Évaluer le risque sismique : Le cas de la côte Ouest

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Évaluer le risque sismique : Le cas de la côte Ouest
Évaluer le risque sismique : Le cas de la côte Ouest
L’étude scientifique des tremblements de terre ou séismes date de la fin du XIXe siècle. On
croyait autrefois que la terre tremblait à la suite d’explosions souterraines.
L’étude des ruptures de la surface terrestre lors de certains séismes (Owens Valley,
Californie, 1872 ; Nobi, Japon, 1891 ; etc.) a permis à Gilbert, Kotô, McKay et Griesbach de
montrer qu’un séisme a lieu quand un bloc de roche se disloque le long d’une faille. La
roche se disloque généralement en profondeur.
Voici un exemple de rupture ayant eu lieu en surface où on peut observer le déplacement
relatif des deux lèvres de la faille. Le terrain désertique était initialement plat et une marche
de 1,4 m de hauteur est apparue lors du séisme (Hector Mine, Californie, 1999).
En analysant le séisme de San Francisco de 1906, Reid a montré que la roche de la région
se déformait de façon élastique depuis des décennies et que la rupture avait permis de
relâcher violemment tout le stress accumulé.
On peut imiter un séisme en fléchissant une règle en bois au-delà de la résistance du bois :
la règle casse brusquement, les deux morceaux se redressent et on entend un craquement
(un tremblement d’air).
La «magnitude» d’un séisme est un chiffre qui nous renseigne sur l’énergie de déformation
des roches qui est libérée au moment de la rupture.
Mer noire
Animation : relâchement d’un stress
Qu’est-ce qui écrase, étire ou cisaille les roches au point de les disloquer ?
On a découvert dans les années 1960 que chaque morceau de la surface de la Terre est
en mouvement. Personne ne s’en était rendu compte avant parce que la vitesse moyenne
de ces mouvements n’est que de quelques centimètres par année.
Le texte cite divers exemples, dont le
glissement d’Israël contre la Jordanie qu’on
devine sur cette photo.
Les tremblements de terre sont une
conséquence
inévitable
de
ces
mouvements parce que tout cela n’a pas
lieu de façon continue et douce. Il s’agit
plutôt d’une succession de mouvements
brusques séparés par des périodes où le
stress augmente dans les roches jusqu’à
ce qu’elles cèdent.
Chacun de ces mouvements
séisme, le plus souvent faible.
est
un
Faille transformante du Jourdain
Israël
Jordanie
Rappelons que les séismes ne tuent jamais les gens directement. Ce sont les
catastrophes provoquées par les séismes qui le font (feu, glissement de terrain,
effondrement d’édifice, tsunami, etc.) ou, plus simplement, les objets qui tombent à
cause des secousses.
C’est ce que montre le film suivant. En laboratoire, on a soumis aux secousses
d’un séisme réel une maison construite selon les règles les plus strictes de la
Californie. La maison résiste, mais beaucoup d’objets tombent.
Simulation d’un tremblement de terre :
Autre point de vue
La côte de la Colombie-Britannique est le lieu de séismes fréquents et importants.
Pour comprendre pourquoi il faut décrire un peu plus certains des mouvements de la
surface terrestre dont nous avons parlé à la page précédente.
La Terre ressemble à une orange avec une pelure rigide qui enveloppe de la pulpe plus
molle.
La pelure se nomme «lithosphère», ce qui signifie «sphère de roche».
Cette pelure existe en deux variétés qui ont une origine, une histoire, une épaisseur et
une altitude différentes : la lithosphère continentale est plus épaisse et sa surface est
plus haute que la lithosphère océanique.
Voir l’image à la page suivante. Notons qu’on peut observer une situation semblable en
regardant la Lune.
La lithosphère est malmenée par les mouvements lents qui ont lieu sous elle
dans les profondeurs de la Terre.
En certains endroits elle est étirée et se déchire : cela donne naissance à de
longues chaînes de volcans qui créent de la nouvelle lithosphère sombre de
type océanique. Ces chaînes forment les «dorsales» (les «dos») qui
serpentent dans tous les océans de la planète. La lithosphère océanique
s’éloigne de part et d’autre d’une dorsale au rythme de quelques centimètres
par an.
En d’autres endroits la lithosphère, principalement celle de type océanique, est
tirée vers l’intérieur de la Terre où elle s’enfonce au rythme de quelques
centimètres par an. On appelle zones de «subduction» (de «tirage vers le
bas») ces endroits.
Topographie de la terre
Dorsale atlantique
La lithosphère est donc divisée en
morceaux, qu’on nomme «plaques»,
séparés par des dorsales, des zones
de subduction ou des «failles
transformantes».
Une faille transformante est un
endroit où deux plaques glissent
l’une contre l’autre.
Israël glisse vers le sud et la Jordanie
glisse vers le nord de part et d’autre de
la faille transformante du Jourdain.
Comme les roches sont étirées,
comprimées ou cisaillées le long des
frontières des plaques, ce sont les
endroits où il y a le plus de séismes sur
la planète. La côte de la ColombieBritannique est le lieu de rencontre de
plusieurs plaques. C’est ce qui
explique la forte sismicité de la région.
Pour prendre des mesures de protection adéquates contre les séismes, notamment dans la
construction des édifices, il faut évaluer la probabilité qu’un séisme d’une certaine
magnitude ait lieu. On connaissait l’existence de gros séismes de magnitude 7-8 le long de
la côte de la Colombie-Britannique et de l’état de Washington. On a découvert dans les
années 1980 qu’il fallait aussi tenir compte de l’existence de séismes géants de magnitude
9 qui ont lieu à des intervalles de 200 à 800 ans. Un séisme de magnitude 9 libère 31,6 fois
plus d’énergie qu’un séisme de magnitude 8, qui en libère lui-même 31,6 fois plus qu’un
séisme de magnitude 7. Voyons comment on a découvert cela.
1. Tous les séismes de magnitude 9 résultent du même mécanisme. C’est celui
responsable notamment du séisme de décembre 2004 en Indonésie. Le long de la côte de
la Colombie-Britannique et de l’état de Washington, la plaque de lithosphère océanique
Juan de Fuca glisse sous la plaque Amérique du Nord au rythme moyen de 4 cm par an.
On accumule depuis les années 1980 des preuves que les deux plaques sont coincées et
que ça ne glisse plus depuis 300 ans. Utilisez l’analogie d’une personne qui tire de toutes
ses forces sur un tiroir coincé pour montrer ce qui va arriver quand le coinçage va céder.
En tirant très fort, la personne tend le meuble et ses membres comme un ressort.
Quand le coinçage va céder, le tiroir va glisser brusquement de plusieurs centimètres
par rapport au meuble, ce qui va probablement faire du bruit. Le relâchement soudain
de la tension va secouer le meuble et la personne. De même, les deux plaques
coincées sont aussi tendues comme un ressort. Quand le coinçage va céder, elles
vont glisser brusquement de plusieurs mètres l’une par rapport à l’autre. Le
relâchement soudain de la tension va faire trembler les deux plaques.
2. Une preuve du coinçage a été obtenue en mesurant par diverses techniques
les petits mouvements (quelques mm/an) de la surface de la plaque continentale.
Les observations concordent avec la déformation prévue d’une plaque dont le
bord est «soudé» à une plaque océanique qui avance. La figure montre cette
déformation. Décrivez le mouvement vertical et horizontal (par rapport à
Penticton) de la ville de Victoria sur l’île de Vancouver.
En simulant la situation avec un magazine et
des livres, on constate que Victoria monte et
se rapproche horizontalement de Penticton
(le livre de droite).
3. On a utilisé divers moyens pour découvrir l’histoire sismique de la
région. On a notamment étudié les sédiments qui s’accumulent au fond de
la mer. Certains de ces sédiments sont formés de couches alternées de
sable et de boue. La boue se dépose au fil des jours, mais le sable est
déposé d’un seul coup par un courant. Ce courant est déclenché quand un
séisme détache le sable accumulé sur le talus continental. Nous avons
déjà parlé d’un tel événement en 1929 au sud de Terre-Neuve. La
photographie montre de tels sédiments (transformés en pierres durant leur
histoire et incorporés à un continent). Les sédiments étudiés comptent 13
couches de sable recouvrant une couche de cendres volcaniques déposée
il y a 7770 ans. Calculez l’intervalle moyen entre deux séismes.
Chaque couche de sable indique un
séisme. Il y en a donc eu 13 en 7770
années. Il y a 13 tranches de temps
de 598 années durant 7 770 années.
En associant un séisme au même
moment de chaque tranche de
temps, on trouve un intervalle
moyen entre deux séismes de 598
ans.
4. Comment peut-on savoir que la couche de cendres est vieille de 7770 ans ? Cette cendre
(des petits grains de roche et de verre) résulte d’une éruption du volcan Mazama au sud de
l’Oregon. On la retrouve dans divers sédiments sur 1.3 millions de km2, jusqu’à Edmonton
(Alberta). L’éruption a projeté tellement de magma (de roche fondue) que la montagne s’est
affaissée dans le réservoir de magma situé sous elle. Cela a créé une vaste caldera (une «
cuvette ») occupée par le lac Crater, un lac d’eau de pluie de 8 km de diamètre et d’une
profondeur moyenne de 350 m. Quel signe de l’énormité de l’éruption voyez-vous sur la
photographie du mont Mazama ? (Dessin fait sur une photo de Steve Dutch de l’université
du Wisconsin.)
Ce qui frappe sur la photographie c’est l’absence de la partie supérieure de la
montagne. On peut se faire une idée de cette partie en prolongeant les flancs actuel
de la montagne. Toute cette roche se trouve aujourd’hui dans le trou créé par
l’effondrement de la chambre magmatique. Malgré cela, il reste de la place dans ce
trou pour un lac encaissé qui a une profondeur moyenne de 350 m. Le magma
expulsé occupait l’énorme volume que nous venons de décrire.
5. On a aussi étudié les anciens séismes au moyen de tourbières de bord de mer, tourbières
qui ne peuvent exister qu’entre le niveau de la marée basse et celui de la marée haute. Si
une telle tourbière s’enfonce de 0,5 ou 1 mètre, la végétation cesse de croître jusqu’à ce que
les accumulations de boue lui redonnent la bonne hauteur. Or, en creusant certaines
tourbières, on trouve précisément des couches successives de tourbe séparées par de la
boue ou du sable. Dessinez sur la figure le mouvement de la région de Victoria, sur le bord
de l’île de Vancouver, quand le coinçage va céder. Le bord de mer à Victoria s’enfonce-t-il ?
Il faut inverser le mouvement créé par le coinçage qu’on a
décrit à la question 2. Quand la plaque continentale va
reprendre brusquement sa forme, la région de Victoria va
s’enfoncer et s’élargir.
6. La partie du continent qui se trouve sous l’eau, elle, se soulève brusquement lors du
décoinçage. Cela crée une vague bien spéciale, un tsunami. Un énorme volume d’eau de
plusieurs kilomètres carrés est soulevé de 1 ou 2 m, ce qui est trop peu pour distinguer la
vague en haute mer. Quand la vague atteint une côte de forme appropriée, elle peut déferler
et monter à 5, 10 ou 20 m en causant des dommages énormes. Les Amérindiens avaient le
souvenir du dernier tsunami, mais on a dû faire appel à des archives japonaises pour le dater
avec précision. Il a eu lieu il y a 306 ans, le 26 janvier 1700. Quel est le rapport entre le
Japon et le tsunami créé par un séisme sur la côte ouest de l’Amérique du Nord ?
Le Japon se trouve «juste» de l’autre
côté du Pacifique et il est donc
touché par un tsunami créé sur la
côte ouest de l’Amérique du Nord.
7. Pour déterminer la magnitude du séisme qui risque de se produire, on doit évaluer
l’énergie de déformation des roches. Cette énergie dépend de l’importance de la déformation
et du volume de roche touché par la déformation. En effet, on se méfie plus de la rupture
éventuelle d’un madrier surchargé que de celle d’une petite règle de bois. Comme le montre
la figure de la question 2, la déformation subie par les roches diminue progressivement en
s’éloignant de la zone coincée. C’est cette diminution qui fait que même un séisme géant n’a
jamais, en pratique, une magnitude beaucoup plus grande que 9. Expliquez.
Si on déforme trop une roche, elle se disloque. L’énergie de déformation que
peut stocker un cube de roche de 1 m x 1 m x 1m est donc limitée. Pour qu’un
séisme libère de plus en plus d’énergie, il faut donc déformer un volume
croissant de roche. Mais c’est impossible parce que la déformation n’est pas
uniforme : en tentant de déformer un plus grand volume de roche, on finit par
excéder la capacité de stockage des roches de la zone coincée et le séisme se
déclenche. On pourrait penser à augmenter la taille de la zone coincée, mais il y
a aussi des limites pratiques à cela.
ÉNERGIE DE
DÉFORMATION
CAPACITÉ DE STOCKAGE
MAGNITUDE MAX
DISTANCE

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