Ministère délégué aux Personnes handicapées et à la lutte
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Ministère délégué aux Personnes handicapées et à la lutte
Ministère délégué aux Personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche Consultation nationale Contribution de Madame Marie-Arlette CARLOTTI, Ministre déléguée Vivre et étudier en situation de handicap ne doit en aucun cas dissuader d’entreprendre des études supérieures. Cependant, malgré la mise en place de solutions techniques et humaines ainsi que la mobilisation de la Conférence des présidents d’universités et celle des grandes écoles, le nombre d’étudiants handicapés ne progresse que lentement. Une information et une aide à l’orientation insuffisantes au lycée et des modalités d’accès et d’accompagnement mal identifiées ou n’ayant pas été préparées expliquent en partie ce phénomène. S’y ajoutent de nombreuses ruptures en fin d’enseignement secondaire et un décrochage important en première année d’enseignement supérieur. Une impulsion et une incitation plus nettes, convergeant de tous les ministères concernés, doivent soutenir des projets de vie et d’étude ambitieux des personnes handicapées. En parallèle, la recherche en sciences humaines et sociales portant sur le handicap doit enfin prendre toute sa place en France. Le premier objectif : accroître le nombre de lycéens en situation de handicap accédant à l’enseignement supérieur pour une meilleure insertion professionnelle Depuis la loi du 11 février 2005 la progression des élèves en situation de handicap inclus à l’école est en moyenne annuelle de 6,3 %. Si le niveau de scolarisation tend à se stabiliser à l’école primaire, la progression est importante au collège et se renforce sensiblement au lycée. Le nombre des étudiants en situation de handicap fréquentant l’université se situe actuellement entre 11 000 et 12 000. Cependant, le système éducatif français est extrêmement diversifié et le recensement précis des étudiants handicapés inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur est complexe. En tout état de cause, le nombre global d’étudiants handicapés reste extrêmement modeste. Par ailleurs, 80 % des personnes ayant obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés n’ont qu’un niveau V ou VI de qualification. En parallèle, le nombre de demandeurs d’emplois handicapés est le double (20%) de l’ensemble du public. Accroitre le nombre d’étudiants handicapés et les accompagner jusqu’au terme de leurs cursus est donc, non seulement un enjeu sociétal, mais surtout la condition d’une meilleure insertion professionnelle pour les jeunes handicapés concernés. L’étape préliminaire : améliorer l’information et l’orientation dès le lycée Comme tous les lycéens, les jeunes en situation de handicap rencontrent des difficultés d’orientation dont les conséquences sur le parcours sont cependant plus importantes : les abandons et les ruptures longues sont plus difficilement récupérables. 1/4 Dans l’esprit de la loi 2005, il est également indispensable que les futurs étudiants puissent faire des choix d’orientation et d’insertion professionnelle en fonction de leur projet de vie et non des adaptations et des équipement existants. Cela en passe au lycée par un investissement renforcé des dispositifs de droit commun ; la réforme du lycée insiste, dans le cadre « BAC moins trois/ BAC plus trois », sur une orientation progressive et réversible. En conséquence : Sur la totalité du cycle lycée - Chaque projet d’établissement doit comporter un chapitre orientation marqué d’une rubrique handicap - Le volet « orientation » des enseignements d’exploration, de l’accompagnement personnalisé et du tutorat doit être enrichi pour le lycéen handicapé - Le parcours de découverte des métiers et des formations (PDMF) doit être construit de façon méthodique et ciblée pour ce public - L’orientation active, expérimentée actuellement en première, doit être mise en œuvre systématiquement pour tout lycéen handicapé dès le début du cycle terminal - Les enseignants et les conseillers d’orientation psychologues ont à être particulièrement attentifs ; l’information et l’aide à l’orientation des lycéens handicapés doit avoir pour objectif principal de les éclairer sur leurs potentialités et leur donner de l’ambition. En classe terminale - 1) Assurer une aide à la décision, personnalisée et cohérente Non seulement le lycéen handicapé doit décrypter le champ des possibles en termes de professions et de filières de formation, mais il doit également engager des démarches pour mettre à l’épreuve son projet au regard des contraintes rencontrées (accessibilité, transport, hébergement, aides humaines, adaptations techniques, calendriers non harmonisé des opérations MDPH et de l’École…). Différents acteurs concourent à cette aide mais souvent de façon discordante, voire paradoxale, dans les conseils apportés : les équipes de suivi de la scolarisation investissent peu les projets personnalisés de scolarisation (PPS) en cycle terminal et les enseignants référents connaissent mal l’enseignement supérieur. Un dispositif spécifique complémentaire des dispositifs de droit commun auquel les jeunes pourraient faire appel est à instaurer au niveau de chaque département dans le cadre du service public d’orientation (adossé à un centre d’information et d’orientation par exemple). - 2) Améliorer et harmoniser les procédures d’affectation De nombreux lycéens handicapés privilégient un projet de formation en filières sélectives notamment les sections de technicien supérieur considérées comme plus contenantes et étayantes, s’écartant ainsi de l’université qui offre pourtant des cycles professionnalisants dès la L3, tout en assurant un accueil et un accompagnement très complets. Par ailleurs, le calendrier ramassé d’Admission Post-Bac (APB) et les pré-requis exigés en filières sélectives ne permettent pas toujours de répondre à leurs attentes, entravent leurs choix et les laissent parfois sans solution. Afin de faciliter l’accès aux lycéens handicapés aux filières sélectives et/ou à l’université correspondant le mieux à leurs besoins, il convient de développer des procédures spécifiques 2/4 d’admission, harmonisées à l’ensemble des académies en articulation avec les différentes étapes d’APB. Un exemple : ce qui a été mis en place dans les trois académies Ile-de-France. La coordination de l’accompagnement de l’étudiant handicapé tout au long du cursus de formation : une démarche à mieux encadrer Depuis la loi de 2005, ces dispositions relèvent de chaque établissement d’enseignement supérieur ; chacun est pilote et responsable de la mise en œuvre de l’accompagnement des étudiants handicapés. Si les universités et les grandes écoles ont sû mutualiser leurs engagements par le biais d’une « charte », les établissements sous tutelles d’autres ministères (culture, agriculture, santé …) ou de statut privé se retrouvent isolés, démunis et éventuellement sans ressources face aux besoins de l’étudiant handicapé ; ils ne disposent pas de service handicap ou d’équivalent ce qui entraîne une perte de temps. Des services d’accompagnement associatif se substituent tout ou partie de façon transitoire mais les actions engagées, relevant de la coordination sont grandes consommatrices de temps et de personnels et les mettent en difficulté financière. Le site Handi U du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a le mérite d’exister mais il manque d’informations concrètes et locales. Il serait nécessaire d’élaborer un guide pratique de la coordination de l’accompagnement, mis à disposition de l’étudiant et/ou de l’établissement de formation. Ce guide aurait un caractère régional et non national car trop lourd à réaliser. Un exemple : le guide de l’étudiant handicapé réalisé par le Conseil régional d’Ile-de-France. Un volet spécifique de l’accessibilité pédagogique à construire : l’aide au travail personnel à domicile qui complète l’accompagnement sur le lieu d’étude. Il s’agit strictement du travail personnel inhérent au cursus et demandé par les enseignants (rédaction de textes ou notes, production de tableaux ou de schémas…). Cela n’est pas du soutien scolaire mais une aide humaine visant à accompagner l’étudiant dans l’organisation, la préparation et la réalisation de ses travaux. Cet accompagnement doit, dans la majorité des cas, être prodigué par des professionnels compétents dans les différents types de handicap. - Un texte doit pouvoir formaliser cette aide - L’évaluation des besoins de l’étudiant dans le cadre du PPS en vue de la prestation de compensation du handicap (PCH) doit intégrer ces éléments. - Un mode de financement sera à rechercher (un parrainage d’entreprise par exemple). L’accompagnement vers l’insertion professionnelle à mieux baliser La recherche de stages, un besoin de réorientation, les démarches liées à la recherche d’un premier emploi sont désormais bien pris en charge par les SCUIO et les BAIP au sein de l’université ; ce type de structure existe aussi dans les grandes écoles. Les autres peuvent faire appel, quand ils existent, aux associations Handi-sup, à un SAVSi ou à un SAMSAHii étudiant mais le territoire présente un maillage inégal et donc inégalitaire. 3/4 Une action régulatrice des Conseils régionaux est à impulser en direction - D’une structuration des partenariats : Services des établissements, Cap emploi, Pôle-emploi, mission handicap des entreprises, le service public de l’orientation, les enseignants référents du secondaire, le service de médecine préventive, la MDPHiii, les associations de personnes handicapées, les structures portant des offres de service de l’AGEFIPHiv, SAMETHv, missions locales, CFA, chambres consulaires, les organisations patronales, les acteurs d’insertion locaux… Exemples : Aquitaine, Auvergne, Bretagne et notamment Nantes. - D’un renforcement de la place de l’apprentissage trop peu développé alors qu’il est un moyen de banaliser le handicap dans l’entreprise, de banaliser l’entreprise auprès des jeunes en situation de handicap eux-mêmes, qui s’orientent proportionnellement plus dans les fonctions publiques que les étudiants valides. Handicap et recherche en sciences humaines et sociales : un domaine à investir L’état des lieux de la recherche française en sciences humaines et sociales sur le handicap fait apparaître des évolutions positives depuis une quinzaine d’années mais la situation globale n’est pas encore à la hauteur des enjeux. Outre les défis sociétaux que posent les évolutions démographiques et épidémiologiques, la loi de 2005, véritable loi de société, impose le handicap comme une question sociale et politique de premier plan. Or, face à ces enjeux, un premier constat est que la recherche existante sur le handicap souffre d’un manque de visibilité. Par ailleurs, une analyse plus poussée montre que la recherche sur le handicap reste insuffisante et émiettée. Dans le domaine des sciences sociales, le retard est patent par rapport aux pays anglo-saxons et scandinaves où a émergé une discipline nouvelle, les « disability studies », portée par un réseau transdisciplinaire. Ces insuffisances s’observent à plusieurs niveaux : - Le thème du handicap est absent des priorités nationales de recherche. - En termes de programmation, les actions incitatives sont à la fois éparses et ponctuelles. - Le nombre de chercheurs est faible ; ils sont cloisonnés et dispersés. - Les publications scientifiques sur le handicap sont bien inférieures à celles relevant d’autres domaines transdisciplinaires en France et à l’étranger. Face à ce constat, la préconisation est claire : En premier lieu, il convient d’inscrire le handicap comme priorité thématique dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation. Le second objectif est de mettre en place les moyens pour créer une forte mobilisation, organisationnelle et intellectuelle, de chercheurs d’horizons divers. i SAVS : Service d’accompagnement à la vie sociale SAMSAH : Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés iii MDPH : Maison départementale des personnes handicapées ii iv v AGEFIPH : Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées SAMETH : Service d’appui au maintien dans l’emploi 4/4