Art Roman
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Art Roman
L’Art Roman: la dialectique entre soumission et création L'art roman correspond à la période qui s'étend du début du XIème siècle à la seconde moitié du XIIème siècle. Ce terme est lié aux travaux réalisés par l'archéologue français Charles de Gerville*1, il sera utilisé couramment à partir de 1835. L’iconographie du Moyen-Âge correspond à une sorte de « synthèse » de cultures diverses (arts de l’Antiquité orientale, grecque, romaine, byzantin, de l’Islam ou des Barbares dont les motifs ont été transmis par les bijoux, les manuscrits, etc...). C’est la première fois depuis l’Antiquité qu’un style s’étend à tout l’Occident ; depuis l’an 1000 environ et jusqu’en 1150 en France et 1250 « ailleurs ». En effet, nous pouvons observer une certaine fidélité aussi bien dans les thèmes utilisés que dans les traditions artistiques régionales. Les grands centres de l’art roman étaient la France, l’Allemagne et l’Italie, surtout la Lombardie. En Angleterre, le terme utilisé pour cette période est « l’art normand ». Le renforcement du pouvoir et la puissance de l’Église ont entrainé l’unification de cet art sacré. De plus, toute nouveauté qui pouvait sortir des cadres imposés par le Saint-Siège constituait un danger pour l’orthodoxie. À l’époque médiévale, l'autorité suprême de référence était donc la Bible. Les artistes avaient un respect aveugle envers cette instance littéraire. De ce fait, le développement de l’esprit critique n’a pu se faire que tardivement avec l'apparition au XIIIème siècle de la scolastique*2. L’Ancien et le Nouveau Testament étaient la source majeure des épisodes représentés. Les codes iconographiques étaient fixés par les synodes et les conciles. Les scènes profanes servaient surtout à mettre en valeur le combat du Bien sur le Mal. Seule, la disposition des scènes était laissée à la libre appréciation du peintre. Celui-ci ne s'attachait pas à représenter une certaine réalité, le plus important étant le symbolisme. L’une des fonctions primordiales de ces peintures était de nature pédagogique. Il s'agissait d’initier les fidèles aux mystères de la religion, de les « instruire » et de les amener à méditer (Bien/Mal). Les peintres retranscrivaient également la culture populaire au travers d'images assez folkloriques et grotesques, qui de nos jours, ne sont pas toujours aisées à comprendre. *1 : Charles-Alexis-Adrien Duhérissier de Gerville (1769-1853) était un érudit, un historien naturaliste et un archéologue. Il a utilisé ce terme de « roman » dans une lettre adressée à son ami Arcisse de Caumont en 1818. Il a employé ce mot pour qualifier ce qu’on nomme maintenant les langues romanes, puis pour l’architecture des XIème et XIIème siècle, notamment, dans son « Essai sur l’architecture du Moyen-Âge, particulièrement en Normandie » (1824). *2 : La scolastique est une philosophie développée et enseignée au Moyen-Âge dans les Universités : elle consiste à « harmoniser » la philosophie grecque (particulièrement l'enseignement d'Aristote et de ses péripatéticiens) avec la théologie chrétienne héritée des Pères de l'Église et d'Anselme *3. La définition précise de son contenu reste cependant assez mystérieux. *3 : Anselme de Cantorbéry ou Saint Anselme (1033 ou 1034 - 1109). Il fut un des plus grands écrivains mystiques de l'Occident médiéval. Il fut considéré comme le premier penseur scolastique. Canonisé en 1494, Anselme de Cantorbéry est proclamé docteur de l'Église en 1720. L’insertion de phylactères dans la peinture était peu courante à cette époque. En effet, seule une partie infime de la population savait lire, l'accès à l’éducation étant réservé aux élites et aux personnes d’Église (même si certains souverains se sont préoccupés de l'éducation du peuple). Le pape Grégoire le Grand (540-604) écrivit à propos de la peinture, dans l’une de ses correspondances avec Serenus , l'évêque de Marseille: « (...)en effet, la peinture est pour les analphabètes ce que l'écriture est pour ceux qui savent lire, parce que peuvent y lire ceux qui ne connaissent pas leurs lettres, c’est pourquoi surtout la peinture sert de leçon aux gens. » L’iconographie romane est: " - eschatologique (discours sur la fin des temps) : la période romane fut un moment d'attente intense entre la fin des temps et l’avènement triomphal du Christ. Ce fut la période selon laquelle on espérait accéder à la «Jérusalem Céleste». Elle représentait, à l’époque, l'aboutissement de l'Histoire et le retour à la perfection initiale. C’était une sorte d’Eden, de Terre promise. Représentation de la Jérusalem Céleste : extrait des tapisseries de l'Apocalypse (ou l'Apocalypse d'Angers). Cette immense tapisserie (104 m de long (140 m à l'origine) sur 4,50 m de large (6 m à l'origine) a pour thème l'Apocalypse de Saint-Jean. Six pièces sont conservées et exposées dans une très longue galerie du château d'Angers. Cette monumentale tenture à usage princier, utilisée pour des occasions solennelles, fut commandée entre 1373 et 1377 au marchand lissier Nicolas Bataille pour le duc Louis Ier d'Anjou. Elle aurait été achevée aux alentours de 1382. Elle fut donnée, par le roi René, à la cathédrale d'Angers au XVème siècle. Certes, cette tapisserie n’appartient pas à la période romane proprement dite. Elle est toute de même intéressante car elle illustre bien le sujet. " " - manichéenne : Cette notion de combat spirituel du Bien contre le Mal était essentielle dans le monde roman. Le royaume de Dieu était perçu comme une citadelle perpétuellement assiégée par les forces du Mal. De ce fait, les représentations opposant, par exemple, le Christ à Satan, les anges aux démons, ont été très fréquentes. Saint-Michel et ses anges combattant le dragon de l'Apocalypse (chevauché par des démons), enluminure, 1220-70, Bibliothèque de Toulouse. " - tératologique : Grâce à un formidable répertoire de monstres, l’art roman a pu exprimer les peurs et les angoisses. Par monstres, à cette époque, il faut entendre les chimères mais également les animaux et tout ce qui se relève d’une nature indocile, dangereuse et maléfique. Réel et imaginaire se mêlent inextricablement. Le péché était souvent représenté par l’hybridation homme-animal. De même, les malformations physiques passaient pour être des tares spirituelles (c’était l’oeuvre du Malin). Dragon et éléphant Panthère Le berger et le loup Hyène Ces enluminures proviennent du magnifique « Bestiaire d'Aberdeen ». C’est un bestiaire du XIIème siècle qui a été répertorié pour la première fois en 1542 dans l'inventaire de la Old Royal Library du palais de Westminster. Il est conservé dans la bibliothèque de l’Université d'Aberdeen en Écosse. L’« Image » (sous toutes ses formes : peintures, sculptures,...) acquit officiellement un rôle de médiation entre le visible et l'invisible. Attention, l’Occident médiéval rejetait l'idolâtrie mais aussi l’iconoclasme. La fonction première des ses peintures était de créer un « pont spirituel » entre la liturgie et le divin, de donner les codes de bonne conduite à suivre afin que les « Élus » ( les « bons » chrétiens) accèdent au Paradis. Église du Vieux Pouzauges (Vendée) Cette église date du XIème siècle. Elle se compose d'une nef à trois travées. En 1948, des fresques ont été découvertes par Messieurs Chamard et Challet sur le mur nord, puis Madame Dangas (restauratrice) a mis à jour les peintures murales du mur occidental. LE VIEUX POUZAUGES (VENDÉE). L’église de cette ancienne paroisse s’élève dans un enclos funéraire désaffecté. Une croix hosannière et des cyprès lui procurent un environnement de qualité. Cet édifice est justement célèbre du fait de la découverte en 1948 de fresques sur le mur nord de la nef. Il s’agit de scènes tirées de l’enfance de la Vierge, iconographie peu fréquente. Quatre tableaux sont encore visibles : l’apparition de l’ange Joachim, la rencontre d’Anne et de Joachim devant la porte d’or, la présentation de la Vierge au temple, la visite de l’ange à la Vierge. Au dessus figurent des fragments de calendrier. Cet ensemble est daté des premières années du XIIIème siècle. L’édifice, par ailleurs, est assez complexe. Son plan en croix latine a fait l’objet de plusieurs campagnes. La première travée du choeur remonte au XIème siècle. La nef, charpentée à l’origine, fut reconstruite au XIIème siècle. Elle comprend trois travées voûtées en berceau et percées de fenêtres étroites. Les chapiteaux simplement épannelés avaient un décor peint. Le pignon comporte un portail dont les cinq voussures filent jusqu’au sol et une grande baie d’axe. Une troisième campagne permit de greffer sur la travée orientale les bras d’un faux transept, dont la croisée fut alors surmontée du clocher à deux étages. Au XIVème siècle, l’abside ronde fut remplacée par une travée de choeur supplémentaire dont le chevet plat fut pourvu d’une grande baie à remplages. Enfin, le XVIIème siècle vit la démolition des absidioles latérales. Signalons pour finir les restes d’une poutre de gloire et les nombreuses pierres tombales du dallage. Vendée Romane, Bas-Poitou roman; Collection Zodiaque, La nuit des temps;1976, pp.26-27. Les peintures: Une campagne de restauration a eu lieu de 1988 à 1992. ! E F ! D ! A!! C ! ! !B Cliché J.M.LARGE A: La présentation de la jeune Marie au temple accompagnée de sa famille. B: Marie seule priant au temple. C: Frise : représentation de la « Jérusalem Céleste »? D: Chimère : « volatiles » à tête humaine. E: L’amour courtois : une jeune fille désigne son chevalier. F: Un jeune homme chevauchant un animal fantastique : un griffon? D E C Même type de représentation sur un des chapiteaux de la Cathédrale Saint-Lazare d'Autun (Saône-et-Loire). F Christelle LOUVEAU