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Indigo Music - Autriche - 2009
Faut-il le rappeler, Gerald Krampl
fut le fondateur et le claviériste de
Kyrie Eleison dans les années 70
puis d’Indigo dans les années 80.
Par la suite, après avoir mis un
terme aux aventures collectives, il
s’est concentré sur un travail plus
individuel et intimiste, corollaire
d’une quête personnelle, spirituelle et
métaphysique. Il a produit ainsi des
œuvres à la dimension méditative,
seul au piano, sous son nom (New
horizons) ou aux claviers, sous
l’appellation d’Agnus Dei, un projet
qui a vu la collaboration de son
épouse et poétesse, qui y participait
par le biais de ses textes poétiques
aux préoccupations spirituelles ou
ésotériques. Après la disparition
de Hilde Krampl, décédée trop tôt
des suites d’un cancer en 2002, il
a continué à produire des CD de
musique méditative et relaxante, en
particulier deux albums consacrés
à la musique Reiki, une technique
de soin énergétique d’inspiration
bouddhiste. Plus récemment, il a
publié 31Projects, musique mélangeant inspiration classique et
recherches sonores électroniques,
un projet illustrant musicalement
un documentaire sur l’Holocauste
produit par Andreas Pflanzl, que
l’on vous recommande chaudement
d’aller visiter au www.31projects.
at, pour le devoir de mémoire et le
caractère poignant du témoignage
photographique et de sa mise en
musique. Si entre temps il y a eu
Timediver qui marque un retour à la
musique méditative à connotation
spiritualiste de Gerald Krampl, ce
nouveau projet, Innocent Wasteland, s’inscrit davantage dans la
continuité de la nouvelle optique
impulsée par 31Projects. C’est un
peu comme si, à la différence de
ses projets à vocation spirituelle,
plutôt que de porter son regard vers
le Ciel, Gerald Krampl tournait ses
yeux vers l’humanité souffrante, et
en ce qui concerne l’holocauste,
victime de l’abomination la plus
diabolique, pour déposer là-dessus,
un regard de commisération et de
Philippe Gnana
TRYO
LIVE VIAJES POR EL CRUDO
PATRIMONIO
DE UN TRIO ENTRE DOS MUNDOS
CARPET KNIGHTS
ACCORDING TO LIFE
Transbutans
Second disque pour ce groupe
suédois auteur, en 2005, d’un premier
album (Lost and so strange is my
mind) et qui s’est renouvelé depuis
puisqu’il a intégré un nouveau batteur
Pelle Engvall (ex-Svarte Pan) et un
nouveau bassiste Pär Hallgren (exSgt. Sunshine).
Le groupe comprend en outre
le chanteur/flûtiste Manne Nilsson,
les guitaristes Joakim Jönsson et
Tobias Wulff. Tobias Wulff et Jönsson
jouent aussi parfois avec Öresund
Space Collective. Leur musique
mêle psychédélisme, folk-rock et
progressif avec un chant évoquant
le premier Jethro Tull. Outre Jethro
Tull, on ressent les influences de
King Crimson mais aussi d’un
courant heavy blues, hard rock
bluesy avec des échos de Cream, de
Mountain ou de Cactus. Il y a aussi
des réminiscences de space rock,
notamment sur Magical space-style.
À l’instar de nombreux groupes
scandinaves, on ressent aussi
l’influence d’Uriah Heep avec des
riffs énergiques et trépidants de la
guitare et la voix forcée du chanteur. Sur Forever is a long time, le
groupe mêle toutes ces influences
disparates. À noter une superbe
pochette due à l’artiste suédois
Bengt Böckman qui réalisa des
pochettes d’albums pour le groupe
allemand de jazz-rock Passport. Un
bon album de rétro-rock.
Francis Grosse
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On a eu l’occasion de découvrir
un certain nombre de formations
sud-américaines sur la scène du
théâtre du Niteroi de Rio, haut lieu
du rock progressif brésilien (Tarkus,
Apocalypse). Cette fois-ci c’est au
tour des Chiliens de Tryo de venir
faire partager leur jazz-rock-fusion
avec le public brésilien et, par ricochet,
avec le public international puisque la
prestation a été enregistrée en CD et
en DVD, en 2005. Comme le titre de
l’album l’indique, Tryo fait apparaître
ici ses deux visages, l’un électrique
et l’autre acoustique, sur chacun des
deux CD de ce double live. Le premier
CD dévoile donc le versant électrique
d’un jazz fusion très technique (un bassiste impressionnant) mais pas dénué
de sensibilité (Valparaiso psicodelico,
Puerto avec chant, Dos mundos) qui
s’autorise des escapades crimsoniennes (Sacrificio) ou expérimentales. La
musique de Tryo navigue ainsi entre
Djam Karet et Kenso avec beaucoup de
dynamisme et d’enthousiasme ce qui
n’exclut pas certaines séquences plus
intimistes. Quant au second CD, c’est
le versant acoustique qui est mis en
exergue. La rythmique basse/ batterie
est remisée au profit des percussions
acoustiques et la section harmonique
est désormais constituée par guitare
acoustique, violon et violoncelle.
Cette fois-ci, l’énergie exprimée sur
le CD électrique fait place à une série
de compositions aux mélodies et
atmosphères pleines de sensibilité
et de nostalgie,
dans lesquelles
on croit pouvoir
déceler un peu
de la sensibilité
mélodique sudaméricaine. Un
second CD de
toute beauté qui
dans sa complémentarité avec
l’énergie du premier fait de l’ensemble une belle
réussite.
NIQUES
CD
INNOCENT WASTELAND
n’aurait aucun sens) et même si, ici
ou là on peut trouver une référence
à tel ou tel grand compositeur (notamment Erik Satie sur Afterwards
just memories ou Thinking of you),
c’est avant tout l’expression de la
sensibilité intime d’un artiste authentique qui semble nous révéler avec
une profonde simplicité, sa part de
vérité sur l’humanité et sur chacun
d’entre nous.
Beau projet, plein d’émotion.
Philippe
Gnana
CHR
GERALD KRAMPL
compassion. Il faut signaler au
passage, un autre projet de Gérald
Krampl, visible au www.7minuten.
at, toujours avec le producteur
Andreas Pflanzl, qui, quant à lui,
met en exergue une thématique
fondée sur le handicap, portant ici
aussi un regard plein de compassion sur les brisés de l’existence,
avec toujours un message d’espoir.
Peut-être faut-il y voir comme une
résonance de sa propre souffrance,
qu’il a dû endurer au moment de la
disparition de son épouse, un écho
à l’amputation de sa douce moitié.
Innocent Wasteland est donc une
incursion au beau milieu de notre
vallée de larmes, une traversée
de ces territoires perdus, pas si
innocents que cela, qui s’enfoncent
aveuglément dans un cycle d’autodestruction frénétique. Les titres des
différents morceaux construisent ce
concept : il y est question de fantômes (Intimate ghosts), d’ombres
rampantes (Creeping shadows), de
couleurs de la nuit (Colors of night),
de souvenirs (Thinking of you, en
hommage à son épouse, Afterwards
just memories : s’il y a souvenir,
c’est qu’il y a eu disparition), de
lune rouge et sa symbolique d’une
menace qui vient de soi-même (Re
moon passing). Mais c’est une traversée, un chemin (Long way home)
vers un éveil (la symbolique de la
fleur, Wallflower), une aube qui se
lève (Morning breaking through).
La musique illustre parfaitement
cette pérégrination. Les bruitages
et expérimentations électroniques
participent à la création des différentes atmosphères : grondements
inquiétants sur Innocent Wasteland,
distorsions sonores et claviers
criards sur Intimate ghosts, souffle
inquiétant du vent , tonnerre lointain
et bruits de pluie sur This brave
land, terre de désolation, semblant
de râle agonique au début de Colors
of night. À l’inverse, les sonorités
de bord de mer avec le piaillement
des mouettes et le bruit du sac
et du ressac de l’eau, créent une
atmosphère intimiste sur Thinking
of you qui semble dédiée à son
épouse, alors que les sonorités
des trois derniers morceaux se
font plus apaisées et positives pour
nous mener vers le matin calme
d’un nouveau cycle. Mais la base
de la musique demeure le piano.
N’oublions pas que Gerald Krampl
est à l’origine pianiste de formation
classique. Il utilise ici son acquis
pianistique pour déverser dans ce
projet toute sa sensibilité et son
potentiel émotionnel. La musique de
cet album est la plus émouvante qu’il
ait écrite à ce jour. Bien sûr, il n’est
pas question de le faire rivaliser avec
les grands maîtres du classique (cela
HARMONIE Magazine n° 68

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