un tour de magie avec des cartes
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un tour de magie avec des cartes
Mathémagie : cycles de de Bruijn et jeu de carte. Fabrice ORGOGOZO Références : [TAOCP 4A, 7.2.1.1], [TAOCP 1, exercice 2.3.4.2-23], [TAOCP 2, exercice 3.2.217], [Flajolet et Sedgewick 2009, exemple V.15], [Stanley 1999, 5.6.15], [Lidl et Niederreiter 1997, chap. 8] ; [Diaconis et Graham 2012, chap. 2 et 4]. 1. Théorie (esqisse de) Soient π΄ un ensemble de cardinal π et π un entier. On appelle suite1 de de Bruijn2 π-aire dβordre π une suite cyclique π’, cβest-à-dire une application β€/πβ€ β π΄ pour un entier π β₯ 1, telle que pour chaque mot π de longueur π formé sur π΄, il existe un unique π β β€/πβ€ tel que π = π’π+1 π’π+2 β―π’π+π . Compte-tenu de lβunicité et du fait quβil existe ππ mots de longueur π, on a nécessairement π = ππ . Les suites cycliques 101 0 1 001 010 0 1 110 et 00 1 1 1 1 1 0 0 01 1 1 0 1 00 10111 1 0 0 0 0 0 1 0 1 0 sont des exemples de suites de de Bruijn binaires dβordre respectivement 3 et 5 (avec respectivement π = 8 et 32)3. On peut montrer non seulement quβil en existe toujours (pour π et π quelconques) mais aussi les compter : le nombre de suites de de Bruijn binaires dβordre π πβ1 commençant par 0β―0 [π zéros] est égal à 22 βπ . La théorie des corps ο¬nis permet de construire de telles suites lorsque le cardinal de lβalphabet π΄ est une puissance π dβun nombre premier. (Le cas général sβy ramène dβailleurs, en décomposant π β donc π β en produit de facteurs premiers et en utilisant le théorème chinois.) Fixons une extension π½π β π½ππ de corps de cardinaux respectifs π et π π et considérons un générateur π₯ de π½π×π , de polynôme minimal π = π π β π1 π πβ1 β π2 π πβ2 β― β ππβ1 π β ππ β π½π [π ]. (Il π(π π β 1) existe > 1 tels polynômes.) Considérons la suite π’ déο¬nie de la façon suivante : π’1 = π β― = π’πβ1 = 0, π’π = ππ et, pour π ββ§π, π π β¦, déο¬nie par récurrence : π’π = ππ π’πβπ + β― + π1 π’πβ1 . La matrice π΄ associée à cette suite récurrence linéaire est la matrice compagnon du polynôme π ; elle est diagonalisable sur π½ππ , de valeurs propres π₯ et ses conjugués, qui sont des racines primitives π π β 1-ièmes de lβunité. On se convainc alors aisément que la suite π’ = π’0 π’1 β―π’ππβ1 , où π’0 β 0, est une suite de de Bruijn : les images par π΄π du vecteur non nul (π’1 , β¦, π’π ) parπ courent π½ππ β {0} lorsque π parcourt β¦0, π π β 1β¦ et lβégalité π΄π β1 (π’1 , β¦, π’π ) = (π’1 , β¦, π’π ) montre que la suite est bien cyclique. (Poser π’0 = 0 permet dβobtenir le mot nul 0β―0 de longueur π.) 1Ou bien « cycle », « bracelet ». dΙ ΛbrΕyΜ―n » 3Dans le premier cas, ce sont les deux seules suites, à rotation près. 2« 1 2 2. Tour de magie Considérons un jeu de 32 = 25 cartes triées de la façon suivante : 8β£, π΄β£, 2β£, 4β£, π΄β , 2β’, 5β£, 3β , 6β’, 4β , π΄β‘, 3β’, 7β£, 7β , 7β‘, 6β‘, β¦ β¦, 4β‘, 8β‘, π΄β’, 3β£, 6β£, 5β , 3β‘, 7β’, 6β , 5β‘, 2β‘, 5β’, 2β , 4β’, 8β , 8β’. Le lien avec la suite de de Bruijn binaire dβordre 5 ci-dessus (lue dans le sens trigonométrique positif) β associée au polynôme π 5 β π 2 β 1, cβest-à-dire à la relation de récurrence π’π = π’πβ5 + π’πβ3 dans π½2 β est le suivant : à un 5-uplet de bits, on peut associer une couleur (le bit dominant : 0βnoir ; 1βrouge), majeur ou pas (bit suivant : 0ββ£, β’; 1ββ‘, β ), et un nombre entre 1 et 8 (trois derniers bits, avec la convention que 000β8). Par exemple, le « mot » 00000 correspond au 8β£, le mot 00001 à π΄β£, etc. En pratique, on demande à des spectateurs de couper le jeu à tour de rôle (ce qui ne change rien à lβordre des cartes à rotation près) et on demande aux 5 derniers de prendre chacun la carte sur le dessus. On leur demande de se concentrer sur la carte et de nous envoyer par « télépathie » la valeur de leur carte. Sous prétexte dβinterférences ou variante, on demande à ceux qui ont une carte rouge de se mettre en avant. On peut alors immédiatement trouver la première carte : cβest celle correspondant par le codage précédent au mot CCCCC, où les C sont les couleurs des cartes des 5 spectateurs (avec rappelons-le la convention rougeβ1, noirβ0). Après avoir annoncé quelle est cette carte, on peut demander au premier spectateur de la montrer pour conο¬rmer que lβon a correctement « reçu le message ». Reste à trouver les 4 cartes suivantes. La relation de récurrence étant particulièrement simple ici β après abcde, on a bcde(a+c mod. 2) [sauf pour 00000] β, il nβest pas nécessaire de connaître par cΕur lβordre du jeu : la valeur de la carte suivant une carte de valeur π₯ est 2π₯ sauf si la carte est un petit rouge ou un gros noir, auquel cas cβest 2π₯ + 1. (Convention : « petit » : 8 = 0, 1, 2, 3 ; « gros » : 4, 5, 6, 7.) Enο¬n, la carte suivante, dont on connaît déjà la couleur, est une carte en majeur (cβest-à-dire cΕur ou pique) si la dernière carte visible est grosse. Exception : on ne passe pas du 8β10000 au Aβ£β00001 mais on intercale 8β£β00000 entre les deux. (Lβapplication linéaire étant injective, on nβobtient jamais 00000 en itérant à partir dβun vecteur non nul.) Pour dβautres applications ludiques des corps ο¬nis, cf. p. ex. [Madore 2015a], [Madore 2015b]. Références The art of computer programming TAOCP 1 Donald E. Knuth (1997). The art of computer programming. Vol. 1. Fundamental algorithms. 3e éd. Addison-Wesley, xx+650 pages. TAOCP 2 Donald E. Knuth (1998). The art of computer programming. Vol. 2. Seminumerical algorithms. 3e éd. Addison-Wesley, xiv+762 pages. TAOCP 4A Donald E. Knuth (2011). The art of computer programming. Vol. 4A. Combinatorial algorithms, part 1. Addison-Wesley, xvi+883 pages. Diaconis, Persi et Ron Graham (2012). Magical mathematics. The mathematical ideas that animate great magic tricks. Princeton University Press, xiv+244 pages. Flajolet, Philippe et Robert Sedgewick (2009). Analytic combinatorics. Cambridge University Press, xiv+810 pages. β. Lidl, Rudolf et Harald Niederreiter (1997). Finite ο¬elds. 2e éd. Encyclopedia of Mathematics and its Applications 20. Cambridge University Press, xiv+755 pages. Madore, David A. (2015a). Le jeu de cartes Dobble et la géométrie projective expliquée aux enfants. Blog. β. β (2015b). Comment faire un jeu de Tribble. Blog. β. Stanley, Richard P. (1999). Enumerative combinatorics. Vol. 2. Cambridge Studies in Advanced Mathematics 62. Cambridge University Press, xii+581 pages.