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P092-093-Olivier Masmonteil.qxd:P092-093-Olivier Masmonteil 11/04/13 12:13 Page 80 92 Peinture © Marcel Hartman © Hugo Miserey Par Alice de Chirac Olivier Masmonteil > > L E P E I N T R E D E S AT M O S P H È R E S LE TEMPS PARAÎT SUSPENDU DANS LES TOILES D’OLIVIER MASMONTEIL, COMME SI LE PEINTRE AVAIT CAPTÉ UN INSTANT D’ÉTERNITÉ DANS SES SUJETS. S’IL PARAÎT AU PREMIER ABORD UN HÉRITIER D’UNE CERTAINE TRADITION PICTURALE, L’ARTISTE A ENRICHI SON EXPÉRIENCE AU CONTACT D’AUTRES CIVILISATIONS LORS DE DEUX TOURS DU MONDE DONT IL A RETENU AUTANT LA BEAUTÉ DES PAYSAGES QUE LE GOÛT DU CONTACT HUMAIN. C’EST AUSSI SON TEMPÉRAMENT PHILANTHROPE QUI L’A CONDUIT À S’IMPLIQUER DEPUIS DIX ANS POUR LA SOURCE, L’ASSOCIATION DU PEINTRE GÉRARD GAROUSTE. RENCONTRE DANS SON ATELIER PEUPLÉ DE GIGANTESQUES ÉBAUCHES. COMMENT EST NÉE VOTRE VOCATION DE PEINTRE ? Olivier Masmonteil : Elle est née très jeune car je viens d’une famille où tout le monde peint ou a peint. J’avais une arrière-grand-mère qui adorait aller à la Grande Chaumière faire des nus, des natures mortes. Mon grand-père était quelqu’un qui aimait la pêche, la chasse et l’observation ; il faisait beaucoup d’aquarelles. J’ai toujours vécu avec des crayons, des pinceaux, c’était quelque chose de commun. Vers 8 ou 9 ans, je suis tombé dans la BD puis à l’âge de 14 ans j’ai voulu présenter mes planches à la Foire du livre de Brive à Frank Margerin. Il m’a conseillé d’apprendre le dessin classique avant de faire de la BD pour acquérir mon propre style. Je me suis alors inscrit à une académie à Brive et il y a eu une sorte de révélation, je me suis dit : « Mon métier, ce sera ça ! » Quand je suis arrivé aux beaux-arts de Bordeaux, j’avais déjà suivi cinq ans d’enseignement très classique. Cela m’a permis d’envisager l’idée de l’art contemporain puisque cette école était très tournée vers les pratiques contemporaines. On m’a fait comprendre qu’il fallait travailler la vidéo, la photo, l’installation, la performance. J’ai joué le jeu et expérimenté tous ces supports-là. Très vite, la peinture est revenue de façon puissante et évidente, par un paysage. Un été, j’étais en Corrèze, j’ai mis un chevalet dans le paysage et j’ai commencé à peindre. Toute l’aventure a commencé ce jour-là. Ce petit tableau que je garde précieusement dans mon atelier est le point de départ de mon travail. LE MUSÉE LEOPOLD DE VIENNE VOUS A INVITÉ À PRÉSENTER VOS TOILES À L’EXPOSITION WOLKEN CONSACRÉE AU PAYSAGE DU ROMANTISME À NOS JOURS, AUX CÔTÉS DE FRIEDRICH, MONET, TURNER, MUNCH, NOLDE ET BEAUCOUP D’AUTRES. CES PEINTRES ONT-ILS FAIT PARTIE DE VOTRE ÉDUCATION PICTURALE ? Oui, énormément. En fait, quand le paysage est apparu comme sujet, j’ai essayé d’aller chercher dans l’histoire de l’art ce qu’avait été le paysage. Avec ces peintres, j’avais la conviction que pour comprendre la peinture il fallait que je me l’approprie, et pour cela il fallait que je la copie. Très vite, je suis allé dans les musées regarder la peinture de Friedrich, de Courbet, de Monet, et quand je rentrais dans l’atelier c’était pour copier ces peintres, pour essayer de comprendre comment était fabriquée cette peinture. LES CONSIDÉREZ-VOUS COMME VOS MAÎTRES ? Pour le paysage particulièrement mais en fait je suis allé regarder de manière beaucoup plus large la Renaissance italienne. Les peintres qui m’ont vraiment marqué ont été Titien, Bellini et toute l’école vénitienne. J’aime aussi les peintres du Nord : Pieter de Hooch, Vermeer, Jacob van Ruisdael ; et puis les peintres français du XVIIe siècle : Nicolas Poussin et P092-093-Olivier Masmonteil.qxd:P092-093-Olivier Masmonteil 11/04/13 Simon Vouet. Au XIXe siècle, Courbet est mon peintre favori pour de multiples raisons. Il venait de la campagne comme moi. C’est un artiste qui a expérimenté plein de choses dans la peinture, qui était capable du pire comme du meilleur, et en même temps celui qui a produit le plus de chefs-d’œuvre. Monet est celui qui m’a le plus fasciné, par son univers, par la richesse de son œuvre, il est quasiment l’inventeur de la série et celle des Nymphéas est pour moi un sommet de peinture. Dans la période contemporaine, j’ai beaucoup regardé un peintre limousin, Paul Rebeyrolle, qui lui aussi revendiquait une filiation très forte avec Courbet, ainsi que les peintres allemands Baselitz et Lüpertz. 12:13 Page 81 avec le paysage comme sujet privilégié. Le deuxième, le plaisir de peindre, avec tous les sujets de la peinture qui sont possibles : le nu, la nature morte, la scène de genre et toujours le paysage. Et puis, un jour, il y aura, je pense, le chapitre 3 qui s’appellera détruire la peinture ou oublier la peinture qui, lui, portera peut-être sur l’autoportrait, sur le monochrome, sur l’abstraction, je ne sais pas encore, ce sont des intuitions. VOUS ATTACHEZ BEAUCOUP D’IMPORTANCE AU GENRE DU PAYSAGE, PLUTÔT MALMENÉ ET NÉGLIGÉ DANS L’ART CONTEMPORAIN. POURQUOI LE DÉFENDEZVOUS AVEC AUTANT DE PASSION ? Je suis quelqu’un qui vient du monde rural. J’ai vécu à Brive jusqu’à l’âge de 20 ans, la pratique de la pêche me baignait dans le paysage… Ensuite, si je l’ai autant défendu et m’en suis autant servi comme aussi une façon d’apprendre la peinture, c’est parce que c’était un sujet très pratique. On est moins gêné par un problème de représentation avec le paysage que si c’était un portrait, un nu ou une nature morte, là l’idée de vraisemblance devient plus présente. Par exemple, quand je peins un ciel, si je déforme un peu le nuage, personne ne va s’en apercevoir. Cela m’a permis de m’intéresser beaucoup plus aux problématiques picturales qu’aux problématiques de représentation. Le paysage est ainsi devenu mon emblème pour traiter pendant douze ans ce chapitre de la possibilité de peindre qui correspond à mon apprentissage de la peinture, à la fois technique et aussi philosophique : Qu’est-ce que la peinture ? Quels sont ses enjeux ? Quel est le rôle de la peinture aujourd’hui dans le contexte actuel ? C’est là où j’ai mesuré la problématique entre « peinture » et « peinture de paysage ». La peinture de paysage était plutôt associée à une peinture bourgeoise qui n’avait plus tellement d’intérêt. Lors de ma première exposition qui ne présentait que des paysages, j’étais persuadé que j’allais subir des remarques de « passéiste » comme celles que j’essuyais aux beaux-arts de la part de mes professeurs et cela a été tout l’inverse. Des artistes comme Gursky avaient montré le paysage en photo et, tout d’un coup, en le montrant en peinture, les gens se sont rendu compte qu’il avait peut-être été trop négligé. RÉCEMMENT, VOUS AVEZ ABORDÉ LE NU DANS DES MISES EN SCÈNE INTIMISTES QUI TÉMOIGNENT VOTRE ATTACHEMENT À LA FIGURATION. LA PEINTURE EXIGE-T-ELLE UN SUJET ? Pas forcément. Au départ, je me vivais comme un peintre non figuratif. J’étais fan de Fautrier, Tàpies, Kirkeby, et je m’amusais à peindre des tableaux qui comportaient beaucoup de matière avec des pigments, du plâtre… Ce qui m’a ramené à la figuration, c’est de m’apercevoir qu’avec l’abstraction je tombais dans des stéréotypes de peinture : je reproduisais souvent les mêmes gestes, les mêmes compositions, j’utilisais souvent les mêmes couleurs. Et quand j’ai peint ce petit paysage dont je vous parlais, je me suis aperçu qu’avec la volonté de faire un tableau abstrait je n’aurais jamais réussi à trouver cette organisation de la surface du tableau. Pour moi, cela a été une sorte de révélation et je me suis aussitôt plongé dans la figuration. De plus, le sujet permettait de raconter une histoire. Aujourd’hui, avec l’apparition du corps, des intérieurs dans ma peinture, je suis en train de découvrir mon envie de raconter un moment, de décrire une atmosphère, de basculer de la contemplation à la narration. APRÈS L’INFINI DES PAYSAGES ET LES SCÈNES INTIMES, SONGEZ-VOUS DÉJÀ À UN SUJET AUQUEL VOUS AIMERIEZ VOUS ATTELER ? Si je veux résumer réellement cette aventure dans laquelle je me suis plongé, j’ai identifié trois chapitres. Le premier, la possibilité de peindre, © Hugo Miserey >> A VOIR « Wolken. Paysages, du romantisme à nos jours » Musée Leopold de Vienne (Autriche). Olivier Masmonteil (né en 1973) présentera au Musée Leopold de Vienne une sélection de 216 tableaux de la série Quelle que soit la minute du jour, aux côtés d’œuvres de Friedrich, Turner, Courbet, Church, Monet, Klimt, Schiele, Munch, Nolde, Ruff, Richter, Kiefer, etc. Du 22 mars au 1er juillet 2013. www.leopoldmuseum.org > A Paris, la galerie Dukan expose régulièrement les œuvres d’Olivier Masmonteil. Galerie Dukan, 24, rue Pastourelle, 75003 Paris. www.galeriedukan.com