatory transfer of rights. The
advantage of a voluntary system is that all takings challenges are effectively
precluded when the transaction is contractual. On the other hand, only a mandatory
program will ensure all parcels in the sending area will transfer their development
rights. » (Bredin 2000, p. 8)
Les propriétaires pourront continuer à utiliser leur propriété, par exemple
continuer à occuper une résidence patrimoniale, mais ne pourront en modifier les
caractéristiques protégées.
-
Incitatifs pour les propriétaires dans la zone émettrice
Outre les mesures restrictives, il est également possible d’intéresser les
propriétaires dans les zones émettrices, par exemple les propriétaires de
bâtiments patrimoniaux, par d’autres formes d’incitatifs. Le TDD simple concerne
le transfert en superficie et est évalué selon la valeur marchande de ces
superficies dans la zone émettrice concernée. Mais certaines municipalités vont
elles-mêmes calculer la valeur des droits de développement en unités
monnayables en fonction du potentiel de développement et de la valeur
marchande de ces terrains. Cette appréciation en valeur peut aussi se calculer,
par exemple, sur la base des frais de restauration et d’entretien à long terme
(voir les cas de Seattle et de Vancouver).
2. Engagement du propriétaire d’un site émetteur et entente formelle
Un propriétaire qui vend ainsi des droits de développement ne fait pas qu’obtenir
un montant d’argent. Il s’engage à accepter certaines restrictions sur sa propriété
et ces restrictions engageront les propriétaires subséquents. Ces engagements
ont une portée plus forte et plus durable qu’un règlement. Un règlement peut
imposer des restrictions plus ou moins sévères, comme simplement identifier les
propriétés visées, tandis qu’il reviendra aux propriétaires de décider par
négociation des restrictions auxquelles ils se soumettront lors d’un acte de
transfert de droits de développement ou dans un document notarié distinct. De
fait, ces restrictions volontaires sont généralement négociées avec un organisme
public ou avec un organisme sans but lucratif, tel un organisme de protection.
Cet engagement peut aussi prendre la forme d’une servitude de conservation
entre deux propriétés ou encore d’une entente en faveur de l’autorité publique
concernée (voir Vancouver) ou d’un organisme sans but lucratif voué à la
conservation (cf. LCPN au Québec). Selon Pruetz, ces ententes sont signées de
plus en plus avec des organismes de conservation indépendants plutôt que des
municipalités ou des gouvernements, parce que « [...] preservationists are
concerned that the government’s commitment to preservation could change from
one election to the next » (Pruetz 2003, p. 152).
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
11
En principe, les droits vendus et transférés n’existent plus sur le terrain émetteur;
ils sont éteints par l’acte même de transfert. Ce dernier est donc un acte de vente
notarié et peut contenir ses propres règles et limites sous forme de clauses
restrictives (restrictive covenants) dans un acte de disposition d’une propriété.
Ces restrictions volontaires peuvent être plus ou moins contraignantes. Par
exemple, un propriétaire peut s’engager à ne pas construire au-dessus d’un
théâtre existant (transfert de droits aériens) ou encore il peut s’engager à ne rien
construire qui pourrait bloquer la vue sur un paysage remarquable (transfert
partiel de droits de construction et servitude de vue), ou il peut s’engager à ne
rien construire du tout et même à ne faire aucun aménagement qui pourrait
incommoder une espèce végétale ou animale que l’on veut protéger dans un
habitat naturel (transfert pratiquement total de droits de construction et de
développement). Tout dépend des objectifs. Ainsi, dans certaines municipalités,
comme Vancouver par exemple, ces engagements, ou Heritage Agreements,
comportent aussi des travaux de réhabilitation des bâtiments ou des sites. Ces
engagements seront inscrits sur les titres de propriété et seront opposables à
tout acheteur éventuel par la suite. (Voir cependant dans la section
considérations juridiques : certains problèmes de concepts juridiques ou de
vocabulaire pourraient se poser au Québec.)
La plupart du temps, il semble en fait qu’il y a combinaison ou cumul de
restrictions imposées par l’autorité publique (downzoning) et de restrictions
additionnelles ou plus spécifiques consenties par les propriétaires, c’est-à-dire
négociées individuellement avec la municipalité ou avec un organisme concerné.
Une telle entente peut comprendre les éléments dont la protection est visée,
mais aussi la valeur qui leur est attribuée en termes de superficie, de densité ou
autrement (voir plus loin).
3. Détermination des sites récepteurs
Un programme de TDD détermine également des zones vers lesquelles le
transfert de droits peut être fait parce qu’elles sont propices au développement
ou à une concentration ou densification du développement. Un droit de
développement pourra ainsi être transféré, par exemple, à l’intérieur d’un centreville entre un bâtiment historique et un terrain vacant, ou entre un quartier
historique et un centre des affaires, ou à plus grande échelle, entre un espace
naturel protégé et un secteur à urbaniser.
Le droit de développement transféré s’ajoute au développement déjà autorisé par
les règlements d’urbanisme dans la zone réceptrice. C’est pourquoi il importe de
bien calibrer les règles applicables dans la zone réceptrice. Ici aussi, on peut
concevoir un zonage de base applicable de plein droit et une densité
additionnelle obtenue (seulement) par l’acquisition de droits de développement
transférés. De fait, les auteurs s’entendent pour signaler que, dans ces zones
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
12
réceptrices, les règlements doivent éviter de permettre l’accroissement de
densité autrement que par TDD. Un développeur qui peut facilement obtenir la
permission d’accroître la densité sans rien débourser ne sera pas intéressé à
payer un surplus pour acquérir un TDD. Ainsi, le passage obligé par un TDD ou
en d’autres termes un TDD obligatoire apparaît souhaitable :
« Normally a TDC program is mandatory for receiving areas for those who wish to
develop beyond permitted density. It would be a futile exercise to develop a TDC
program that was voluntary in respect of such development. Developers would not
participate in a TDC program if they could achieve their objectives to develop to
desired densities without purchasing development credits. » (Kwasniak 2004, p. 52)
Cela suppose, par exemple, que les documents de planification n’autorisent pas
automatiquement une densité maximale forte, mais pratiquent une certaine forme
de zonage réduit.
« Jurisdictions might change these baseline density limits in some areas when
setting up their TDR programs, for example “downzoning” areas they want to see
preserved and sometimes downzoning receiving areas to boost TDR demand. »
(Walls 2007, p. 10)
Une pratique courante est donc d’exiger une acquisition de TDD pour toute
demande de rezonage impliquant une augmentation de la densité au-delà des
limites reconnues dans le plan d’urbanisme ou le plan de zonage (Delaney
1983). Cela suppose également un choix pour le développeur dans une zone
réceptrice de développer en suivant les règles de base du zonage ou de
soumettre une demande d’augmentation de la densité tout en achetant des TDD.
La municipalité n’a pas nécessairement toujours intérêt toutefois à inscrire une
densité réduite dans son zonage pour les zones réceptrices, car les
développeurs pourraient s’en accommoder et ainsi le résultat pourrait être une
trop faible densité (Walls 2007; Pruetz 2003, p. 141). À l’inverse, certaines
municipalités vont ajuster leur zonage en augmentant le seuil de densité optimal
tout en annonçant qu’une densité supplémentaire pourrait être obtenue par
l’achat de TDD. C’est, selon Pruetz, une manifestation ferme en faveur du
développement et de la densification exprimée par la municipalité, susceptible de
rassurer et de stimuler les développeurs à s’y lancer. Mais, là encore, les
développeurs pourraient se contenter du premier niveau de densification. Si par
ailleurs l’augmentation de densité est trop facile, les développeurs ne
s’engageront pas dans le programme de TDD. Tout dépend donc des conditions
spécifiques de chaque lieu et de l’analyse qu’en fait la municipalité.
Il serait également possible de rendre obligatoire dans certaines zones
l’acquisition de TDD comme le suggère Kwasniak. Mais encore faut-il être assuré
de pouvoir offrir suffisamment de TDD sur le marché (Pruetz 2003, p. 142). Cela
ressemblerait à une redevance ou une contribution particulière requise de la part
de promoteurs, par exemple dans une zone à redévelopper et à densifier (on y
reviendra).
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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4. Transaction d’acquisition et détermination de la valeur des TDD
La transaction d’acquisition de TDD s’effectue sur le marché privé, donc entre un
vendeur et un acquéreur libres et consentants. La majorité des transactions
s’effectuent entre des propriétaires privés et des promoteurs. Les deux parties
négocient les conditions de la vente et le prix qui varient selon l’état du marché.
Cela présente un avantage administratif pour les autorités locales qui n’ont
généralement pas à augmenter les taxes ou à emprunter des capitaux pour
l’implantation d’un programme de TDD.
La détermination de la valeur des TDD repose sur un marché actif et dynamique.
Ainsi,
« TDR markets work as a land preservation tool when landowners are willing and
able to sell development rights, and developers are interested in buying those rights.
The relative strength of the supply and demand sides of the market will determine
the prices at which TDRs are sold. The willingness of suppliers to provide TDRs and
of developers to buy those rights depends on the complex interaction of the design
features of the TDR program, local zoning rules, and the underlying housing and
land market conditions in the region. Understanding the interaction among all three is
critical to creating a well-functioning market. » (Walls 2007, p. 9)
S’il n’y a pas cette rencontre entre vendeur et acheteur, le programme ne
fonctionnera pas bien : il n’y aura pas de vente ou le prix obtenu ne satisfera pas
l’une ou l’autre des parties.
Selon Walls, il importe que la municipalité ait une bonne connaissance du
marché avant de définir les paramètres de son programme de TDD et d’en faire
un suivi constant. L’État du New Jersey exige même que les municipalités qui se
lancent dans la mise sur pied d’un programme de TDD effectuent une analyse
détaillée du marché (Walls 2007, p. 16).
- Mesure ou taux de transfert
Lorsque le transfert se fait entre deux terrains dans la même zone, les valeurs
sont assez semblables et elles seront mesurées en superficie selon un taux 1 : 1,
c’est-à-dire le vendeur vend une certaine quantité de m2 non utilisés sur son
terrain à un acheteur qui va pouvoir ajouter cette même quantité sur le sien. Mais
cela est plus difficile à estimer lorsque les zones sont plus éloignées ou que les
usages sont différents. Comment transférer 1 000 m2 d’un centre-ville dans une
ancienne zone industrielle en redéveloppement? Ou encore, comment évaluer
un terrain au bord de l’eau en banlieue (dans la zone émettrice) par rapport à un
terrain à l’intérieur des terres? Le taux de transfert est parfois de 2 : 1 ou de 5 : 1,
soit en termes de superficie ou en termes de densité. Par exemple, dans une
zone réceptrice, on pourrait construire deux fois ou cinq fois plus de logements à
l’hectare que dans la zone émettrice. Tout dépend de la valeur sur le marché et
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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de la pression du développement. Cela est difficile à calculer et demande une
connaissance et une analyse approfondies du marché.
Dans le cas où de fortes restrictions ont été imposées dans la zone émettrice, il
se peut que la valeur des droits transférés soit calculée non sur le nouveau
zonage, mais sur l’ancien, lequel refléterait mieux la valeur de développement
réelle (Walls 2007, p. 25, évoque l’exemple du Montgomery County, Maryland).
De fait, il ne faut pas confondre valeur de développement au sens du marché et
potentiel en fonction du zonage; il est bien établi que le zonage peut restreindre
les possibilités du marché. Mais on sait que le marché joue aussi avec ces
différences et les spéculateurs misent sur des changements de zonage à venir.
Une technique simple est de permettre à un propriétaire qui possède plusieurs
lots contigus de concentrer le développement sur une partie de ses terrains, tout
en maintenant une densité moyenne reconnue. Cela se pratique déjà
couramment sans passer par le TDD. C’est la technique utilisée à l’origine à New
York qui permettait à des promoteurs d’acheter des terrains contigus à des sites
protégés et de reporter les droits de développement sur certaines parties d’entre
eux par un remembrement de lots. C’était un peu l’ancêtre du TDD. Le véritable
TDD est apparu lorsque des propriétaires ont voulu reporter le développement
sur des terrains non adjacents. Dans un tel cas, une municipalité peut fixer un
écart maximum, en termes de pourcentage d’accroissement ou de hauteur, par
exemple, comme le suggérait Costonis 1972.
o Crédits de développement
Pour pallier les difficultés que présente le transfert entre zones éloignées ou fort
différentes quant aux usages, des programmes de TDD vont utiliser l’expression
transfert de crédits de développement (New Jersey Pinelands). Dans ce cas, le
taux de transfert se calcule en crédits et peut tenir compte d’un grand nombre
d’objectifs ou de situations. Il peut prendre l’allure d’une formule ou d’une
équation à multiples variables, tenant compte du degré de sensibilité
environnementale ou patrimoniale d’un site émetteur, d’une part, et de l’intensité
du développement souhaité dans une zone réceptrice, d’autre part. Ainsi, le
programme New Jersey Pinelands vise à préserver l’ensemble de ses
ressources agricoles, forestières ainsi que ses milieux humides; le plan régional
détermine aussi les aires à urbaniser prioritaires ainsi que d’autres catégories de
centres urbains (villes ou villages traditionnels) qui servent de zones réceptrices
à des degrés divers. Ainsi, donc, les programmes de TDD peuvent être assez
simples ou plus complexes, selon l’ampleur des objectifs et de la taille des zones
visées.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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5. Implication d’intermédiaires pour faciliter les transactions
La création d’un nouveau marché foncier de droits de développement ne va pas
sans difficulté. Les propriétaires ne connaissent pas bien cette formule et sont
réticents à s’engager. Ils peuvent aussi avoir de la difficulté à trouver des
acheteurs ou vendeurs autorisés et consentants. En outre, l’appréciation de la
valeur des droits transférés n’est pas facile. En considérant les fluctuations du
marché, il peut de plus y avoir des décalages dans le temps : un ralentissement
du marché amènera une difficulté à vendre des droits de développement. Ainsi,
le propriétaire d’un bâtiment patrimonial, par exemple, peut ne pas parvenir à
obtenir les montants nécessaires à des réparations majeures au moment
opportun : les cycles du marché et les cycles de vie des bâtiments ne coïncident
pas nécessairement.
Ces difficultés ont conduit des auteurs, notamment J. Costonis (1972), à
proposer une implication plus forte des municipalités pour faciliter les
transactions. Certaines municipalités peuvent ainsi jouer un rôle utile dans la
circulation et la diffusion de l’information en publiant des listes de TDD
disponibles ou en créant des bureaux d’information et de mise en contact de
vendeurs et d’acquéreurs potentiels (voir le cas de Vancouver). Ainsi, elles
peuvent :
« [...] act as a clearinghouse and an information source, helping to match buyers with
sellers and assisting with transactions. » (Stevenson 1998, p. 1332)
De plus, les municipalités assument la plupart du temps un rôle administratif
essentiel dans la gestion d’un programme de TDD au moyen d’un registre des
transactions conclues et en effectuant un suivi attentif de celles-ci.
Enfin, d’autres vont jouer un rôle d’intermédiaire plus actif encore au moyen de
banques de TDD.
-
Banques de TDD
Les autorités publiques peuvent mettre sur pied un organisme, agissant comme
un courtier ou une banque de TDD, qui permet de suppléer aux difficultés du
marché. Ainsi, lorsque le marché ne favorise pas la rencontre simultanée de
vendeurs et d’acquéreurs de TDD,
« TDR banks have proven very effective in bridging the time gap between when
landowners wish to sell their development rights and when developers want to
buy them. The TDR bank provides ready market for development rights when the
local real estate market cannot. » (Frankel 1999, p. 829)
Ces banques peuvent acquérir elles-mêmes des droits de développement,
intervenir sur la fixation des prix, sur les emprunts, etc. :
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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« TDR banks were created to counter some of the difficulties posed by the use of
TDRs. Government operated TDR banks resolve valuation and marketability
problems by setting minimum purchase prices, guaranteeing loans that use TDRs
as collateral, and purchasing the TDRs outright. By acting as a middleman
between buyer and seller, TDR banks fill a critical timing gap that could be the
downfall of a TDR program. » (Stevenson 1998, p. 1331-1332)
Ce faisant, les banques de TDD aident à établir un marché, à faciliter les
transactions, à offrir aux vendeurs et aux acquéreurs des prix adéquats, à
diffuser l’information et le savoir-faire, bref, à économiser temps et efforts pour
rendre les programmes de TDD plus performants.
De telles banques peuvent relever des autorités locales directement, mais parfois
ce sont des organismes indépendants qui sont mandatés ou autorisés à assumer
ce rôle, comme des agences gouvernementales (par exemple, au New Jersey)
ou encore des OBNL voués au patrimoine ou à la conservation. Leurs tâches
peuvent varier considérablement. Certaines peuvent bénéficier d’un capital de
base ou fonds de roulement qui sert à amorcer les premières transactions. Un
OBNL, à titre d’organisme de charité, peut aussi constituer son capital de base
en acceptant des donations en argent ou même en terrains ou en droits
immobiliers (comme une fiducie foncière). Certaines peuvent aussi combiner les
techniques des TDD et des acquisitions de droits avec d’autres mesures comme
des programmes de subvention à l’entretien ou à l’aménagement. Ces banques
ont ainsi beaucoup de latitude, une capacité à négocier de grandes quantités de
terrains à la fois, une aire territoriale étendue, une flexibilité temporelle
considérable.
La mise en place d’une banque de TDD entraîne forcément des coûts
administratifs supplémentaires, mais comme elle génère aussi des rentrées de
fonds, un tel organisme peut être considéré comme autosuffisant.
Évidemment, ce rôle de contrôle du marché comporte des risques significatifs,
comme le soulèvent les auteurs (Delaney 1983, p. 615; Pruetz 2003, p. 159)
(risques de distorsion ou d’artificialisation du marché, d’abus, d’erreurs,
d’injustices, etc.). Encore une fois, une bonne connaissance du fonctionnement
du marché local et une bonne planification sont essentielles. Pour éviter les
risques de conflit entre leur responsabilité de réglementation et une implication
dans les marchés, des municipalités confient parfois le rôle de banque de TDD à
une agence indépendante ou à un OBNL :
« […] to create greater separation between land use decisions and TDR
transactions, some communities will allow non-profit agencies to handle TDR
transactions ». (Pruetz 2003, p.159)
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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6. Conversion ou utilisation des droits de développement transférés :
les projets de développement dans les zones réceptrices
Le promoteur qui achète des droits de développement (DD) peut soumettre un
projet rapidement ou attendre plus tard. Les DD peuvent ainsi être engrangés
pour le futur ou être utilisés immédiatement. Le promoteur effectue sa propre
analyse d’opportunité. Mais, habituellement, c’est lorsqu’il a un projet en vue que
le promoteur va amorcer les démarches : si la zone où il souhaite construire
requiert une acquisition de TDD ou si une telle acquisition, facultative, lui permet
un projet plus intéressant (plus dense, plus profitable, etc.), le promoteur va se
servir des DD et soumettra son projet à la municipalité. Il devra alors à la fois
s’informer des modalités d’acquisition des TDD, rechercher un vendeur de TDD
(ou passer par une banque de TDD) et effectuer la transaction d’acquisition des
DD, tout en préparant son projet de développement.
Toutefois, il lui faudra passer par les mécanismes usuels d’obtention de permis
dans la municipalité concernée. Un programme de TDD peut établir avec plus ou
moins de précision les modalités d’acceptation de tels projets. Certains auteurs
préconisent un processus particulier dans le cas du TDD, comportant des règles
de plein droit plutôt qu’un processus d’approbation plus discrétionnaire, afin
d’offrir plus de certitude aux promoteurs (Pruetz 2003, p. 154). En effet, étant
donné les nombreuses démarches que comporte le TDD et afin d’attirer les
promoteurs, certains préfèrent réduire en quelque sorte les étapes d’approbation
des projets en fixant d’avance les limites permises. Ainsi, un TDD simple,
comprenant un transfert de droits aériens ou de FAR d’un terrain à un autre à
proximité, pourrait être de plein droit (comme à New York). Cela n’empêche pas
une municipalité de fixer des balises, des règles ou des conditions. Par exemple,
certaines municipalités pourraient vouloir contrôler le rythme de développement
dans les zones réceptrices en n’autorisant une forte densité que si des
infrastructures adéquates sont présentes.
Par contre, certaines municipalités peuvent vouloir continuer à examiner la
qualité du design de façon discrétionnaire. D’autres peuvent examiner les projets
impliquant un TDD à l’intérieur d’une procédure d’usage conditionnel. Dans
d’autres cas, c’est à l’occasion d’une demande de modification du règlement de
zonage existant, particulièrement pour un projet plus dense que prévu par le
règlement en vigueur, que la municipalité va décider si elle exige le recours au
TDD et de quelle manière (Delaney 1983).
Toutefois, il importe que la municipalité enregistre systématiquement les
transactions de TDD effectuées et en assure le suivi lorsque les promoteurs
utilisent effectivement les droits ainsi acquis. Car, tant pour les sites émetteurs
que pour les sites récepteurs, les TDD ne sont utilisés qu’une seule fois.
Lorsqu’ils sont vendus, les droits de développement sont épuisés à jamais sur le
site émetteur; une fois le site récepteur construit, les DD ne peuvent plus être
réclamés par le promoteur.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
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7. Suivi des transactions : procédure type
En guise de récapitulation des étapes de l’application d’un programme de TDD,
voici quelques remarques de Pruetz montrant qu’une municipalité peut viser
d’abord la simplicité dans la mise en place d’un tel programme, ou elle peut en
souhaiter une application large et donc en complexifier les modalités :
« [...] some programs attempt to make transactions and record keeping as simple
as possible by requiring that the deed restrictions on the sending site be recorded
simultaneously with the approval of the receiving site development. However the
market for TDRs can be greatly expanded if TDRs are treated as a commodity
which can be bought by anyone, held for investment, resold and then, finally,
redeemed at a receiving site ». (Pruetz 2003, p. 157)
En séparant ainsi les étapes, un programme de TDD est plus complexe à gérer,
mais il offre encore plus de flexibilité. Le recours aux crédits de développement
offre une très grande flexibilité, car ces crédits deviennent une monnaie
d’échange très maniable. Une fois le programme et les règlements adoptés,
comprenant les objectifs, les zones visées et les modalités (règles et restrictions,
taux, etc.), on peut alors résumer la procédure type pour l’application d’un tel
programme en sept étapes (d’après Pruetz 2003, p. 158-159) :
1) Détermination des allocations de TDD. Un propriétaire demande à la
municipalité de reconnaître ou d’estimer le nombre de TDD que sa
propriété pourrait vendre.
2) Recherche de titres. Une municipalité peut exiger d’un propriétaire qui
veut vendre des TDD un certificat notarié montrant que les titres de
propriété sont clairs et libres de toute contrainte pour une telle
transaction.
3) Soumission d’un projet d’entente (clause restrictive, servitude ou autre)
par le propriétaire à la municipalité (ou OBNL concerné) pour examen
et discussion par les professionnels.
4) Signature de l’entente et inscription au registre foncier.
5) Délivrance par la municipalité d’un certificat de TDD, remis au
propriétaire du site émetteur.
6) Transfert du certificat de TDD par vente. La municipalité est
formellement avisée du nom du nouveau détenteur du TDD. Ce
certificat peut être revendu subséquemment à plusieurs nouveaux
acquéreurs, avec copie à la municipalité.
7) Utilisation du TDD et extinction du certificat. Un développeur se sert du
TDD acquis, obtient les autorisations de la municipalité pour un projet
dans la zone réceptrice comportant la densité accrue autorisée. Il
remplit alors le certificat et le remet à la municipalité. Dès lors, le TDD
est complété et comme il ne peut servir qu’une fois, il est éteint.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
19
8. Rôle des autorités municipales
Chaque ville, province ou État définit ses propres objectifs et modalités. Les
exemples du chapitre suivant en donnent des illustrations. Mais, auparavant, il
importe de revenir sur deux questions : l’implication des municipalités, mais aussi
des États (provinces) et l’échelle territoriale des programmes. Les autorités
publiques peuvent jouer un rôle minimaliste ou au contraire s’impliquer de façon
plus proactive dans toutes les phases d’un programme de TDD. Les auteurs
reconnaissent que cet engagement public est souvent nécessaire pour pallier les
difficultés ou les inconvénients d’un système privé, mais peu connu et fort
incertain.
o Insertion d’un programme de TDD dans les exercices de
planification de l’ensemble du territoire;
o Réglementation imposant des restrictions dans les zones
émettrices;
o Restrictions dans les zones réceptrices;
o Implication publique dans la fixation du montant de droits
transférables et des taux de transfert;
o Implication dans la recherche d’acheteurs et de vendeurs;
o Création d’une banque de TDD;
o Mise en place de formes de crédits, fonds de fonctionnement,
soutien à l’emprunt, etc.;
o Suivi des transactions;
o Approbation des projets (avec ou sans modification du zonage)
dans les zones réceptrices.
Le rôle minimaliste correspond à la philosophie visant un mécanisme basé sur le
marché libre. Il vise à réduire l’implication des autorités publiques et à réduire en
conséquence les réactions négatives par rapport aux contraintes administratives.
Cependant, il ne fonctionne que dans des circonstances favorables. Le rôle
« maximaliste » vient pallier les difficultés : il peut aller jusqu’à un système de
crédits obligatoires voire un système de redevances obligatoires. Il peut
comporter un appareillage administratif lourd et peut ressembler à une taxe
supplémentaire. Mais, dans certains cas, un programme de TDD ne peut
fonctionner sans une implication publique significative. Où nous situons-nous au
Québec? C’est la question à laquelle il faudra tenter de répondre à la fin de la
présente étude.
9. Portée territoriale ou l’échelle des programmes de TDD
Une autre importante question à poser lors de l’élaboration d’un programme de
TDD concerne la détermination de sa portée territoriale et de son échelle. Est-il
préférable et possible d’établir le programme au sein d’une seule municipalité,
d’une région métropolitaine, d’un État ou d’une province? La réponse dépend en
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
20
grande partie du type de ressource à protéger. Les programmes de TDD visant
la conservation des sites et des monuments patrimoniaux, comme ceux de New
York, de San Francisco ou de Denver, sont habituellement circonscrits par les
limites d’une seule municipalité. Par contre, un programme comme celui du
Central Pine Barrens de Long Island couvre trois villes et deux villages (Stinson
1997, p. 353); ses objectifs sont différents, car il vise la protection de milieux
naturels, la protection du territoire qui alimente la région en eau potable et la
limitation de l’urbanisation. Selon le type de programme, les TDD peuvent
s’effectuer :
o Entre sites émetteurs et récepteurs au sein d’une même
municipalité;
o Entre deux ou plusieurs municipalités;
o Entre sites ruraux et urbains;
o Entre secteurs de zonage différents;
o À l’échelle d’une région
Ex. : Programmes de Montgomery County, Maryland et de New
Jersey Pinelands;
o À l’échelle d’un État ou d’une province
Ex. : Banque de TDD de l’État du New Jersey.
10. Autres techniques
-
Les redevances de densité (density transfer charges)
Comme l’explique Pruetz (2003, p. 86), certaines municipalités peuvent trouver
complexe la mise en place d’un programme de TDD et hésiter à s’y aventurer à
cause des nombreuses étapes et démarches que cela peut comporter. Pruetz
propose alors d’envisager une formule simplifiée, sous le nom de density transfer
charges :
« designed to reduce the TDR technique to its essential purpose : recapturing
part of the extra value generated by increased development potential and using it
as compensation for the reduction of development potential elsewhere ». (Pruetz
2003, p. 87)
Au lieu d’avoir à chercher un vendeur de TDD, de négocier avec lui le prix des
droits, puis de négocier son projet avec la ville, un promoteur pourrait préférer
payer directement une redevance ou une contribution financière à une
municipalité pour une augmentation de densité. Cela signifie que les règlements
de la municipalité pourraient fixer une limite de densité qui pourrait être
dépassée, par exemple d’un certain pourcentage comme 10 ou 20 %,
moyennant paiement d’une redevance ou d’une contribution monétaire en
proportion. Les montants ainsi accumulés seraient déposés dans un fonds qui
servirait à acquérir des servitudes de conservation ou à soutenir les propriétaires
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
21
de sites patrimoniaux protégés, par exemple aux fins de restauration et
d’entretien. Ce type de formule est parfois utilisé par des municipalités qui ont
mis sur pied une banque de TDD. Mais cette approche est encore assez peu
répandue.
- Le zonage incitatif (primes de densité)
Le zonage incitatif, appelé bonus zoning, est assez répandu en Amérique du
Nord. Selon Kwasniak (2004), les provinces d’Ontario et de Saskatchewan
autorisent les municipalités à utiliser cette mesure. Avec un tel pouvoir, une
municipalité peut consentir à un promoteur un accroissement de densité en
échange d’un aménagement additionnel de sa part (amenity), tel qu’une place
publique, un passage public pour les piétons, une garderie, etc. Comme le
soulignent les auteurs (Kwasniak citant Stinson et Murphy), ce sont des ajouts
d’aménagement, directement sur le site du projet, alors qu’avec le TDD,
l’accroissement de densité est autorisé en échange d’une restriction des droits
de développement sur un autre site. En outre, le zonage incitatif en soi n’exerce
pas de redistribution financière. Kwasniak mentionne par ailleurs qu’au-delà de
ces autorisations législatives explicites, plusieurs municipalités ont entrepris des
négociations de ce type sur une base informelle; il s’agit d’une sorte de troc ad
hoc, propre à chaque projet. On pourrait trouver de nombreux exemples de ce
genre dans nos grandes villes québécoises. Certaines municipalités peuvent
aller jusqu’à demander une contribution à un fonds pour le logement social; cela
pourrait aussi éventuellement se faire pour le patrimoine, mais ces ententes
demeurent aléatoires.
IV. EXEMPLES D’APPLICATIONS RÉUSSIES EN PATRIMOINE
Comme on l’a vu précédemment, les premiers programmes TDD portaient sur le
patrimoine bâti dans les grandes villes. Celles-ci ont ajouté d’autres objectifs de
villes centres : la revitalisation des centres-villes, le maintien ou le
développement d’équipements culturels, le logement abordable, par exemple.
Voici un résumé des exemples les plus réussis aux États-Unis, soit New York,
San Francisco et Seattle, ainsi que Vancouver au Canada. D’autres villes
pourraient être examinées, comme Denver, Los Angeles, Washington ou
Calgary.
1. New York
New York est considérée comme la première ville aux États-Unis à avoir
expérimenté la formule du transfert de droits de développement dès les années
1960 (Pruetz 2003, p. 221). Le transfert s’est d’abord fait entre lots adjacents, par
la fusion des lots ou leur regroupement en lots plus grands. Si une partie des
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
22
terrains ainsi regroupés est déjà occupée par un bâtiment patrimonial ou de
faibles dimensions, le potentiel de développement non utilisé peut être reporté
sur la partie résiduelle, qui peut alors bénéficier d’une augmentation de densité.
Par la suite, ce droit s’est étendu à des lots séparés par une rue, puis à des
suites de lots plus éloignés, mais contigus et appartenant à un même
propriétaire. La superficie transférable correspondait à la différence entre la
quantité de superficie déjà construite sur un site historique et la quantité
maximale autorisée par la réglementation dans la zone. Le taux de transfert était
de 1 : 1; on pouvait transférer la même quantité de superficie de plancher, du lot
émetteur au lot récepteur. On les appelait d’ailleurs « droits aériens ».
Cette première version des TDD a fait l’objet de sérieuses réserves par divers
commentateurs. En particulier, J. Costonis (1972) a conçu son programme de
TDD pour Chicago en essayant de trouver des palliatifs aux limites de la
technique new-yorkaise. Costonis a notamment (d’après Stevenson 1998)
souligné : 1) le problème du nombre réduit d’acquéreurs potentiels (seulement
les terrains adjacents) et donc la difficulté pour un propriétaire de site patrimonial
à obtenir un prix adéquat; 2) la dépendance du site patrimonial à l’égard de la
vigueur de la construction dans son voisinage immédiat; 3) l’absence de garantie
que le bâtiment patrimonial serait effectivement préservé, le propriétaire pouvant
encore le démolir et reconstruire un bâtiment de même taille à la place; 4) les
risques de mauvaise qualité de design (par exemple, une densité trop forte
pouvant obstruer la vue sur le bâtiment patrimonial qu’on veut préserver en plus
d’ajouter un lourd fardeau additionnel sur les infrastructures existantes, de
générer un accroissement de trafic, etc.). De façon générale, Costonis a proposé
la création de banques de TDD pour pallier les problèmes de recherche
d’acquéreurs et de décalage dans le temps. Il a aussi proposé d’élargir les
territoires d’application des TDD à des secteurs entiers. Enfin, il a proposé une
attention particulière à l’entretien et la réhabilitation des biens patrimoniaux, par
des incitatifs additionnels, des subventions ou autres.
La Ville de New York a par la suite ajusté ses programmes de TDD afin d’en
améliorer la performance. Ainsi, alors qu’à l’origine il n’y avait pas de limite à la
densité pouvant être transférée, aujourd’hui des limites de densité sont
imposées, variables selon les zones, en termes de superficie de plancher ou
coefficient d’occupation au sol (Floor Area Ratio, FAR) ou de pourcentage
d’augmentation. Divers programmes ont été élaborés pour des districts
particuliers, avec chacun leurs règles propres. Par exemple, dans le cas du
South Street Seaport District, une sorte de banque de TDD a été mise sur pied.
Dans le Theater District, une attention particulière est accordée à la préservation
des théâtres et à leur maintien en activité.
De nos jours, le processus d’autorisation d’un TDD pour les sites historiques
passe par une demande de special permit soumise à la commission d’urbanisme
(City Planning Commission). Cette demande comprend un projet de
développement pour le site récepteur ainsi qu’un programme d’entretien du site
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
23
patrimonial et un rapport de la commission du patrimoine (Landmarks
Preservation Commission). La commission d’urbanisme s’assure par ailleurs que
le projet de développement n’a pas de conséquences inacceptables sur les
propriétés adjacentes.
Étant donné la très grande demande à New York pour la forte densité, on n’est
pas surpris de constater que les TDD y soient considérables. Il se pratique
encore beaucoup sur des lots adjacents, de plein droit et donc selon un
processus rapide. Les autres programmes, comportant un processus un peu plus
long, sont plus lourds à gérer, et donc un peu moins actifs. Mais, les projets
demeurent substantiels.
2. San Francisco
Avec New York, San Francisco a été une des premières villes américaines à
expérimenter la formule des TDD dans les années 1960 (Pruetz 2003, p. 224).
Mais, c’est surtout à partir de 1985 que son application a pris de l’ampleur, à
l’occasion de l’adoption d’un nouveau plan d’urbanisme pour le centre-ville
comportant la désignation de nombreux sites patrimoniaux. Cette désignation
entraînait des restrictions sévères à la démolition et même à la modification
d’éléments historiques significatifs. Il y avait là un incitatif évident pour les
propriétaires de ces sites à se lancer dans les TDD. En même temps, le plan et
la réglementation ont réduit la densité autorisée dans le centre-ville
(downzoning), de sorte que les promoteurs souhaitant construire des édifices
élevés devaient passer par le TDD.
Le transfert est autorisé à l’intérieur d’une même zone ou entre lots à préserver
et lots à développer. Le transfert est mesuré en superficie de plancher (rapport
plancher/terrain, RPT, ou floor area ratio, FAR). Le taux de transfert est de 1 : 1;
la superficie autorisée mais non construite au-dessus du bâtiment préservé est
transférée sur le terrain à développer dans la même quantité. L’augmentation de
densité est cependant plafonnée, de façon variable selon les zones réceptrices;
avec un TDD, dans certaines zones, le FAR peut passer de 6 à 18, dans d’autres
de 9 à 18, ailleurs il ne peut être augmenté de plus de 50 % (Coriolis 2002, p.
30). Toutefois, il est à noter que le transfert ne porte que sur la densité et non sur
les autres exigences en termes de hauteur, recul, etc. Le transfert est traité et
autorisé de façon administrative par les fonctionnaires du service d’urbanisme,
selon des règles objectives. Le propriétaire d’un site historique peut soumettre
une demande d’admissibilité, qui détermine la quantité de TDD qu’il peut vendre.
La vente ou le transfert subséquent est inscrit par l’administrateur du zonage
(zoning administrator) sur un certificat de transfert. Pour un développement qui
excède la densité permise, le promoteur doit fournir un certificat à
l’administrateur du zonage. Lorsque le projet de développement est approuvé,
l’administrateur produit alors un avis d’utilisation de TDD, qui est dûment
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
24
enregistré; cet avis indique que le TDD est ainsi complété et ne peut plus servir à
nouveau.
Les clés du succès de ce programme sont, d’une part, la forte pression à
développer au centre-ville de San Francisco; d’autre part, l’impossibilité de
dépasser la densité autorisée de plein droit autrement qu’en passant par un
TDD. Selon Pruetz, propriétaires et promoteurs ont pris l’habitude du TDD et le
marché des TDD est donc fort dynamique, sans nécessité d’implication de la
Ville (par une banque de TDD, par exemple). Plusieurs dizaines de sites
historiques ont ainsi été préservés. Selon Pruetz, c’est l’un des programmes les
plus couronnés de succès aux É.-U.
3. Seattle
Le programme de TDD à Seattle remonte aussi à un nouveau plan du centre-ville
en 1985 (Pruetz 2003, p. 233; McKnight 2002). Les objectifs de ce plan étaient
non seulement la qualité des nouvelles constructions et la protection des sites
historiques, mais aussi le logement abordable. Les outils de mise en œuvre
comportaient un ensemble de mesures incluant un zonage de base restrictif,
assorti de bonus de densité, d’exemptions et de TDD.
Ainsi, la réglementation comporte des limitations qui peuvent être dépassées
jusqu’à une limite maximale, par des projets qui fournissent certaines aménités
telles que des garderies, des salles de spectacle, du commerce de détail, des
parcs, des jardins, etc. Des bonus peuvent être également accordés pour des
musées, des places ouvertes, des accès au transport en commun, du logement.
En outre, divers programmes d’encouragement au logement abordable peuvent
permettre d’accroître la densité. Enfin, on peut recourir à un programme de TDD,
qui peut viser quatre objets : maintien de logement pour personnes à faibles
revenus; préservation de sites historiques; insertion de nouveaux bâtiments
compatibles dans les secteurs historiques; incitatifs à varier l’échelle des
bâtiments. Ainsi, les moyens sont multiples, et le TDD en est un parmi d’autres.
C’est surtout au centre-ville que s’appliquent ces mesures.
Les TDD s’effectuent sur la base de la superficie de plancher. Cependant, les
règles varient d’une zone à l’autre, tant pour les zones émettrices que les zones
réceptrices; elles comportent souvent différentes catégories de densité, en
fonction des usages et de l’atteinte ou non de certains objectifs. Le taux
d’implantation peut ainsi augmenter de 100 % (ex. : FAR de 2 à 4) à 150 % (FAR
de 2 à 5) (Coriolis 2002, p. 31). Bref, la Municipalité a conçu une matrice
complexe déterminant les règles applicables selon les zones, les objectifs et la
localisation. De plus, dans le cas des sites historiques, des règles additionnelles
visent à assurer non seulement la protection des bâtiments et sites, mais aussi
leur restauration. Un TDD doit générer des fonds pour la restauration; il doit donc
y avoir un plan de restauration. À cela doit s’ajouter un programme d’entretien à
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
25
long terme. Ces mesures patrimoniales sont possibles pour autant qu’elles
reçoivent l’approbation de la commission du patrimoine de Seattle.
Plus récemment, la Ville a accordé une priorité aux lieux d’arts et spectacles à
caractère patrimonial. Par ailleurs, la préservation des espaces verts et des
milieux périurbains a aussi été ajoutée aux objectifs. Enfin, en 1988, la Ville a mis
sur pied une banque de TDD afin de contrer les fluctuations du marché, en
période de faible demande. Cette banque peut acheter, conserver et vendre des
TDD, mais pour des logements abordables principalement.
La Ville de Seattle est très attrayante et son marché est dynamique. Mais la
variété des outils, la possibilité d’augmenter la densité par divers moyens de
même que les exigences additionnelles en matière de sites historiques ont eu
pour effet que les TDD sont peu utilisés pour le patrimoine. Les objectifs de
logement abordable sont mieux soutenus par contre par ces outils et ont connu
beaucoup de succès, principalement grâce à la banque de TDD (selon Pruetz
2003). Des amendements ont été apportés aux programmes en 2001 pour
simplifier les procédures en matière de patrimoine et leur donner plus de
possibilités. Le système demeure toutefois complexe et difficile à mettre en
application (McKnight).
4. Vancouver
La Ville de Vancouver s’est dotée d’une politique en matière de protection du
patrimoine et d’une politique de transfert de droits de développement relative au
patrimoine à partir de 1983 (Coriolis 2002; site Web de la Ville de Vancouver).
Aujourd’hui, il s’agit d’un ensemble élaboré et sophistiqué de mesures;
présentement, elles sont en voie de révision. La Ville a d’abord effectué un
inventaire qui sert de base à toute action. Certains sites d’intérêt sont de plus
l’objet d’une désignation officielle par règlement municipal. La Ville a aussi
élaboré un plan de sauvegarde de son patrimoine et possède un programme
d’information et d’éducation du public. La désignation donne droit à certains
avantages, comme des primes et des mesures incitatives.
Le transfert de DD peut porter sur la densité autorisée, mais non utilisée (ou
densité résiduelle) ou sur des primes de densité établies en vertu de la politique
sur le patrimoine. Un propriétaire intéressé entre en contact avec le service
d’urbanisme afin de négocier avec la Ville une entente comprenant un ensemble
de mesures de protection adaptées à sa propriété et offrant une alternative au
redéveloppement pur et simple, comme un redéveloppement intégrant le bien
patrimonial restauré ou si ce n’est pas possible, un transfert de droits de
développement sur un autre site. Cette entente permet d’établir le potentiel de
TDD du site en fonction de sa valeur marchande ainsi que les besoins de
restauration et leurs coûts. L’entente consigne, sous forme de Heritage
Agreement ou Heritage Revitalization Agreement, les mesures que la Ville et le
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
26
propriétaire s’engagent à prendre afin de protéger le caractère patrimonial du
site, et notamment, déterminera la quantité de DD transférable requise pour
assurer la réhabilitation du site patrimonial.
Le programme de TDD s’applique principalement dans la zone centrale de
Vancouver. Il existe deux procédures pour l’autorisation d’un TDD :
ƒ La première concerne les projets à l’intérieur de la zone centrale qui
comportent une augmentation de densité jusqu’à 10 %. Les projets de
développement sont alors examinés par le Development Permit Board.
ƒ Les autres projets, qui sont hors de la zone centrale ou qui impliquent une
augmentation de densité supérieure à 10 %, devront suivre la procédure
plus longue de demande de changement de zonage, soumise au conseil
municipal.
Lors de la soumission d’un projet impliquant un TDD, la procédure exige une
preuve de vente appropriée, signée par le propriétaire du site émetteur et le
propriétaire du site récepteur, et dûment enregistrée. Le promoteur d’un tel projet
doit ainsi avoir accumulé le nombre suffisant de TDD pour assurer la
réhabilitation du site patrimonial émetteur (donor site). En outre, la demande ne
sera accordée que si la réhabilitation est complétée, ou suffisamment avancée
(avec un rapport d’avancement) ou s’il y a des garanties financières (dépôt de
lettres de crédit bancaires).
Bien que la Ville ne fasse pas partie de la négociation de la vente proprement
dite des TDD, elle en tient un registre public, le Heritage Density Chart, qui
indique tous les sites émetteurs ainsi que les TDD dûment vendus. La Ville
assure ainsi un suivi des transactions, en plus de faciliter l’accès à l’information
sur les offres disponibles.
L’efficacité du programme a été considérée comme très bonne :
« Vancouver’s density bonus and transfer system has been successful. Property
owners and developers who have been involved in the system have a variety of
suggestions for improvement, but most believe it is fundamentally a good
system. » (Coriolis 2002, p. 1)
Toutefois, les études soulèvent le risque du déséquilibre entre l’offre et la
demande, entre le nombre de sites émetteurs et le nombre de sites récepteurs.
« One of the system’s strengths is the flexibility that flows from the open market
for transferable density. However, this carries an inherent risk that at any given
time the supply of space available for sale and the demand for the space are out
of equilibrium, which can affect price. Falling prices for transferable density have
two impacts :
ƒ
Owners of heritage properties may be reluctant to use the system if they
anticipate that the transferable density is a deflating commodity.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
27
ƒ
Lower prices mean the City must grant larger bonuses to provide enough
incentive to allow heritage rehabilitation projects to proceed.
The greatest risk is the possibility that an increasing bank of unsold space will
deflate price and result in heritage owners being unwilling to participate in the
program. » (Coriolis 2002, p. 1)
Le nombre de sites patrimoniaux semble surpasser le nombre de sites
disponibles pour un développement de forte densité et la Ville explore la
possibilité d’autoriser plus de sites récepteurs.
V. AVANTAGES, DIFFICULTÉS, INCONVÉNIENTS ET RISQUES
Les études de cas font déjà ressortir certains avantages, risques et
inconvénients des TDD, mais ceux-ci sont aussi abondamment traités dans la
littérature. Le présent chapitre présente quelques-uns des points les plus souvent
soulevés. Avant d’aborder les difficultés des programmes de TDD, il est
intéressant d’en résumer les principaux avantages afin de se rappeler pourquoi
on les a mis sur pied.
1. Avantages
Les TDD sont reconnus comme un moyen efficace dans la poursuite de la
protection et du maintien de sites valorisés par la collectivité, tels que le
patrimoine historique, bâti ou naturel.
« […] the most important benefit of creative TDR transactions is the survival of
cultural institutions through the generation of revenues. » (Giordano 1998, p. 46)
Les TDD permettent de diminuer le fardeau de la conservation sur les finances
publiques en puisant dans les ressources du marché privé et en tirant avantage
des fortes pressions au développement là où elles existent. Mais ils diminuent
aussi de façon significative le fardeau des propriétaires de sites patrimoniaux ou
naturels protégés. En ce sens, les TDD favorisent l’équité. Ils ont le potentiel
d’aider les propriétaires limités par les mesures de protection ou les restrictions
imposées à leur propriété en assurant une certaine redistribution des plus-values
du développement.
« TDRs […] distribute the gains from development more equally among
landowners than do direct land use controls. » (Kopits et al. 2005, p. 2)
Les TDD offrent aux promoteurs et aux propriétaires fonciers plus de flexibilité
que le zonage traditionnel, car ils proposent plusieurs choix. La participation à un
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
28
programme de TDD est en effet volontaire, puisque les propriétaires ne sont pas
obligés de vendre leurs droits de développement.
Les TDD peuvent conduire à des résultats plus fermes et plus permanents que le
zonage traditionnel, car ils se traduisent par des restrictions inscrites sur les
droits de propriété (deed restriction).
2. Difficultés
Malgré l’attrait des TDD, les études récentes (Pruetz 2003; Kopits et al. 2005)
reconnaissent qu’il existe beaucoup de programmes de TDD, mais que peu
d’entre eux fonctionnent vraiment.
« Many of these programs, however, are inactive. They are on the books, but
very few development rights have been transferred. » (Kopits et al. 2005, p. 2)
o Dépendance au marché foncier
Les difficultés et les écueils sont en réalité multiples et liés à la nature même de
ces programmes, basés sur le marché foncier.
« But such mechanisms do not always succeed as advertised. […] Land-based
markets are especially difficult to manage, because it is extremely hard to predict
the number of landowners in the marketplace, the strength and depth of their
interest in the market, and the time frame in which they are likely to make their
decisions about developing or conserving land. » (Fulton 2004, p. 2-3)
La dépendance au marché et à ses fluctuations rend donc souvent aléatoire la
réussite de ces programmes. Le rythme des transactions dépend de l’état du
marché privé. Si le marché immobilier est faible, peu de droits de développement
seront vendus et peu de ressources protégées. L’expectative d’un revenu
alléchant constitue une motivation à vendre ou à acheter des TDD. Un marché
faible implique des revenus moindres et donc peu de participation des
propriétaires.
« If there is no market, landowners in sending areas will have no incentive to
restrict the uses of their property to acquire TDC credits. The more active the
market the more likely that the holders of credits will receive a fair price. A key
factor in the existence of a healthy market is sufficient development pressure to
support a TDC program. » (Kwasniak 2004, p. 52)
« […] the incentives will not generate transfers unless both the sending area
landowners and the receiving area developers find transactions mutually
beneficial. Specifically, a TDR must be affordable, creating increased profits that
equal or exceed the cost of the TDR. Likewise, when selling a TDR, the sendingarea landowner must be satisfied that the sales price equals or exceeds the
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
29
property value reduction created when a conservation easement is placed on the
land. » (Pruetz et al. 2007, p. 6)
La demande de TDD dans les zones réceptrices peut être trop faible pour
diverses raisons. Ainsi, lorsque les zones réceptrices sont en zone résidentielle,
la perception à l’égard de la densité peut être négative :
« It is the demand side that has proved to be a problem in many TDR programs.
In many regions, baseline zoning in receiving areas – the number of dwelling
units allowed per acre without the purchase of TDRs – is perceived as being
acceptable with homebuyers and higher density undesirable. Demand can be low
for other reasons as well. Many programs allow higher density in receiving areas
to be achieved through other non-TDR mechanisms such as special zoning
variances and the like. And some programs make the cost of using TDRs too
high, requiring developers to get approval on each project rather than allowing
the higher density by rights when TDRs are used. In some areas, existing
residents in receiving areas resist the higher density allowed with TDRs. » (Wall
et al. 2004, p. 9-10)
Les TDD soulèvent aussi des problèmes de détermination de la valeur et donc
d’équité.
« Valuation and marketability remain the two most significant obstacles facing
TDR programs. » […] « If a landmark owner could not get enough in exchange
for his TDRs, he might not be able to maintain the landmark adequately. »
(Stevenson 1998, p. 1337-1338)
« In the context of providing compensation to owners of listed buildings, the value
of TDRs is fixed in accordance with the value of the TDRs to the owner of the
recipient development site. […] In a volatile property market, the market for TDRs
may fluctuate daily. » (Arnold 1992, p. 468-469)
La valeur d’un TDD varie non seulement selon les zones émettrices, mais aussi
selon les zones réceptrices. Un vendeur peut avoir de la difficulté à trouver
l’acheteur qui pourra rentabiliser ce transfert.
« If the development site is in an area of higher land values than the heritage
building, the sale of the TDRs will be more profitable to the heritage owner than
the sale of the same TDRs to a developer with a development site in an area of
lower land values. » (Arnold 1992, p. 468-469)
L’incertitude par rapport au marché, la complexité de l’estimation des valeurs
marchandes des TDD et la difficulté de trouver les partenaires adéquats sont
donc des aléas importants de ces programmes. Mais, il y a plus.
o Problèmes d’application
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
30
La mise sur pied d’un programme de TDD risque de susciter de la surenchère.
D’abord de la part de propriétaires de sites d’intérêt qui n’avaient pas l’intention
de développer leur site, mais qui pourraient être attirés par des revenus
additionnels potentiels; il pourrait y avoir trop d’offres de TDD, mais aussi des
offres non nécessaires. Du côté des acquéreurs, l’acquisition de TDD peut aussi
mener à une augmentation artificielle du développement, en quantité ou en
densité. (Walls et al. 2004, p. 11)
Les programmes de TDD peuvent générer des effets imprévus et indésirables
sur le milieu environnant, surtout lorsque les accroissements de densité
attribuables aux TDD ne sont pas limités. Par exemple, dans un district où se
trouvent en même temps des bâtiments historiques et une pression à la
densification, quoiqu’un programme de TDD puisse bien fonctionner en termes
de marché, des TDD peuvent créer des effets d’étouffement des sites
patrimoniaux et des déséquilibres dans le caractère des lieux :
« The adverse social and aesthetic effects of these [creative TDR] transactions
are numerous and irreparable. Increased development strains transportation,
sewer, water, electric, police and fire services in areas unprepared for population
increase. Increased bulk and tower coverage on city streets adds to congestion,
loss of light and air and unanticipated blockage of view corridors. Architecturally,
manipulation of the zoning rules can abruptly alter the character of
neighbourhoods. » (Stinson 1997, p. 321)
Inversement, le transfert dans des zones plus éloignées peut imposer des
fardeaux plus lourds en termes de densité à des quartiers qui n’auront pas
l’avantage de côtoyer des sites protégés (Stevenson 1998, note 33). En somme,
certains craignent une densification incontrôlée, à l’encontre des opérations plus
générales de planification, du plan d’urbanisme et du plan de zonage.
(Stevenson, id.)
Les programmes de TDD sont généralement complexes et requièrent un nombre
important d’employés et un investissement considérable de temps. Quoique
certains auteurs affirment que le TDD, parce qu’il est basé sur des transactions
privées, soit moins lourd à gérer pour les administrations publiques, la pratique
montre que le suivi de ces transactions et aussi leur accompagnement et leur
soutien sont généralement plus lourds que le zonage traditionnel (Pruetz 2003, p.
77). Il s’agit, en d’autres termes, d’outils sophistiqués qui requièrent des
attentions et des analyses particulières (voir plus loin).
VI. FACTEURS ET CONDITIONS DE RÉUSSITE
Les programmes de TDD ne sont pas tous réussis, on l’a déjà noté. Ils ont
cependant fait l’objet de plusieurs bilans qui permettent aux auteurs de suggérer
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
31
différents éléments qui peuvent constituer des facteurs ou des conditions de
réussite.
1. Marché dynamique et stable (demande de TDD)
Il a déjà été question précédemment de l’importance d’un marché foncier
dynamique pour le succès d’un programme de TDD, mais il importe d’insister. Il
faut à la fois un marché foncier où le développement est actif et un marché
réceptif à l’échange de TDD. À défaut, il faudra compenser par des incitatifs
supplémentaires et une plus grande diversité de moyens, notamment des
banques de TDD.
2. Planification méticuleuse du programme, de ses objectifs et de ses
modalités
Cependant, une des clés du succès est la planification méticuleuse du
programme, de ses objectifs et de ses modalités. Il faut bien connaître les
conditions du marché, les besoins et les objectifs, et effectuer une évaluation
réaliste des possibilités d’un tel programme dans un contexte donné. Les
objectifs doivent être clairs et les moyens ajustés aux objectifs. Ainsi, les
programmes visant la préservation des espaces périurbains sont plus complexes
que les programmes qui poursuivent la préservation du patrimoine bâti en
quartier ancien.
« The willingness of suppliers to provide TDRs and of developers to buy those
rights depends on the complex interaction of the design features of the TDR
program, local zoning rules, and the underlying housing and land market
conditions in the region. Understanding the interaction among all three is critical
to creating a well-functioning market. »
« The design features create the rules under which landowners and developers
can participate in the market: which areas can sell development rights, and which
can receive? How many can be transferred from a site, and how many used in
another? TDRs must be layered on top of existing zoning rules, which almost all
land is subject to and which define how densely different areas can be
developed. In addition, land and housing market conditions are important
because they determine whether it makes economic sense for landowners to buy
or sell TDRs, given the baseline zoning and the opportunities created by the TDR
program. Finally, other features, such as the difficulty of using TDRs and the ease
of obtaining additional density through other means, can influence how well a
TDR market works. » (Walls et al. 2007, p. 9)
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
32
3. Détermination adéquate des zones émettrices et réceptrices et des
mesures restrictives et incitatives
Les auteurs s’entendent pour suggérer qu’il faut un équilibre entre l’offre et la
demande, soit les zones émettrices et les zones réceptrices (Delaney 1983). Ces
dernières doivent être en mesure d’absorber l’offre de TDD. C’est un des
dilemmes auxquels fait face Vancouver. Le choix des ratios ou taux de transfert
doit être bien réfléchi pour correspondre aux situations.
4. Articulation étroite avec les mesures d’aménagement et d’urbanisme
Il est également très important d’insérer les programmes de TDD dans une
planification d’ensemble de l’aménagement du territoire; Bredin considère
essentiel qu’il y ait « consistency between the location of sending and receiving
areas and the policies of the local comprehensive plan, including the future landuse plan map » (Bredin 2000, p. 8). Cette articulation concerne non seulement le
choix des zones visées, mais aussi la complémentarité des outils. Le TDD n’est
pas un substitut au zonage, mais il s’appuie plutôt sur un zonage rigoureux. Le
zonage doit imposer des plafonds tels que les promoteurs soient incités à
rechercher des TDD. Il ne doit pas non plus être facile d’obtenir des
augmentations de densité autrement que par des TDD, sinon les promoteurs ne
feront pas d’effort en ce sens. En outre, les municipalités doivent appliquer ces
programmes avec cohérence et constance :
« Communities must consistently require TDRs for all bonus density in order
to maintain the credibility of the TDR program. If public officials make
exceptions and grant upzonings that circumvent TDR requirements, all
developers are likely to request similar exceptions, effectively neutering the
TDR program. » (Pruetz et al. 2007, p. 6)
Les auteurs suggèrent aussi de voir à combiner les outils pour en maximiser les
effets. Le TDD est complémentaire à la désignation patrimoniale, par exemple.
L’interdiction de démolition est citée comme une mesure efficace pour inciter les
propriétaires à s’impliquer dans un programme de TDD.
5. Simplicité d’application du programme de TDD
Certains auteurs (Delaney, Pruetz, Walls) recommandent que les programmes
de TDD soient simples à appliquer, par exemple en établissant des transferts de
plein droit, afin de les rendre plus attrayants pour les développeurs. La simplicité
administrative favorise le soutien du public et la participation des propriétaires et
des promoteurs. Des délais courts évitent des surprises relativement aux
fluctuations possibles du marché.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
33
6. Suivi et révision périodique du programme
Il importe de mettre en place des mesures de suivi attentives, d’abord pour
assurer la circulation de l’information ainsi que l’enregistrement des droits et
obligations créés. Mais également, ces mesures doivent permettre de bien
comprendre et d’analyser l’évolution du programme et du marché, afin
d’introduire des ajustements et des adaptations nécessaires selon les
circonstances.
« Ideally, a program’s components will create a viable TDR market on the first try.
The community, however, should monitor transfers and make adjustments if
needed. For example, officials in Douglas County, Nevada, realized that its
program was failing to generate transfers because sending area landowners
were originally required to preserve too much land per TDR. In 2001, the county
increased its allocation rate and the program started to generate transfers. »
(Pruetz et al. 2007, p. 6)
De même, certains éléments complémentaires peuvent être souhaitables,
comme une banque de TDD ou d’autres formules. La mise sur pied de banques
de TDD vise en effet à faciliter la circulation de l’information, voire à mieux
estimer les valeurs, et à réduire les fossés temporels entre les vendeurs et les
acheteurs.
7. Main-d’œuvre qualifiée
Les auteurs reconnaissent que l’application de programmes de TDD requiert des
professionnels qualifiés, capables à la fois de bien comprendre le marché, de
bien manipuler les outils d’urbanisme, de bien expliquer le sens et la portée des
TDD et de suivre le déroulement des transactions ainsi que des projets.
8. Soutien du public et volonté politique
Plusieurs auteurs soulignent aussi qu’un programme de TDD ne peut se
maintenir sans l’appui du public et des politiques. Ainsi, les objectifs doivent être
compris et partagés par la population. Des augmentations de densité dans
certains secteurs peuvent être mal perçues par la population locale; il faut alors
prendre le temps d’expliquer le programme.
La volonté politique est évidemment indispensable, mais aussi la constance et la
cohérence entre les choix et les décisions.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
34
VII. CONSIDÉRATIONS JURIDIQUES
1. Contexte américain et canadien
Aux États-Unis, une des principales raisons d’être des programmes de TDD
prend sa source dans des débats juridiques concernant l’étendue du pouvoir de
réglementation et le droit de propriété. Ce dernier est protégé par la Constitution
américaine, de sorte que régulièrement les propriétaires contestent les mesures
réglementaires au motif qu’elles outrepasseraient les limites permises par la
Constitution. Les propriétaires réclament d’ailleurs souvent des compensations
lorsque les mesures réglementaires leur paraissent injustes ou abusives. Une
volumineuse jurisprudence alimente le débat, mais sans avoir tranché de façon
définitive. Pruetz intitule son livre majeur de 2003 Beyond Takings and Givings,
car selon lui les TDD permettent de dépasser ce débat, en instaurant un
mécanisme de redistribution des possibilités et des limites du développement,
encadré par le zonage, mais libre et volontaire.
Au Canada, la Constitution ne protège pas le droit de propriété de façon
spécifique. La Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12) et le
Code civil du Québec reconnaissent que le droit de propriété n’est plus considéré
comme absolu et demeure soumis aux limites et conditions d’exercice imposées
par les lois. Bien que la jurisprudence ait longtemps exercé une certaine
bienveillance à l’égard du droit de propriété (principe de l’interprétation restrictive
des atteintes au droit de propriété), elle reconnaît maintenant que le législateur
peut adopter de mesures très contraignantes à son endroit (Giroux 2008, p. 15).
À titre d’exemple, les décisions de la Cour suprême du Canada et de la Cour
d’appel du Québec ont validé le zonage agricole du Québec5. Dans ses
domaines de compétence, l’Assemblée nationale est souveraine et peut imposer
ses choix en matière d’intérêt public. Les tribunaux ont aussi reconnu que les
pouvoirs en matière d’aménagement et d’urbanisme, s’ils demeurent soumis à
l’interdiction d’expropriation déguisée, peuvent déterminer les conditions du
marché, mais aussi comporter des limitations sévères imposées aux
propriétaires (Marchand 1997). En matière de sécurité publique et
d’environnement, certaines lois imposent ou accordent aux municipalités le
pouvoir d’adopter des règles encore plus sévères, par exemple, les mesures
interdisant la construction en raison de contraintes naturelles en zone inondable,
en zone d’éboulis, de séisme, etc. (LAU, art. 113 (16) et (16.1). Les provinces ou
les municipalités n’ont pas comme aux États-Unis à justifier chaque fois la
validité des objectifs, ni à faire la preuve qu’elles ont utilisé des moyens
proportionnels aux objectifs ou que les effets sur les propriétaires ne sont pas
trop contraignants. C’est, comme l’ont affirmé le juge Mayrand de la Cour d’appel
et le juge Beetz, de la Cour suprême, au citoyen qui se croit non soumis à une loi
5
Venne c. Québec (CPTAQ), [1989] 1 R.C.S.880, 908; Veilleux c. CPTAQ, Cour suprême du
Canada, [1989] R.D.I. 253, 259; CPTAQ c. Rhéaume [1984] C.A. 542, 547.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
35
particulière à en faire la démonstration6. La nuance peut paraître subtile et de fait
le débat existe quand même au Canada. Mais, il est reconnu que le zonage ou
plus généralement la réglementation d’urbanisme ne donne pas droit à
compensation (Kwasniak, p. 48).
Les enjeux théoriques se posent aussi dans d’autres régimes, notamment en
Europe. Dans un texte de 1999 qui trace un bilan sommaire de l’expérience
française de transfert des droits de construire, Vincent Renard soulève un certain
nombre de questions sur les fondements juridiques de telles techniques. Il
rappelle que les conceptions du rôle de l’État et du droit de propriété varient
considérablement selon les pays. Beaucoup de pays européens ont posé le
principe de la non-indemnisation des règles d’urbanisme, mais aussi de la
collectivisation des plus-values générées par l’urbanisation. Dans d’autres pays,
on laisse « au propriétaire foncier [...] le bénéfice de la plus-value, sous réserve
de corrections fiscales, par exemple la taxation des plus-values » (Renard 1999,
10).
« Dans de tels systèmes, la définition initiale de règles d’urbanisme ou leur
modification apparaîtra généralement comme une restriction des droits
antérieurs, si l’on suppose que la propriété initiale présentait un caractère absolu,
incluant en particulier le droit de construire. » (ibid.)
Dans les premiers régimes, qui comprennent la France, mais aussi la Suède, les
Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, le droit de construire n’est pas inhérent au
droit de propriété, mais il est accordé par les autorités publiques dans le contexte
de la planification urbaine. Par conséquent, le principe même de l’existence de
droits de construire supposés antérieurs aux règles d’urbanisme, et plus encore
de leur vente séparément, y est mis en question. En France, à partir de 1976, le
Code de l’urbanisme a néanmoins autorisé une sorte de transfert de densité,
sous le terme « transfert de COS » (coefficient d’occupation au sol). Mais
plusieurs juristes s’y sont opposés par principe, dont Jean Lenôtre-Villecoin,
mentionné par Vincent Renard. De plus, une récupération de plus-value au
bénéfice des seuls propriétaires fonciers plutôt que par la collectivité pose
également des problèmes d’équité selon Renard. En outre, en vertu de quel
principe de justice distributive les propriétaires dans certaines zones recevraientils des compensations et pas d’autres, puisque l’on sait que des restrictions
d’urbanisme plus ou moins sévères s’appliquent un peu partout? En France, le
transfert de COS s’applique dans des « zones à protéger en raison de la qualité
de leurs paysages » (Renard, 11, citant le Code de l’urbanisme, L. 123-2). Selon
Renard, les zones agricoles productives étaient exclues délibérément, bien qu’on
y trouve des paysages remarquables. Est-ce équitable, se demande-t-il? Quoi
qu’il en soit, il semble, selon Renard, que le transfert de COS soit assez peu
utilisé en France et plutôt dans des situations très particulières.
6
Affaires Rhéaume et Veilleux, citées précédemment.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
36
Le Québec, comme en beaucoup de domaines, a une conception hybride du
droit de propriété. Cependant, l’introduction d’un système de TDD risque de
soulever des débats théoriques parmi les juristes. La notion de compensation
pour perte de potentiel de développement subie à la suite de l’application des
statuts de protection des biens culturels, comme des règlements d’urbanisme,
risque d’être une boîte de Pandore et devrait probablement être évitée.
Mais les différences entre le Canada et les États-Unis reposent aussi sur des
visions différentes des relations entre l’État et les citoyens. Aux É.-U., l’État est
moins présent et souvent les citoyens préfèrent faire affaire avec le privé, ou
s’organiser entre eux. Ainsi, cette société foisonne d’initiatives citoyennes et
d’associations qui prennent en charge de nombreuses questions qui ici sont
plutôt considérées comme relevant de l’État. En témoignent les diverses
associations pour la protection de la nature qui depuis plus de 100 ans
acquièrent et gèrent des milieux naturels (les Land Trusts), et les protègent à
perpétuité sans qu’ils ne deviennent pour autant des parcs publics, bien qu’ils
soient souvent accessibles à la population. Une formule comme les TDD, basée
sur le marché privé, est donc de nature à plaire à la société américaine. On
pourrait même supposer que les Américains sont prêts à faire beaucoup
d’accommodements et d’adaptations techniques au sein des programmes de
TDD plutôt que d’envisager des interventions directes des autorités publiques
comme des taxes spéciales, des contributions ou redevances obligatoires. Au
Canada et en particulier au Québec, l’intervention directe des autorités publiques
est plus fréquente et plus acceptée par les citoyens.
Une autre remarque concernant ces programmes, c’est que les Américains ont
développé divers types de mesures d’application objective, de nature à éviter les
longues négociations et procédures d’approbation. Ainsi, plusieurs auteurs, dont
Pruetz, Walls et al., suggèrent d’établir des procédures rapides pour
l’approbation des TDD, notamment, gérées uniquement par les fonctionnaires,
afin d’attirer les promoteurs et de leur rendre les TDD plus attrayants. Jusqu’à ce
jour, ce n’est pas l’approche privilégiée au Québec, où les processus
discrétionnaires d’examen des projets, les procédures de consultation publique
et la prise de décision par le conseil municipal même se sont beaucoup
développés au cours des dernières décennies (voir plus loin).
2. Contexte canadien et québécois
Les provinces canadiennes recourent beaucoup à des formes diverses de
négociation avec les propriétaires ou promoteurs. Selon Kwasniak (2004, p. 6669), la plupart ont adopté la possibilité de reconnaître des conservation
easements aux fins de protection des milieux naturels. La plupart des provinces
canadiennes prévoient aussi la possibilité pour les municipalités de négocier
avec les propriétaires des sortes d’ententes de protection du patrimoine culturel.
Mais le Québec se distingue sur trois points en particulier :
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
37
o De telles ententes ne sont prévues que dans la Loi sur la
conservation du patrimoine naturel (L.R.Q. c. C-61.01, art. 54 ss),
ci-après LCPN, et pas dans la Loi sur les biens culturels; toutefois,
le récent livre vert manifeste une intention dans cette direction.
o La LCPN n’accorde pas ce pouvoir aux municipalités, mais
seulement aux OBNL, alors que partout ailleurs au Canada les
municipalités peuvent en bénéficier (selon Kwasnick, p. 67).
o Il existe aussi un débat parmi les juristes québécois en ce qui
concerne le recours à la notion de servitude réelle et de servitude
personnelle dans le champ de la conservation. (cf. Mémoire de la
Chambre des notaires du Québec sur le livre vert sur le patrimoine
culturel).
En effet, la servitude au sens du Code civil diffère de la notion de « easement »
utilisée dans le monde anglo-saxon pour les ententes de conservation. La
servitude réelle, telle qu’elle est reconnue par le Code civil, est attachée à la
propriété immobilière. C’est un contrat visant non pas deux personnes, mais
deux propriétés, le fonds servant et le fonds dominant. Elle requiert certaines
conditions, dont la nécessité de proximité. Dans le monde anglo-saxon, un
conservation easement peut être négocié entre un propriétaire et un organisme
public ou communautaire (OBNL) sans que ce dernier soit nécessairement
propriétaire d’un terrain, voisin ou non; ce serait là une servitude personnelle et
non réelle. Une servitude personnelle n’est pas reconnue comme telle dans notre
Code civil. Par contre, le Code civil offre d’autres possibilités comme l’usufruit, ou
encore le droit superficiaire, qui ressemble beaucoup aux droits aériens que les
New-Yorkais utilisent. Sans approfondir la question, retenons néanmoins qu’une
forme d’entente demeure possible et pourrait être inscrite au registre foncier,
mais peut-être pas sous le nom de servitude de conservation.
3. Quelques caractéristiques des outils disponibles au Québec
Au Québec, les mesures de protection des biens culturels ainsi que le système
de réglementation relatif à l’utilisation du sol sont plus élaborés et plus fermes
que dans la majorité des États américains. Notre Loi sur les biens culturels
(L.R.Q., c. B-4) a établi un double régime permettant au gouvernement provincial
ainsi qu’aux municipalités de désigner les biens culturels, de les préserver de la
démolition, d’exiger leur maintien en bon état et de surveiller les travaux et les
aménagements envisagés par les propriétaires de tels biens culturels. Les
citoyens soutiennent généralement bien ces mesures. Il n’y a pas de
compensation pour un bien culturel désigné, mais des exemptions de taxes
foncières peuvent être accordées à des immeubles non commerciaux à certaines
conditions (LBC, art. 33). Il est également possible de mettre sur pied des
programmes de subvention pour aider les propriétaires de biens culturels
désignés à les conserver et à les mettre en valeur (LBC, art. 51 e). Il manque
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
38
toutefois de ressources financières pour assurer une conservation adéquate de
tout ce qui devrait l’être. En outre, les biens culturels demeurent soumis aux
pressions du développement, surtout dans certains sites hautement valorisés. La
technique des TDD pourrait éventuellement être envisagée comme appoint aux
outils existants en vue de les renforcer et de soutenir financièrement le
patrimoine culturel.
En matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, le Québec est
également passablement mieux outillé que les États des É.-U. Certains
programmes de TDD américains ont été élaborés à l’intérieur de régimes
sophistiqués visant l’encadrement de l’ensemble de l’urbanisation, comme au
New Jersey ou au Maryland. Mais c’est plutôt l’exception. Au Québec, la Loi sur
l’aménagement et l’urbanisme (L.R.Q., c. A-19.1, ci-après LAU) existe depuis
1979; elle présente un régime complexe et intégré pour tout le territoire habité du
Québec. Elle impose aux MRC et aux agglomérations l’adoption de schémas
d’aménagement et de développement. Elle concerne aussi toutes les
municipalités, qui doivent faire partie d’une MRC ou d’une agglomération et qui
sont tenues d’adopter un plan d’urbanisme et des règlements d’urbanisme en
conformité avec le schéma d’aménagement.
Les outils réglementaires en aménagement et urbanisme sont variés. Ils peuvent
être contraignants et interdire la construction dans des zones « d'érosion, de
glissement de terrain ou d'autre cataclysme, ou pour des raisons de protection
environnementale des rives, du littoral et des plaines inondables » (LAU, art. 5). Il
est même obligatoire pour les MRC et les municipalités locales d’adopter des
mesures restrictives dans ces zones dites de contraintes naturelles, pour des
raisons de santé et de sécurité publiques. De plus, ces restrictions ne donnent
aucun droit à compensation. De même, les restrictions sévères imposées en
zone agricole par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles
(L.R.Q., c. P-41.1) ne donnent aucun droit à compensation. Les municipalités
peuvent aussi adopter des mesures restrictives relativement à des contraintes
dites anthropiques, par exemple à proximité de sites dangereux tels que des
usines de produits toxiques, des autoroutes, des centrales nucléaires, etc. Les
municipalités ont aussi le pouvoir d’adopter des règlements de contrôle de la
démolition d’immeuble. (LAU, art. 148.0.1. ss)
À partir de 1985, le législateur a commencé à accorder aux municipalités le
pouvoir d’adopter divers outils discrétionnaires leur permettant d’examiner les
projets au cas par cas (Saint-Amour 2006). L’exercice de ces pouvoirs permet la
négociation avec les propriétaires et promoteurs de projets. La LAU définit les
grandes lignes des processus d’examen des projets; elle n’encadre pas la
négociation comme telle, mais la discrétion donnée aux conseils municipaux leur
laisse une grande marge de manœuvre. En fait, les municipalités disposent
maintenant d’une grande variété d’outils souples et flexibles; les négociations
sont peu balisées quant au contenu (objectifs et critères assez larges), mais
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
39
plutôt par des règles procédurales (avis du Comité consultatif d’urbanisme
(CCU), consultations publiques, référendums dans certains cas, etc.).
Au Québec, nous disposons aussi d’une formule équivalente au zonage restrictif
dans les zones réceptrices, avec les plans d’aménagement d’ensemble (PAE)
qui sont une forme de zonage d’aménagement différé (holding by-law), dont la
pratique a été reconnue par la Cour suprême dès les années 19707, et qui a été
insérée dans la LAU en 1987 (LAU, art. 145.9). Mais une zone de PAE peut
aussi être vue comme une zone d’aménagement prioritaire. La technique des
PAE permet à une municipalité de déterminer une zone dans son territoire qu’elle
ne souhaite pas voir développer immédiatement ou qu’elle est prête à voir
développer, mais seulement à partir de la soumission d’un plan d’ensemble par
le ou les propriétaires. Le règlement de PAE indique les usages autorisés à court
terme, et ceux qui seraient autorisés avec un PAE. C’est donc une sorte de
zonage par étapes.
De plus, les municipalités ont, depuis 2002, la possibilité d’encadrer des
dérogations majeures aux règlements d’urbanisme (qui ailleurs devraient être
traitées comme des changements de zonage), par la formule des projets
particuliers de construction, de modification et d’occupation d’immeuble, les
PPCMOI (LAU, art. 145.36). Avec les PPCMOI, les municipalités peuvent
recevoir des projets majeurs dérogatoires, leur imposer des conditions
particulières, selon certains critères et dans le respect de leur plan d’urbanisme.
La technique des usages conditionnels (LAU, art. 145.31.) permet aussi
d’évaluer un projet au mérite et de lui imposer des conditions particulières.
Ces outils, qui permettent une grande souplesse et offrent une grande capacité
de négociation aux municipalités, sont comparables aux mesures réglementaires
appliquées par les municipalités qui ont un programme de TDD comme cela est
présenté ci-dessus. Mais nos outils ne comportent pas la possibilité d’autoriser
ou d’exiger le transfert de droits de développement. Il pourrait être envisagé
d’ajouter à la Loi la possibilité d’exiger, comme condition additionnelle,
l’acquisition d’un TDD ou une contribution à un fonds du patrimoine.
D’autres outils peuvent également mettre à contribution les promoteurs et les
développeurs. Ce sont les contributions pour des parcs et des espaces naturels
(LAU, art. 117.1 ss), les contributions pour le stationnement (LAU, art. 113, al. 2,
par. 10.1°) et les ententes relatives à des travaux municipaux (LAU, art. 145.21
ss). Ces contributions peuvent être sous forme de terrains ou d’aménagements
spécifiques, ou sous forme de montants d’argent déposés dans un fonds
réservé, en ce qui concerne les parcs et les espaces verts ainsi que le
stationnement.
7
Voir Giroux et Chouinard, p. 15, faisant référence à Sanbay Developments c. London , [1975] 1
R.C.S. 485; Soo Mill & Lumber Co. c. Sault Ste-Marie, [1975] 2 R.C.S. 78.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
40
Dans le contexte des travaux sur la révision de la Loi sur l’aménagement et
l’urbanisme, l’adoption de la technique du « zonage incitatif » ou du « bonus de
densité » pourrait être envisagée. Un tel outil pourrait peut-être être combiné au
transfert de droits de développement ou à une autre forme de demande à un
promoteur de contribution à des travaux ou aménagements destinés à d’autres
propriétés. En échange de la possibilité d’obtention d’une augmentation de
densité, il serait ainsi concevable d’amener un promoteur à aider le propriétaire
d’un bien patrimonial situé sur le site qu’il prévoit construire à entretenir ou
réhabiliter ce bien patrimonial. Par exemple, s’il existait un bien patrimonial sur le
site convoité, la municipalité pourrait prévoir un bonus de densité sur le site
même dans un cas où ce bien patrimonial serait intégré dans le projet, restauré,
entretenu, etc. Il pourrait aussi être imaginable qu’un tel bonus puisse s’appliquer
sur une autre propriété ailleurs dans la municipalité par transfert de droits de
développement. Ainsi, les réaménagements de sites ou les nouveaux
aménagements pourraient contribuer au soutien des propriétés qui n’auraient
plus de possibilité de développement parce que l’on souhaite y préserver le
caractère patrimonial.
Enfin, il est pertinent de rappeler qu’une municipalité peut toujours exiger une
taxe « d’amélioration locale » pour des travaux ponctuels qu’elle entreprend dans
une partie de son territoire. Mais toute la question de la fiscalité locale mériterait
un examen plus attentif qui déborde l’objet du présent rapport, ainsi que les
compétences des auteures.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
41
VIII. RECOMMANDATIONS
Le TDD se présente sans doute comme une formule attrayante : il apparaît aux
tenants du patrimoine comme un moyen positif pour convaincre les propriétaires
de biens patrimoniaux de les préserver et d’y investir, grâce à de nouvelles
sources de financement; et ce, avec des encadrements administratifs plutôt
légers. L’idée de partager le fardeau de la conservation du patrimoine avec des
promoteurs, qui tirent avantage de la qualité et de la richesse des lieux anciens à
proximité de leur projet d’aménagement, est également séduisante. Par ailleurs,
cette formule permettrait aussi de réorienter les promoteurs vers des sites moins
fragiles et plus propices au développement du point de vue de la collectivité,
grâce à une combinaison bien dosée de mesures restrictives et de mesures
incitatives.
Cependant, cette technique doit être adaptée à chaque contexte. Au Québec, il
serait possible et intéressant d’explorer une adaptation de la technique tenant
compte des spécificités du milieu, des caractéristiques du marché et des outils
dont nous disposons déjà. En effet, l’utilisation de cette technique demande une
planification minutieuse et réfléchie pour tenir compte du contexte d’application. Il
serait préférable de commencer modestement, simplement, à petite échelle. Les
objectifs devraient en être clairement circonscrits et se rattacher au patrimoine et
même plus précisément à sa conservation et à sa réhabilitation. Ces objectifs
seraient ainsi distingués de la protection, laquelle concerne la désignation légale
et ses conséquences directes (interdiction de démolition, obligation de
soumission de tout projet d’aménagement aux autorités publiques). La
conservation concerne davantage les moyens de conserver les caractéristiques
patrimoniales et d’assurer leur restauration. Elle est inspirée par un principe
d’intervention positive, alors que la protection a plutôt un caractère restrictif.
Nous disposons de bons outils de protection, mais nous pourrions les renforcer
en améliorant nos moyens de conservation.
Crédit de densité transférable
Dans l’adaptation de la technique des TDD au Québec, une première précaution
concernerait d’abord les fondements théoriques. Il faudrait construire
soigneusement la formule de manière à éviter d’ouvrir la boîte de Pandore de la
compensation. Ce ne serait pas une compensation que nous pourrions
rechercher, mais tout simplement un moyen de financer le maintien et la
réhabilitation des bâtiments et sites patrimoniaux.
Aussi, plutôt que d’utiliser l’expression Transfert de droits de développement,
nous préférerions l’expression Crédit de densité transférable (CDT). D’une part,
le mot « droit » porte à critique sur le plan théorique, comme le soulignait
notamment Renard (1999). Le mot « crédit » est déjà largement utilisé en ce
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
42
domaine (Kwasniak) et offre probablement une meilleure mesure des
potentialités de l’outil pour le Québec; il suggère moins un privilège ou un droit
antérieur que le mot droit et il fait référence plus directement au résultat
escompté. Enfin, remplacer le mot « développement » par « densité » permet de
mieux cibler la portée réelle de la technique et de la limiter à la question de la
densité de façon plus nette. Les Français utilisent l’expression transfert de COS
(coefficient d’occupation au sol); mais le terme « densité » nous semble plus
accessible que COS. Par ailleurs, certains répugnent à utiliser le mot
« développement » en français, surtout lorsqu’il a vraisemblablement le sens
d’« aménagement ». Un crédit de densité pourrait donc être accordé à un
propriétaire de biens patrimoniaux; il pourrait l’utiliser sur une partie de son
terrain, ou sur d’autres de ses propriétés, ou éventuellement le transférer par
vente à un propriétaire d’un autre terrain.
Recommandation 1 : Explorer une formule originale et adaptée au Québec
de crédit de densité transférable (CDT) applicable à la conservation et à la
réhabilitation des biens immobiliers patrimoniaux.
Expériences pilotes
La plupart des auteurs invoquent, pour un programme de TDD effectif et efficace,
l’importance d’un marché foncier dynamique et stable. Au Québec, on ne peut
parler d’un marché aussi dynamique que celui de New York ou de la côte ouest.
Mais certaines régions sont soumises à de fortes pressions, à certains moments
plus qu’à d’autres, par exemple, les villes les plus urbanisées ou certains milieux
de villégiature très en demande. Cette question du marché mériterait assurément
une analyse plus approfondie par des experts en la matière. Quelles seraient les
conditions les plus propices à l’application d’une mesure de CDT? Dans quelles
circonstances et dans quelles régions? Cela demande des études
complémentaires, comme il est suggéré plus loin.
Pour alimenter ces réflexions, des expériences pilotes de CDT pourraient être
entreprises dans certaines régions ou milieux soumis aux pressions urbaines
comme les cœurs historiques de Québec et de Montréal ou certaines régions
particulièrement soumises aux pressions du développement, comme l’île
d’Orléans.
Recommandation 2 : Tester la technique du CDT et en comprendre la
dynamique, dans le contexte de quelques expériences pilotes, dans des
secteurs sous forte pression au développement. Le choix de ces secteurs
demanderait une attention minutieuse. Aussi, suggérons-nous qu’il soit fait
avec l’avis d’un comité d’experts et, bien sûr, en collaboration avec les
municipalités concernées.
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
43
Modalités d’application
Les modalités d’application d’une mesure de CDT demandent une réflexion
attentive. À cet égard, l’exemple de Vancouver nous semble le plus pertinent.
Nous proposons que des personnes compétentes soient mandatées pour étudier
plus à fond cette expérience et ses modalités, entrer en communication avec les
responsables de ces mesures patrimoniales à Vancouver et réfléchir à leur
intérêt pour le Québec. À terme, on pourrait en venir à reconnaître aux
municipalités, dans le cadre de la Loi sur les biens culturels, le pouvoir de
négocier avec les propriétaires de biens patrimoniaux des ententes de
conservation semblables à celles que négocie la Ville de Vancouver, visant la
conservation et la réhabilitation de ces biens, moyennant certains avantages, tels
que l’obtention de crédit de densité transférable sur le marché privé, ou
éventuellement, de façon plus directe, l’obtention de crédit d’impôt foncier ou
encore de subventions. Les crédits de densité pourraient pour leur part être
reconnus dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, puisqu’ils affecteraient
les règles d’urbanisme. Mais leur caractère transférable ne devrait être autorisé
qu’à des fins patrimoniales, et seulement pour les biens culturels désignés en
vertu de la Loi sur les biens culturels.
Recommandation 3 : Poursuivre la réflexion sur les modalités d’application
d’une mesure de crédit de densité transférable en s’inspirant de l’exemple
de Vancouver. Développer la formule des ententes de conservation
élaborée par cette ville. Envisager d’accorder aux municipalités des
pouvoirs additionnels en ce sens.
Un organisme de soutien
Les auteurs s’accordent pour signaler que les programmes de TDD les plus
performants, qui impliquent des transactions directes entre propriétaires
immobiliers, requièrent un marché foncier dynamique et stable. Par contre,
nombre de programmes ont prévu des palliatifs, par rapport à un marché plus
incertain, par la mise en place de mécanismes d’information et par des banques
de TDD qui vont agir sur le marché. Cela permet d’élargir le bassin des sites
potentiels. Ces banques vont absorber les décalages dans le temps; compenser
pour les fluctuations de la valeur marchande des TDD en fixant des fourchettes
de prix; encourager les transactions en acquérant elles-mêmes des TDD, etc. Au
Québec, il est vraisemblable qu’il faudrait prévoir une implication substantielle
des autorités publiques dans le démarrage et l’accompagnement d’une telle
mesure, considérant les fluctuations du marché foncier. Ainsi, un organisme
particulier pourrait recevoir le mandat d’accompagner cette expérience. Cet
organisme pourrait avoir des pouvoirs semblables à une banque de TDD.
Toutefois, le mot « banque » est un terme très lié au marché privé et à ses
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
Un outil pour le Québec?
44
notions. D’autres termes nous paraissent plus appropriés, comme « fondation »
ou « fonds de soutien8 ».
Le rôle de cet organisme porterait d’abord sur la circulation de l’information et
l’éducation :
o Informer les décideurs locaux, les aider à monter leur programme et
à en effectuer l’arrimage avec les documents d’aménagement et
d’urbanisme;
o Informer les propriétaires et promoteurs et les tenir au courant des
possibilités de transactions;
o Informer la population en général sur la technique, ses possibilités
et ses limites.
Cet organisme pourrait aussi disposer d’un fonds de démarrage pour la
protection, la conservation et la réhabilitation du patrimoine. Ce fonds pourrait
être géré en collaboration avec les municipalités concernées. Il pourrait avoir des
pouvoirs de négociation d’ententes et d’établissement de programmes de
subventions ou encore se voir déléguer de tels pouvoirs par les municipalités.
Ainsi, l’organisme pourrait :
o Amorcer lui-même des transactions, négocier et acquérir des
crédits de densité auprès des propriétaires de biens patrimoniaux;
en vendre à des promoteurs immobiliers;
o Constituer des programmes de subventions à partir de ce fonds et
à même les bénéfices ou gains obtenus en collaboration avec les
municipalités concernées;
o Accorder des subventions à des propriétaires de biens
patrimoniaux et négocier avec eux des ententes de conservation.
Cet organisme pourrait vraisemblablement relever du ministère de la Culture, des
Communications et de la Condition féminine, mais devrait travailler étroitement
avec le ministère des Affaires municipales et des Régions ainsi qu’avec les
instances d’aménagement régional (voir l’exemple du New Jersey). Mais ces
tâches pourraient aussi être confiées à des organismes décentralisés, à l’échelle
régionale (communautés métropolitaines, MRC ou autres), notamment dans le
contexte d’expériences pilotes.
Recommandation 4 : Confier à un organisme (à déterminer) un mandat
d’accompagnement de ces expériences pilotes, en collaboration avec les
instances planificatrices en aménagement du territoire; fournir à cet
organisme un fonds de démarrage; donner à cet organisme le même
pouvoir de négociation d’ententes de conservation ou prévoir que les
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Ou même « fiducie » (le Code civil a une catégorie « fiducie d’utilité sociale »); mais cela
demanderait de plus amples analyses.
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Un outil pour le Québec?
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municipalités locales pourraient lui déléguer ce pouvoir; lui accorder le
pouvoir d’administrer des programmes de subventions déterminés avec les
municipalités concernées.
Une autre mesure potentielle : la redevance de densité
Par ailleurs, il y aurait lieu de s’interroger sur d’autres moyens pouvant avoir des
effets semblables. Il se pourrait que des taxes spéciales ou des mesures telles
des redevances puissent également atteindre les objectifs visés par un
programme de TDD ou CDT. Ainsi, une redevance de densité pourrait se révéler
une mesure simple, directe et claire pour faire contribuer les promoteurs au
financement de la conservation du patrimoine. Par exemple, les municipalités
pourraient être autorisées à imposer une telle redevance lorsqu’un promoteur
demande une modification à la réglementation en vigueur dans le but de
soumettre un projet plus important, ou un PPCMOI (ou l’équivalent, comme un
projet selon l’article 89 de la Charte de Montréal), ainsi que dans le cas des PAE
ou encore lors d’une demande d’usage conditionnel. La justification en serait de
faire contribuer au soutien du patrimoine les promoteurs qui bénéficient de
retombées avantageuses attribuables à la proximité de biens patrimoniaux. Une
modification législative serait alors requise, soit dans les lois municipales
générales, soit dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, puisque cette
redevance serait prélevée au moment d’un changement aux règlements
d’urbanisme.
Une formule semblable, la redevance de développement, existe ailleurs; elle est
imposée par certaines municipalités à tout nouveau projet. Certaines
municipalités en Ontario ont expérimenté la formule. Cette redevance est
spécifiquement orientée vers le financement des infrastructures additionnelles
requises par un nouveau développement, même lorsque ces infrastructures
pourraient être hors site par rapport au projet.
La redevance de densité en différerait en ce qu’elle ne s’appliquerait pas à toutes
les nouvelles constructions, mais seulement à celles qui dépasseraient les
densités déjà permises. L’application d’une telle technique requerrait encore une
certaine réflexion. Toutefois, elle aurait l’avantage de ressembler à des
techniques déjà appliquées au Québec, comme les contributions pour fins de
parcs et espaces verts et celles pour les stationnements.
Le fonds ainsi créé pour gérer ces redevances pourrait aussi servir à l’acquisition
de servitudes de conservation ou encore pour l’administration de programmes de
subventions à la réhabilitation de sites patrimoniaux.
Recommandation 5 : Explorer la formule de la redevance de densité, qui
pourrait être réclamée d’un promoteur qui demanderait un changement de
Le transfert de droits de développement à des fins patrimoniales,
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zonage pour un projet d’aménagement. Ce pouvoir s’ajouterait aux
pouvoirs des municipalités en matière d’urbanisme.
Dans l’hypothèse où il serait envisagé d’instaurer la technique du zonage incitatif
dans le cadre de la révision de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, il y
aurait lieu d’explorer les moyens d’arrimer l’utilisation de cette technique avec
celle des CDT ou des redevances de densité. Le zonage incitatif porterait en
effet principalement sur la densité et impliquerait un accroissement de la densité
lorsque des travaux ou aménagements déterminés seraient effectués par un
promoteur. On pourrait aussi considérer d’ajouter à ces éléments une option de
contribution volontaire au soutien du patrimoine. La Ville de Vancouver intègre
bien ces deux techniques.
Il est à noter toutefois que certaines municipalités qui utilisent ces techniques
prévoient des plafonds de densité ou limites à ne pas dépasser, car des études
montrent que les densités peuvent augmenter considérablement par l’effet
cumulatif de telles techniques. Cela peut en effet engendrer des pressions trop
fortes sur les équipements et infrastructures ou des inconvénients indus pour les
populations locales. Il faut donc tenir compte de la capacité de support des
milieux d’accueil (zones réceptrices) et ainsi éviter de causer d’autres problèmes.
Il s’agirait en somme de fixer des seuils à deux paliers : un premier palier serait
la norme de base; un second pourrait être la norme de base majorée d’un
pourcentage additionnel, par exemple de 10 ou 20 %.
Recommandation 6 : Explorer les possibilités d’arrimage entre le CDT, la
redevance de densité et le zonage incitatif.
Étapes et études supplémentaires
Cette étude mériterait d’être complétée ou commentée par des experts en
évaluation foncière et en fiscalité municipale. Le marché foncier québécois
pourrait-il être réceptif à de telles mesures? Possède-t-il des caractéristiques
particulières à prendre en considération? Comment déterminer la valeur des
crédits de densité? Peut-on regarder du côté des taxes, contributions financières,
ou encore des crédits de taxes pour trouver d’autres outils? Ces questions et
bien d’autres pourraient se poser. Aussi, il serait souhaitable que des experts en
discutent afin notamment d’apprécier la capacité réelle du marché foncier
québécois à soutenir une formule comme le TDD ou CDT et d’explorer d’autres
outils en matière de taxe municipale et autres formules de financement.
Recommandation 7 : Poursuivre la réflexion sur la pertinence de la
technique des TDD ou CDT ou des redevances de densité, à des fins
patrimoniales, par des études complémentaires sur les aspects financiers
et fiscaux, et par des rencontres et discussions avec des experts.
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Direction de la publication :
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Révision linguistique :
Mario Dufour, président de la Commission des biens culturels du
Québec et Serge Filion, urbaniste et commissaire à la CBCQ
Marie-Odile Trépanier, professeure et
Stéfanie Wells, étudiante à la maîtrise en urbanisme
Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal
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