Orry-la-Ville dans l`histoire

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Orry-la-Ville dans l`histoire
 Orry-la-Ville dans l’histoire …
Une esquisse historique du 11ème au 16ème siècle
Par Gabrielle Hiltmann (Janvier 2001)
Sources
Les archives et documents municipales d’Orry-la-Ville ne se trouvent ni dans les Archives
Départementales de l’Oise (Ils n’y sont même pas enregistrés et devraient par conséquent
se trouver à la mairie) ni à la mairie d’Orry-la Ville. Que faire face à ce manque des
documents indispensables pour retracer l’histoire de ce bourg? Il y a la possibilité d’une
approche en biais. La commune Orry-la-Ville comprenant Montgrésin et jusqu’au 13e
siècle aussi La Chapelle-en-Serval appartenait d’abord au domaine royal et plus tard au
Chapitre de Senlis. II est alors possible de retrouver les actes et documents concernant les
relations du Chapitre avec Orry-la-Ville dans les archives du Chapitre conservés aux
Archives Départementales de l’Oise à Beauvais. Le bourg avait en plus un voisin
important, l’Abbaye de Chaalis qui possédait la Grange de Commelles. Là encore il est
possible de trouver des documents concernant Orry-la-Ville par le biais des contacts et
transactions de la commune avec l’Abbaye de Chaalis. Les archives de l’Abbaye sont, eux
aussi, dans les Archives de l’Oise à Beauvais.
Quelques informations sur Orry-la-Ville se trouvent d’ailleurs dans «l’Annuaire statistique
et administratif du département de l’Oise et du diocèse de Beauvais » de 1841.
Les recherches de E. Dupuis et G. Macon fin 19ème début 20ème siècles concernant le
hameau de Montgrésin et l’Abbaye de Commelles apportent des informations importantes
pour situer la vie socio-historique du bourg Orry-la-Ville. Plus récemment, en 1989,
François Blary a retracé l’histoire du domaine de Chaalis publié dans un livre très bien
documenté. Là encore nous trouvons des renseignements précieux sur les Granges de
Commelles et de La Chapelle-en-Serval.
Esquisse de l’histoire
Situation et premières références: domaine royal
Le bourg Orry-la-Ville est situé dans le bassin de la Thève, anciennement nommé le pays de
France, à une distance d’environ 40 km c ‘est-à-dire de huit heures de marche à pied de
Paris juste à côté de l’ancienne voie romaine Paris - Senlis, devenue voie royale de Paris en
Flandres qui passait par La chapelle-en-Serval. L’origine du bourg est gallo-romaine. Elle est
probablement liée à l’existence du grés d’une excellente qualité à Montgrésin. Orry-laville n’est pas construite suivant une rue principale. Il y a sous-jacent à la construction de
cours autour d’un puits commun la trame en échiquier des villes romaines avec deux voies
vers Montgrésin qui signifie la montagne du grés. La trame de
cette ancienne agglomération se fait toujours sentir dans
l’agencement du bourg actuel.
Consécutive à la poussée démographique des 11ème et 12ème
siècles et suite à des facteurs économiques et politiques
favorables, il y a une multiplication de paroisses dans l’Oise. La
construction de l’église paroissiale et la fondation du bourg fin
11ème début 12ème se situe dans ce contexte socioculturel.
Eglise d'Orry la Ville du XI XII siècle
Orry-la-Ville était une des premières paroisses du diocèse de
Senlis.
* Association pour la Protection des Sites d’Orry la Ville Montgrésin *
Orry dans l’Histoire, une esquisse historique du 11ème au 16ème siècle de G Hiltmann
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La trame des villes et villages du moyen âge est mise en place aux époques mérovingienne
et carolingienne avec un cadre politico-social différent des villes romaines, ce sont le
cimetière, l’église et le château qui structurent la vie des habitants. En regardant le plan
Napoléon d’Orry-la-Ville nous notons une spécificité: les quartiers du centre ville entourant
l’église ne sont pas orientés vers celle-ci, mais forment des cours autonomes avec les
maisons et artisanats construits autour d’un puits commun.
Avec l’élection de Hugues Capet en 987 le comté de Senlis est rentré dans le domaine de
la couronne. Par conséquent Orry-la-Ville faisait partie au 11e siècle du domaine royal.
La reine Adélaïde de Savoie, épouse de Louis le Gros, a donné la maison royale d’Orry
avec ses dépendances au monastère de St. Rémi de Senlis, d’où elle est entrée dans le
domaine du chapitre cathédral qui a hérité de cette abbaye.
Une charte datée de ce lieu le 5 mai 1070 concernant une donation d’un moulin au
prieuré de Saint-Martin-des-Champs par Philippe 1er est la première référence au bourg.
Il y aurait même eu des monnaies frappées à Orry-la-Ville! Dans les bourgs et villages du
domaine royal le roi était représenté par un maire qui avait le devoir de centraliser les
impôts du bourg et de les verser au prévôt. Le maire avait d’ailleurs le droit de transmettre
son office à ses enfants. Il serait intéressant de savoir à partir de quand le poste de maire
était institué à Orry-la-Ville !
Les voisins: Le Chapitre de Senlis — l’Abbaye de Commelles
Suite à la donation de la reine Adélaïde le domaine d’Orry-la-Ville fait partie de la
propriété du Chapitre de Senlis. Un document de 1097 concerne le moulin d’Orry
appartenant en copropriété au Chapitre de Senlis et à Eudes de Gonesse.
Ses descendants seront à partir de 1188 les seigneurs de Montgrésin. Le Chapitre NotreDame de Senlis et la famille de Gonesse /Montgrésin possédaient des biens étendus à
Orry-la-Ville. On trouve d’ailleurs un grand nombre de documents repérant des litiges
entre les habitants d’Orry et leurs voisins — la famille de Montgrésin et les frères de
l’Abbaye de Commelles — concernant la délimitation de droits de pâturage ou de bois par
exemple, ou encore de passage public. Une charte de 1171 concerne le partage du pré
entre les habitants d’Orry et les frères de Commelles. E. Dupuis relate que les chanoines
et Renaud de Gonesse accordaient devant l’évêque Geoffroy de Senlis aux habitants
d’Orry-la-Ville un droit de pâturage en tant que bien commun des prairies au-dessus de
l’étang sans redevance future ainsi qu’un droit de passage public de la chapelle St. Rieul
au moulin. (1). L’existence très ancienne de la chapelle située près du cimetière d’Orry-laVille qui a disparu au 15ème siècle, est attestée par un document de 1250.
Le voisinage avec la Grange de Commelles donnait lieu à des contacts économiques
importants ainsi qu’à des querelles régulières avec les bourgeois d’Orry-la-Ville. Les terres
de Commelles, achetés auparavant à Guillaume de Mello, sont données par Louis le Gros
en 1136 â l’Abbaye de Chaalis qui y construisait en 1151 une grange (Graugiam de
Cumeles), c’est-â-dire une ferme entretenue par des frères laïques de l’ordre des
Cisterciens. Les fondements de l’immeuble subsistant datent probablement du début du
13éme siècle. De la tuilerie, construite entre 1204 et 1210, nous reste toujours la grande
cheminée située à l’intérieur du domaine de Commelles. Les frères ne produisaient pas
que des tuiles mais aussi des dalles et d’autres objets en terre cuite. Les étangs ont été
crées dans la première décennie du 13e siècle (voir deux chartes de 1204 et 1208
concernant un vivier). L’ensemble ne formait au début que deux étangs, qui étaient divisés
plus tard. Les étangs actuels 3 et 4 appartenaient au roi, qui les a donnés à l’abbaye de la
Victoire (la charte de fondation date de 1223).
(1) Dupuis, Montgrésin, p. 4.
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En 1293 ils étaient vendus à Pierre de Chambly, seigneur de Viarmes. En plus il y avait
un four verrier appartenant â Commelles dont l’emplacement est inconnu.
Il se trouvait éventuellement dans la forêt de Coye à la limite du bois de Luzarches à
l’endroit nommé « Verrerie ». (2)
Les moines exploitaient d’ailleurs les carrières de Montgrésin (la champignonnière actuelle)
près du domaine de Commelles et brûlaient de la chaux dans un four. — La qualité de la
pierre de Montgrésin était déjà connue des romains comme le nom l’indique!
Les donations de terres comme celles de Commelles ou les fondations de monastères par
les rois faisaient partie du développement économique et culturel du pays. Par ces
donations les communautés religieuses devenaient les propriétaires les plus importants
de la région. Cette politique de la valorisation des monastères était entrepris par le roi
avec le but de limiter le pouvoir de l’aristocratie, étroitement liée avec la royauté.
Entre le 10e et le milieu du 13ème siècle l’Oise et en particulier le comté de Senlis sont au
cœur du royaume français.
«L’exiguïté du royaume permit à toute l’aristocratie régionale, laïque et ecclésiastique,
d’occuper des fonctions importantes; elle contribue directement à l’essor de leurs terroirs
locaux et à l’enrichissement de leurs lignages (les Bouteiller par exemple), et par le biais
des activités qu’elle crée ou qu’elle contrôle, d’accroître la prospérité d’une population
importante d’où se dégagent, parmi les nombreux petits propriétaires terriens, les ‘coqs de
village’. En milieu urbain émergent une petite bourgeoisie commerçante dynamique et un
artisanat actif » (3).
Revenons à Orry-la-Ville. Guy III le Bouteiller (son nom indique sa position à la table du
roi) légua au chapitre vers 1187 tout ce qu’il possédait à Orry et à la Chapelle en mémoire
de son frère Pierre Hermite qui en était le propriétaire. En 1188 le chapitre céda à Rénaud
de Gonesse une terre sise près d’Ory (sic), entre le bois de Montgrésin et le vivier de
Commelles pour une rente de 7 sols parisis.
Un bourg prospère
L’Oise était ce temps-ci un pays prospère avec une population d’artisans et de paysans
dense, habitant dans multiples villes, bourgs, villages et hameaux.
Qu’est-ce qui se passe dans le bourg Orry-la-Ville ce temps-ci? Nous en savons un peu
plus que des périodes antérieures et postérieures grâce à plusieurs contrats avec le
Chapitre de Senlis. Les nombreux actes de vente de maisons et de droits laissent supposer
qu’ Orry-la- Ville jouissait de la prospérité du royaume. Ces maisons étaient probablement
construites en pan de bois. Regardons les documents: Une charte de 1203 atteste une
donation au Chapitre de Seuils par Guidon un habitant d’Orry-la-Ville avec le
consentement de sa femme.
Un autre acte de 1203 entre Raoul Cocatrix et Cécile sa femme et l’Abbaye de Chaalis,
mentionne le chemin du cimetière au moulin d’Orry. La partie de ce chemin appartenant à
Raoul Cocatrix est donnée par lui â l’Abbaye. Jean de Corbeil et Amicien sa femme
habitant Orry donnent en 1209 leurs droits dans le bois d’Orry au Chapitre de Senlis.
En 1227 la dîme d’Orry était vendue par Raoul de Roberval au Chapitre avec l’approbation
de Raoul de Senlis. En 1245 Yves d’Orry et autres renoncent aux droits concernant un
morceau de terre entre l’église St. Rieul et le bois de Pinéval.
(2) Blary, p. 55.
(3) Durand, p. 142.
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Cette terre avait été donnée à l’abbaye par Ervendis d’Orry. En décembre 1258 dans un
litige entre les habitants d’Orry et l’abbaye de Chaalis, les arbitres choisis des deux
parties décident, que les habitants d’Orry avaient le droit de faire pâturer leurs bœufs,
vaches, taureaux et veaux dans les bois situés entre la rivière de Montgrésin, la ville
d’Orry et Hérivaux à l’exception du bois de l’Alleu. Ils n’avaient aucun droit de pâturage de
l’autre côté de la rivière.
Concernant un litige avec la Grange de Commelles, le Chapitre de Senlis décrit en février
1259 un vidimus confirmant un droit de pâturage des habitants d’Orry dans les bois de
l’Abbaye de Chaalis. En janvier 1271 Robert Jeslent d’Orry et sa femme Roès vendent à
l’abbaye de Chaalis un pré situé entre la grange de Commelles et le moulin d’Orry.
L’officialité de Senlis confirme en 1276 la vente par Renaud d’une maison sise à Orry aux
doyens et au Chapitre. En février 1277 Renaud Cluignet, écuyer, et Emmeline, sa femme,
ont vendu au Chapitre les biens suivants une maison sise à Orry, touchant aux champs
et 46 arpents de terre en plusieurs pièces (suit la description exacte des lieux), tout pour
470 livres parisis. Une Charte de 1299 atteste la vente d’un manoir à l’entrée du bourg
Orry-la-Ville du côté de Senlis pour 100 livres parisis par Pierre Pinet, dit Lagrue, à
Berthaud de Grandville, doyen du Chapitre.
Des changements socioculturels
L’intérêt que les rois de France portaient au développement des villes et bourgs de l’Oise
(entre autre pour contrebalancer le pouvoir de l’aristocratie) est saisissable dans les
chartes des droits d’émancipation pour les villes ainsi que dans les chartes de libertés
parcimonieuses aux bourgeois des villes. Senlis a reçu sa charte de liberté communale en
1173. Les liens entre les rois et les évêques de Senlis sont étroits. Regardons par exemple
la charte de Geoffroy, Evêque de Senlis, datant de 1196 qui confirme la vente d’une table
dorée du grand autel de la cathédrale avec le consentement du roi Philippe Auguste au
prix de 160 livres parisis pour l’achat des dîmes de Montgrésin. Les dîmes devaient être
déposées â l’Abbaye de Chaalis pour racheter une table du même prix.
Le baillage de Senlis est construit sous Philippe Auguste. C’est un des quatre grands
baillages du royaume. Un fait qui démontre l’importance de cette ville. Au 11ème et 12ème
siècle le domaine royal comprenant la Picardie, l’Oise et l’Ile de France avec Paris est
menacé à l’ouest par les anglo-normands d’une part et à l’est par les empereurs allemands
d’autre part.
Pendant la deuxième moitié du 13ème siècle l’intérêt des rois de France se déplace vers le
sud de la France. A ce désintérêt des rois de la France pour leur ancien pays il y à une
exception, c’est Louis IX. Blanche de Castille, la mère de ce saint roi, possède le Valois en
douaire. Son fils fait de nombreux séjours à Compiègne, Crépy, Senlis et Creil. Il offre
d’ailleurs la très belle Vierge au Sabot d’Argent à l’église St. Jacques de Compiègne.
Robert, un de ses fils, possède de 1269 à 1318 les seigneuries de Creil et Clermont.
A partir de 1223 Louis VIII tourne ses efforts expansionnistes vers d’autres régions en
particulier le sud de la France et visite peu le nord de son domaine. Par conséquent
l’aristocratie laïque et cléricale de la région perd de l’influence et ses prérogatives, par
exemple celui du monnayage épiscopal des évêques de Beauvais et de Noyon. Il ensuit un
endettement progressif à partir du premier tiers du XIII siècle. Les familles ne peuvent
plus garder leurs charges privilégiées inamovibles, par exemple celle de bouteiller du roi
tenue par les descendants de Guy 1er de la Tour, seigneur de Senlis du 11ème au 14ème
siècle. Il y a là des raisons pour l’affaiblissement administratif et économique de la région
qui ont facilité l’éclatement de la guerre de cent ans.
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Au 14ème siècle la vie devient plus difficile dans l’Oise. Suite à des changements
climatiques perceptibles dans toute l’Europe et surtout dans le nord, l’agriculture
rapporte moins. A la suite de plusieurs années de mauvaises récoltes il y a entre 1305 et
1317 des famines. Entre 1323 et 1344 ainsi qu’entre 1348 et 1350 la peste ravage la
plaine de France au sud de Senlis. Les rois incitaient les serfs à acheter leur liberté par
des impôts supplémentaires pour ceux qui restaient dans leur condition soumise. Notons
que s’acheter la liberté devenait de plus en plus cher : L’achat de la liberté coûte les serfs
sous Louis LX (fin 12ème début 13ème siècle) 5% de leurs revenus, sous Philippe le Bel un
siècle plus tard 33%! Malgré les coûts élevés pour les personnes concernés,
l’émancipation des serfs est accomplie au 14ème siècle.
La guerre des cent ans (1339-1453)
Suite au désintérêt royal et aux difficultés économiques les fortifications dans l’Oise se
dégradent. Le dauphin Charles le constate en 1357 lors d’une visite en Oise et Picardie.
L’année suivante les Anglais s’installent à Creil. La ville devient leur quartier général pour
la conquête de l’Oise qui est systématiquement pillé. Seul la rive gauche de l’Oise reste
française. Les impôts excessifs incitent les paysans ainsi que les travailleurs dans les
carrières entre Creil et Boran de se révolter. Des centaines de châteaux sont pillés. En
1358 l’aristocratie s’impose cruellement.
Les causes de la révolte sont à trouver dans la dégradation du niveau de vie pendant la
guerre de cent ans:
suite à une inflation de produits manufacturés et des salaires
suite à une pénurie de main d’œuvre, consécutive à l’épidémie de 1348
suite à la dévaluation des produits agricoles
suite à la dégradation monétaire.
La guerre des cent ans se poursuit. Une partie de l’aristocratie et de la bourgeoisie
navigue entre les deux camps (français et anglais) selon leurs intérêts. Senlis a pris le
parti des Bourguignons (les alliées des Anglais). En 1417 elle résiste au siège des
Français.
En 1420 le nombre d’habitants de l’Oise a diminué d’un tiers. A la fin de la guerre ne
subsistent qu’un tiers de la population. Il y a des ravages, des pillages, de la torture, des
viols et la peste réapparaît. «Un seul havre de paix (dont Orry-la-Ville fait partie ) se situe
entre Creil et Crépy, malgré le vicomte de Breteuil qui s’obstine à résister dans le Château
de Chantilly ». L’Anglais Huntington, descendant de Simon de Senlis, de la famille des
Bouteiller, émigré en Angleterre au début du 12ème siècle « conserve un attachement
particulier pour la patrie de ses ancêtres (..) il rétablit un ordre relatif lève des impôts
raisonnables et ramène un semblant de prospérité.
Des trêves sont négociées aux moments des semailles et des récoltes ». Lors de l’arrivée
des troupes françaises conduites par Jeanne d’Arc, « les paysans se sauvent, préférant la
protection des Anglais » (4).
Aux 14ème et 15ème siècles la bourgeoisie acquiert des biens immobiliers importants à la
campagne et se substitue dans le domaine de la noblesse.
Les paysans illettrés sont exploités par la bourgeoisie suite à la diminution de la
population par la peste ainsi que de la guerre et suite à la hausse des salaires. Ils arrivent
à subsister par des travaux de main d’œuvre.
(4)
Durand ,p. 158
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Une partie des terres auparavant cultivées retournent à la friche. De nombreux villages
disparaissent. Des paroisses sont rattachées à d’autres. « A partir du 15ème siècle, la vie
quotidienne, les mœurs et les mentalités se figent dans un conformisme étriqué, stérile,
qui laisse peu de place à l’imagination créative. (.. .) Les femmes verront leur condition
sociale et leur rôle dans la vie active se dégrader fortement dès la fin du 13ème siècle. » (5).
Les dégâts de la guerre et la reconstruction
Qu’est-ce qui se passe à Orry-la-Ville pendant ce temps ? Le peu de documents confirment
la description de l’état général du pays. Les installations d’artisanat se dégradent et
tombent hors usage. Par exemple les carrières de Commelles ( mise en place par les frères
Cisterciens) sont selon un document du 28 janvier 1401 qui donne l’ensemble des biens de
la grange, hors usage. Fin 14ème début 15ème siècle le domaine n’était plus exploité par les
moines mais loué.
Après la guerre des cent ans le pays est en ruines. La population a fui et est décimée. Ce
n’est que fin 15ème qu’il y a un lent repeuplement Les activités artisanales et commerciales
sont inexistantes. Il y a des bandes de pillards. La terre est dévalorisée faute de personnes
qui la travaillent. Suite à la guerre de cent ans Charles d’Orléans et Louis XI
mettent en place des réductions et des exonérations d’impôts pour la population qui veut
s’installer dans le pays dépeuplé. Ils confirment les droits d’usage en forêt et en matière de
pacage, des droits de réutilisation des pierres des châteaux ruinés pour la reconstruction
des habitations. La remise économique se fait Mais il y a une nouvelle guerre civile avec le
duché de Bourgogne. L’effort de 20 ans de reconstruction est annihilé. Trente ans après la
fin de la guerre de cent ans, le pays est à nouveau en misère.
80% des 650 édifices gothiques en Picardie sont restaurés ou reconstruits fin 15ème début
16ème siècle. Malgré les importants travaux de reconstruction et de rénovation des
destructions de la guerre, les cathédrales, abbayes et châteaux ainsi que les villes pillées et
brûlées ne retrouvent plus les splendeurs et la beauté ainsi que l’importance du 13ème siècle.
Les restaurations et reconstructions après la guerre des cent ans sont bien visibles à la
cathédrale de Senlis, par exemple le portail nord avec la salamandre, l’insigne de François
1er , qui a offert de sommes considérables pour ces travaux, ou encore à l’intérieur les
parties sud dans le style flamboyant.
La reprise économique et sociale a aussi lieu à Orry-la-Ville. La carrière de Commelles est
réouverte en 1514. Ce fait est confirmé par un bail de Guillaume de Montmorency à Bernard
Aubel, carrier à Pontarmé le 4 février 1514.
Six ans plus tard, le 1er décembre 1520, on réinstalle le four à chaux situé hors les murs du
domaine de Commelles.
L ‘emplacement exact est probablement saisissable par l’indication «Fontaine du Chauffour»
sur le plan Napoléon d ‘Orry-la- Ville (6). Cette activité est d’ailleurs confirmée par un autre
bail datant de l’année 1538.
Le patrimoine architectural du bourg Orry-la-Ville
Avec la reprise des activités dans la carrière de Montgrésin et du four à chaux début du 16e
siècle les bourgeois d ‘Orry-la- Ville ont la matière brute pour la reconstruction de leur ville
sous les mains.
(5)
(6)
Durand, p. 190
Blary, p. 53.
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Les maisons sont en moellons assisés, c’est-à-dire taillés « pour enlever les aspérités
pouvant gêner la pose » (7). Le procédé est plus coûteux que l’utilisation de simples moellons.
C’est un indice que les habitants d ‘Orry-la- Ville
avaient les moyens d ‘investir dans leurs maisons. La couleur de la pierre est d’un très beau
jaune lumineux. Les emplacements et dimensions des maisons reprennent les anciennes
constructions du moyen âge probablement en pan de bois qui constituaient une cour autour
d’un puits commun avec les ruelles et rues tordues. La logique de la construction n’est pas
encore soumise à l’angle droit. Lors d’une promenade dans le centre ville on voit d’ailleurs
partout des angles arrondis et des écarts. Les inégalités de la construction (les écarts, les
angles arrondies, les murs en courbe) des maisons, cours et rues font la qualité et le charme
du bourg Orry-la- Ville. L’utilisation de cellules de base de 4 fois 6 mètres qu’on peut répéter
plusieurs fois établit une certaine cohérence. Ces mesures standard sont « déterminés par la
longueur possible des bois utilisés pour les poutres et les solives » (8).
Malgré leur aspect cohérent, les maisons sont chacune différente et adaptée aux données
concrètes de l’emplacement. On remarque par exemple un sens bien développé pour la mise
des ouvertures qui laissent pénétrer la lumière. L’emplacement sur la façade des fenêtres de
taille différente est souvent non symétrique. Là encore nous sommes loin du règne de la
symétrie de l’architecture classique qui donne son empreinte aux bâtiments à partir du 17ème
siècle.
L’orientation des maisons avec un coin direction nord (solaire bien sûr, et pas nord polaire)
permet une excellente exposition au soleil de toutes les façades et une protection du vent
froid venant du nord. Cette mise en place des maisons ( bien visibles sur le plan Napoléon,
mais aussi sur les cadastres actuels ) a façonné l’emplacement des cours communes ainsi
que des rues et ruelles d’Orry-la-Ville. On voit d’ailleurs sur le plan Napoléon que les jardins
étaient séparés des maisons. C ‘est un indice qu’il s’agissait d’ une petite ville avec des
maisons de ville à étage et des artisanats et pas d’ un village paysan. Les maisons à étage
sont rares à la campagne avant la fin du 19ème siècle. Par contre « (…) l’architecture des
villes et des bourgs comprenait depuis le Moyen Age des constructions à étage » (9).
L’ensemble des maisons anciennes en pierre d’Orry-la-Ville ( la plupart à un étage) constitue
un bel exemple de la construction bourgade ancienne.
En ce qui concerne le lavoir, il est à remarquer qu’il est construit
à l’emplacement du jaillissement d’une source et pas jouxte une
rivière comme il est l’usage dans les villages de l’Oise. La
facture du bassin ainsi que de la voûte du captage de la source
laissent supposer la construction en 16éme ou 17ème siècle.
Les très belles caves voûtées aplaties au milieu de l’hémicycle
selon le savoir-faire des constructions de la renaissance — à
Source et bassin du lavoir d'Orry
voir par exemple dans la Maison du fontainier au 68
arrondissement à Paris construite par Marie de Médicis confirment l’hypothèse de la
construction des maisons d ‘Orry-la- Ville au long du 16ème siècle. Il y a d’autres indices qui
attestent la construction au 16ème siècle de ces maisons en pierre du centre ville:
A l’intérieur des maisons les escaliers en pierre de liais de Senlis (très rares)— montant à
l’étage et descendant à la cave sont à remarquer.
(7) Bayard, p. 32.
(8) Bayard, p. 17.
(9) Calame, p. 84.
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Les murs extérieurs ont souvent une épaisseur de 60cm, visibles aux enceintes des fenêtres
et des portes.« Noter que les solivages d’avant le XVIIIème siècle étaient de fortes sections,
jusqu’à 15cm, et les entrevous de 20 à 30cm fréquents (10). Les solives visibles à l’intérieur
des maisons sont régulièrement de fortes sections de 15 à 18, exceptionnellement même de
22cm, avec des entrevous de 25 à 27cm.
« Dans la charpente ancienne on sentait encore l’arbre [choisi sur pied], le travail à la main
et l’habileté de l’homme dans l’équarrissage, la taille et l’assemblage des bois. (11)
Cette présence de l’arbre se sent dans ces maisons anciennes. Regardons les fortes poutres
au rez-de-chaussée, à I ‘étage et surtout les charpentes des toits visibles à l’ intérieur aux
greniers et de dehors aux torsions des toitures.
L’ensemble des maisons répertoriées sur le plan Napoléon (fin 18ème, début l9ème siècle) c’està-dire construites entre le 16ème et le 18ème siècle forment un ensemble précieux qui doit être
sauvegardé! Avec ses constitutions de cours autonomes autour d’un puits commun Orry-LaVille est un exemple rare de la construction bourgade dans 1’Oise.
Il est à nous les habitants actuels d’Orry-la-Ville de préserver l’ensemble de ce
patrimoine architectural du centre ville
Gabrielle Hiltmann (Janvier 2001)
(10)
(11)
Bayard ,p. 131
Bayard ,p. 71
Gabrielle Hiltemann historienne au CNRS, a demeuré à Orry La Ville (impasse Grande
Cour) durant trois années avant qu’elle ne regagne en 2001 la Suisse, son pays natal.
Durant son bref séjour à Orry la Ville, cette passionnée d’histoire c’est tout naturellement
intéressée au passé de cette commune d’accueil pour entreprendre rapidement
d’importantes recherches hélas trop rapidement interrompues par son départ.
Adhérente de l’APSOM dès son arrivée à Orry la Ville, elle a tenu à marquer son
attachement et tout son intérêt qu’elle avait accordée alors à l’Association, pour lui remettre
son exceptionnelle « esquisse historique sur Orry la Ville » rejoignant ainsi, le fond d’archive
de l’APSOM sur le passé Orrygeois et sa région, accessible dorénavant sur le site de
l’APSOM .
APSOM - HR Juillet 2009
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* Association pour la Protection des Sites d’Orry la Ville Montgrésin *
Orry dans l’Histoire, une esquisse historique du 11ème au 16ème siècle de G Hiltmann
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Références: (1 à 11)
Annuaire statistique et administratif du département de 1‘Oise et du diocèse de Beauvais,
(sans lieu) 1841
Archives Départementales de l’Oise Répertoire numérique. Série G (Chapitre de Senlis) et H
(Clergé régulier) Amiens 1948, réimprimé Noailles 1997
Bayard, Mine et Raymond Les maisons paysannes de l’Oise, Paris 1995
Blaiy, François : Le domaine de Chaalis XII éme –XIV éme siècle, Paris 1989
Calame, François: L ‘architecture rurale française. Picardie: corpus des genres, des types et
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Dupuis, E. : Le Hameau de Montgrésin, Senlis 1897
E. Dupuis et G. Macon : Historique du domaine de Cominelles, Senlis 1904
Durand, Marc : De l’avènement de Hugues Capet au siège de Beauvais (987 1472), dans :
L‘Oise de la préhistoire à nos jours, direction M. Le Clerc, Editions Bordessoules, St. JeanD’Angély 1990
Lemaire, Robert : De la fin du moyen Age (1453) à la veille de la Révolution (1788), dans :
L‘Oise de la préhistoire à nos jours, direction M. Le Clerc, Editions Bordessoules, St. JeanD’Angély 1990
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* Association pour la Protection des Sites d’Orry la Ville Montgrésin *
Orry dans l’Histoire, une esquisse historique du 11ème au 16ème siècle de G Hiltmann
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Orry-la-Ville dans l’histoire … Une esquisse historique du 11ème au 16ème siècle de
Gabrielle Hiltmann (Janvier 2001) photos complémentaires Heinrich Roland (2009)
©APSOM/HR Juillet 2009 - http://apsom.perso.neuf.fr - [email protected] * Association pour la Protection des Sites d’Orry la Ville Montgrésin *
Orry dans l’Histoire, une esquisse historique du 11ème au 16ème siècle de G Hiltmann
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