Edgar Allan Poe réunit la série B, la Nouvelle Vague et le Giallo

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Edgar Allan Poe réunit la série B, la Nouvelle Vague et le Giallo
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À Orsay, Edgar Allan Poe réunit la série B, la
Nouvelle Vague et le Giallo
Language French
DR
Une image de « House of Usher » de Roger Corman
Par Grégory Picard
Publié: 18 Mai 2012
Romancier crépusculaire du XIXème siècle, Edgar Allan Poe reste une influence majeure du cinéma
moderne. Dernièrement, Coppola le convoquait dans son film « Twixt », au détour d'une scène de
rêve aux côtés de Val Kilmer. Selon le cinéaste, la scène aurait été directement inspirée d'un de ses
propres rêves.
Avant de hanter Coppola, Poe, son aura et son écriture, ont singulièrement troublé des
contemporains tels que Manet, qui exécuta cinq gravures pour une édition limitée du « Corbeau » (à
la demande de Mallarmé), ou encore Debussy, qui laissa deux opéras inachevés inspirés par « Le
Diable dans le Beffroi » et « La Chute de la maison Usher ».
Afin de célébrer cette capacité de Poe à s'infiltrer dans l'esprit des autres, Orsay a eu la bonne idée
de programmer, au sein de l'exposition « Debussy, la musique et les arts », toute une série de films
hantés par cette ténébreuse figure du romantisme américain. « Rêver d'Edgar Allan Poe » comprend
une vingtaine de longs, moyens et courts métrages regroupant du cinéma hollywoodien de l'âge d'or,
de vieux films d'horreur à petits budget, quelques essais télévisuels estampillés Nouvelle Vague,
ainsi qu'un duo de maîtres de l'épouvante actuelle.
Si le cycle « Rêver d'Edgar Allan Poe » s'est ouvert sur la projection du film éponyme de Jean
Epstein, classique des classiques en matière d'expérimentations plastiques tous azimuts, évoquant
d'emblée le monde vacillant de Poe, Orsay proposera, le 18 mai, une toute autre version, un peu
moins connue des professeurs d'université, peut-être, mais tout aussi précieuse dans l'histoire du
cinéma de genre. Réalisé par Roger Corman, pape de la série B, maître à penser de Burton et
découvreur de Scorsese, « House of Usher H » est un petit film à gros budget suintant le gothique,
qui impose le flegme spectral d'un certain Vincent Price. Le film est aussi le premier d'un cycle
entièrement dédié à Poe (plus tard, Corman fera notamment tourner Jack Nicholson et Boris Karloff
dans une version burlesque du « Corbeau »). Pour prolonger la filiation, le court-métrage
« Vincent » de Tim Burton viendra, le même soir, rendre un hommage appuyé à Vincent Price, et à
travers lui, aux films de Corman.
L'écriture de Poe est une mine pour cinéaste, puisqu'elle s'inscrit tout à la fois dans le genre policier,
la science-fiction et l'épouvante, tout en se nimbant d'un mystère permanent, et de l'illusion propre
aux origines mêmes du septième art. La programmation du Musée d'Orsay le démontre avec brio,
en proposant à la fois des films « intellectuels » se jouant des apparences, ainsi que des perles du
cinéma bis ou du giallo, plus immédiatement liées à de pures sensations plastiques, proches
d'hallucinations consenties.
Le 26 mai, une étude de Poe par Rohmer pour la télévision scolaire dévoilera deux films - l'un
consacré à l'étude de l''écrivain en question, l'autre, reprenant sa nouvelle « Bérénice », tourné et
interprété et par Rohmer lui-même, mais présenté comme l'oeuvre obscure d'une cinéaste anglais
nommé Dirk Peters... Suivra la version, facétieuse et grotesque, du « Système du Docteur Goudron
et du Professeur Plume », réalisée par Chabrol pour FR3 en 1981, ou l'adaptation barréeopportuniste de « La Puissance de la parole » par Godard, un dialogue métaphysique répondant à
une commande de France Télécom, entrecoupé d'images de volcans en éruption.
Pour conclure en beauté horrifique cette programmation multidirectionnelle (le 27 mai), « Deux
Yeux maléfiques » réuniront deux géants de l'épouvante. George Romero et Dario Argento avaient
déjà travaillé ensemble sur « Dawn of the Dead ». En 1990, ils signent un duo d'adaptations de Poe,
afin de mieux revenir à leurs obsession respectives. Dans « la Vérité sur le cas de M. Valdemar »,
Romero se place comme toujours du côté du zombie revanchard. Argento, quant à lui, plonge dans
la nouvelle « Le Chat noir » pour enchaîner, à l'écran, des meurtres comme autant de références aux
autres nouvelles de Poe.