Le secret de grand-père

Transcription

Le secret de grand-père
J’étais en train de penser à elle…
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- J’étais en train de penser à elle, là-bas, sur le buffet, déclara-t-il.
Je mis quelques secondes avant de comprendre ce qu’il voulait dire.
- Ça fait vingt ans aujourd’hui. Elle s’en est allée, elle m’a quitté il y a
vingt ans. Elle s’en allée, elle est morte dans mes bras. Elle était tout
pour moi. Et tu sais quoi ? Nous étions en plein milieu de quelque
chose que nous n’avons pas fini. Elle est tombée malade et elle est
morte. Elle n’aurait pas dû. Elle n’aurait jamais dû.
- - Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je.
Il me regarda en essayant de sourire.
- Tu es un brave petit. Quand j’y pense, tu es un peu comme elle, tu
sais. Tu laisses les gens tranquilles quand il le faut. Il y en a qui ont
deviné, ton père et ta mère, par exemple, j’en suis sûr ; mais la seule
personne à qui je l’ai vraiment dit, c’est elle, là, sur le buffet. Je le lui ai
dit avant de l’épouser, et elle m’a répondu que ça ne faisait rien, que
ce n’était pas ce qui comptait le plus chez quelqu’un. Il n’y a pas de
quoi avoir honte, disait-elle. Que son cœur soit béni. Bien sûr, dès
qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en
occuper, tu comprends ? Je veux dire qu’elle faisait tout pour moi. Et
j’avais toutes les excuses possibles : il y avait la ferme. Je travaillais
du matin au soir ; et les enfants à élever, les bouches à nourrir, les
traites à payer. Eh oui, j’avais toutes les excuses. Mais la vérité, c’est
que je m’en fichais. Puis, quand les enfants ont grandi et se sont plus
ou moins envolés du nid, elle m’a dit que nous avions le temps de
nous y mettre. Elle a dit que nous devrions nous asseoir ensemble le
soir, quand j’avais fini les travaux de la ferme, et commencer. C’est ce
que nous avons fait. A peine un mois plus tard, je me suis réveillé un
matin, et elle était toujours au lit à côté de moi. D’habitude, elle se
levait toujours avant moi, toujours. Et elle était froide, si froide ! J’ai
immédiatement compris qu’elle était morte. Un cœur fragile, m’a
expliqué le médecin. Elle avait souffert de rhumatisme articulaire
quand elle était petite. Je ne le savais pas. Elle ne me l’avait jamais dit.
Il me fit signe de m’asseoir en face de lui, et me regarda longuement,
fixement, avant de reprendre :
- Je lui parle toujours, tu sais. La nuit dernière, je lui ai demandé : « Tu
crois que je devrais lui dire ? Tu crois qu’il le ferait ? Qu’est-ce que tu
en penses ? » Elle m’écoutait, je le sais. Elle ne dit jamais rien, mais
c’est comme si je l’entendais m’écouter, comme si parfois, je
l’entendais penser. Et la nuit dernière, elle pensait : « Il est temps que
tu finisses ce que nous avons commencé. Ça ne sert à rien de rester
là assis le reste de tes jours à te lamenter sur ton sort. Demande-lui,
vieux grincheux. Au pire, il te dira non. »
Il se redressa soudain et me prit par le bras.
- Alors, tu veux bien ?
Je n’avais toujours pas la moindre idée de ce qu’il me demandait.
- Tu pourrais nous donner un coup de main à la ferme. Je te paierais, tu
sais, un vrai salaire d’adulte. Et peut-être que …
Il gardait les yeux baissés sur ses mains, triturant ses jointures. II semblait
avoir du mal à continuer.
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Et peut-être que tu pourrais me montrer, comme elle le faisait, elle.
J’apprendrais vite.
- Te montrer quoi ? Grand-père ? Demandai-je.
-
50
Le secret de Grand-père, Michael MORPURGO, Gallimard, 2001, pp.34-39
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Œuvre étudiée
Le secret de grand-père
Source : Le secret de Grand-père, Michael MORPURGO, Gallimard, 2001
Domaine
Littérature
Compétences
Intitulé
Découvrir le secret de grand-père (séances 6 et 7)
(L3) Etre capable de comprendre en le lisant silencieusement un texte littéraire
court (petite nouvelle, extrait...) de complexité adaptée à l'âge et à la
culture des élèves en s'appuyant sur un traitement correct des substituts des
noms, des connecteurs, des formes verbales, de la ponctuation... et en faisant
les inférences nécessaires.
(L7) Etre capable de participer à un débat sur l'interprétation d'un texte
littéraire et en étant susceptible de vérifier dans le texte ce qui interdit ou
permet l'interprétation défendue.
(L11) Avoir compris et retenu que le sens d'une œuvre littéraire n'est pas
immédiatement accessible, mais que le travail d'interprétation nécessaire ne
peut s'affranchir des contraintes du texte ;
Objectifs opérationnels
Apprendre à émettre des hypothèses à justifier ses hypothèses et ses interprétations, à les
argumenter en s’appuyant sur le texte
Apprendre à faire des inférences (Relever des indices dans le texte pour mettre en lumière un procédé
d’auteur visant à créer un jeu entre auteur et lecteur (suspense, horizon d’attente)…
a) Lecture individuelle du tapuscrit (à la maison) puis lecture à haute voix en classe.
b) Lecture à haute voix par le maître de la p.39 à la p.49 ( en fin de 2ème séance).
c) Relecture ind. à la maison de la p. 34 à la p.49.
Niveau 2 : l’implicite textuel
Les zones d’ombres
Séance 6 :
Questions et consignes :
Ind, écrit
5 min
Coll, oral
5 min
Ind, écrit
10 min
1. L’auteur emploie très souvent dans cet extrait le mot
elle. Qui est le personnage qui se cache derrière ce
mot ? C’est la grand-mère du narrateur, la femme de
grand-père.
2. Que nous apprend l’arrivée de ce personnage?
Grand-père a un secret.
Mise en commun :
Echanges sur les réponses et les arguments puis validation
Question
4. Grand-père désire quelque chose, mais l’auteur
ne dit pas quoi. As-tu une idée de ce que veut
Grand-père ? Quels sont les indices qui te
permettent de répondre.
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Niveau 2 : l’implicite textuel
Les idées-force
Question :
3. Est-ce que tu as ressenti un effet d’énigme ? Si
oui, quels sont les éléments du texte qui ont
rendu cet effet ? Tu peux surligner.
Différenciation : Pour 3 élèves, remise d’un texte dans
lequel les indices auront été surlignés avec la question
suivante :
Ind, écrit
10 min
Groupe
20 min
Coll. Oral
25 min
3. (bis) En écrivant les phrases
surlignées, l’auteur a voulu créer un
suspense. Qu’est-ce qui crée le
suspense dans ces phrases ?
Séance 7 :
Questions et consignes :
Autour des questions 3 et 4 :
Différenciation : Groupes constitués à partir des travaux
individuels de la séance 6.
Mise en commun :
Correction de la question 3 sur les procédés littéraires
utilisés (voir contenu à retenir)
Débat interprétatif à propos de la question 4, invalidation des
interprétations non fondées et conservation au tableau des
interprétations possibles.
Guidage possible du maître :
 L.15-16 : Lorsque la grand-mère dit : Il n’y a pas de
quoi avoir honte. De quelle honte parle-t-elle ?
Qu’est-ce qui pourrait bien causer de la honte chez
grand-père ? De quoi une femme pourrait-elle avoir
honte chez son mari ?
 Quel peut bien être le secret de grand-père lorsqu’il
dit qu’il ne pouvait pas résoudre son problème à
cause de son travail à la ferme ? L.19-20
 Quel peut bien être le secret de grand-père
lorsqu’on apprend ensuite qu’il a commencé à le
résoudre seulement lorsque ses enfants eurent
quitté sa maison ? L22-24
 Que veut dire Grand-père lorsqu’il dit « j’apprendrais
vite ». ? L.50
Epilogue au débat :
Lecture à haute voix par le maître de la p.39 à la p.49
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Contenu à retenir à la fin de la séquence
I. Grand-père a un secret.
II. L’auteur utilise les procédés suivants pour alimenter le suspense autour du secret de grand-père :
 Créer un effet d’annonce entraînant une frustration chez le lecteur :
- Nous étions en plein milieu de quelque chose que nous n’avons pas fini. L.5-6
 Utiliser des substituts vagues :
- Nous étions en plein milieu de quelque chose que nous n’avons pas fini. L.5-6
- Je le lui ai dit… L.13
- … elle m’a dit que nous avions le temps de nous y mettre. L.24
- dès qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en occuper. L.17
 Placer le lecteur dans la peau de l’enfant (le narrateur)
- Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je.
Il me regarda en essayant de sourire. Tu es un brave petit. Quand j’y pense L.8-9
 Poser des questions sans réponse (éluder les questions)
- Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je. L.8
La nuit dernière, je lui ai demandé : « Tu crois que je devrais lui dire ? Tu crois qu’il le ferait ? Qu’estce que tu en penses ? » L.35-37
 Aiguiser la recherche du secret
- Il y en a qui ont deviné, ton père et ta mère, par exemple, j’en suis sûr ; mais la seule personne à
qui je l’ai vraiment dit, c’est elle, là, sur le buffet. L.11-13
- Bien sûr, dès qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en occuper, tu
comprends ? L.16-18
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Comment un auteur peut-il créer du suspense ?
Voici l’exemple Michaël MORPURGO dans Le secret de Grand-père.
Michaël MORPURGO utilise les procédés suivants pour créer le suspense autour
du secret de grand-père :
a) Créer un effet d’annonce entraînant une frustration chez le lecteur :
-
Nous étions en plein milieu de quelque chose que nous n’avons pas fini. L.56
b) Utiliser des substituts vagues :
- Nous étions en plein milieu de quelque chose que nous n’avons pas fini. L.5-6
- Je le lui ai dit… L.13
- … elle m’a dit que nous avions le temps de nous y mettre. L.24
- dès qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en occuper. L.17
c) Placer le lecteur dans la peau de l’enfant (le narrateur)
- Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je.
Il me regarda en essayant de sourire. Tu es un brave petit. Quand j’y pense L.8-9
d) Poser des questions sans réponse
- Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je. L.8
La nuit dernière, je lui ai demandé : « Tu crois que je devrais lui dire ? Tu crois qu’il
le ferait ? Qu’est-ce que tu en penses ? » L.35-37
e) Aiguiser la recherche du secret
- Il y en a qui ont deviné, ton père et ta mère, par exemple, j’en suis sûr ; mais la
seule personne à qui je l’ai vraiment dit, c’est elle, là, sur le buffet. L.11-13
- Bien sûr, dès qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en
occuper, tu comprends ? L.16-18
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Indices pour les questions 1 et 4 (J’étais en train de penser à elle…)
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- J’étais en train de penser à elle, là-bas, sur le buffet, déclara-t-il.
Je mis quelques secondes avant de comprendre ce qu’il voulait dire.
- Ça fait vingt ans aujourd’hui. Elle s’en est allée, elle m’a quitté il y a
vingt ans. Elle s’en allée, elle est morte dans mes bras. Elle était tout
pour moi. Et tu sais quoi ? Nous étions en plein milieu de quelque
chose que nous n’avons pas fini. Elle est tombée malade et elle est
morte. Elle n’aurait pas dû. Elle n’aurait jamais dû.
- - Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je.
Il me regarda en essayant de sourire.
- Tu es un brave petit. Quand j’y pense, tu es un peu comme elle, tu
sais. Tu laisses les gens tranquilles quand il le faut. Il y en a qui ont
deviné, ton père et ta mère, par exemple, j’en suis sûr ; mais la seule
personne à qui je l’ai vraiment dit, c’est elle, là, sur le buffet. Je le lui ai
dit avant de l’épouser, et elle m’a répondu que ça ne faisait rien, que
ce n’était pas ce qui comptait le plus chez quelqu’un. Il n’y a pas de
quoi avoir honte, disait-elle. Que son cœur soit béni. Bien sûr, dès
qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en
occuper, tu comprends ? Je veux dire qu’elle faisait tout pour moi. Et
j’avais toutes les excuses possibles : il y avait la ferme. Je travaillais
du matin au soir ; et les enfants à élever, les bouches à nourrir, les
traites à payer. Eh oui, j’avais toutes les excuses. Mais la vérité, c’est
que je m’en fichais. Puis, quand les enfants ont grandi et se sont plus
ou moins envolés du nid, elle m’a dit que nous avions le temps de
nous y mettre. Elle a dit que nous devrions nous asseoir ensemble
le soir, quand j’avais fini les travaux de la ferme, et commencer. C’est
ce que nous avons fait. A peine un mois plus tard, je me suis réveillé
un matin, et elle était toujours au lit à côté de moi. D’habitude, elle se
levait toujours avant moi, toujours. Et elle était froide, si froide ! J’ai
immédiatement compris qu’elle était morte. Un cœur fragile, m’a
expliqué le médecin. Elle avait souffert de rhumatisme articulaire
quand elle était petite. Je ne le savais pas. Elle ne me l’avait jamais dit.
Il me fit signe de m’asseoir en face de lui, et me regarda longuement,
fixement, avant de reprendre :
- Je lui parle toujours, tu sais. La nuit dernière, je lui ai demandé : « Tu
crois que je devrais lui dire ? Tu crois qu’il le ferait ? Qu’est-ce que tu
en penses ? » Elle m’écoutait, je le sais. Elle ne dit jamais rien, mais
c’est comme si je l’entendais m’écouter, comme si parfois, je
l’entendais penser. Et la nuit dernière, elle pensait : « Il est temps que
tu finisses ce que nous avons commencé. Ça ne sert à rien de rester
là assis le reste de tes jours à te lamenter sur ton sort. Demande-lui,
vieux grincheux. Au pire, il te dira non. »
Il se redressa soudain et me prit par le bras.
- Alors, tu veux bien ?
Je n’avais toujours pas la moindre idée de ce qu’il me demandait.
- Tu pourrais nous donner un coup de main à la ferme. Je te paierais, tu
sais, un vrai salaire d’adulte. Et peut-être que …
Il gardait les yeux baissés sur ses mains, triturant ses jointures. II semblait
avoir du mal à continuer.
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Et peut-être que tu pourrais me montrer, comme elle le faisait, elle.
J’apprendrais vite.
- Te montrer quoi ? Grand-père ? Demandai-je.
-
Le secret de Grand-père, Michael MORPURGO, Gallimard, 2001, pp.34-39
… Q1
… Q4
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Indices pour la question 3 (J’étais en train de penser à elle…)
1
5
10
15
20
25
30
35
40
45
- J’étais en train de penser à elle, là-bas, sur le buffet, déclara-t-il.
Je mis quelques secondes avant de comprendre ce qu’il voulait dire.
- Ça fait vingt ans aujourd’hui. Elle s’en est allée, elle m’a quitté il y a
vingt ans. Elle s’en allée, elle est morte dans mes bras. Elle était tout
pour moi. Et tu sais quoi ? Nous étions en plein milieu de quelque
chose que nous n’avons pas fini. Elle est tombée malade et elle est
morte. Elle n’aurait pas dû. Elle n’aurait jamais dû.
- - Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je.
Il me regarda en essayant de sourire.
- Tu es un brave petit. Quand j’y pense, tu es un peu comme elle, tu
sais. Tu laisses les gens tranquilles quand il le faut. Il y en a qui ont
deviné, ton père et ta mère, par exemple, j’en suis sûr ; mais la seule
personne à qui je l’ai vraiment dit, c’est elle, là, sur le buffet. Je le lui ai
dit avant de l’épouser, et elle m’a répondu que ça ne faisait rien, que
ce n’était pas ce qui comptait le plus chez quelqu’un. Il n’y a pas de
quoi avoir honte, disait-elle. Que son cœur soit béni. Bien sûr, dès
qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en
occuper, tu comprends ? Je veux dire qu’elle faisait tout pour moi. Et
j’avais toutes les excuses possibles : il y avait la ferme. Je travaillais
du matin au soir ; et les enfants à élever, les bouches à nourrir, les
traites à payer. Eh oui, j’avais toutes les excuses. Mais la vérité, c’est
que je m’en fichais. Puis, quand les enfants ont grandi et se sont plus
ou moins envolés du nid, elle m’a dit que nous avions le temps de
nous y mettre. Elle a dit que nous devrions nous asseoir ensemble le
soir, quand j’avais fini les travaux de la ferme, et commencer. C’est ce
que nous avons fait. A peine un mois plus tard, je me suis réveillé un
matin, et elle était toujours au lit à côté de moi. D’habitude, elle se
levait toujours avant moi, toujours. Et elle était froide, si froide ! J’ai
immédiatement compris qu’elle était morte. Un cœur fragile, m’a
expliqué le médecin. Elle avait souffert de rhumatisme articulaire
quand elle était petite. Je ne le savais pas. Elle ne me l’avait jamais dit.
Il me fit signe de m’asseoir en face de lui, et me regarda longuement,
fixement, avant de reprendre :
- Je lui parle toujours, tu sais. La nuit dernière, je lui ai demandé : « Tu
crois que je devrais lui dire ? Tu crois qu’il le ferait ? Qu’est-ce que tu
en penses ? » Elle m’écoutait, je le sais. Elle ne dit jamais rien, mais
c’est comme si je l’entendais m’écouter, comme si parfois, je
l’entendais penser. Et la nuit dernière, elle pensait : « Il est temps que
tu finisses ce que nous avons commencé. Ça ne sert à rien de rester
là assis le reste de tes jours à te lamenter sur ton sort. Demande-lui,
vieux grincheux. Au pire, il te dira non. »
Il se redressa soudain et me prit par le bras.
- Alors, tu veux bien ?
Je n’avais toujours pas la moindre idée de ce qu’il me demandait.
- Tu pourrais nous donner un coup de main à la ferme. Je te paierais, tu
sais, un vrai salaire d’adulte. Et peut-être que …
Il gardait les yeux baissés sur ses mains, triturant ses jointures. II semblait
avoir du mal à continuer.
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Et peut-être que tu pourrais me montrer, comme elle le faisait, elle.
J’apprendrais vite.
- Te montrer quoi ? Grand-père ? Demandai-je.
-
Le secret de Grand-père, Michael MORPURGO, Gallimard, 2001, pp.34-39
…
…
…
…
…
Créer un effet d’annonce entraînant une frustration chez le lecteur
Utiliser des substituts vagues
Placer le lecteur dans la peau de l’enfant (le narrateur)
Poser des questions sans réponse (éluder les questions)
Aiguiser la recherche du secret
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Evaluation
Chaque élève a répondu aux questions et exprimé des hypothèses argumentées se basant sur des
éléments du texte.
Remarques sur la séquence
Prolongements
1) Lecture à haute voix par le maître de la p.39 à la p.49 ( en fin de 2ème séance).
2) Lecture individuelle et personnelle de la p.49 à la p.59
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Œuvre étudiée
Le secret de grand-père
Source : Le secret de Grand-père, Michael MORPURGO, Gallimard, 2001
Activités : Lire un texte. Identifier les personnages, décrire des procédés d’écriture,
émettre des hypothèses sur la suite de l’ouvrage, relever des indices et argumenter
des réponses.
Consigne : Cherche dans le texte les réponses à ces questions.
Argumente tes réponses. Pour cela, surligne dans le texte et utilise les
numéros de lignes du texte.
Stéphane Boscher, école Pontrieux
J’étais en train de penser à elle…
1
5
10
15
20
25
30
35
40
45
- J’étais en train de penser à elle, là-bas, sur le buffet, déclara-t-il.
Je mis quelques secondes avant de comprendre ce qu’il voulait dire.
- Ça fait vingt ans aujourd’hui. Elle s’en est allée, elle m’a quitté il y a
vingt ans. Elle s’en allée, elle est morte dans mes bras. Elle était tout
pour moi. Et tu sais quoi ? Nous étions en plein milieu de quelque
chose que nous n’avons pas fini. Elle est tombée malade et elle est
morte. Elle n’aurait pas dû. Elle n’aurait jamais dû.
- - Vous étiez au milieu de quoi ? lui demandai-je.
Il me regarda en essayant de sourire.
- Tu es un brave petit. Quand j’y pense, tu es un peu comme elle, tu
sais. Tu laisses les gens tranquilles quand il le faut. Il y en a qui ont
deviné, ton père et ta mère, par exemple, j’en suis sûr ; mais la seule
personne à qui je l’ai vraiment dit, c’est elle, là, sur le buffet. Je le lui ai
dit avant de l’épouser, et elle m’a répondu que ça ne faisait rien, que
ce n’était pas ce qui comptait le plus chez quelqu’un. Il n’y a pas de
quoi avoir honte, disait-elle. Que son cœur soit béni. Bien sûr, dès
qu’elle est venue vivre avec moi, je n’ai plus eu besoin de m’en
occuper, tu comprends ? Je veux dire qu’elle faisait tout pour moi. Et
j’avais toutes les excuses possibles : il y avait la ferme. Je travaillais
du matin au soir ; et les enfants à élever, les bouches à nourrir, les
traites à payer. Eh oui, j’avais toutes les excuses. Mais la vérité, c’est
que je m’en fichais. Puis, quand les enfants ont grandi et se sont plus
ou moins envolés du nid, elle m’a dit que nous avions le temps de
nous y mettre. Elle a dit que nous devrions nous asseoir ensemble le
soir, quand j’avais fini les travaux de la ferme, et commencer. C’est ce
que nous avons fait. A peine un mois plus tard, je me suis réveillé un
matin, et elle était toujours au lit à côté de moi. D’habitude, elle se
levait toujours avant moi, toujours. Et elle était froide, si froide ! J’ai
immédiatement compris qu’elle était morte. Un cœur fragile, m’a
expliqué le médecin. Elle avait souffert de rhumatisme articulaire
quand elle était petite. Je ne le savais pas. Elle ne me l’avait jamais dit.
Il me fit signe de m’asseoir en face de lui, et me regarda longuement,
fixement, avant de reprendre :
- Je lui parle toujours, tu sais. La nuit dernière, je lui ai demandé : « Tu
crois que je devrais lui dire ? Tu crois qu’il le ferait ? Qu’est-ce que tu
en penses ? » Elle m’écoutait, je le sais. Elle ne dit jamais rien, mais
c’est comme si je l’entendais m’écouter, comme si parfois, je
l’entendais penser. Et la nuit dernière, elle pensait : « Il est temps que
tu finisses ce que nous avons commencé. Ça ne sert à rien de rester
là assis le reste de tes jours à te lamenter sur ton sort. Demande-lui,
vieux grincheux. Au pire, il te dira non. »
Il se redressa soudain et me prit par le bras.
- Alors, tu veux bien ?
Je n’avais toujours pas la moindre idée de ce qu’il me demandait.
- Tu pourrais nous donner un coup de main à la ferme. Je te paierais, tu
sais, un vrai salaire d’adulte. Et peut-être que …
Il gardait les yeux baissés sur ses mains, triturant ses jointures. II semblait
avoir du mal à continuer.
Stéphane Boscher, école Pontrieux
Et peut-être que tu pourrais me montrer, comme elle le faisait, elle.
J’apprendrais vite.
- Te montrer quoi ? Grand-père ? Demandai-je.
-
Le secret de Grand-père, Michael MORPURGO, Gallimard, 2001, pp.34-39
Stéphane Boscher, école Pontrieux