Agathe gabarit (Page 20 - 21)

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Agathe gabarit (Page 20 - 21)
sports
taekwondo
NOUS SOMMES DES
MILITANTS DU SPORT DANS
LES CITÉS
‘‘
KARIM BELLAHCENE
’’
ENTRAÎNEUR DE TAEKWONDO
S
Est-ce difficile de
gagner la confiance des
parents… et celle des
jeunes ?
K.B. : Il ne faut pas se voiler
Vous êtes directeur
sportif du dragons
team taekwondo de
Montpellier, parlez-nous
de votre club.
S
RING
PARADE
JOSIANNE COLLERAIS,
vice-présidente, et
Robert Nowak,
champion du monde
de full contact.
L
e championnat
du monde de full
contact (boxe
pied-poing) s’est
déroulé le samedi 26 février dernier au
palais des sports Pierrede-Coubertin à
Montpellier. Plusieurs
disciplines étaient à
l’affiche de ce gala éclectique, organisé par le
club Montpellier
Omniboxe : full contact,
boxe anglaise, française,
démonstration de kung fu
et de taekwondo. Malgré
une salle largement
acquise à sa cause, le
Montpelliérain Fabrice
Barrale a du s’incliner
face au Polonais Robert
Nowak, tenant du titre,
dans le combat phare de
la soirée. Les organisateurs ont voulu que ce
championnat soit
vraiment exceptionnel
tant par la qualité des
sportifs engagés que par
l’état d’esprit. C’est
pourquoi, ils ont décidé
de reverser un euro par
place vendue à l’équipe
du professeur Camu, du
Centre hospitalier universitaire de Montpellier,
afin de l’aider dans sa
recherche contre la
sclérose latérale
amyotrophique.
20
Septimanie
QUARTIERS.L’insertion
par les arts martiaux
B
agatelle, c’est LE quartier taekwondo», assène
Karim Bellahcene,
vingt-six ans, entraîneur
et directeur sportif du
club dragons team à
Montpellier. Au rez-dechaussée de la maison pour tous Michel-Colucci,
en plein cœur de la cité, une quarantaine de
jeunes chahute et se chambre à haute voix.
Karim, ceinture noire 3e dan, entre dans le
dojang (1) et tape deux fois dans ses mains. Dix
secondes plus tard, tout le monde est en ligne, en
place pour le salut, dobok (2) blanc impeccable,
pas un bruit. Le cours peut commencer. «Les
arts martiaux véhiculent des valeurs positives
comme la tolérance, le respect, la transmission
du savoir…», explique le jeune homme qui a
fondé le club il y a cinq ans (lire interview cicontre), ajoutant : «Celui qui ne respecte pas
Le journal du Conseil régional Avril
2005
du Languedoc-Roussillon
Karim Bellahcene : C’est
grâce à mon père, ceinture
noire de karaté, que j’ai pu
créer le club. Il a ouvert ses
portes en septembre 2000 et
compte aujourd’hui 330
licenciés. C’est le plus gros
de la région. Dans le
quartier de Bagatelle, 90 %
des jeunes pratiquent le
taekwondo. C’est la seule
activité sportive qui existe.
Mais nous ne nous
adressons pas qu’aux ados,
nous avons, bien sûr, des
cours pour les adultes, et
même une section minibaby à partir de deux ans
et demi. C’est un club
multiculturel, mais ma
seule religion, c’est le
taekwondo. Par exemple, je
ne modifie pas les horaires
des entraînements par
rapport à ceux qui font
le ramadan.
S
Chez vous,
la compétition est
obligatoire pour les
jeunes. Pour quelles
raisons ?
K.B. : Ils font tous de la
ces valeurs, il prend la porte immédiatement.»
Né il y a environ deux mille ans en Corée, le
taekwondo (la voie des pieds et des poings) n'a
cessé de se développer pour devenir un sport
moderne tout en restant un art martial traditionnel. Souvent présenté comme le sport de
combat de l'an 2000, il a connu la consécration lors
des Jeux olympiques de Sydney. Par sa richesse
et sa diversité technique, il offre à chacun la
possibilité de choisir sa propre pratique en fonction de sa motivation : self défense, compétition
ou simple loisir. Autre sport, autre quartier.
Pour Béka Bellahcene, le président du Montpellier Omniboxe qui a organisé le championnat du
monde de full contact (lire encadré ci-contre), «les
sports de combat permettent de canaliser l’énergie des jeunes, tout en leur apportant rigueur et
discipline». Dans le quartier du Petit-Bard, celui
que tout le monde appelle Béka semble faire
l’unanimité. Il est vrai que l’homme suscite le
respect, et pas seulement par sa carrure. Vicechampion de France et d’Europe, numéro trois
mondial en boxe française et en full contact, il fait,
aujourd’hui, figure d’exemple pour tous les jeunes du quartier. Dans le cadre de sa nouvelle
politique sportive (Septimanie n° 6, mars 2005),
la Région souhaite rendre le sport le plus accessible possible sur l’ensemble de son territoire.
«Le sport favorise l’épanouissement de l’individu. C’est un facteur important d’intégration
sociale, notamment dans les quartiers», affirme
Didier Codorniou, conseiller régional. Retour au
dojang de Bagatelle. Après plus d’une heure d’un
entraînement intensif, les doboks sont trempés.
Tout le monde est lessivé. Pourtant, ils sont de plus
en plus nombreux à vouloir rejoindre le club.
2005 sera-t-elle l’année du dragon ?
(1) Le dojang est la salle dans laquelle se pratique
le taekwondo.
(2) Le dobok est la tenue du pratiquant.
compétition. Qu’ils soient
bons ou moins bons, c’est
pas grave. Perdre ou
gagner, c’est pas important.
L’essentiel, c’est d’y aller.
Quoi qu’il arrive, je suis fier
d’eux. Pour moi, c’est
l’école de la vie. La vie est
dure, surtout dans les cités.
Parfois, tu te plantes, si tu
ne sais pas te relever, tu es
foutu. Mais si tu sais
perdre, tu sais gagner. Pour
moi, c’est hyper important
que les jeunes apprennent à
surmonter une défaite. Le
taekwondo est un sport
individuel qui se pratique en
groupe. Si un gamin perd
son combat, ses copains de
club sont là pour lui
remonter le moral. C’est
pour ça que j’envoie tout le
monde en compétition. Les
parents aussi viennent avec
nous pour soutenir leurs
enfants, ça renforce les
liens. Je peux bosser
comme il faut parce qu’ils
savent que ce que je fais
c’est vraiment dans l’intérêt
de leur enfant. Le club,
c’est une grande famille.
la face, si j’arrive à
travailler à Bagatelle, c’est
parce que j’ai grandi dans
le quartier. Beaucoup
d’adultes m’ont connu
minot. Je n’ai jamais eu de
conflit avec des parents.
J’ai une ligne de conduite
assez stricte, mais sans me
prendre la tête. La rigueur
que je demande aux autres,
je me l’impose avant tout à
moi-même. Pour les jeunes,
je suis un peu le grand
frère. Je sais comment leur
parler pour les calmer sans
qu’ils se sentent agressés.
J’y arrive parce que je
connais les codes de la cité.
Il faut leur imposer un
cadre d’entrée de jeu sinon
tu te fais bouffer. C’est vrai
qu’il y a beaucoup
d’intervenants qui craquent
et qui ne veulent plus venir
dans certains quartiers.
S
Comment se passent
les cours ?
K.B. : Bien car la vie du
quartier s’arrête à la porte
du dojang. En taekwondo,
tout le monde est habillé de
la même façon, en dobok
blanc. Il n’y a pas de
différence entre les
pratiquants, de course à la
marque. Ils sont tous sur le
même plan d’égalité. J’ai
un fonctionnement quasi
militaire : tu sors, tu salues ;
tu poses une question, tu
lèves la main. La discipline
est une bonne chose pour
les jeunes parce qu’ils
manquent de repères.
J’essaye aussi de les
responsabiliser en confiant,
par exemple, un petit de six
ans à un plus grand, qui va
lui apprendre les
mouvements de base.
Après, dès qu’ils sortent de
la salle, ils retrouvent la
cité, mais pendant un
moment, il y a eu un super
échange entre eux.
S
Que voulez vous
apporter aux jeunes du
quartier ?
K.B. : J’essaye de leur
redonner confiance en eux.
Je leur dis que s’ils veulent
s’en sortit, ils peuvent à
condition de ne pas se
prendre pour des victimes.
J’essaye aussi de les aider
à grandir dans la bonne
voie. Quand tu as quinze
ans dans un quartier, tu
peux déraper facilement.
Mon but, c’est d’en sauver
un maximum. Je leur
Septimanie
apprends le respect de
l’adversaire, du professeur,
des plus gradés, du dojang,
des règles… Sur leur dobok,
les compétiteurs ont brodé
les trois lettres VDC (Val
de Croze), l’ancien nom de
la cité, pour représenter
positivement leur quartier.
Pour dire, on est fier de
notre quartier, on est des
sportifs pas des brûleurs de
voitures. Si on met le feu,
c’est sur le tatami pendant
les compétitions. Je ne
veux pas donner raison aux
gens qui pensent que quand
on vient des cités on est
mauvais. Dans les
quartiers, il y a une
énergie, une rage. Si on
arrive à la canaliser par le
sport, on fera des
champions.
S
Malgré son aspect
martial, le taekwondo
n’est pas réservé aux
hommes…
K.B. : Bien sûr que non. On a
mis en place une section
féminine entraînée par une
femme diplômée avec des
cours spécifiques réservés
aux femmes. Elles sont une
quarantaine, de 16 à 57 ans.
Beaucoup de mères de
famille, de toutes les
origines et de toutes les
cultures, qui font du sport
entres elles, ça leur permet
de se rencontrer, de sortir
de la maison. Souvent, les
mamans viennent avec
leurs bébés, elles posent le
couffin sur le tapis au fond
de la salle.
S
Vous recrutez vos
adhérentes
principalement dans le
quartier de Bagatelle ?
K.B. : Pas seulement, elles
viennent aussi des autres
quartiers : Les Cévennes,
Le Petit Bard, La Paillade.
Le bouche à oreille
fonctionne à fond. Elles
s’investissent dans la vie du
club en donnant un coup de
main pour l’organisation
des compétitions. Je pense
que les femmes peuvent
apporter beaucoup dans les
quartiers, à condition qu’on
leur en laisse la possibilité.
J’espère un jour pouvoir
donner des cours mixtes.
En attendant, j’essaye à
mon niveau, petit à petit,
de faire tomber les tabous
et les préjugés.
Plus d’informations sur
www.dragons-team.com
Le journal du Conseil régional Avril
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du Languedoc-Roussillon
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