Un projet pédagogique entre histoire expérimentale et reconstitution

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Un projet pédagogique entre histoire expérimentale et reconstitution
Un projet pédagogique entre histoire expérimentale et reconstitution
historique : la réalisation de repas historiques par des classes
d’hôtellerie
Par David Cochin et Vincent Guilloteau
Depuis 2004, notre équipe pédagogique composée d’enseignants d’histoire, de cuisine et
de restaurant, a imaginé la réalisation de repas à thème historique par des élèves de la filière
technologique d’hôtellerie. Les nombreux décrochages et le manque parfois de motivation des
élèves, constatés en particulier en classe de seconde, nous ont amené à construire un projet
pédagogique établissant des relations entre l’enseignement professionnel et l’apport d’une
culture générale tournée vers l’alimentation. L’histoire semble être un terrain d’action permettant
cette interdisciplinarité. Apprendre à cuisiner des recettes médiévales, reconstituer un service de
banquet renaissance, aborder l’histoire des mentalités et des sociétés, voici des thématiques qui
peuvent dynamiser le travail scolaire des élèves. Assez rapidement est venu l’idée de proposer aux
élèves de créer un banquet médiéval où serait servi des plats réalisés par eux-mêmes à partir de
recettes du Moyen Âge dans le cadre d’un château. Notre démarche devait s’inscrire dans une
certaine rigueur scientifique et dont les objectifs à atteindre pouvaient être assez ambitieux :
placer les élèves et les convives dans une situation de repas le plus proche possible d’une réalité
historique, déterminée à partir des sources et de la documentation scientifique. Depuis 2006, nous
avons ainsi réalisé trois banquets médiévaux au Château de Fougères sur Bièvre, un banquet
renaissance au Château de la Bourdaisière, un repas dans le cadre d’un restaurant à l’époque de la
Révolution à Tours et deux buffets Renaissance au Château de Chambord. Nous souhaitons ici
reprendre certains éléments de ces expériences.
Ce projet se situe entre deux démarches, celle de la reconstitution historique, très à la
mode en ce moment s’agissant des fêtes médiévales, et celle de l’histoire expérimentale, pratique
controversée que l’on retrouve en archéologie par exemple. Par notre souci de s’appuyer sur des
sources, l’approche expérimentale nous semble intéressante à mettre en œuvre avec nos élèves.
D’un autre côté, nous avons pour objectif de reconstituer des repas d’une époque donnée, en
s’approchant d’une certaine « réalité » historique. Quelle part attribuer dans notre projet à ces
deux approches ? Quelles en sont leurs intérêts pédagogiques ?
Après avoir précisé les concepts d’histoire expérimentale et de reconstitution historique,
nous les utiliserons pour analyser notre expérience pédagogique en cuisine et en salle. Enfin nous
établirons le bilan pédagogique de ce projet.
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Faire de la cuisine, entre reconstitution historique et histoire expérimentale
Le terme de reconstitution historique implique la réalisation d’une médiation culturelle de
l’histoire vers un grand public. Celle-ci peut prendre la forme de manifestations à thème historique
comme les animations des fêtes médiévales ou les reconstitutions de batailles. La reconstitution
historique peut aussi s’appuyer sur la production et l’usage d’objets dont les aspects sont tirés des
sources écrites, iconographiques et archéologiques. La reconstitution historique est une méthode
qui consiste à recréer certains aspects d'un évènement passé, d'une période historique ou d'un
mode de vie précis, en s'appuyant sur des éléments matériels (vêtement, mobilier, armement,
etc.). Le domaine alimentaire se prête particulièrement bien à cette méthode. Les nombreux repas
médiévaux réalisés la plupart du temps dans le cadre de fêtes médiévales, illustrent l’engouement
de nos concitoyens pour l’époque médiévale et son histoire mais aussi la facilité apparente de
l’utilisation du fait alimentaire dans l’approche de l’histoire1. On distingue plusieurs approches, le
courant dit « living history » ou « histoire vivante »2, la reconstitution sportive, type joute ou
tournoi, et l’évocation qui s’approche le plus souvent de l’animation dont la trame historique n’est
qu’un prétexte au spectacle. L’approche historique, donc l’utilisation des sources de l’histoire
comme base de la reconstitution, est extrêmement variable et même aléatoire selon les objectifs
et la rigueur mis en œuvre par les organisateurs des reconstitutions. En outre, les limites de la
reconstitution historique apparaissent rapidement. En effet, comment reconstituer un homme du
passé ? Il n'est pas possible de reconstituer son système de pensée et de représentation, ses
pratiques sociales, ses goûts. Ces manifestations, réalisées par des acteurs d’aujourd’hui,
s’adressent aux hommes d’aujourd’hui. « L’histoire vivante » n’est donc, au mieux, qu’un moyen
d’approcher l’histoire, de communiquer de manière simple et ludique, quelques informations sur
une période de l’histoire.
On confond parfois la reconstitution historique avec l’histoire expérimentale et plus
particulièrement, l’archéologie expérimentale. Celle-ci est un outil scientifique à disposition des
chercheurs en archéologie. En s'appuyant sur un cadre de recherche précis, défini par la
détermination des limites dues aux moyens mis en place, l'archéologie expérimentale consiste
d'abord à poser des problématiques, puis à émettre des hypothèses et à les confronter à des
expérimentations dont on pourra faire varier les facteurs. Les résultats obtenus lors des
expérimentations sont à considérer comme de nouvelles sources qu'il faut croiser avec les
données archéologiques de terrain. L'archéologie expérimentale pose le plus souvent des
questions d'ordre technique (technique de taille de silex, fonctionnement d'un four de
métallurgie, teinture d'un tissu naturel, construction d'une maison...). La recherche historique
dans le domaine de l’alimentation s’interroge en particulier sur la réalisation de recettes de la
1
2
DE SAINT PERN D, « Joutes et ripailles, le Moyen Age fait la fête », Le Monde, 17 Juillet 2007.
www.histoirevivante.org
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cuisine du passé et sur les manières de tables. Une forme d’archéologie expérimentale de la
cuisine s’est ainsi développée ces vingt dernières années3.
La réalisation de repas à thème historique par des élèves d’hôtellerie s’inscrit pour nous à la
croisée de ces deux modes d’approche de l’histoire de l’alimentation, dans une visée pédagogique.
Dès lors, deux objectifs ressortent de la réalisation de repas à thème historique : faire aborder
l’histoire de l’alimentation aux élèves en dehors d’un cadre pédagogique « académique », en les
positionnant dans un cadre d’expérimentation établi par les enseignants et analyser les sources et
les travaux des historiens pour approcher le plus possible une « réalité » historique4. Nous voulons
apporter aux élèves un support concret à l’approche de concepts de l’histoire de l’alimentation et
en aucun cas proposer une réplication, c’est-à-dire un véritable travail de recherche dans le cadre
d’un laboratoire qui vise, à travers la reproduction « à l’identique », à apporter à l’histoire des
éléments qui ne figurent pas dans les documents écrits5.
Faire de l’histoire en cuisine et en salle
Expérimenter la cuisine par le prisme de l’histoire à travers des ouvrages qui sont des
témoins pertinents de leur temps, c’est se confronter directement et indirectement aux défis et
enjeux techniques et culturels de ce temps. Cette porte d’entrée dans l’histoire culinaire se fait
presque essentiellement sous une forme de cuisine gastronomique ; en effet les sources
historiques ne traitent presque pas d’autres formes de cuisine. Les traces d’une forme
d’alimentation quotidienne ne concernant pas les élites sont presque inexistantes, ou sont sujets
d’hypothèses6.
Il est nécessaire de resituer cette donnée auprès des élèves acteurs qui dès lors ne peuvent
que se sentir valorisés par cette entrée en matière. C’est par le truchement de cette donnée que
l’élève s’exprime pleinement.
Il faut aussi organiser et choisir les mets qui entreront dans ce menu historique, avec
l’ambition de ne pas négliger les recettes représentatives du goût et des pratiques de l’époque,
sans omettre de valoriser des préparations peu connues, en même temps, sans négliger la masse
de travail qu’elles nécessitent ou la difficulté à les mettre en œuvre ou à les réchauffer. Bien
3
SABAN F., SERVENTI S, La gastronomie à la Renaissance, cent recettes de France et d’Italie, Paris, Éd Stock, 1997, p. 65.
FLANDRIN J.-L., Fêtes gourmandes au Moyen Âge, Paris, Imprimerie nationale Éditions, 1998, p.7.
4
LAUGINIE P., « Une approche expérimentale de l’Histoire des Sciences - Réflexions pour une pédagogie », www.
cahiers-pedagogique.com, janvier 2009, consulté le 20 juin 2012.
5
Ibidem.
6
HYMAN P. et M. « Imprimer la cuisine : les livres de cuisine en France entre le XVe et le XIXe siècle », in FLANDRIN J.-L.
et MONTANARI M.,(dir.), Histoire de l’Alimentation, Paris, Fayard, 2008, pp. 643-655.
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d’autres éléments entrent dans cette construction de menu : animaux ou produits ne se
commercialisant plus (cigognes, butor, cormorans, héron, mastic, etc.), techniques de réalisation
peu ou pas explicites (à foison, etc.), concordance avec les possibilités de service en salle, et
maintenir une forme d’harmonie générale. Le professeur de production et d’organisation culinaire
doit aussi avoir le souci permanent de ramener beaucoup de ces réalisations à un niveau
technique débutant. Cependant le champ des techniques mis en œuvre en classe de seconde
permet la confection de la majeure partie de ces recettes. La saisonnalité des produits disponibles
est aussi un axe important de réalisation, et révèle la difficulté actuelle des jeunes esprits à
intégrer cette donnée dans un monde où les saisons ne sont plus un obstacle. Nous avons même
imaginé au départ un approvisionnement limité géographiquement, comme pour mieux nous
positionner, mais cette idée a été relativement limitée dans les faits. Il faut se rendre compte
rapidement que ce qui pouvait être pris pour des freins se révélait impossible. Il est en effet
difficile ou impossible de travailler avec des outils, du matériel et dans les conditions de l’époque
choisie.
La reconstitution historique permet cette forme de transgression, elle offre la possibilité
d’un respect historique dans le fond sans nécessiter un maintien rigoureux dans la forme. Pour
l’enseignant de cuisine, rien n’est plus important que d’offrir un aliment bactériologiquement
sain : pas de cuisine donc dans l’âtre de la cheminée, avec bassines et faitouts de cuivre non
étamé, pas non plus de lèchefrite, ni de rôtissoire à faire tourner, au risque de déplaire aux plus
exigeants d’entre nous. Les travaux préparatoires de déchiffrage de textes anciens comme le
Viandier7, Le Mesnagier de Paris8 autorisent la réalisation des premières fiches techniques qui
s’inscrivent dans le référentiel de ce niveau de classe. Nous constatons rapidement l’intérêt de
travailler conjointement avec d’autres professeurs notamment en Lettres. Ce travail historique
permet donc un travail interdisciplinaire évident et très profitable à tous. La confection de ces
fiches techniques est un travail non négligeable et leur réalisation est chronophage, mais
constructive pour les élèves.
Les travaux conjoints des professeurs de Lettres, d’Histoire, de Restaurant et de Cuisine
permettent de mettre en évidence les caractéristiques de telle ou telle cuisine. La cuisine
médiévale est mise à l’honneur par sa constance dans la réalisation de mets colorés, fortement
épicés, aptes à des mises en scène (porcelet en armure)9. Il faut donc dégager pour chaque
période historique traitée des caractéristiques identitaires afin de les mettre en valeur au cours du
repas.
7
TIREL Guillaume dit TAILLEVENT, Le Viandier. 1486. Réédition, Livres en bouche. Ed. Manucius 2001.
e
Mesnagier de Paris, fin du XIV siècle, traduction Bruno Laurioux, Le Moyen Âge à table, Paris, 1989.
9
LAURIOUX B. « Cuisines médiévales », in FLANDRIN J.-L. et MONTANARI M.,(dir.), Histoire de l’Alimentation, Paris,
Fayard, 2008, pp. 459-468.
8
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Ensuite le temps des essais, la confrontation aux caractéristiques gustatives et aux
difficultés techniques peuvent avoir lieu. Ces tests de réalisation permettent d’appréhender
encore plus précisément les goûts d’une époque révolue ; de la perplexité parfois, mais aussi
d’agréables surprises se révèlent ainsi. La volonté de rester au plus près des goûts et des habitudes
alimentaires historiques doit être un fil conducteur, mais se soucier des difficultés de perception
contemporaine reste une contrainte10. Cette confrontation historique permet d’avancer plusieurs
idées issues de cette mise en pratique : par exemple, les épices qui sont toujours employées en
abondance dans la cuisine du Moyen Âge. La pratique a démontré que ces épices venues d’assez
loin perdaient de leur force aromatique ; de plus lorsqu’elles sont combinées à des recettes peu
grasses, comme c’est le cas de beaucoup de celles du Moyen Âge, cette absence ne permet plus ce
maintien aromatique puissant. Ensuite cette pratique avait permis la réappropriation de
techniques oubliées et leur redéfinition. La réalisation de talmouses et de pâtés dans le sens de
mettre en pâte prend tout son sens premier. Enfin, ce travail permet la concrétisation de la
pratique d’une cuisson juste et parfaite qui a le souci permanent du produit. Il s’agit donc alors de
reformuler et redéfinir ces caractéristiques souvent exprimées de cuisines grossières et faite d’à
peu près, comme de cuisines très élaborées, s’appropriant sans doute de manière empirique, des
techniques circonstanciées et très respectueuses du produit traité.
La concrétisation d’un projet sous la forme d’un repas est le point d’orgue de presque six
mois de travail. La réalisation de ce type de repas a aussi révélé des difficultés auxquelles étaient
confrontés nos prédécesseurs. Organiser et gérer la distribution devaient être particulièrement
ardu sans le secours de nombreuses petites mains expertes. L’organisation en brigades très
élaborées n’est certainement pas une légende.
En salle, le travail des élèves consistent à créer une situation de repas et de service le plus
proche possible du déroulement d’un repas à un moment donné de l’histoire11. Pour l’ensemble
des réalisations de repas à thème historique, le cadre fut donné par un lieu correspondant à
l’époque et au type de repas donné. Par exemple, la grande salle du château de Fougères sur
Bièvre a été choisie pour la réalisation d’un banquet seigneurial de la fin du XVe siècle. A partir de
l’étude d’enluminure et de récit de banquet, il est assez simple pour les élèves de comprendre
l’organisation de la salle et la disposition par exemple des tables et des objets positionnées sur
celles-ci12. Un plan de salle et de table peut ainsi être aisément réalisé par les élèves. Une réflexion
est aussi menée pour établir la liste des objets à positionner sur les tables. Mais très rapidement,
on butte sur les limites de la reconstitution historique du fait du public contemporain devant
participer au repas. Il est apparu difficile de placer les convives selon leur rang social. Qui serait le
seigneur ? L’alignement des participants d’un seul côté de la table a été vite abandonné du fait du
manque de convivialité qui en découlait. Nous avons cependant maintenu l’absence de fourchette,
d’assiette, de serviette pour les repas médiévaux, respectant ainsi les manières de tables
10
SABBAN F, SERVENTI S. Op.Cit, pp. 65.67.
FLANDRIN J.-L., Fêtes gourmandes… Op. Cit. p. 30.
12
VAUQUELIN J ., Comment le roi Alexandre fut empoisonné ?, Enluminure, 1460.
11
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médiévales, mais indisposant très souvent les convives contemporains. Manger avec les doigts et
partager les plats communs en choquent plus d’un.
Notre travail est donc loin de l’histoire expérimentale, d’autant plus que nous manquons
de reproduction d’objets d’époque et que le public n’entre pas dans un protocole expérimental. Si
expérience il y a, elle est surtout pédagogique car les élèves abordent une autre façon d’envisager
le service, très différents dans les méthodes de celui enseigné au lycée et comprennent qu’au
cours de l’histoire les façons de s’alimenter ont différé selon les lieux, les époques et les
mentalités. Partir des sources iconographiques, des recettes et de textes d’historiens, pour ensuite
réaliser une manifestation gastronomique, oblige l’élève à analyser et comprendre certains
concepts historiques pour mettre en œuvre une pratique technique cohérente et en rapport avec
les données de l’histoire.
Une médiation culturelle de l’Histoire en direction des élèves et du grand
public
Ce projet pédagogique utilise la reconstitution de repas historiques comme moyen
d’aborder l’histoire de l’alimentation de manière concrète. L’approche des sources de l’histoire
n’apparait plus pour l’élève comme scolaire ou lointaine mais comme un moyen de comprendre
une autre réalité. L’expérimentation historique n’est pas totalement exclue du processus de
construction de ces repas mais reste très limitée car élaborée dans un cadre trop peu rigoureux
pour être valable d’un point de vue de la recherche historique. Mais là, n’est pas l’objectif du
travail, avant tout pédagogique. Transposer une recette, en analysant les contraintes,
expérimenter des savoir-faire et des goûts, sont riches d’enseignements pour les élèves. Ils
s’ouvrent à d’autres modes de pensée et à d’autres valeurs. L’importance des épices, si difficiles à
accepter pour les palais contemporains, fait comprendre aux élèves qu’il peut exister d’autres
goûts et pratiques alimentaires correspondant à d’autres valeurs.
La compréhension de l’histoire, par la mise en œuvre pratique d’un repas, est plus aisée car
la médiation de la « reconstitution » aide à la conceptualisation. Par exemple, la disposition de la
table et des convives montrent une société très inégalitaire où la position sociale détermine les
actes les plus essentiels de la vie. Ainsi, la féodalité peut être appréhendée par l’étude et la
réalisation d’un banquet seigneurial. De même, l’histoire des mentalités devient plus évidente
lorsque l’on observe le rituel de table, qu’il s’agisse de la présence d’un goûteur ou des manières
de table. Le concept de civilisation des mœurs13 à l’époque moderne devient par exemple
extrêmement concret.
13
ELISA N., La civilisation des mœurs, Paris, poche Pokket, 1973.
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Cette approche pédagogique s’inscrit parfaitement dans un enseignement de l’histoire, qui
aujourd’hui n’est plus nécessairement chronologique, comme une succession d’évènements. Les
programmes, comme celui de seconde, proposent des moments historiques. Comme le signalait
Dominique Borne, doyen de l’Inspection générale de l’Éducation nationale lors d’une intervention
en séminaire, « il est souhaitable d’entrer dans l’histoire par des objets et plus particulièrement
par des objets qui permettent des entrées plurielles »14. Par une démarche pédagogique utilisant
la gastronomie, qui va ainsi de la description au sens, nous pouvons amener les élèves à utiliser
l’histoire pour mieux comprendre le monde mais aussi les pratiques professionnelles.
Enfin, intégrer le grand public, c’est-à-dire les parents d’élèves, mais aussi les membres
d’association travaillant dans le domaine du patrimoine et plus généralement toutes personnes
intéressées par l’histoire, permet à notre enseignement d’élargir son horizon. Un repas historique
reconstitué de façon rigoureuse, s’appuyant sur les sources et les débats des historiens, est une
médiation culturelle qui nous semble très intéressante. Par une mise en situation dans des
conditions peu habituelles de prise de repas et par une expérimentation sensorielle très souvent
surprenante, les convives apprennent d’une manière simple et libre l’histoire. Cette médiation
trouve rapidement ses limites : la durée de l’expérience (une soirée), la disponibilité des
personnes et leur ouverture d’esprit. Cependant, nombreuses sont les personnes ayant assisté à
ces repas, qui déclarent avoir appris. Ce point d’ailleurs mériterait d’être étudié systématiquement
car aucune analyse n’aborde cette réflexion.
Nous pouvons conclure que cette expérience pédagogique, menée depuis sept ans, utilise
la reconstitution de repas à thème historique comme moyen d’aborder toutes les facettes de
l’histoire. L’alimentation permet une approche différente de l’histoire dans la recherche
scientifique mais aussi en pédagogie. Par la nourriture, on traite des rapports de l’Homme avec
soi-même, avec les autres, avec le monde et l’au-delà. Les sources et les approches sont
extrêmement nombreuses15. En cela, indépendamment d’un travail culinaire et gastronomique,
l’enseignement de l’histoire par l’alimentation est ouvert à toutes les filières de l’éducation. Dans
la filière hôtelière, en plus d’apporter de la motivation aux élèves, cet enseignement permet une
réflexion et une distanciation de l’apprenant vis-à-vis des méthodes et des savoirs professionnels
transmis.
14
BORNE D., « Quelles entrées possibles dans les programmes d’histoire-géographie de l’enseignement général ? »,
Histoire de l’alimentation, quels enjeux pour la formation ?, Dijon, Éducagri, 2004, p.51.
15
MONTANARI M., « Former les professionnels de l’hôtellerie à l’histoire ou les historiens à l’alimentation ? », Histoire
de l’alimentation, quels enjeux pour la formation ?, op. cit., p. 186.
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