Déménager dans une résidence de retraite…

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Déménager dans une résidence de retraite…
Déménager dans une résidence de retraite…
Qu’est-ce qu’il faut regarder en terme d’espace?
Ernesto Morales, Arch, Ph.D.
Chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale
(CIRRIS) et Professeur associé de l’école de réadaptation de l’Université Laval.
Le processus normal du vieillissement de l’être humain amène souvent des incapacités. Au
Québec, 6,6% de la population âgée de 15 à 64 ans et 27,9% de la population âgée de 65 ans et
plus présente une ou plusieurs incapacités. Ces données grimpent à 40,5% pour la population
âgée de 75 ans et plus. Les trois types d’incapacités les plus fréquentes dans la population
québécoise sont les incapacités liées à la mobilité (7,2%), à l’agilité (6,8%) ainsi qu’à la douleur
(6,5%) (Office des personnes
handicapées du Québec, 2007b).
Une personne avec des problèmes
de mobilité est définie dans ce
texte comme une personne
souffrant d’une incapacité à
réaliser une activité motrice
(mouvement,
coordination)
considérée comme normale pour
l’être humain (OMS, 2009). Cette
incapacité se définit comme une
absence, une perte ou une
diminution
permanente
de
l’habileté à réaliser une activité
motrice.
Un nouvel environnement
Les aînés québécois sont donc confrontés à une nouvelle réalité qui les oblige à réévaluer
leur environnement, à devoir l’adapter ou à devoir le quitter pour trouver un autre domicile qui
répondra à leurs besoins. Par
contre, ils préfèrent vieillir chez
eux plutôt que dans une
résidence de retraite (SafranNorton, 2010; Tanner, Tilse, de
Jonge, 2008; Herwig, 2008;
Gitlin, 2003; Connell, Sanfort,
Long, Archea, & Turner; 1993;
Powell
Lawton,
1985),
probablement parce que l’idée de
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déménager dans une résidence regroupant des personnes avec des caractéristiques communes
comme l’âge, la religion ou le sexe peut être perçue comme une forme de ségrégation sociale.
Malgré tout, aujourd’hui les contextes urbains sont remplis de résidences de retraite qui, en
principe, répondent aux « nouveaux besoins des aînés » particulièrement quand certains
problèmes moteurs ou cognitifs se sont manifestés. Mais les appartements offerts dans ces
nouvelles résidences pour aînés ne sont pas très différents en termes d’accessibilité que ceux
destinés à la population générale. Par exemple, la salle de bain d’un appartement pour personnes
âgées dans une résidence de retraite est très similaire en dimensions, en aménagement et en
accessibilité, à la salle de bain d’un appartement d’un jeune couple dans une maison à Montréal.
Actuellement, la stratégie suivie par ces institutions pour répondre aux besoins des personnes
âgées et pour promouvoir un vieillissement « actif et indépendant » est d’offrir des services
(repas, entretien de la chambre, aidants) pour « tout faire pour eux » plutôt que d’offrir des
espaces qui répondent à leurs besoins et qui permettent une meilleure interaction avec leur
environnement physique.
L’adaptation d’une maison est encore problématique, onéreuse, et dans plusieurs cas
impossibles à faire malgré le nombre d’études sur l’adaptabilité des espaces chez les personnes
âgées (Flexihousing de la SCHL) et les propositions de design universel (Preiser & Ostroff,
2001; Mullick, 2001). Or, se lever la nuit pour aller à la toilette, atteindre les armoires en haut de
la cuisine sans avoir peur de tomber, ainsi que prendre une douche sans dépenser une fortune
pour l’adapter sont tous des difficultés quotidiennes auxquelles nos aînés avec des problèmes de
mobilité sont confrontés. Ce genre de situations force les personnes âgées à quitter leur maison et
leurs souvenirs pour des résidences de retraite croyant que leur nouvel environnement sera mieux
adapté à leur nouvelle condition.
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Problèmes de mobilité
Les difficultés liées aux personnes avec des problèmes de mobilité à domicile sont associées aux
barrières architecturales. La plupart des études sur l’interaction des aînés ayant des problèmes de
mobilité avec leur environnement s’intéressent aux espaces liés à la salle de bain, à la cuisine et
aux escaliers (Morales & Rousseau, 2010). Les salles de bain sont habituellement des espaces
restreints où il est difficile de se déplacer (Kira, 1976; Mullick, 2001) et, de surcroît, des espaces
difficiles à réaménager. Même les salles de bain partiellement adaptées présentent des problèmes
importants, par exemple, des espaces souvent trop restreints. Dans le but de résoudre certains de
ces problèmes, en 1986, la National Kitchen and Bath Association (NKBA) des États-Unis a
réuni des designers, des fabricants et des commerçants pour développer 41 lignes directrices de
design inspirées des Uniform Federal Accessibility Standards (UFAS) (United States Access
Board, 1986) et du American National Standards Institute (ANSI) (American National Standards
Institute, 1992). Quant à Mullick (2001), il a étudié la sécurité, la facilité d’utilisation,
l’apparence ainsi que la personnalisation de la baignoire et de la douche. Il existe aussi quelques
propositions fonctionnelles et uniques pour la salle de bain à partir desquelles les designers
peuvent élaborer leurs projets ; notons, par exemple, la Bathroom for Elderly People créée par
Robert Graeff du Virginia Polytechnic Institute and State University, la Metaform Bathroom
conçue par Gianfranco Zaccai de Design Continuum, Inc. (Design Continuum, 2007) et les IDEA
Center Bathrooms créées par Abir Mullick au Center for Inclusive Design and Environmental
Access de l’Université de Buffalo à New York (Mullick, 2001). Certaines de ces propositions ont
résolu quelques problèmes fonctionnels, permettant aux personnes ayant des incapacités motrices
de prendre une douche, d’aller à la toilette et de se brosser les dents. Toutefois, ces solutions
impliquent des coûts très élevés pour les usagers et rappellent aux utilisateurs leurs incapacités
motrices, sans toutefois répondre à d’autres besoins liés à l’utilisation de la salle de bain comme
le confort ou la détente.
La cuisine comporte également un niveau de difficulté important en raison des surfaces
dures comme le comptoir et les tuiles de céramique et comporte des risques potentiels découlant
de l’utilisation de la cuisinière et des autres appareils (Mullick, 2001). De plus, la cuisine
comporte des difficultés liées à l’accès aux espaces de rangement ainsi que des difficultés liées
aux déplacements dans cet espace (Mullick, 2001). De plus, la cuisine contemporaine est une
pièce multifonctionnelle, tout comme la salle de bain pour les familles avec des enfants, où
plusieurs personnes peuvent utiliser l’espace en même temps. Elle est considérée comme l’une
des pièces les plus importantes et plus utilisées du domicile. Il y a eu plusieurs propositions
novatrices pour des cuisines répondant à des critères de design universel comme le General
Electric’s Real life Design (General Electric, 1995) et la Rhode Island School of Design
Universal Kitchen (RISD, 1998). Ces deux projets repensent la cuisine en fonction de la hauteur,
des ajustements et de l’accès pour tous les membres de la famille ou encore des personnes
utilisant une aide à la marche ou un fauteuil roulant. Ces deux projets résultent de l’identification
des nombreuses tâches liées à la préparation des aliments, où des actions telles qu’atteindre, se
pencher et soulever un objet jouent un rôle fondamental. Ces deux projets proposent des séries
d’unités qui peuvent être assemblées de plusieurs façons, à différentes hauteurs et positions, pour
répondre aux besoins de chaque utilisateur.
Un « design accessible » se conforme aux exigences techniques requises en vertu de la loi
(ex. : Code du bâtiment) qui sont ajoutées en fin de conception du projet de construction d’un
bâtiment ou une fois que le bâtiment est construit. Les rampes d’accès ajoutées aux nouvelles
constructions sont un bon exemple du « design accessible » puisqu’elles n’auraient pas été
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requises si le projet avait tenu compte des besoins d’une variété d’utilisateurs dès le début. Un
« design universel » tient compte des besoins d’une vaste majorité d’utilisateurs dès le début de la
conception du design (Preiser et Ostroff, 2001). Tous les projets cités portant sur la salle de bain
et la cuisine n’ont pas été conçus pour leur « accessibilité » à des usagers particuliers, mais plutôt
pour proposer des designs universels ce qui les rend encore plus complexes puisqu’ils s’adressent
à l’ensemble de la population incluant les personnes ayant des incapacités.
Adaptabilité du lieu de résidence
Au Canada, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a réalisé
plusieurs études sur l’adaptabilité de la maison : New-Made-to Convert Housing (1988),
Habitable Attics (1991), Sprout : the Versaile, Dynamic House (1995) et le Flex Housing (1996).
De plus, la SCHL a publié d’autres documents comme Affordabe, Adaptable Housing (1999) qui
rapportent les coûts impliqués dans la réadaptation d’un espace à domicile. La section 3.8
intitulée « Barrier Free Design » du Code national du bâtiment du Canada (2005) explique les
espaces publics minimaux requis pour qu’une personne en fauteuil roulant puisse y accéder. Les
maisons privées sont exclues de cette règlementation. Plusieurs auteurs et organismes ont
également publié des lignes directrices pour que les utilisateurs de fauteuils roulants puissent
avoir accès à certains espaces dans des contextes urbains et privés.
Voici donc une liste très générale, non exhaustive, des aspects importants à vérifier avant
de déménager dans une nouvelle résidence de retraite :
1. Entrée au bâtiment
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Avoir des rampes d’accès.
Avoir des portes automatiques possédant un contrôle accessible et ayant un signal
clair pour les ouvrir.
Avoir un fauteuil roulant (manuel ou motorisé) ayant des dimensions permettant
d’entrer par l’entrée principale (920 mm minimum).
Avoir une signalisation visible utilisant des couleurs contrastes (jeune sur bleu, noir
sur blanc, etc.).
2. Rez-de-chaussée
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Vérifier qu’il n’a pas de marches entre une zone et une autre zone du rez-de-chaussée
de la résidence.
S’assurer qu’il y a des ascenseurs possédant un système de voix pour indiquer
chaque étage.
Avoir des cartes du bâtiment affiché sur les murs pour indiquer où se trouve la
personne.
Avoir des indications claires entre les étages pour aider la personne à s’orienter.
Avoir des corridors assez larges pour accueillir plusieurs personnes ayant différents
moyens de circulation (marche, marchette, fauteuil roulant, fauteuil motorisé,
triporteur, etc.).
Avoir des bancs pour s’arrêter et se reposer dans les corridors.
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3. Appartement
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S’assurer que la porte d’entrée de l’appartement ainsi que les portes intérieures soient
assez grandes pour un fauteuil roulant manuel ou motorisé.
Cuisine/cuisinette
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S’assurer que l’endroit soit adapté pour qu’un fauteuil roulant puisse entrer dans la
pièce et y circuler pour travailler.
S’assurer que l’éclairage soit correct en illuminant l’espace de travail.
Salle de bain
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S’assurer que la salle de bain soit proche de la chambre à coucher et idéalement avec
une main courante entre le lit et la toilette.
S’assurer que la salle de bain soit assez grande pour qu’un fauteuil roulant puisse
circuler sans obstacle (aire de giration de 1500mm).
Avoir des barres d’appui dans la toilette et dans la douche. La baignoire n’est pas
recommandée.
Aucune résidence de retraite ne possède toutes les recommandations de cette liste. Il faut donc
faire des compromis, identifier vos priorités et choisir vos préférences. Si vous êtes intéressé à en
savoir plus, vous pouvez regarder la liste de références et les consulter sur internet.
Références
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