Poulenc - Mélodies pour soprano et orchestre

Transcription

Poulenc - Mélodies pour soprano et orchestre
Francis Poulenc
(1899-1963)
Deux Poèmes de Louis Aragon
Toréador (texte de Jean Cocteau)
Fleurs promises (texte de Louise de Vilmorin)
Lune d'Avril (extrait de la Courte Paille d’après Maurice Carême)
Francis Poulenc composa près de 150 mélodies, qui représentent un legs essentiel
dans l'histoire de la musique française du XXe siècle. Le musicien est un “amoureux”
des mots, un gourmet du parler. Il s'imprègne de la psychologie des phrases, des
sentiments les plus fugitifs des phrases de Cocteau ou d'Aragon, tout comme
Schubert a glissé les timbres du piano entre les vers de Goethe.
Libre de tout style, mais les maniant tous, le musicien compose ses mélodies en
peintre. Il ne s’impose aucune règle. Il absorbe les respirations, se focalise sur un
ou deux vers qui l'attirent et dont découlent progressivement l'ensemble des
strophes : « La transposition musicale d'un poème doit être un acte d'amour, et
jamais un mariage de raison » affirme-t-il. On ne peut mieux dire.
C et Fêtes Galantes évoquent, sur les vers d'Aragon, avec pudeur puis ironie, le
Paris de l'Occupation. Temps suspendu pour le premier poème dont la mélodie
glisse sur les flots de la Loire, cheminant dans la débâcle de 1940. Quel
contraste avec “les marquis sur les bicyclettes” des Fêtes Galantes ! Voici l'une des
pages les plus alertes et brèves de Poulenc, composée en 1943. Il s'amuse avec
cruauté de ce petit monde parisien qui, quoi qu'il arrive, s'arrange de tout.
Toréador prête le flanc à toutes les critiques. C'est la chanson de boulevard
dans le style de Je te veux de Satie ou des pièces de Chabrier. Le surréalisme de
Cocteau associe plaisanterie et music-hall. Peut-on imaginer Pépita, reine de
Venise, convoitée par les toréadors, puis la présence d’un taureau sur la Place
Saint-Marc et enfin cette Carmencita offrant son corps au plus vieux doge de
Venise ? Devant une telle provocation (nous sommes en 1918 et tout s'explique
mieux) Bizet, lui-même doit se retourner dans sa tombe !
La mise en musique du cycle Fiançailles pour rire rend hommage à l’auteur des
poèmes, Louise de Vilmorin, retenue alors en Hongrie alors que la guerre vient
d’éclater. Fleurs, la sixième et dernière mélodie prend vie dans une touchante
atmosphère. Les accords réguliers de l’accompagnement semblent égrener le
temps de l’attente.
Lune d’Avril est extrait du recueil La Courte-Paille. Le septième et dernier poème
d’après Maurice Carême referme, en 1960, le catalogue que le musicien a
consacré à la mélodie. L’œuvre est un doux adieu (mon dormant… lointain
comme un cor… réveille les morts…), simple et d’une nostalgie immobile, tragique,
aussi peut-être.
A LIRE
Hervé Lacombe, Francis Poulenc (éditions Fayard, 2013)
Jean Cocteau, Le Coq et l’Arlequin (éditions Stock Musique, 1979)
Francis Poulenc, Journal de mes mélodies (éditions Cicero, 1993
Stéphane Friédérich