La réduction de la iatrogénie d`un AVK est poss
Transcription
La réduction de la iatrogénie d`un AVK est poss
LA RÉDUCTION DE LA IATROGÉNIE D'UN AVK EST POSSIBLE Henri BOCCALON - Médecine Vasculaire - CHU Rangueil PLAN 1. État actuel : c'est la iatrogénie la plus lourde 2. Expériences d'autres pays : exemples d'améliorations encourageantes 3. Une proposition de Cliniques des AntiCoagulants (CAC) en France 4. Situations pratiques améliorables 5. Perspectives État actuel : c'est la iatrogénie la plus lourde Dans le domaine de la maladie thromboembolique veineuse traitée par AVK, les évènements cliniques à éviter sont la récidive thrombotique et l'hémorragie. L'incidence de la récidive est de 5 à 10/100 malades/an. Les hémorragies majeures surviennent chez 1,2 à 7/100 malades/an (1), les hémorragies mineures chez 2 à 24/100 malades/an (2). En France 1 % de la population est traitée par AVK soit environ 600 000 malades. Les hémorragies sont à l'origine de 17 300 hospitalisations chaque année, de 20 % des hémorragies cérébrales hospitalisées en Neurochirurgie, de 4 000 décès annuels. Selon un rapport de l'AFSSAPS, les AVK représentent ( avec les AINS) la première cause de iatrogénie grave en France. Les faits marquants 2004 édités par la CNAM citent en priorité "Les patients sous AVK : une prise en charge qui doit s'améliorer". Dans la majorité des cas de iatrogènie d'un AVK, une erreur de l'utilisation médicamenteuse est retrouvée, notamment chez les malades à risque hémorragique élevé. L'étude d'une population de malades hospitalisés pour hémorragie majeure démontre que le surdosage en AVK est prédicteur de mortalité (3). Le traitement par AVK des personnes âgées est l'objet d'un débat important et continu. Les indications augmentent notamment du fait de la fibrillation auriculaire mais le risque hémorragique est majoré par l'âge. L'incidence des hémorragies majeures augmente de 1,5 à 4,2/100 malades/an selon que l'âge est inférieur à 60 ans ou supérieur à 80 ans (4). Chacun s'accorde à solliciter des travaux complémentaires pour mieux définir les recommandations dans ce domaine (5). Expériences d'autres pays : exemples d'améliorations Le concept de clinique des anticoagulants (CAC) a été retenu avec l'objectif de sécuriser la prise d'un AVK pour la totalité de la chaîne thérapeutique. Il concerne tout autant le médecin (généraliste et spécialiste), tous les professionnels de santé et le malade. Dès 1992, (6) le constat est fait d'une réduction des deux tiers des récidives thrombotiques et des hémorragies lorsque les médecins 1 expérimentés quant à l'utilisation des AVK sont concernés. Le recours à une CAC réduit les hémorragies majeures de 3,9 à 1,3 % (7). Outre la démonstration d'une efficacité sur les évènements cliniques, l'action sur le critère biologique a également été constaté. La durée du maintien de la valeur de l'INR souhaité dans la fourchette fixée est améliorée par la pratique d'une CAC (8) ; la pratique hors CAC démontre que l'INR est maintenu à la valeur souhaitée pendant 50 à 60 % de la durée du traitement ; l'utilisation d'une CAC augmente cette durée efficace à plus de 70 %. Les CAC existent aux Pays Bas (90 % des malades sous AVK sont pris en charge), en Italie (255 CAC), en Espagne, Allemagne et Amérique du Nord. Une proposition de Cliniques des AntiCoagulants (CAC) en France Nous avons démarré la CAC en collaboration avec le Laboratoire d'Hématologie Biologique en 1998. Son concept associe de façon indispensable une aide à l'adaptation de posologie et d'éducation thérapeutique du malade. Le respect de l'organisation du système de soins, de la déontologie médicale, de l'acceptation de la responsabilisation des malades conduisent à un mode de fonctionnement spécifique et différent de celui des autres pays. La figure 1 schématise le fonctionnement actuel de la CAC au CHU de Toulouse. DECISION AVK È PROPOSITION C.A.C : M.G et PATIENT ENTRETIEN INDIVIDUEL INR au LABO PATIENT È È SÉANCE DE GROUPE RÉSULTAT FAXÉ À C.A.C È LOGICIEL + MÉDECIN : ADAPT. POSOL. È C.A.C.allo M.G : Conseil posol. Prochain INR È M.G. PRESCRIT Figure 1 : Logistique de la Clinique des Anticoagulants 2 De ce fait, le malade conserve ses repères médicaux d'une part et devrait mieux connaître l'utilisation de son médicament d'autre part. L'adaptation de posologie est facilitée par l'utilisation d'un logiciel (Dawn A.C.) qui propose la nouvelle posologie et la date du prochain contrôle ; le médecin peut adapter cette proposition. La partie indispensable est représentée par l'éducation thérapeutique du malade qui se déroule en deux étapes. L'entretien individuel d'éducation de 45 minutes. Plusieurs dimensions sont abordées, permettant de proposer un contrat de soins avec le malade. Plus tard, le malade est convié à une séance éducative de groupe, interactive, avec ateliers, mise en situation d'un vécu, d'obstacles. Le médecin traitant est informé de telles séances. Un local et une équipe son mis à disposition pour une telle CAC. Dans les pays pour lesquels les CAC fonctionnent, l'efficacité clinique a été démontrée. Une étude réalisée aux USA (7) a estimé à 1 600 dollars/malade/an l'économie réalisée du fait de la réduction des complications lors d'un traitement AVK. Nous avons décidé d'évaluer cette pratique en France en prenant pour objectif principal les évènements cliniques (récidives thrombotiques, hémorragies) et pour objectif secondaire le coût comparé entre la pratique conventionnelle et la CAC. Ce Projet de Recherche ( PHRC national multicentrique) regroupe 7 hôpitaux et fournira les résultats en 2006. Cas pratiques améliorables Voici quelques exemples concrets qui rappellent des recommandations visant à réduire la iatrogénie des AVK. • Relais Héparine par AVK : l'Héparine étant instituée à J0, l'AVK peut être débuté dès le soir du premier jour ; l'INR est calculé à partir du matin de J3 puis à J4 ; l'Héparine n'est stoppée que lorsque l'INR se situe dans la fourchette souhaitée pendant deux jours consécutifs. • Modification de posologie : la posologie initiale d'AVK est de 2 mg X 3 cp ( 6 mg) de Warfarine (COUMADINE ®), de 20 mg x 1cp(20mg) de Fluindione ( PREVISCAN®). L'AVK est pris chaque soir à heure fixe, sans dose de charge ; l'INR est pratiqué le lendemain matin de la 3ème prise ; les adaptations de posologie doivent être douces et réfléchies. • Sujet âgé : outre les précautions concernant l'utilisation des Héparines (du fait de l'insuffisance rénale), la posologie d'un AVK chez le sujet âgé doit être débutée à la moitié de la posologie cidessus recommandée. • Durée d'un traitement AVK : elle est de 3 mois maximum dans le cas d'une réversibilité de la cause thrombotique, sinon de durée prolongée si la cause persiste ou bien s'il s'agit de récidives thrombotiques. Dans le cas de cause non encore identifiée la durée est de 6 à 12 mois pour une phlébite proximale ou une embolie pulmonaire. • AVK et grossesse : contre-indication absolue pendant le premier trimestre (iatrogénie) danger hémorragique foetal au 3ème trimestre. • Relais AVK par Héparine : ce sont des situations très dangereuses si le risque thrombotique est élevé ( prothèses valvulaires, FA) ;pour la nécessité de réalisation de chirurgie, certains actes peuvent être réalisés en maintenant l'AVK si l'INR est maintenu dans la fourchette (inférieur à 3 en général). Ceci concerne notamment les extractions dentaires. • Valeurs d'INR recommandées : la fourchette est de 2 à 3 pour la majorité des situations. Les exceptions sont certaines prothèses valvulaires mécaniques, l'association prothèse et FA, un embol avec prothèse ( INR : 2,5 à 3,5). Perspectives La mise en place d'un système de CAC devra être discutée si l'évaluation en cours le justifie. Dès lors, l'intégration des professionnels de santé concernés devra être très forte. L'éducation thérapeutique des malades sous AVK sera l'objectif de chacun. Les malades qui doivent faire l'objet d'une telle prise en charge sont surtout ceux qui relèvent d'un risque hémorragique élevé, ainsi que ceux qui sont à haut risque de récidive thrombotique. 3 L'autosurveillance de l'INR par le malade est réalisée dans certains pays mais non autorisée en France. Elle permet une souplesse des contrôles et améliore la prise en charge si l'éducation thérapeutique est associée (9,10). Les nouveaux antithrombotiques n'ont pas détroné les AVK et présentent une iatrogénie avec limites d'indications. Le système des CAC n'est pas restrictif aux AVK mais doit s'étendre à la notion de centre de recours pour les antithrombotiques. Références bibliographiques 1. SCHULMAN S. Oral anticoagulation. In :Bentler E., Lichtman M.A., Collen B.S., Kipps T.J, Seligsohn U. Eds, WILLIAMS HEMATOLOGY. 6th ed. New York : Mac Graw-Hill, 2001 : 1777-1792 2. LEVINE M.N, RASKOB G., LANDEFELD S., KEARON C. Hemorrhagic complications of anticoagulant treatment. CHEST, 2001 ; 119 : suppl. : 108 S - 121 S 3. KOO S., KUCHER N., NGUYEN P.L., FANIKOS J., MARKS P., GOLDHABER S.Z. The effect of excessive anticoagulation on mortality and morbidity in hospitalized patients with anticoagulant-related major hemorrage. ARCH. INTERN. MED. 2004 ; 164 : 1557-1560. 4. TORN M., BOLLEN W., VAN DER MEER F., VAN DER WALL E., ROSENDAAL F. Risks of anticogulant therapy with increasing age. ARCH. INTERN. MED. 2005 ; 165 : 1527-1532. 5. PECHLANER C. Anticoagulant-related bleeding risk in older persons : unfounded fears ? ARCH.INTERN. MED. 2004 ; 164 : 106-107. 6. LANDEFELD C.S., ANDERSON P.A. Guideline-based consultation to prevent anticoagulant-related bleeding. A randomized, controlled trial in a teaching hospital. ANN. INTERN. MED. 1992, 116 : 829-837 7. CHIQUETTE E. , AMATO M.G., BUSSEY H. I. Comparison of an anticoagulation clinic with usual medical care. ARCH.INTERN. MED. 1998 ; 158 : 1641-1647. 8. POLLER L., SHIACH C.R., Mc CALLUM P. Multicenter randomized study of computerised anticoagulant dosage. LANCET 1998 ; 352 : 1505-1509. 9. GADISSEUR A.P.A., BREUKINK-ENGBERS W.G.M., VAN DER MEER F.J.M., VAN DER BESSELAAR A.M.H., STURK A., ROSENDAAL F.R. Comparison of the quality of oral anticoagulant therapy through patient self-management and management by specialized anticoagulation clinics in the Netherlands. ARCH. INTERN. MED. 2003 ; 163 : 2639-2646. 10. NUTESCU E.A. Point of care monitors for oral anticoagulant therapy. Seminars in Thrombosis and Hemostasis 2004 ; 30 :697-702 4