dossier pédagogique

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CE QUI
SE PASSE
EN éCOSSE
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CE QUI SE PASSE EN ECOSSE ...
Une création collective
du Centre des Jeunes et de la Culture de
Rochefort.
En collaboration avec le Centre Culturel des Roches, Le CID InterJ et Tels Quels
Jeunes ASBL.
Un projet soutenu par le service Jeunesse de la Fédération Wallonie - Bruxelles
I. Le Centre des Jeunes.
Crée en 1964, le Centre des Jeunes et de la Culture de Rochefort est une structure
reconnue et subventionnée par la Communauté Française de Belgique.
Le Centre est ouvert à tous, sans discrimination. Il est ouvert aux enfants mais
s’adresse plus particulièrement aux adolescents.
Le CJC est un espace où sont mis à la disposition du public, des moyens qui leur
permettent de prendre conscience de leurs aptitudes et de les développer afin de
devenir actifs, critiques et responsables.
Dans un premier temps, les ateliers favorisent l’expression et la créativité de chacun.
Les ateliers visent à un développement personnel dans une dynamique de groupe.
Dans un second temps, l’animateur intervient en posant la question de prise de
parole. A qui, à quoi destiner sa création, dans quel but s’adresser au public. Ainsi
progressivement, au travers d’une réflexion collective, le jeune devient acteur et
critique de ses interrogations sur lui-même, le groupe et sur son milieu.
Enfin, le jeune peut prendre des responsabilités à travers le Conseil démocratique, le
Conseil d’administration et l’Assemblée Générale.
Un troisième axe est constitué par le développement culturel de la Commune en
suscitant et soutenant les actions des associations par le prêt de locaux, de matériel
et en organisant des actions ayant un impact réel sur la population locale.
L’espace « Accueil » privilégie les échanges et permet ainsi de faire connaître les
attentes, préoccupations et revendications des jeunes.
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II. Le Projet.
2.1. L’Historique
Depuis maintenant plusieurs années, les ateliers du CJC créent des spectacles sur les
thèmes de société choisis par les jeunes. Les ateliers rock, quant à eux fonctionnent
sur le système des reprises de morceaux célèbres pour permettre l’apprentissage de
base et développer la culture musicale des jeunes participants. Depuis deux ans
maintenant, un groupe de jeunes rockeurs souhaite mettre à profit cet apprentissage
pour se lancer dans la composition et deux de ces jeunes font également partie de
l’atelier théâtre. Ils ont donc émis le désir de pouvoir allier leurs deux passions et
créer des synergies entre les deux ateliers.
Dans un autre axe, des jeunes comédiens de l’atelier ont émis l’envie d’approfondir le
sujet traité lors de la saison dernière, à savoir, « Vivre d’amour et pas de violence ».
Ce thème a déjà donné naissance à un spectacle qui a tourné dans plusieurs Centres
Culturels durant la saison 2010-2011 et qui s’intitule AMORT(t). Ce spectacle
abordait surtout la thématique des skins party et du mélange souvent détonnant
qu’est le sexe et l’alcool. Afin de créer ce spectacle, nous avons du mettre de côté
d’autres thématiques qui leur tenait à cœur et notamment tout ce qui traite de
l’homosexualité.
Nous avons donc choisi, d’un commun accord, de continuer à travailler ensemble
et de choisir ce thème pour la saison qui vient. Ce spectacle devant avant tout servir
d’outil de sensibilisation et de discussion avec d’autres jeunes. C’est pour cela que
nous avons décidé de nous entourer de personnes ressources comme le CID Interj
et l’ASBL Tels Quels.
2.2. Objectifs Généraux
- Eveil à la créativité.
- Apprentissage du travail en collaboration.
- Mise en valeur des talents de chacun
- Création d’un outil de sensibilisation qui parle aux jeunes et aux adultes
- Développer sa capacité d’analyse des images afin d’en décrypter les stéréotypes
- Prise de conscience des réalités et du vécu des personnes LGBT ( Lesbienne, Gay,
Bi et Trans sexuels)
- Prise de conscience des mécanismes de stigmatisation et de classification et de
leurs conséquences sur les rapports entre groupes sociaux
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2.3 Objectifs du spectacle
- Favoriser la sensibilisation et information par les pairs sur le sujet de
l’Homosexualité.
- Favoriser la déconstruction des préjugés.
- Informer les jeunes sur la situation des Homosexuels en Belgique et à travers le
monde (Aspects culturels, légaux, sociaux…)
- Retransmission de ces réflexions à travers un spectacle positif, constructif et
porteur d’espoir
2.4 Méthode de travail
Dans un premier temps et afin de créer un spectacle et des personnages non
caricaturaux et proche de la réalité, nous avons mis en place plusieurs moments
d’information à destination des jeunes mais aussi des animateurs :
- Rencontre avec des responsables d’associations LGBT. Le CID InterJ nous a
apporté ses connaissances et ses contacts dont la coordination SIDA assuétudes
de la province de Namur et le projet HOLEBI (www.byebyepréjugés.be) . Ceux-ci
sont venus faire une animation autour d’un jeu de société qui traitait des relations
amoureuses.
- Visionnement du spectacle «Cock» au Théâtre de Poche et rencontre avec les
comédiens
- Rencontre avec des animateurs de Tels Quels Jeunes qui ont répondu sans tabous
aux questions des jeunes. Cette rencontre qui a eu lieu début décembre a été une
charnière du projet car grâce à tout ce que les jeunes ont appris lors de cette soirée,
ils ont pu affiner meurs personnages et leur discours.
Dans un deuxième temps, les comédiens et les musiciens ont travaillés dans des
ateliers distincts afin de créer leur partie du spectacle. Les musiciens avaient les
grandes lignes de l’intrigue et les différents thèmes abordés. Ils ont donc créé des
morceaux sur le thème aussi vaste que : Trahison, déclaration d’amour, ambiance
pub celtique, final grandiose…
Les comédiens quant à eux ont créé le texte selon la méthode habituelle
(improvisations et réécriture).
Quand le texte a été terminé, il a été envoyé à l’ASBL Tels Quels Jeunes afin de
vérifier qu’aucune erreur n’avait été commise dans les intentions des personnages,
les processus de stigmatisation etc…
Ensuite, une lecture commune aux ateliers théâtre et musique a été organisée afin
que tout le monde sache dans quoi il joue.
Deux stage communs ont ensuite été mis en place aux vacances de carnaval et
Pâques afin de fixer les différentes interventions musicales et mettre en mouvements
les cènes non verbales. La première semaine de mai a été consacrée aux repétitions
générales.
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2.5 La troupe
La troupe est composée de 11 jeunes de 15 à 20 ans. Ils sont tous issus des ateliers du Centre
des Jeunes et de la Culture de Rochefort ( Rock’Fort Session ou Théâtre).
Pour les comédiens, la plupart ont une expérience d’au moins deux ans dans la création
collective.
Les musiciens quant à eux ont suivi de pyuis au moins trois ans les ateliers rock mais c’est
pour eux, la première expérience de composition de musique pour un spectacle de théâtre.
Les jeunes qui tourneront le spectacle ne seront peut- être pas toujours les jeunes créateurs
car certains ont déménagés ou sont entrés dans la vie universitaire et ne sont plus disponibles
pour jouer le spectacle.
Une formule « Light » avec bande son (sans le groupe live) est aussi envisageable pour les
structures ne pouvant pas accueillir l’entièreté de la troupe (espace scénique trop petit ou
salle non équipée…)
Distribution :
Comédiens :
Jessie Bakashika, Morgane Gilson, Mattéo Goblet, Alice Lemaître, Sylvain Ramelot, Dylan
Servais, Manon Willems.
Musiciens :
Benjamin Davreux, Benoit Fastrès, Nicolas Gauthier, Antoine Gillet, Raphaël Lebailly,
Dylan Servais, Corentin Lejeune
Animation et Mise en scène :
Yaël Body
Coordination Musicale :
Fabrice De Smet-Gaigneaux
Animation des ateliers rock :
Fabrice De Smet – Gaigneaux, Grégory Grandhenry, François Neerden et Olivier Albert
Vidéo :
Julie Lannoy
Mise en mouvements :
Delphine Noël
Décors :
Baptiste Deloyer
Création Eclairage et Régie :
Nassim Badjou
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2.6 Le spectacle
« C’est une histoire toute simple, une histoire d’amour. Premiers émois d’un garçon
pas comme les autres. Un voyage scolaire où, sous la neige d’Ecosse, chacun va se
découvrir et découvrir l’autre. Une comédie romantique où se mélange les riffs de
guitare de l’atelier rock et les textes des jeunes de l’atelier théâtre. »
Nous adressons principalement le spectacle aux jeunes à partir de 15 ans mais il peut
être vu par des plus jeunes si une animation préalable a été organisée.
Le spectacle peut être suivi d’une rencontre avec les jeunes dans le style questions
réponse mais nous favorisions plutôt les temps de débat menés par nos animateurs
et les jeunes comédiens. Pour cela les groupes ne doivent pas excéder 25 personnes
(plusieurs groupes peuvent être organisés car nous disposons de 5 animateurs).
Les débats durent 50 minutes et peuvent être organisés à la suite du spectacle
(prévoir cependant une 15 minutes pour les comédiens afin qu’ils se changent et
décompressent)
Pour les représentations scolaires, une seule scolaire par mois sera organisée en
dehors de mois de décembre, janvier et juin. Et ce afin de ne pas mobiliser les jeunes
trop souvent pendant les heures d’école.
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III. les partenaires
3.1. Le CID Inter J
Le CID Inter J est un centre d’information pour Jeunes reconnu et agréé par la Fédération
Wallonie-Bruxelles. Nous nous adressons bien évidemment aux jeunes mais également à toutes
personnes touchées de près ou de loin par les thématiques sur lesquelles nous travaillons.
Notre travail s’articule autour de deux axes. Premièrement, nous répondons gratuitement
aux questions de nos publics lors de permanences ou sur rendez-vous. Les domaines
d’informations que nous traitons sont très diversifiés (orientation et droit scolaire, emploi
et formation, santé, vie sexuelle et affective, droit des jeunes, citoyenneté, développement
durable, aide à la recherche documentaire notamment dans le cadre de travaux scolaires, etc.).
Et deuxièmement, nous proposons de nombreuses activités telles que des conférences/débats,
des expositions et des animations. Nous pouvons par exemple intervenir dans les classes et
les associations sur de nombreuses thématiques. Nous mettons également à disposition des
animateurs et des enseignants de nombreux outils pédagogiques.
CID Inter J
10 rue de France – 5580 Rochefort
Tél : 084/ 22 30 73
email : [email protected]
Site : www.interj.be
Personnes de contact : Lambot Frédéric (animateur-coordinateur) et Frippiat Luc
(animateur)
3.2. Le Centre Culturel des Roches de Rochefort
Un des axes prioritaires des actions du Centre Culturel de Rochefort est le soutien à des
initiatives de partenaires soucieux de proposer à des groupes ciblés une activité culturelle
adéquate (exemple Arsouilles, crèches, porteuses d’un projet de spectacles pour bébés ; Ateliers
4D, expositions destinées à nourrir des projets de créativité et de découvert des œuvres d’art).
En particulier, le partenariat avec le Centre des Jeunes et CID Inter J sont réguliers sur des
projets de sensibilisation des jeunes à des questions de société comme le racisme, les préjugés,
… Le Centre culturel peut apporter un soutien logistique, mais aussi et surtout un contexte
qui valorise ces projets.
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3.3. Tels Quels Jeunes ASBL
Information, formation, animation, sensibilisation
Tels Quels Jeunes asbl est une organisation de jeunesse reconnue par la Fédération WallonieBruxelles. Nous travaillons avec les Jeunes et les professionnels de la jeunesse pour les
Jeunes afin favoriser leur participation à la vie collective et à la citoyenneté dans une attitude
responsable, active, critique, solidaire et ouverte à la diversité humaine, en particulier sur les
thématiques de genres et d’orientation sexuelle.
Nous proposons :
• De l’information (sur rendez-vous : [email protected])
• Des formations pour les professionnels de la jeunesse : étudiants, éducateurs,
enseignants, animateurs de mouvements de jeunesse, travailleurs sociaux, … pour les
sensibiliser aux problématiques liées aux genres, à l’identité et à l’orientation sexuelle:
l’homonégativité, les conséquences de l’homophobie, le processus du coming-out,
les évolutions de la législation, les mythes qui entourent encore l’homosexualité,
l’homoparentalité, la transidentité, et tant d’autres.
• Des animations de groupes de Jeunes, en milieu scolaire notamment comme des visites
de musées, d’expositions ou des séances de cinés ; des jeux de société ; des ateliers
d’expression théâtrale ou plastique, de Slam, d’écriture, ...
• Des actions de sensibilisations sur ces mêmes thématiques
Tels Quels Jeunes, c’est une asbl bourrée de projets ouverte aux collaborations …
Tels Quels Jeunes
Rue du marché au charbon, 81
1000 Bruxelles
Courriel : [email protected]
Site web : www.tqj.be
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Une création collective du Centre des Jeunes
et de la Culture de Rochefort
En collaboration avec le Centre Culturel des Roches de Rochefort, le C.I.D
InterJ et Tels Quels Jeunes a.s.b.l.*
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
C’est une histoire toute simple, une histoire d’amour. Premiers émois d’un garçon
pas comme les autres. Un voyage scolaire où, sous la neige d’Ecosse, chacun va se
découvrir et découvrir l’autre. Une comédie romantique où se mélangent les riffs de
guitare de l’atelier rock et les textes des jeunes de l’atelier théâtre.
Comédiens
Jessie Bakashika, Morgane Gilson, Mattéo Goblet, Alice Lemaître, Sylvain
Ramelot, Dylan Servais, Manon Willem.
Musiciens
Benjamin Davreux, Benoit Fastrès, Nicolas Gauthier, Antoine Gillet, Raphaël
Lebailly, Dylan Servais
Animation et Mise en scène
Yaël Body
Coordination Musicale
Fabrice De Smet-Gaigneaux
Animation des ateliers rock
Grégory Grandhenry, François Nerden et Olivier Albert
Vidéo
Julie Lannoy
Mise en mouvements
Delphine Noël
Création Eclairage et Régie
Nassim Badjou
Spectacle adressé aux jeunes à partir de 15 ans.
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IV. Le texte
Scène 1 - Prologue.
Mélanie
Mel: C’est ma faute, tout ce qui est arrivé par la suite. Tout ce qui se passe en
Ecosse reste en Ecosse, c’était la règle qu’on s’était fixée. Et j’ai pas pu tenir ma
langue. Mais c’était mon amour d’enfance, le premier, celui qu’on veut qu’il dure
toujours…
Faut dire que c’était pas malin de confier un groupe de jeunes à une vieille folle
de prof d’Anglais et à deux stagiaires! Dès le départ, c’était voué à l’échec…
En fait, je pense que je l’ai toujours su qu’il était pas tout à fait comme les autres
garçons. J’ai toujours su mais j’ai pas voulu le croire. Il me faisait confiance et je
l’ai trahi. 1 Mais bon, je vais trop vite. Je risque de vous embrouiller.
Commençons par le début. Action!
Scène 2 - Départ.
Tous
Scène non verbale en musique où l’on voit tout le monde s’affairer, passer avec
son sac, courir, marcher, s’arrêter… Bref, la vie quoi! Puis quand tout le monde
est prêt.
Tous : Scotland, here we come!
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Témoignage de June
La première fois que j’ai embrassé une fille. Waouh! C’était
magique. Je me souviens juste que ses lèvres avaient un goût
sucré et c’était comme le septième ciel. Waouh!
Elle était blonde avec de grands yeux bleus. Elle ressemblait un
peu à Taylor Swift, la chanteuse. Elle s’appelait Constance et
venait de Bordeaux. Elle avait suivi son père qui venait de trouver
un boulot dans une banque de la City. Elle est arrivée dans ma
classe et on ne s’est plus quittées. On a tout de suite su que notre
amitié était particulière. Mes parents nous ont surpris2 un soir en
train de nous embrasser. J’ai vu ma mère changer de couleur. La
semaine suivante, j’étais inscrite dans ce programme d’échange
scolaire direction la Belgique. Un an…
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Scène 3 - Visite de la distillerie
Tous
Max : Tout le monde en rang et surtout on ne touche à rien. A la fin de la visite, il
y aura un questionnaire à remplir, en anglais, alors s’il vous plaît soyez attentifs.
Scène 4 - Déclaration d’amour
Mélanie - Louis
L : Tu n’as pas l’air bien, je vais te raccompagner dans ta chambre.
Mel : Tu crois que Dieu va me punir?
L : Pourquoi?
Mel : Pour avoir bu ce soir?
L : Non, il te pardonnera d’avoir goûté à tous les whiskies, j’en suis sûr.
Mel : Louis… Louis… Louis…
L : Je suis là. Allez, au dodo!
Mel : Ne m’interromps pas, s’il te plaît. Ce que j’ai à te dire n’est pas facile.
L : Si c’est pour les chaussures, je sais, il faut que j’aille en acheter des nouvelles,
maman me l’a déjà dit.
Mel : Je t’aime, Louis.
Silence
L : Vu ton état d’ébriété assez avancé, ta phrase est totalement non fondée à mon
sens.
Mel : Hein?
L : Tu as un peu bu et tu ne sais plus trop ce que tu dis.
Mel : Je sais très bien ce que je dis. Et je vois bien la façon dont tu m’as regardée
quand on a visité la chapelle de Rosslyn, hier. Tu me fixais avec un petit sourire en
coin. J’ai toujours su que je rencontrerais l’homme de ma vie dans une chapelle et,
toi, tu baignais dans une lumière quasi divine et tu me regardais si intensément…
L : J’avais oublié mes lunettes.
Melanie essaye d’embrasser Louis.
L : Arrête Mélanie.
Mel : Tu ne m’aimes pas, alors!
L : Je t’aime… bien.
Mel : Je veux pas que tu m’aimes bien, je veux que tu m’aimes!
L : On va aller dormir et tu verras, demain, ça ira mieux et t’auras oublié tout ça. 3
Melanie se dégage
Mel : Laisse-moi, je sais me débrouiller toute seule!
Elle sort et croise Grégory
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Scène 5 - Petite leçon de «drague»
Gregory - Louis
G : Ouh là! Féroce la bigote!
L : Elle est un peu saoule.
G : C’est ça! Et même “un peu saoule”, elle n’a pas voulu t’embrasser, c’est pas cool,
ça.
L : Ca s’est pas vraiment passé comme ça.
G : Il y a un truc qui va pas trop, chez toi…
L : Oui je sais, mes chaussures! T’inquiète, j’en ai déjà parlé.
G : Non, non c’est plus profond. Depuis quand t’es célibataire?
L : Heu?!
G : C’est bien ce qu’il me semblait. Depuis toujours!
L : Ben non, y a eu quelqu’un mais ça n’a pas marché. Alors là, j’ai plus trop envie
de tenter des choses. Faut le temps que je m’en remette.
G : Ben, c’est le moment! Et oublie la bigote, y a bien mieux sur le marché! Une
anglaise dans son milieu naturel!
L : On est en Ecosse.
G : Et alors?
L : Ben c’est pas l’Angleterre. C’est même une insulte pour eux de les confondre.
G : Ouais bon, laisse tomber! C’est pas comme ça que tu vas séduire les filles.
L : C’est que c’est pas vraiment mon truc… Euh, la drague. 4
G : Bon, ben, heureusement que je passais par là dis-donc! On sort ce soir au
pub! Entre mecs!
L : Je suis pas sûr que Mme Lambot soit d’accord de nous laisser partir après
notre visite légèrement arrosée de la distillerie!
G : On n’a qu’à demander M. Depauw, il est cool.
L : Tu crois?
G : Sûr. Il n’aura qu’à venir avec nous. Comme chaperon.
L : Ok d’accord. Tu lui demandes?
G : Pas de problème. Et je vais t’apprendre à devenir un tombeur en 10 leçons.
Leçon n° 1 : Enlève ces lunettes, parce que ça le fait vraiment pas!
L : Oui mais je vois plus rien!
Simon et Maxence entrent.
G : Eh! M. Depauw, vous ne trouvez pas qu’il est mieux sans lunettes?
S : Oui, très mignon!
G : Tu vois!
L : Je vois rien, j’te dis!
G : Monsieur, ça vous dit d’aller boire un verre au pub du village, entre mecs,
histoire de rencontrer la population locale.
S : Euh… Oui, mais juste un alors. Tu viens avec nous, Max?
Max : Non!
S : Faut te décoincer un peu.
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Max : Faut bien que quelqu’un reste avec les autres élèves… D’ailleurs, à ce
propos, il faut qu’on parle.
G : On vous attend à la réception.
Grégory et Louis sortent.
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Scène 6 - Tu es trop proche des élèves
Max - Simon
Max : Je t’ai bien observé à la distillerie.
S : Quel bel endroit, plein d’âme. Et ce whisky! Un vrai nectar. C’est vraiment bête
que tu n’en aies pas goûté.
Max : Ne détourne pas la conversation.
S : Je ne sais pas ce que tu veux dire. Je trouve que tout s’est bien passé. Les élèves
se sont vraiment bien amusés. Et moi aussi par la même occasion.
Max : Justement, tu ne crois pas que tu étais un peu trop proche des élèves?
S : Non, on s’amusait.
Max : Tu n’es pas là pour t’amuser. Tu n’es pas un élève.
S : Je ne suis pas prof non plus!
Max : Si tu ne te considères pas comme professeur, ce n’est pas la peine de faire
des études.
S : Ecoute Max, ici ce n’est pas vraiment l’école, il faut être plus cool.
Max : Mme Lambot compte sur nous pour encadrer les élèves. Elle n’a pas
demandé à tomber malade. Elle doit rester au lit et, en son absence, c’est nous qui
gérons le groupe.
S : Et je trouve qu’on se débrouille pas mal.
Max : La sortie à la distillerie a failli finir en beuverie et, maintenant, tu sors
“entre mecs” avec deux élèves? Je ne pense pas que cela soit très indiqué. Surtout
avec ces deux là!
S : On va juste boire une bière, c’est pas la mort!
Max : Louis a à peine 16 ans. Il n’a pas le droit d’entrer dans un pub et encore
moins de consommer de l’alcool. C’est illégal ici.
S : On boira un soda! Ou un jus de pomme si tu veux.
Max : Simon, arrête de me prendre pour un idiot. Je vois bien ton jeu avec eux.
S : Genre?
Max : A toi de me le dire.
S : Sais pas! Quel jeu?
Max : Simon!
S : Bon ça va! Je les aime bien! Ils sont sympas.
Max : Je pense que tu devrais arrêter.
S : Mais j’essaie juste d’être sympa, je ne vois pas où est le mal. Ils sont bien ces
petits. On n’est pas beaucoup plus vieux, on écoute la même musique… J’ai plus
d’atomes crochus avec eux qu’avec Mme Lambot!
Max : Tu sais bien ce que je veux dire.
S : Tu es le seul à savoir ici… pour moi… Et je n’ai pas l’intention… Et puis
merde, ça ne te regarde pas. J’espère juste que tu ne diras rien5.
Max : J’espère que tu sais ce que tu fais.
S : T’inquiète, je gère.
Max : Je suis là pour t’aider.
OFF : Monsieur! Vous venez, sinon ça sera fermé!
Simon sort.
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Témoignage de Grégory
Je me souviens de la fois où je suis allé voir les RHCP à Paris,
avec mon père. C’est la première fois que je me retrouvais seul
avec lui, entre hommes. Dans le Thalys, un peu plus loin dans
le wagon, il y avait deux types. Un vieux d’au moins 45 ans et un
autre qui devait avoir la moitié de son âge et qui dormait, appuyé
sur son épaule. Le vieux lui caressait tendrement les cheveux.
Le vieux m’a regardé et il m’a souri. Moi aussi, je lui ai souri. Mon
père a vu ça et il s’est levé. Il a été trouver le type et il l’a menacé
d’appeler le chef de train s’il me reluquait encore. Quand on est
descendu du train, j’ai demandé à mon père pourquoi il s’était
fâché, il m’a répondu qu’il ne laisserait jamais une vieille tarlouze
poser les yeux sur moi et que la seule chose qu’on pouvait faire
pour ces gens-là, c’est de les exterminer6. Sur le coup, j’ai pas
tout compris mais quand je les ai vus s’embrasser sur le quai, j’ai
pris la main de mon père et je lui ai dit: “merci!”
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Scène 7 - Premiers “doutes”
June –Léa
J : Elle est où, Mélanie?
Léa : Sûrement dans sa chambre à faire son sac et à se morfondre.
J : Je vais aller la consoler.
Léa : Je te le conseille pas. Quand elle se morfond, elle est chiante.
J : Elle est jamais chiante. Pourquoi elle déprime?
Léa : Parce qu’elle vient de se faire jeter par Louis.
J : C’est pas comme si elle avait eu une chance.
Léa : Qu’est-ce que tu insinues?
J : C’est pas son genre.
Léa : Quoi, elle est pas assez jolie? Pas assez sexy? Il se prend pour qui, lui, avec
ses grosses lunettes et sa tête de têtard attardé?
J : C’est pas ce que je voulais dire. Gosh! Elle est super jolie et c’est la fille la plus
géniale que je connaisse. It’s just that he doesn’t like girls, you know.
Léa : Et en français, ça donne quoi?
J : Je peux pas le dire.
Léa : C’est pour aider Mélanie que je veux savoir…
J : Je suis pas sûre, mais je crois qu’il est… Que les filles… You Know.
Léa : Louis est gay7?
J : Je crois…
Léa : C’est lui qui te l’a dit?
J : Non, mais je vis chez lui depuis six mois et…
Léa : Et?
J : Ben, on est sorti un peu ensemble.
Léa : T’es sortie avec Louis?
J : On s’est embrassés quelques fois dans sa chambre, mais on s’est rendu compte
que c’était pas…
Léa : Il embrasse bien?
J : Not Bad! Anyway… Jure que tu le répèteras à personne, et surtout pas à
Mélanie.
What happened in Scotland stays in Scotland!
Léa : Ok, “Ce qui se passe en Ecosse reste en Ecosse!”
J : J’aime les garçons mais je préfère les filles. Et donc… Je sens ces choses-là8…
Léa : Mais t’as aucune preuve.
J : Non!
Léa : Et Greg qui est parti boire un verre avec lui pour essayer de lui faire
rencontrer des filles! Quand il va savoir ça!
J : T’as promis.
Léa : Oui, oui…
J : Tu crois que je peux aller consoler Mélanie?
Léa : A tes risques et périls.
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Témoignage de Maxence
La première… et dernière… fois que j’ai été Chef de la patrouille
de sécurité de l’école (ça fait classe comme titre) je devais avoir
comme 10 ans. Vous voyez, la petite Audrey, elle passait son
temps à essayer d’embrasser les filles derrière les marronniers de
la cour de récré.
J’avais beau le dire à la maîtresse, elle ne me croyait pas. Alors,
avec Raphaël, Antoine et Jérôme, on a décidé de créer une
patrouille de sécurité pour sauver les filles des griffes d’Audrey.
On l’a coincée derrière un marronnier et on l’a tous embrassée.
Et cette…. Elle est allée tout raconter à Mme Sylvie et on s’est fait
punir tous les trois.
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Scène 8 - Au Pub
Simon – Greg - Louis
G : Alors, Monsieur, vous nous l’offrez, ce verre? Moi ce sera une bière locale.
Faut bien gouter, non?
S : Et toi, Louis?
L : Un coca.
G : Petit joueur. Prenez-lui une bière comme nous!
Simon se dirige vers le bar et prend la commande.
G : Alors mon petit Louis! Va falloir se remuer un peu si on veut ramener une
fille ce soir.
L : Euh, oui.
G : C’est pas gagné.
Simon revient avec des cocas.
G : C’est quoi ce plan foireux?
S : Vous n’avez pas l’âge et comme je voulais pas boire seul…
G : Quel trou perdu! Bon, Monsieur, j’ai besoin de vous.
S : Ah? Pourquoi?
G : Faut faire de notre Louis, un tombeur! Objectif: Une bigote ou une anglaise
dans son lit ce soir!
S : Louis?
L : Euh, c’est un peu ambitieux.
G : C’est vrai, laisse tomber l’anglaise, visons la Mélanie… Elle est déjà à moitié
gagnée. Elle te regarde déjà avec des yeux de merlan frit!
S : Mélanie t’intéresse?
L : C’est mon amie d’enfance… Elle est gentille…
G : Mais on ne peut plus coincée. Va falloir y mettre le paquet. Des conseils,
Monsieur?
S : Oh, moi, tu sais…
G : Oui, vous n’avez besoin de rien faire, elle tombe toutes. Même ma copine bave
quand elle vous voit. 9
S : Ca, c’est le côté mystérieux du stagiaire. Si elle me connaissait, elle se rendrait
vite compte que je ne suis pas très intéressant.
L : C’est vrai que vous êtes mystérieux. On ne sait rien de vous.
S : Il n’y a pas grand-chose à savoir.
G : Allez, Monsieur, on est entre mecs. Et vous savez:
L et S : “Ce qui se passe en Ecosse, reste en Ecosse!”
G : Oh! Joli le chœur!
S : J’ai 21 ans, célibataire, je vis en colocation avec deux amis et j’ai un chien.
G : Race?
S : Epagneul breton.
G : nom?
S : Maurice.
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L : Maurice? C’est le nom de mon grand-père!
G : Vous préférez les blondes ou les brunes?
S : Pour les bières4… Les blondes… Bon! Finissez vos verres, il faut rentrer ou
Maxence va nous faire un caca nerveux!
G : Vous n’avez pas répondu à la question.
L : Fiche lui la paix!
G : On défend son prof… Faillot!
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Témoignage de Léa
La première fois que j’ai essayé d’avoir une relation sérieuse,
c’était l’année passée. Je m’étais trouvé un mec bien et je
m’étais dit que, pour une fois, je devrais arrêter de déconner.
J’ai vraiment, vraiment, essayé, mais j’avoue qu’au bout de deux
semaines j’ai laissé tomber et j’ai dragué un autre mec.
Grégory? C’est le mec que toutes les filles veulent à l’école, alors,
il me le fallait. Maintenant, on est ensemble et je m’ennuie. Il va
falloir passer à un stade supérieur, sinon, je sens que ça ne va
pas durer.
Puis, il y a le stagiaire de math, un vrai canon! Je vous dis pas
les rêves que je fais la nuit. Il est spécial, on en a jamais eu des
comme lui. La plupart du temps, ils sont coincés et veulent juste
réussir leur stage. Lui, il essaie vraiment de nouer contact avec
nous. Et moi, le contact, j’aime ça!
23
Scène 9 - Tempête de neige
Tous
Mel : Bon, les filles, vous n’avez pas vu ma Barbie?
Léa : Ta Barbie?
Mel : Oui enfin… Laisse tomber!
Léa : Sa Barbie!
J : Tu viendras à côté de moi dans l’avion?
Mel : Pourquoi?
J : Comme ça.
Lea : Ah Monsieur! Ils font quoi les garçons?
Max : Ils sont toujours au pub, je suppose.
Léa : Ils n’ont pas encore fait leur sac?
Max : Celui de M. Depauw est fait.
Les garçons arrivent.
G : Il est temps qu’on quitte ce trou pourri!
L : Il était chouette ce petit pub.
G : On n’a même pas pu avoir de bière.
L : On n’a pas l’âge, c’est la loi.
G : Oui mais bon! Il n’y avait personne dans leur truc! Et puis, je suis majeur
dans trois semaines.
Max : Bon, allez chercher votre sac. Louis!
L : Oui?
Max : Où est M. Depauw?
L : Il discute avec Mme Lambot et le chauffeur du car.
Les garçons sortent
Léa : On va pas rester coincés ici quand même?
Mel : On va rater le dernier épisode de Glee.
Max : Ne nous énervons pas, nous ne savons rien.
Les garçons reviennent avec leur sac.
Léa : On va peut-être restés coincés ici.
G : Pas de blague. Il y a zéro intimité!
Mel : Tant mieux! Ca évitera la naissance de bébés prématurés.
G : On n’a pas fait le même choix de vie débile que le tien, nous! On vit notre vie
à fond.
Entrée de Simon
S : Bon ben, les jeunes, tout va bien sauf qu’on ne sait pas partir.
Lea : Putain!
Mel : On va rater le dernier épisode de Glee!
G : Gnagnagna!
S : Il y un bon gros paquet de neige et le bus ne peut pas assurer notre sécurité
jusqu’à Glasgow. De plus, l’aéroport est fermé jusqu’à demain. Donc, on loge
encore ici, cette nuit, et on voit demain comment cela se passe.
24
Max : Il faut prévenir les parents.
S : Mme Lambot est en train de s’en occuper.
J : C’est nul, l’Ecosse!
S : C’est comme ça sur toute la Grande-Bretagne.
L : J’ai un examen de solfège, moi, samedi, il faut que je rentre.
G : Bon ben, puisqu’on doit rester ici, moi, je vais faire une p’tite partie de billard
au pub.
J : C’est ça… Let’s go to the pub!
Max : Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
Léa : Allez, Monsieur, c’est notre dernière soirée.
Max : Bon d’accord, mais une heure, pas plus!
Ils s’en vont tous au pub.
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Scène 10 La soirée musicale
Tous
Au Pub, un band joue de la musique. Gregory joue au billard tout seul. Les
filles le regardent jouer. Louis tente une timide approche vers Gregory.
L: Je peux faire une partie avec toi?
G: Pourquoi pas.
Louis commence à jouer. Simon se lève et s’approche de Louis.
S: Arrête, donne-moi ta queue, tu ne sais pas jouer, je vais te montrer.
Alors, tu dois bien tenir ta queue, c’est important, ok? Ensuite, tu choisis ta
position, tu dois être à l’aise, mais garder le contrôle. Et pour conclure, tu
positionnes ta queue dans le prolongement du trou et tu donnes un petit coup
sec. Et, logiquement, ça rentre tout seul.
L: Ok, merci.
Mélanie, choquée, s’adresse à Léa.
Mel: Et ben, dis donc, pour une école catholique, le niveau langagier est bien
bas. On voit bien que Mme Lambot n’est pas là.
Léa: Mais il est quand même mignon.
Mel: Ca n’excuse rien.
Léa: Tu ne le trouves pas à ton goût?
Mel: Là n’est pas la question, il est malpoli et cet accoutrement n’est pas adapté à
un professeur. S’il croit qu’il va réussir son stage habillé comme ça!
Léa: Tu crois que t’es mieux fringuée?
Mel: Ben oui… ça ne choque pas.
Léa: Mouais.
Simon rend la queue à Louis. Louis essaie à nouveau. Simon discute avec
Maxence.
S: Je suis super content d’avoir acheté mes chaussures 9, elles sont trop, trop
classes mais, niveau confort, ce n’est pas top!
Max: Ouais?
S: Ouais, mais ça me ferait de la peine de ne pas les mettre, au prix où je les ai
payées.
Max: Oui, je te comprends.
June se lève.
J: Waouh! Tu m’apprends à jouer?
G: Euh, oui, si tu veux. Alors, tiens, tu choisis une boule, tu te places face à elle
et tu te positionnes comme ça, un genou fléchi, un genou tendu, tu te penches,
tu vises et tu donnes un coup sec.
Grégory se rapproche sensuellement de June. Léa rappelle Gregory à l’ordre en
claquant des doigts. June tire et rentre la boule noire.
J: OUAIS! J’ai gagné.
G: Ben, en fait, tu devais la mettre en dernier celle-là.
J: Mais j’ai gagné?
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G: Tu devais d’abord mettre toutes les autres boules et, pour finir, mettre celle-là.
J: So, j’ai gagné?
G: Mouais.
J: Waouh! Waouh! I’m the best…
Gregory s’assied à côté de Léa et elle se colle à lui. June finit la partie avec
Louis.
G: Tu prends vraiment trop de place, toi.
Léa: Ben dis!
G: Pas volumiquement parlant, bien sûr.
Grégory s’écarte de Léa.
Max: Pff! Fallait bien que ça tombe sur nous cette tempête de neige! Rester
coincés dans cet endroit perdu.
S: Plouc Town!
M: C’est vraiment ça.
S: J’aurais dû aller en Grèce avec les 4es.
Max: C’est plein de pédés là-bas.
S: Pas plus qu’ailleurs. 10
Max: T’as pas vu le documentaire sur Arte la semaine dernière?
S : Oh moi, tu sais, les documentaires!
Max : Bon, moi, je rentre à l’hôtel…
S : Tu ne vas pas me laisser tout seul avec le groupe!
Max : Qu’est-ce que tu proposes?
S : Attends-moi là, je crois que j’ai une idée.
Simon s’éclipse discrètement, se dirige vers le bar, on le voit parler avec les
musiciens. Il se place derrière un micro. Il entamme la chanson “Across the
Universe”. Louis le rejoint et se met à chanter avec lui. A la fin de la chanson ,
applaudissements …
Léa : Louis, je suis toute à toi!
L : Euh! Ah bon! Et Gregory, alors?
Léa : C’est une façon de parler!
L : Ah d’accord.
J : Une autre, une autre!
Les musiciens rejoignent Simon et ensemble, ils entamment « Smells like Teen
Spirit » de Nirvana
J : Je la connais celle-là!
Elle se met à chanter affreusement faux! Réactions des musiciens, de Louis et
Greg qui essaye de la faire taire.
G : Merci June! Si tu pouvais éviter à l’avenir!
Max : Bon, il se fait tard et si on veut pouvoir prendre l’avion demain matin, je
propose que tout le monde rentre et aille se coucher.
L : Bonne nuit!
Léa : Eh, non, Monsieur, c’est notre dernière soirée, on peut rester encore un
peu!
S : Allez, Max, cool, laisse-toi un peu aller! Tu vas le réussir, ton stage! Et toi,
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mon faillot, viens ici!
J : On joue? Je connais un jeu super cool. Je le joue avec mes amies. It’s called…
I’ve never did this!
Max : Je n’ai jamais fait quoi?
J : Explique, Louis.
L : Ben c’est le jeu, on doit dire quelque chose qu’on n’a jamais fait et celui qui l’a
déjà fait, bois un coup.
Mel : Comment tu sais ça, toi?
L : On y a joué, un soir, avec June et mon frère.
Mel : Et on m’a même pas invitée!
J : Il faut de l’alcool.
G : Monsieur, vous en aviez pas acheté une à la sortie de la distillerie…
S : C’est pour mon cop… Père.
J : Allez dites, Monsieur!
Max : je ne pense pas que ce soit une bonne idée!
G : On vous en rachètera une à l’aéroport.
S : Elle est à l’hôtel.
G : Je vais demander au bar, c’est fin de soirée, ils seront peut-être d’accord de
nous vendre une bouteille cette fois-ci. Et, puis, je crois que j’ai une touche!
Gregory va au bar, on le voit discuter. Il revient avec une bouteille et des
verres.
G : Qui commence?
June : Moi, Je n’ai jamais été attirée par quelqu’un de plus jeune que moi.
Greg boit, Simon aussi.
Léa : Greg?
G : Peu importe l’âge du moment qu’elle est bonne.
Léa : Tu ne bois pas Mélanie? Pourtant, le petit Corentin, tu ne serais pas contre.
L : Mon petit frère?
J: Moi, j’ai une semaine, 4 jours, 3h et 24 secondes en moins que toi…
Léa : Bon à moi… Je n’ai jamais embrassé une fille.
June et les garçons boivent.
Mel : Menteur, Louis! J’ai déjà essayé et tu t’es jamais laissé faire.
L : Je t’ai déjà dit que tu ne m’intéresses pas.
J (chantant): “I kissed a girl and I liked it!” 11
G : June, please!
J (même jeu) : Fuck You !
Mel : Je n’ai jamais vu un homme nu!
Tout le monde boit sauf elle.
Léa : T’as jamais vu ton père?
Mel : J’ai pas été élevée par un hippie, moi! A vous, Monsieur.
S : Je n’ai jamais flashé sur un prof!
Mel : Ca marche aussi pour les stagiaires?
S : Oui, oui.
Tout le monde boit sauf Max
L : Je n’ai jamais embrassé un garçon.
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Les filles, Greg et Simon boivent.
Léa : Greg?
G : Un pari. En vacances avec des copains. Il avait des poils de lait. Je ne
renouvellerai pas l’expérience.
S : Des poils de lait?
G : Ouais, c’est comme les dents de lait…
S : Des poils de lait!
G : Je n’ai jamais participé à un film porno.
Louis boit puis recrache
G : Oh le gentil fi-fils à sa maman a fait un film porno!
L : J’avais mal compris.
Max : Bon, ça suffit maintenant, ça devient n’importe quoi. Tout le monde à
l’hôtel!
29
Scène 11 - Approche
Léa-Simon
Tout le monde sauf Simon qui rapporte les verres au bar et Léa qui traîne.
Léa : Je savais pas que vous jouiez de la guitare.
S : J’ai appris à ton âge.
Léa : Puis, votre voix, elle est complètement différente quand vous chantez.
J’adore la chanson. C’est de qui?
S : Des Beatles.
Léa : Vous aviez répété avec Louis?
S : Non. C’était comme ça, un bon feeling, sans doute… Il est doué le petit.
Léa : C’était vraiment beau. Vous donnez des cours?
S : Quand j’étais à l’école, je donnais des cours de guitare à la MJ près de chez
moi pour me faire un peu d’argent de poche.
Léa : Vous n’en donnez plus?
S : Ben, comme j’ai pas mal de stages et de cours, je n’ai plus vraiment le temps.
Léa : Vous pourriez en donner pendant que vous êtes à l’école? Monsieur
Devalet anime bien la chorale.
S : Oui, mais faut que tu trouves des élèves motivés.
Léa : Ben il y aura déjà moi. Je suis super motivée… On pourrait déjà
commencer ce soir.
S : Ben ce soir, ce sera pas trop possible car je dois rendre la guitare au barman.
Puis, il faut aller dormir.
Léa : J’ai lu que dormir, c’était une perte de temps.
S : Ben moi, je dois perdre mon temps pendant au moins 8h par nuit. Et là, je
suis vraiment claqué avec cette semaine de fou qu’on vient de vivre.
Léa : C’est vrai que c’était vraiment fou cette semaine. Puis, toute cette neige,
je suis pas vraiment équipée pour affronter tout ce froid. Vous me prêtez votre
écharpe pour rentrer?
S : Bien sûr. Tiens!
Lea : Elle sent bon.
S : Le mâle. Jean-Paul Gauthier. 9
Lea : C’est pas celui que vous mettez d’habitude!
S : Non, c’est celui de … allez, on rentre à l’hôtel.
Lea : J’ai peur dans le noir. Vous me raccompagnez jusqu’à ma chambre?
S : Je ne crois pas que Grégory appréciera.
Lea : Il compte pas, lui. C’est qu’un gamin.
S : Il a ton âge. Maintenant, dépêche-toi de rentrer à l’hôtel.
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Témoignage de Louis
La première fois que je me suis senti différent, j’avais 5 ans.
J’étais au restaurant avec ma mère. C’était un restaurant assez
chic, mais je ne m’occupais pas trop de ce qu’il y avait dans mon
assiette, je regardais les gens.
J’étais surtout fasciné par les allées et venues du serveur. Je me
souviens avoir dit à ma mère: “Il est beau, maman, le garçon!”,
et que ma mère m’ait répondu: “Tu es un garçon, Louis, tu dois
regarder les filles, pas les garçons”.
Ce jour-là, j’ai compris que je ne pourrais jamais lui dire que les
filles, ça m’intéressait pas. 12
31
Scène 12
Comment se débarrasser de Mélanie
June – Léa- Greg
Léa : On pourrait virer Mélanie de la chambre, ce soir.
G : La virer? Pourquoi?... Aaah oui! C’est clair, il faut la virer! C’est notre dernière
nuit…
J : Bulldozer.
Léa : Pardon?
J : J’ai appris un nouveau mot: Bulldozer.
G : Tu le dis comment en anglais?
J : “Bulldozer”. (avec l’accent).
G : C’est bien ce qui me semblait.
Léa : June? Ca te plairait de passer la nuit avec Mélanie ? 13
J : Yes!
Léa : C’est le moment d’attaquer! Après, on rentre à l’école et tu sais que ce sera
plus pareil… Tu pourrais l’inviter dans ta chambre. Vu que t’es toute seule. Ca te
plairait pas?
G : Et ça nous plairait à nous deux aussi, en fait.
J : Je fais comment?
G : Tu essaies de lui faire comprendre de manière implicite que tu veux passer la
nuit avec elle.
J : Implicite?
G : C’est pas comme ça, c’est comme ça.
Léa : Elle a tout compris! T’as qu’à lui dire que tu as entendu un truc bizarre dans
ta chambre et que tu as peur de passer la nuit toute seule.
J : Je fais souvent des cauchemars.
Léa : Ben, vas-y!
June sort.
G : Ben voilà, c’est pas plus compliqué que ça! La nuit est à nous, bébé!
Léa : T’as des préservatifs? 14
32
Scène 13 - Virée de la chambre
Mélanie - Maxence
Mel : Monsieur Devalet, Léa m’a virée de la chambre!
Max : Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse?
Mel : C’est vous, le professeur responsable ici. J’ai sommeil, moi!
Max : J’aimerais dormir, moi aussi! J’en suis à mon quatrième café parce que j’en
ai marre d’entendre vos vas-et-viens, mais visiblement, ça ne me calme pas et, en
plus, j’ai perdu mes boules Quies.
Mel : Ca devient n’importe quoi, ce voyage scolaire. Ca va foutre en l’air mon
année scolaire et la réputation de l’école.
Max : Oh, moi, dans deux mois, je suis parti!
Mel : Oui mais d’ici-là, je pourrais vous créer des problèmes! Je connais très bien
la direction et je pourrais lui dire que vous avez géré ce groupe comme deux
amateurs et que vous n’avez pas la maturité de devenir professeur. Déjà que M.
Depauw nous saoule à la distillerie, puis, on passe toute une soirée dans un pub
rempli de fumée de cigarette et, maintenant, vous me criez dessus parce que j’ai
le malheur de vous demander de l’aide! Non, vraiment, vous n’êtes pas capable
d’être professeur. Alors peut-être que vous ne les ferez même pas vos deux
derniers mois.
Max : Et qu’est-ce qui se passe de si horrible que vous ne puissiez pas rester dans
votre chambre?
Mel : Je n’ai pas les mots pour le décrire, c’est une atrocité. C’est Léa et Greg.
Max : Vous êtes jeune, ne me dites pas que vous n’avez jamais pensé à ça!
Mel : Monsieur, C’est toujours vous qui dites: “les règles sont les règles”, alors, il
faut agir avant qu’elle ne tombe enceinte 14.
Max : Ecoute, M. Depauw a, une fois de plus, disparu, je ne sais où, et Mme
Lambot est toujours au lit avec sa gastro et, moi, je vais péter un plomb alors je
propose que, pour ce soir, on en reste là et que tu ailles dormir dans la chambre
de June, elle a un grand lit.
Mel : Mais Léa et Greg?
Max : Avec tout ce qu’ils ont bu aujourd’hui, ça m’étonnerait qu’ils arrivent à
quelque chose.
Mel : Vous me décevez Monsieur… D’ailleurs, tous les garçons me déçoivent ces
temps-ci
33
Scène 14 - Le poème
Simon - Louis
Dans la chambre de Louis
S : Louis? Je ne te dérange pas?
L : Euh, non.
S : Je viens pour récolter ta participation à la cagnotte du pub. C’est 5 livres
sterling.
L : Ben, c’est que j’ai oublié mon portefeuille, je vis un peu sur le compte de
Mélanie.
S : Ah! D’accord. Je vais te les avancer, alors. Tu n’auras qu’à me rembourser
quand on sera rentrés en Belgique.
L : Merci, Monsieur.
S : C’est Simon… Ben, bonne nuit.
L : Bonne nuit.
S : Et encore bravo pour la chanson. Tu as vraiment une belle voix, pleine
d’émotion.
L : J’adore Rufus Wainwright 11.
S : Oh! Mais ce n’est pas de lui. C’est une chanson des Beatles.
L : Ah bon!
S : A demain.
L : Je peux vous poser une question?
S : Oui!
L : On dit plectre ou médiator.
S : Ah! euh… On peut dire les deux. Tu peux même dire onglet. T’as déjà pensé à
chanter sur scène?
L : Euh non!
S : Parce que je viens de monter un groupe avec des potes et on cherche un
chanteur et t’as vraiment la voix idéale pour chanter mes chansons.
L : Vous écrivez?
S : Je compose plutôt, les textes, c’est pas trop mon fort.
L : Ben ok! Je vais demander à maman si elle est d’accord et je vous dis quoi à la
rentrée.
S : Tiens, je te donne mon numéro au cas où tu voudrais me joindre… T’as un
papier?
34
Simon prend une feuille qui traîne sur le lit. Il la lit.
S : “Demain, dès l’aube…
L : A l’heure où blanchit la campagne, je partirai
Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps”…15
S : C’est de toi?
L : Non, mais ça pourrait.
S : Elle a de la chance Mélanie.
L : Ce n’est pas pour elle… C’est pour vous.
35
Témoignages de cette nuit-là
Tous
Greg et Léa
G : Cette nuit-là, c’était un peu notre dernière chance de pouvoir faire quelque
chose, Léa et moi, parce que, jusque là, on n’avait pas vraiment eu d’intimité.
Léa : On était censé… Enfin, vous voyez quoi!
G : Baiser!
Léa : Mais bon, c’était trop nul.
G : On a eu quelques imprévus.
Léa : Il ne s’est rien passé quoi!
G : J’étais motivé, mais, elle, elle était plutôt froide.
Léa : C’est sa faute, il a beau se la jouer, ce mec-là, c’est un impuissant.
G : Et elle, c’était pas vraiment la partenaire idéale.
Léa : Sérieux, c’était la pire nuit de ma vie.
G : Je pensais que je la connaissais, mais non.
Léa : Ca faisait quand même trois mois qu’on était ensemble, donc, je pensais
qu’on était prêts, mais, apparemment, non! On a mis du temps à trouver une
capote et, puis, une fois qu’on en a trouvé une, on n’était plus vraiment motivés.
Et puis, elle était à la banane, quoi!
G : C’était celle de Louis…14
Léa : C’est pas une excuse.
G et Léa : Bref! C’était pas notre nuit, quoi!
Mélanie
Ce fut sûrement la pire nuit du voyage. D’abord, je me suis fait virer de ma
chambre, puis, agresser par M. Devalet qui m’a dit que je n’avais qu’à aller dormir
avec June. Mais moi, j’avais pas trop envie, alors, je suis allée trouver Louis.
Après tout si Grégory squattait mon lit, moi, je pouvais squatter le sien, puis,
c’était un bon plan pour essayer de récupérer Louis.
Mais quand je suis entrée dans la chambre, j’ai cru que j’étais en enfer, Sodome
et Gomorrhe16. “Mon” Louis… avec M. Depauw… Je suis sortie et j’ai vomi dans
le couloir. Re- crise de M. Devalet qui m’a fait tout un discours sur l’alcool et les
jeunes et m’a envoyée me coucher chez June.
Il n’y avait qu’un lit double. Alors, je me suis glissée discrètement sous les draps
et elle s’est collée à moi toute la nuit. J’ai cru que j’allais mourir6.
Maxence
Après la soirée au pub, j’étais dans mon lit et j’essayais de dormir mais pas moyen.
Ils faisaient un vacarme indécent et Simon qui ne rentrait pas!
J’ai décidé alors d’ingérer une certaine dose de café afin de rester éveillé et je me
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suis mis à marcher dans les couloirs pour me changer les idées. Et là, je l’ai vue,
petite, blonde, mon pire cauchemar.
Elle m’a menacé et a fini par vomir dans le couloir en face de la porte de la
chambre de Louis et Grégory. Je suis rentré me coucher et je n’ai pas fermé l’œil
de la nuit. Ca m’a permis de préparer tous mes cours jusqu’à la fin de l’année.
June
Je l’ai attendue au moins pendant une heure après qu’elle m’a envoyé balader.
Puis, vers 11h, je suis allée voir jusque dans sa chambre. Je crois que je me suis
fait avoir.
Gregory et Léa voulaient la chambre pour eux et ils m’ont laissé croire que
Mélanie avait envie de passer la nuit avec moi. Et moi, je les ai crus. So stupid!
Alors je suis retournée me coucher. J’ai pleuré et, au moment où je m’endormais,
je l’ai sentie se glisser dans mon lit. Elle pleurait aussi, alors, je l’ai prise dans mes
bras et on a dormi ainsi toute la nuit17.
Magical!
Simon et Louis
S : Qu’est-ce qui m’a pris de faire ça. Je joue ma place, je joue tout, là18. Je ne sais
pas ce qui m’est passé par la tête. Non, c’était vraiment…
L : Indescriptible! C’était la première fois que j’embrassais quelqu’un que j’avais
vraiment envie d’embrasser 19. Et c’est…
S : Un garçon, gentil, mignon. Avec une voix d’une sensualité. Il a suffit qu’il me
chante cette chanson des Beatles pour que je n’aie qu’une seule envie…
L : Le connaître. J’ai pas envie qu’on fasse comme si de rien n’était .Je sais
maintenant que…
S : Je suis dans la merde. Maxence m’avait prévenu pourtant, mais il a fallu que
j’aille dans sa chambre! Que je lise ce poème. Ce n’était pas prévu c’était…
L : Mon premier vrai baiser!
S : Un baiser fantastique!17
37
Scène 15 En Classe de Math
Tous sauf Maxence et Mélanie
S : Bon, aujourd’hui, c’est lundi, c’est…
G : Raviolis!
S : Trigonométrie… Oui, Greg.
G : On peut aller faire cours dehors?
J : Oh oui, il y a du soleil aujourd’hui.
S : Désolé, mais les vacances, c’est fini. On a un programme à voir et, donc, on
reste en classe.
Léa : Allez, monsieur!
S : Pas de discussion!
Léa : Il est de mauvais poils aujourd’hui!
J : Où est Mélanie?
Léa : Elle m’a dit qu’elle devait aller chez la directrice.
S : Silence! Donc, je vais commencer par revoir le cercle trigonométrique. Oui,
Greg?
G : Je peux vous poser une question personnelle?
S : Oui, vas-y!
G : Qu’est-ce qui ne tournait pas rond dans votre tête quand vous avez décidé de
devenir prof de math?
S : C’est bizarre, on me l’a souvent posée, cette question. J’aimais ça et,
contrairement à toi, j’avais de beaux points. Et j’ai eu envie de transmettre ma
passion.
G : C’est ce que je dis, il y a quelque chose qui tourne pas rond.
S : Ecoute, je te demande pas d’apprécier le cours, je te demande de suivre et
préférablement, de réussir. Alors, un peu de concentration, sinon on va passer le
reste de l’année sur ce cercle! Donc, première formule. Prenez note. Les relations
Sinus: coté A sur Sinus Alpha égalent côté B sur sinus Béta et côté C sur Sinus
Gamma… Oui, June?
J : Je ne comprends rien!
S : T’inquiète, tu vas comprendre, je vais expliquer quand vous aurez noté toutes
les formules. Alors les relations Cosinus…
L : Monsieur!
S : A carré égal B carré plus C carré …
L : Monsieur!
S : Moins 2AB fois cosinus Alpha.
L : SIMON! 20
S : Louis, je ne te permets pas!
L : Ca fait 10 minutes que j’essaie de poser une question.
S : Ce n’est pas une raison pour te permettre une telle familiarité.
L : Ah! mais en Ecosse…
S : C’est fini l’Ecosse. On est en classe et, en classe, je suis ton professeur et…
38
L : Ca va, j’ai compris.
Sonnerie de fin de cours.
S : Bon, ben… on se revoit demain et pour ceux qui ont chorale, c’est ici après la
récréation avec M. Devalet et votre serviteur… Louis, tu peux rester, s’il te plait.
G : Ouh! j’en connais un qui va se choper une retenue!
Tous sortent.
S : Louis.
L : Vous fatiguez pas, je vous dis que j’ai compris. Faut que j’aille chercher mes
partitions!
Louis sort.
39
Scène 16 Outing 21
Tous
Entrée de Maxence.
Max : Simon, la directrice voudrait te voir dans son bureau. Ca a l’air important.
Simon sort. Maxence reste seul et s’installe au piano. Il joue un très beau
morceau. Mélanie entre. Elle l’écoute. Il s’arrête et elle est troublée. Elle se
reprend.
Mel : C’est super beau ce que vous jouez, c’est pour la chorale?
Max : Non, c’est pour mon plaisir.
Mel : Ah! Euh d’accord… Monsieur Devalet, il fallait que je vous voie avant
que les autres n’arrivent. Je pense que, pour la chorale, il faudrait un peu
revoir les chansons que nous allons présenter lors du concert de fin d’année.
Il faudrait qu’elles soient porteuses d’un message fort car je trouve qu’en ces
temps perturbés, nous avons besoin d’avoir un guide. Je me suis donc permise
de chercher quelques titres sur Internet. Que pensez-vous d’Enfants de tous pays
d’Enrico Macias ou d’Ensemble de Pierre Rapsat?
Max : Je ne connais pas ces chansons, puis, il faut en parler aux autres.
Mel : Ils seront sûrement d’accord. Eux, du moment qu’ils sont sur scène!
Max : Bon! On verra. Aujourd’hui, on va continuer la chanson qu’on avait
commencée avant que tu ne rejoignes le groupe.
Les autres élèves arrivent. Ils s’installent à leur place, préparent les partitions,
etc.
J : Tiens, Mélanie, je savais pas que tu faisais partie de la chorale.
G : C’est pas Glee, ici!
Mel : Très drôle. J’ai été chargée par la directrice de l’organisation de la fête de
l’école, alors, je suis venue proposer mon aide à M. Devalet, histoire de choisir
des chansons en accord avec le message que veut transmettre l’école.
G : Ca promet!
Mel : Ca ne vous fera pas de mal de parler d’amour, de respect, d’entraide… Bref!
De donner, je l’espère, un sens plus fort à votre vie.
G : Faudrait déjà que tu trouves un sens à la tienne.
Mel : Quoi?
G : Fallait bien que tu viennes nous faire chier jusqu’ici! Tous les ans, tu nous
trouves une idée débile! C’est pas notre faute si tu n’as jamais eu personne dans
ton lit à part ton chat ou ton chien.
Mel : Excuse-moi, mais je ne vois pas ce que cela vient faire dans la conversation.
Max : Bon, trêve de discussion. Tout le monde en place et on travaille le morceau
d’ouverture. Mélanie, tu te places près de June et tu fais comme elle.
J : Come here, baby!
Léa : On n’attend pas M. Depauw?
Max : Il est chez la directrice, il nous rejoindra plus tard.
Mel : Ou pas!
40
L : Qu’est-ce que tu dis?
Mel : Rien, rien.
Max : Bon. Tout le monde en place. Je vous donne les notes. June, Mélanie,
Léa, vous vous occupez des petites percussions. Alors… il y a un œuf et un
tambourin.
Léa : Un œuf?
June : Moi, je veux chanter!
L : Tu sais, le tambourin, c’est hyper important. C’est ce qui donne le rythme!
Sans tambourin, le chant ne sait pas se faire.
J : Ok. Tambourin, alors!
Mel : Et moi?
Max : Ecoute et essaie de trouver un rythme de claquements de mains. Greg, à la
guitare. Louis, c’est toi qui lance le chant.
«I wish I was a punk rocker»
Mel : Bon! C’est nul votre chanson. Il n’y a même pas de message!
G : Ben si!
Mel : Quoi? Qu’on doit se mettre des fleurs dans les cheveux! Très profond, en
effet!
G : T’es vraiment trop conne. Ca parle de révolution, d’un temps où les médias
n’avaient pas encore le contrôle de ton esprit et où la musique permettait aux
gens de s’exprimer.
Mel : Vous n’avez qu’à chanter en français pour qu’on vous comprenne! Il y a des
chouettes chansons… Ensemble de Rapsat!
G : Ringarde!
Mel : Non! Mais c’est vrai, quoi! A part June, qui comprendra le message de vos
chansons si vous chantez en anglais? C’est la fête de l’école, pas le Madison square
garden! Puis prôner la révolution, ce n’est pas le moment, il y en a déjà partout. Il
faut revenir à des valeurs plus profondes comme l’amour, le respect.
Léa : Tu l’as déjà dit.
Max : Bon, on reprend!
Mel : Je vais créer un club de chasteté, la directrice est d’accord.
G : M’étonne pas de cette coincée.
L : Tu parles de ma mère, là!
G : Excuse- moi, mais elle est vraiment coincée, ta mère! Ca marchera pas de
toute façon. Un club de chasteté… L’enfer!
Léa : Ca changera rien pour toi de toute façon… T’es impuissant!
G : Oui! J’assume! Et toi, frigide!
J : C’est quoi, impuissant?
L : C’est pas comme ça, c’est comme ça!
Max : J’en ai marre de devoir tout le temps vous recadrer! On perd du temps. Et
Monsieur Depauw qui s’est encore volatilisé! On ne sera jamais prêts pour le moi
de juin!
L : C’est vrai ça, qu’est-ce qu’il fabrique, M. Depauw?
G : Il se fait ta mère!
41
Mel : Ca m’étonnerait! C’est pas son truc, les filles! Hein Louis?
L : Quoi!
G : Louis?
Mel : Ben! Vas-y, raconte!
J : Mélanie, non!
Mel : Toi, la gouine22, tu me lâches. Vas-y, Louis, raconte comment vous avez
passé la nuit de la tempête de neige, Monsieur Depauw et toi.
L : N’importe quoi, je suis pas pédé 22.
Mel : Vous étiez tous les deux assis sur ton lit et je l’ai vu t’embrasser, comme une
fille doit embrasser un garçon16.
J : Mélanie!
G : Louis?
Léa : M. Depauw!
G : C’est impossible, tu étais tout le temps avec moi.
Mel : Pas cette nuit-là! Rappelle-toi, Vous m’aviez virée de la chambre pour que
tu puisses faire des trucs avec Léa.
Léa : Pas grand-chose.
Mel : Ca m’a tellement choquée de vous voir tous les deux que j’ai vomi dans le
couloir.
Max : Je suis témoin. C’est tombé à quelques centimètres de mes chaussures.
Mel : Tu croyais quand même pas que j’allais garder ça pour moi? Ta mère avait le
droit de savoir. C’est du détournement de mineur.
L : T’as jamais pensé que c’était peut-être moi qui l’avais embrassé et qu’il n’avait
rien fait de mal. Et il a fallu que tu ailles tout raconter à ma mère, t’es vraiment
trop conne.
Il sort
G : Louis, dis-moi que c’est une blague. Toi, tu ferais bien de t’excuser si tu veux
un jour récupérer mon estime!
Mel : Je m’en fous de ton estime.
Il sort.
J : You are such a stupid bitch! You and your little fucking world of Barbie and
Ken. You can’t say a gay is gay! You have no respect for him or what? You fucked
up Melanie, really fucked up. Do you realize? You’re such a fucking silly cow.
You’re going to lose all your friends. All you say is bullshit!
Léa : Si Depauw est renvoyé par ta faute, je te tue! Pour une fois qu’on a un prof
sympa!
Mel : C’est juste un stagiaire, il allait pas rester de toute façon!
Léa : N’empêche. Il trouvera plus de boulot après!
Mel : Excuse-moi, mais un pédophile qui sort avec ses élèves n’a pas le droit de
rester dans une école catholique.
Léa : Ben, les catholiques, question pédophilie 5, ils ne devraient pas trop la
ramener!
Max : Ne mélangeons pas tout, s’il vous plaît!
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Témoignage de Simon
«Je ne suis pas l’enfant que vous auriez voulu que je sois. J’ai une
préférence pour les garçons»2. C’est la bombe que j’ai lâché, il y a
5 ans, le jour de mon anniversaire, au déjeuner.
Mon père s’est levé de table et est sorti.
Ma mère m’a dit qu’elle savait, qu’elle était mal depuis plusieurs
jours parce qu’elle s’attendait à ce que je lui dise que j’étais
homosexuel: «J’avais rêvé d’une autre vie pour toi. Je me voyais
déjà grand-mère. Je te voyais père d’une famille nombreuse23 avec
une jolie femme… Et ce sera un gendre», ce sont ses mots.
Mon père n’a rien dit. Il m’évite. Je l’ai déçu. Mais je sais qu’il
m’aime et qu’un jour, nous nous retrouverons2.
43
Scène 17 On va te «dégayifier»24
Grégory – Louis – (fin) June
G : Ca te prend souvent de partir comme ça! T’as vu comme elle t’a agressé! C’est
quoi toutes ces conneries qu’elle a débité, la Mélanie? T’es gay! Elle est bien bonne
celle-là!
L : Oui!
G : Et Monsieur Depauw qui drague ma Copine aussi! Trop drôle…
L : Oui…
G : J’ai l’impression que, là, tu ris un peu jaune.
L : Hein? Non.
G : Dis-le que tu n’es pas gay. Dis-le!
L : Ben…
G : Merde, dis-le!
L : Disons que ce qu’elle a dit, c’est pas entièrement faux.
G : Pas entièrement faux? Quelle partie n’était pas fausse?
L : C’est bon, je vais pas te repasser la scène en détails. Tu veux un dessin? Je suis
pédé! Mais si ça peut te rassurer, tu n’es pas mon genre.
G : Et tu comptais me le dire quand, je peux savoir? Je passe une semaine dans
la même chambre que toi, en Ecosse, et, là, tu viens m’annoncer que tu es pédé!
C’est pas vrai, c’est une mauvaise blague.
L : Qu’est-ce que ça peut te foutre puisque je te dis que t’es pas mon type?6
G : Qu’est-ce que ça peut me foutre? Mon gars, c’est une maladie! T’es un malade
24, je suis désolé.
L : Comment tu peux dire ça, tu es mon ami.
G : Je suis pas ami avec les tarlouzes 22, moi! Me touche pas!
L : Qu’est-ce qui te prend là!
G : Tu ne me touches plus, c’est tout. Dégénéré. On devrait tous vous pendre,
comme en Iran! 25
L : Ca va!
G : Je n’accepte pas les contacts physiques6 avec les pédales 22. Putain! Louis, tu
fais n’importe quoi… En plus, avec Le stagiaire, quoi! Dire que je pensais qu’il
draguait ma copine alors qu’il nous matait tous le cul au billard! Il nous bavait
dessus avec ses gros yeux de pervers sodomite. Quand je pense que vous avez
fait ça dans ma chambre! Et que j’ai utilisé un de tes préservatifs! Et ça va? Vous
faites comment? C’est sûrement toi qui fais la fille! 26 Aaargh! Je peux même pas
imaginer le truc 27. Tu me dégoutes.
June entre
J : Fuck Off Greg, Get Out.
G : Va te faire …
Il sort
44
Scène 18 Consolation
June - Louis
J : Je suis désolée…
L : C’était mon seul ami.
J : Je suis là, moi.
L : Dans un mois, t’es plus là. Je serai de nouveau tout seul 28. Greg m’a quand
même dit: “tu me dégoutes, ne me touche pas!”
Et maintenant, il me nie, Mélanie, j’en parle même pas. Puis, ça va faire le tour de
l’école 29 et c’est sûr que plus personne ne voudra me parler.
J : Ce sera pas facile mais, avec le temps, ça s’arrangera. Il y aura un autre
scandale et ils t’oublieront.
L : C’est gentil d’essayer de me remonter le moral, mais ça m’aide pas trop ce que
tu me dis là.
J : Tu sais, je sais ce que c’est que perdre des gens qu’on aime parce qu’on est
différent. Je t’ai jamais dis pourquoi j’étais venue ici. Ma mère et mon père m’ont
éloignée d’une fille dont je suis amoureuse parce qu’ils ne peuvent pas imaginer
que leur petite fille ne soit pas comme ils veulent. Mais ça ne change rien à mes
sentiments. Dès que je rentre en Angleterre, je la revois. On sera plus discrètes,
c’est tout. Avant, ma mère et moi, on était très proches. Maintenant, on se parle
presque plus. Ca me fait mal, mais j’espère qu’un jour, on pourra se reparler. Si
Grégory est vraiment ton ami, il reviendra vers toi. Laisse-lui juste le temps de
digérer l’information. Puis, le monde est rempli de gens comme nous 28, il suffit
de les trouver.
L : Tu te rends compte que tu n’as fait aucune faute de français dans tout ce que tu
viens de me dire?
J : T’es un mec génial, tu sais, Louis. C’est moi qui suis censée te remonter le
moral et t’arrives à me faire rire.
L : J’ai pas changé, moi. C’est à eux qu’il faut le dire.
J : Laisse- leur du temps.
L : J’ai pas envie de finir l’année tout seul dans mon coin, avec Greg qui me fera
ses yeux de tueur!
J : Je serai là. Ensemble, on sera plus forts. Moi aussi, il faut que je me remette de
ma déception. Comment elle a pu faire ça, Mélanie?
L : Tu la connais pas, Mélanie. Moi, je la connais depuis que je suis tout petit, et
c’est une chieuse. D’ailleurs, je suis sûr que, si Simon me parle plus, c’est à cause
d’elle!
J : Pas sûr.
L : C’était tellement fort ce qu’on a vécu en Ecosse que je peux pas imaginer qu’il
a tout effacé depuis qu’on est rentrés.
J : Back to reality, baby. Ce qui se passe en Ecosse…
L : C’est différent.
J : Oublie-le, c’était un beau moment mais c’est pas possible, vous deux. Termine
45
l’année ici, puis, viens en Angleterre avec moi, je te ferai rencontrer des tas de
gens comme nous, tu pourras être toi-même et tu verras, tu l’oublieras vite le
beau petit stagiaire.
L : J’ai pas envie de l’oublier et de rencontrer des gens géniaux. Je suis amoureux
de Simon et lui aussi 17 … Je crois… Ca m’énerve, je ne sais pas ce qu’il pense. Je
ne sais pas s’il ne me parle plus parce qu’il ne m’aime pas et qu’il n’ose pas me dire
la vérité ou s’il ne me parle plus à cause de l’école.
J : Demande-le-lui.
46
Scène 19 Exclusion de Simon
Tous
Reprise Fin de la scène 16 comme si tout s’était figé. Maxence, Mélanie et Léa
sont sur scène.
Max : Mélanie, Qu’est-ce qui t’a pris de t’énerver comme ça?
Mel : Vous trouvez ça normal, vous?
Max : Il n’est pas différent de vous.
Mel : Moi, je la vois vachement, la différence.
Max : Il n’a pas choisi d’être comme ça. 24 Imagine que cela te soit arrivé à toi.
Mel : Croyez-moi, cela ne me serait pas arrivé à moi.
Léa : Tu as pourtant passé toute une nuit dans le lit de June. Et tout le monde
sait qu’elle aime les filles. Imagine que quelqu’un soit entré dans la chambre à ce
moment là?
Mel : Ce n’est pas la même chose.
Max : Et comment ce n’est pas la même chose?
Mel : Parce que c’était pas moi qui l’avait choisi et que je n’ai pas embrassé June en
l’enlaçant tendrement.
Léa : C’était peut-être pas une raison pour tout balancer comme ça.
Max : C’était ton ami d’enfance quand même. Tu as partagé plein de choses avec
lui.
Léa : Pas ce qu’elle voulait apparemment.
Mel : J’ai l’impression que je ne le connais plus 30.
Max : C’est dommage d’avoir gâché une amitié pour quelque chose qui ne te
regarde pas.
Léa : Vous étiez au courant, vous, pour M. Depauw?
Max : Oui!
Mel : Vous auriez dû nous avertir.
Max : Qu’il soit homosexuel fait de lui un moins bon prof de math? 30
Léa : Non!
Max : Alors, vous n’aviez pas à savoir quelque-chose qui relève de sa vie privée.
Grégory rentre.
G : Qu’on ne me parle plus jamais de Louis!
Léa : C’est ridicule!
G : Toi, la ramène pas, ok!
Max : Du calme, tout le monde. Où sont June et Louis?
G : Dans le vestiaire. Ils sont sûrement en train de se raconter des trucs de
pervers. Désolé M. Devalet, mais je crois que je vais laisser tomber la chorale
parce qu’il y a trop de trucs louches ici!
Léa : Enfin, Greg, on a besoin de toi.
G : M. Depauw, joue de la guitare, non? Vous avez qu’à lui demander, comme ça,
vous pourrez reformer les Village People15 et danser sur un char à la Gay Pride!
31
47
Mel: S’il y a quelqu’un qui doit quitter la chorale, c’est Louis. Il ne peut
décemment pas représenter l’image de l’école.
Léa : Mélanie, tu deviens ridicule. Avant que tu ne te pointes ici, tout allait bien.
Louis, il a une voix géniale et, toi, tu sers à rien, alors, c’est toi qui vas quitter cette
chorale que tu n’aurais jamais dû intégrer, d’ailleurs!
Arrivée de Simon.
Max : Ah, Simon!
Léa : Qu’est-ce qu’elle a dit la directrice?
S : Ben, en gros, je vais dire, dans les grandes lignes, je suis viré.
Léa : Quoi?
G : Bon débarras, casse-toi, sale pédé.
Léa : Greg!
Mél : On récolte ce que l’on a semé.
Arrivée de June et Louis.
L : Bon! On se la fait cette chanson?
Léa : M. Depauw vient de se faire virer.
S : Vous allez retrouver votre ancien prof de math. Je m’en vais.
J : Maintenant?
S : Je dois rassembler mes affaires et quitter l’école sur le champ.
Léa : Il y a bien quelque chose à faire.
S : Non! Je n’ai pas le choix. J’ai fait une erreur, je l’ai reconnu et, si je pars
maintenant, la directrice ne mettra pas de faute grave sur mon rapport de stage.
Elle a été sympa, j’aurais pu avoir plus de problèmes.
Léa : On sait ce qui s’est passé, Mélanie nous a tout dit. Vous avez rien fait de mal!
S : La loi est claire là-dessus, Léa. Bon, j’étais juste venu vous dire au revoir et
merci pour les beaux moments qu’on a passés ensemble… Je m’en vais et croyezmoi, c’est pas facile.
Il sort précipitamment.
G : Au revoir Madame!
L : Attendez, Monsieur… Simon!
Mel : Louis! C’est mieux pour toi que tu n’y ailles pas, franchement.
L : Pourquoi tu voudrais que je reste avec vous? Avec toi, qui as gâché ma vie. La
fille qui a fait virer un super bon prof à cause de ses caprices d’enfant! Quand je te
vois, je n’ai qu’une seule envie, c’est de me barrer!
Il sort
Mel : Mais, Louis…
J : Keep on dreaming baby!
June sort.
G : Allez, la gouine court après sa petite tarlouze de copain qui court, lui-même,
après son pédophile de stagiaire! Bon débarras!
Léa : T’es vraiment qu’un bâtard, comment tu peux être aussi con.
G : J’aime pas les pédés.
Léa : Il a été vraiment cool avec nous.
G : Qui ça? Simon?
48
Léa : Oui Simon! Puis, Louis, c’est ton ami, comment tu peux le renier en deux
secondes parce qu’il est peut-être pas exactement comme tu l’avais imaginé? 30
G : Louis, c’était mon ami et il m’a trahi.
Léa : Il ne t’a pas trahi, il est tombé amoureux! Et si tu comprends pas ça, tu
comprendras jamais rien.
G : Pourquoi il est pas tombé amoureux d’une fille, c’est pas compliqué tout de
même! Il pourrait faire un effort. 24
Léa : Comment j’ai pu sortir avec un abruti pareil.
G : Ben, faut croire que cet abruti te plaisait bien à une époque.
Léa : Ben, là, il ne me plait plus du tout. T’as qu’à sortir avec Mélanie, vous avez
les mêmes idées. Et si vous faites des petits, s’il vous plait, ne m’en gardez pas!
Léa sort.
Max : Bon! Ben, je crois que la répète est terminée pour aujourd’hui. Mélanie et
Greg, vous me rangez toute la classe.
Maxence sort.
G : Toi, ne crois pas qu’on va sortir ensemble, ok!
Mel : T’inquiète, tu me plais pas.
Grégory sort.
49
Scène 21 Adieux ou retrouvailles?
Louis - Simon
Quelques jours plus tard… Simon est assis à l’arrêt de bus. Louis arrive. Silence
gêné.
L : Je suis désolé pour ma mère.
S : T’inquiète, c’est ma faute. J’ai déconné, il faut le dire… Et le cours de math, ça
se passe bien?
L : C’est plus pareil… Je comprends toujours pas la relation sinus-cosinus.
S : On ne tombe pas toujours sur un bon prof. Il y en a certains qu’on ne devrait
pas lâcher.
L : Vous nous manquez déjà à tous, vous savez.
S : Tu sais, maintenant, tu peux me tutoyer. Je ne suis plus ton prof.
L : Sinon, euh… Tu compte faire quoi maintenant?
S : Ben… Faut dire que j’ai un peu foiré mon stage alors va falloir que je
recommence mon année, mais pour le moment, je prends quelques jours de
vacances.
L : Ben, je vais essayer de réussir mon année, mais ça va pas être facile, j’ai un
échec en math… Vous pourriez- me donner des cours particuliers?
S : Je ne pense pas que ta mère serait d’accord.
L : Ah! Oui, ma mère…
Silence
S : On peut la remercier… Grâce à elle, je ne suis plus à l’école et donc on peut
dire qu’on est deux personnes consentantes. 18
L : Tu veux bien qu’on se revoie alors?
S : On pourrait aller boire un verre au Shiva, si tu as le temps. Tu me dois
toujours 5 livres Sterling.
Louis sourit. Silence
L : Tiens, vous vous êtes mis à Hugo ?
Il Lui prend le livre des mains.
S : C’est quelqu’un qui me plaît beaucoup qui me l’a fait découvrir en Ecosse.
Leurs mains se rejoignent. Ils se regardent intensément
L : Parfois ce sont les choses les plus insignifiantes qui font la différence entre
juste ordinaire et vraiment spécial …
Il lui embrasse les mains.
Noir
50
51
II. Les Notes
Vous venez de découvrir la pièce «Ce qui se passe en Ecosse…» imaginée, écrite
et interprétée par l’atelier théâtre de la Maison des Jeunes de Rochefort.
Durant la représentation, plusieurs thématiques ont été abordées touchant
de près ou de loin à l’homosexualité. Elles ne sont pas toutes perceptibles
de prime abord et demandent, pour nombre d’entre elles, des explications.
En effet, l’homosexualité est pour beaucoup une grande inconnue. Un sujet
sur lequel on place un point d’interrogation et beaucoup de préjugés.
Dans la suite de ce document, seront abordés et expliqués ces différents
points: la révélation de son homosexualité, la réaction des parents, le
«gaydar», l’invisibilité des lesbiennes et bien d’autres.
Au fil de l’histoire, plusieurs sujets ont fait leur apparition, c’est à ceux-ci
que renvoient ces quelques explications.
Et si vous vous mettiez à notre place quelques minutes
1 La révélation
C’est la première fois que nous sommes capables de le dire à quelqu’un, ça
suit une autre étape plus délicate de notre parcours, celle de se reconnaître
gay ou lesbienne. Vivre son homosexualité ne veut pas dire que nous la
reconnaissons, nous pouvons la subir, s’imaginer que «cela va passer»,
mais un jour, on sait que «c’est» et que cela ne changera jamais, qu’il faut
vivre «avec».
Dès ce jour, tous nos rapports humains sont devenus, d’un seul coup,
«faux», car tout notre entourage croit encore avoir affaire à un/une hétéro,
nos parents, nos frères et sœurs qui, la plupart du temps, ne se doutent
encore de rien, nos amis, nos profs… jusqu’au boulanger qui nous vend son
pain, croyant servir un ou une cliente hétérosexuelle.
Ce mensonge devient vite insupportable et nous avons le besoin de trouver
cette personne en qui nous avons tellement confiance, dont nous sommes
sûrs qu’après que nous lui aurons révélé notre vérité, elle n’éclatera pas
de rire, elle ne nous fuira pas, ne nous lancera pas ce regard de mépris que
nous craignons tant, que nous puissions lui faire notre révélation.
Certains mettent toute une vie à trouver cette personne-là et la passent
comme dans un placard, c’est pour cela que nous nommons aussi la
révélation du terme anglais: «coming out».
2 La réaction des parents
La révélation passe rarement par les parents en premier, c’est que la
révélation familiale porte d’autres poids que celle faite à un inconnu ou
même à un ami. D’une part, si elle se passe mal, les conséquences sociales
en seront très critiques, d’autre part, psychologiquement, elle demande au
jeune qui se déclare, un lourd sacrifice. En effet, tout parent en devenir rêve
déjà bien avant de savoir avec qui il donnera la vie, à l’enfant qu’un jour,
52
il ou elle élèvera, on le voit, on en devine les couleurs de peau, de poil, les
textures, le devenir aussi… c’est l’enfant imaginaire. Cet enfant évolue avec
les étapes de sa conception et les réalités avec lesquelles il doit petit à petit
conjuguer (si j’imaginais une fille et que c’est un garçon, cela demande
quelques adaptations). Mais jamais, l’homosexualité de cet enfant ne vient
sur le tapis. Et lorsque nous disons à nos parents: «je suis homo», nous leur
«crions»: «je ne serai jamais l’enfant que vous vouliez que je sois!»
Il faut porter ce deuil! Certains n’y parviennent jamais et attendent le décès
de leurs parents pour vivre leur différence au grand jour.
Nos parents doivent aussi faire le deuil de cet enfant imaginaire
d’autant plus difficilement qu’ils n’ont aucune idée –et plutôt beaucoup
d’appréhensions- de l’alternative qu’on leur propose. Pour eux, vivre son
homosexualité, c’est aussi étrange, terrifiant même, que si nous leur disions
que nous partions cultiver des topinambours en Patagonie. Leur parcours
identitaire commence, un voyage qu’ils feront souvent sans nous en parler,
tout honteux de leur ignorance ou de leurs difficultés apparentes alors
que cela semble si simple pour les autres (on le croit du moins!), eux aussi
devront apprendre à se dire «parents d’enfant homo», ils devront trouver
quelqu’un à qui en parler, ils devront apprendre à «l’assumer» devant la
famille, les voisins, un inconnu… Leur parcours prendra du temps quels
que soient leur ouverture d’esprit, leurs convictions religieuses, leur niveau
d’éducation, car, devant cette question-là, nul ne peut dire comment il
réagira, ni le temps qu’il mettra à retrouver sa complicité avec son enfant.
Et l’on est souvent étonné de la promptitude des uns et de la difficulté des
autres.
3 Le gay ami de toutes les filles, la lesbienne copine dans tous les gars
Il y a autant d’homosexualités qu’il y a de gays et de lesbiennes. Et chaque
fois que l’on tend à vouloir leur donner une caractéristique commune,
on trouvera mille exemples contraires. D’ailleurs qu’elle soit positive ou
négative, cette caractéristique n’en devient pas moins une forme de préjugé
et de discrimination. Le gay ou la lesbienne qui se découvre, en sera pour
ses frais -s’il n’y correspond pas- de comprendre qu’il ou elle est, malgré
tout, homo à part entière.
Disons seulement que beaucoup de gays et de lesbiennes, dès l’enfance,
ont transgressé les préjugés de genres et les rôles sexuels, souvent
sans s’en rendre compte. Et que, pour beaucoup d’hétéros qui ont vécu
une amitié avec un homo de l’autre sexe, cette amitié garde une saveur
particulière du fait de sa «désexualisation», chose rarissime lorsque cet
autre est hétéro.
4 Le coming out permanent
Le fait d’en avoir parlé à nos parents ne nous a pas libérés pour autant
du «coming out» car cette démarche est permanente. Chaque fois qu’une
nouvelle personne entre dans notre entourage, que nous voulons accéder
53
à un nouveau service, un nouveau lieu, la question se pose vite de savoir si
nous devons ou non révéler notre homosexualité. Si nous allons encore une
fois nous taire, mentir, fuir…
Les hétéros nous disent souvent qu’ils ne comprennent pas que l’on
révèle ainsi notre homosexualité alors qu’eux ne parlent jamais de leur
hétérosexualité.
C’est faux! Ils en parlent toute la journée, il ne faut pas cinq minutes
de conversation autour d’une tasse de café pour que leur vie de famille
atterrisse sur le tapis et la question: «Et toi? Tu es marié?» n’as guère besoin
de plus d’un quart d’heure. Y répondre nous met inévitablement au pied du
mur. Qu’on le soit ou non d’ailleurs car, si c’est non, on ne sera pas quitte
pour autant de devoir révéler notre vie amoureuse.
Et la question du «mariage» (ou de la simple vie commune) se pose au
quotidien, de manière administrative ou physique, pour toute une série
d’actes banals de la vie: réservation de voyage, assurance familiale, prix
de groupe, abonnements, impôts, signature de bail, d’emprunts, d’achats
importants… autant d’instants où l’on doit apparaître avec son conjoint et
donc: se révéler une fois de plus. C’est usant! Au mieux quand c’est simple.
Toujours un peu poignant, car la peur que cette révélation puisse encore
poser problème, ne nous quitte jamais.
5 Attention avec les jeunes (préjugé intériorisé), pédophilie
«Pédéraste» qui nous vaut l’injure de pédé, désigne la relation initiatique
voulue par la tradition classique grecque entre un adolescent et un guerrier,
entre l’éromène et l’éraste. On retrouve cette pratique dans la culture
papoue qui veut que la force virile doive se transmettre par le sperme que
le futur guerrier doit «ingérer» d’une manière ou de l’autre. De là, cette
croyance que les gays sont toujours à la recherche de jeunes gens, voire
d’enfants qu’ils voudraient pervertir. Certains gays ont, à ce point, intériorisé
ce préjugé qu’ils sont incapables d’avoir un rapport serein avec des garçons
ou des adolescents, toujours inquiets «de ce qu’on va dire».
Il s’agit évidemment bien d’un préjugé et tous les chiffres de la pédophilie
démontrent qu’elle n’est ni plus présente ni hélas moins chez les gays que
chez les hétéros.
6 Homophobie et hyper-sexualisation des homos.
L’homophobie est souvent «croisée», tel hétéro peut trouver amusant de
discuter avec une lesbienne, mais ne peut imaginer une telle intimité avec
un gay. Telle hétéro se sent mal de la promiscuité qu’elle doit accepter avec
une collègue lesbienne, mais sort volontiers le week-end avec ses amis gays.
C’est que l’homosexualité de l’autre sexe ne les interpelle pas dans leur
propre rôle sexuel, elle ne rompt pas les dogmes culturels de la relation
«homme-femme».
Or, beaucoup d’hétéros croient (à tort!) que tous les homos (hommes
et femmes) sont hyper-sexualisés et sont toutes et tous attirés
54
immanquablement par eux. Pour l’homme hétéro, c’est difficile de se
retrouver ainsi «proie» ou «objet sexuel», pour la femme hétéro difficile
de devoir réagir à des «attaques» qui useraient des mêmes armes qu’elle.
Comme ils se croient sans cesse dans les rets de notre désir, ils ont
beaucoup de mal à supporter notre proximité physique.
7 «Gay» - «Lesbienne».
Au terme «homosexuel», trop scientifique et renvoyant trop à notre
sexualité, aux injures bien entendu sur lesquelles il est si difficile de se
construire, nous avons «choisi» deux termes qui, d’une part, n’ont jamais
été des injures; d’autre part, sont désormais universels et nous réunissent
partout dans le monde.
En outre, ils renvoient à une identité plus complexe qu’une simple
«sexualité» différente, plus affective, ce que Catherine Lara traduit par
«homo-affinité».
«Gay» serait un mot provençal qui désignait la vie aventureuse et
«underground» des troubadours du moyen âge. Au XIXe siècle, les premiers
cercles «d’uranistes» (on disait alors que les hommes venaient de Mars et
les femmes de Vénus et qu’ils s’étaient retrouvés sur la Terre, les «invertis»
venant d’une autre planète, Uranus) anglais l’ont choisi pour désigner leur
vie plus ou moins clandestine à l’époque et très axée –dans ces cerclesautour d’un haut niveau culturel. C’est après les événements de Stonewall
(voir la note 31) que le mot s’est popularisé aux Etats-Unis, puis, par
l’Angleterre dans toute l’Europe avant qu’Internet n’en fasse un terme qui
nous réunisse universellement. Jusqu’en 74, il est considéré comme épicène,
représentant tant les hommes que les femmes, mais l’invisibilité continue
de ces dernières les a poussées à se distinguer par un nom propre.
«Lesbienne» vient du nom des habitantes de l’île de Lesbos dont Sappho
était originaire. Le mot apparaît, en français, dès la Renaissance, il ne
prend cependant son sens actuel qu’au début du XXe siècle (avant plutôt
«originale», «asociale»), avec les travaux déjà cités de Renée Vivien qui
rassemble tous les écrits de la poétesse du VIIe siècle AJC qu’elle traduit et
publie avec des notes et une biographie.
Elle adopte même le violet comme couleur identitaire de ce que Sappho se
nommait «l’aède couronnée de violettes». C’est elle qui invente le terme
«saphisme» et son dérivé «saphique» pour désigner l’amour entre femmes.
Elle initie même les premiers pèlerinages lesbiens sur les ruines de la cité
qui vit naître «la sainte-protectrice» à Eressos, à la pointe occidentale de
l’île.
Si ce choix fut longtemps controversé, à cause du parti pris sur
l’homosexualité véritable de l’héroïne (éternel débat pour tous les
personnages du passé), ou sur son côté très intellectualisant, le terme a fini
par s’imposer et est devenu, à son tour, universel.
Pour revenir à homosexuel, Il faut attendre les écrits de Karl Maria Kertbeny,
55
en 1869, pour voir apparaître le mot «homosexuel» qui aura le succès
que l’on sait, mais qui donne à notre communauté, dès le départ, une
connotation médicale ou, à tout le moins, de sujet d’études scientifiques.
Pour la petite histoire, «hétérosexuel» ne sera construit, en miroir à
homosexuel, que durant les années ‘30. Il y eut donc des homos près de 50
ans avant des hétéros…
8 Le gaydar.
Il résulte de l’association des mots «gay» et «radar». Il s’agirait d’avoir un
«détecteur d’homosexualité» qui nous permettrait de nous reconnaître
dans un groupe de personnes. C’est un peu moins spectaculaire que cela.
En effet, il ne s’agit ni d’un code secret à la manière des frères maçons, ni
d’une prédisposition naturelle, seulement d’une pratique de survie que
l’on apprend et qui s’aiguise à l’usage, elle nous permet de ne pas se faire
massacrer quand, seulement, on veut signifier à quelqu’un que l’on croirait
des nôtres, notre intérêt pour sa personne. Mais, petit à petit, c’est vrai que
nous parvenons d’un simple regard qui dit: «Je t’ai reconnu et je sais que tu
m’as reconnu», à nous reconnaître au milieu de la foule et notre chemin est
si solitaire que cette rencontre-là est souvent réconfortante, d’autant plus
qu’elle est ignorée des autres.
A l’inverse, un hétéro ne peut nous reconnaître que si nous avons décidé
que «cela puisse se voir», sinon il a toutes les chances de se tromper et
de commettre un préjugé de genre qui le conduise à traiter de «pédé»
seulement un hétéro un peu trop précieux ou de «gouine», seulement un
«garçon manqué».
En effet, les identités de genre ne traduisent en aucune manière une
prédisposition pour l’une ou l’autre orientation sexuelle.
9 Tous les gays ne sont pas beaux, gentils, bien habillés. Ni fashion victim!
Comme déjà souligné dans la note3, ce genre de déclaration n’a aucun sens,
et il y a autant de gays peu avenants, peu gâtés par la nature, peu soucieux
de leur mise que chez les hétéros… on peut vous en dire!
Sans doute, la soudaine «inaccessibilité» de certaines stars du fait de leur
homosexualité, a-t-elle généré ce mythe, mais ce n’est qu’un mythe et donc:
un préjugé. Une difficulté de plus pour celui qui n’y correspond pas.
10 Tous les Grecs ne sont pas pédés…
Dans le prolongement de la remarque5, il faut insister sur le fait que ce rite
de passage qui a donné lieu à ce préjugé, appartient à l’Antiquité, que les
Grecs d’aujourd’hui sont, en grande majorité, orthodoxes et que leur clergé
est encore plus réactionnaire à l’égard de notre communauté que l’Eglise
catholique.
Cependant, contrairement à ce que certains d’entre eux croient, ils sont
autant touchés par la question que les peuples où les gays s’affichent
davantage et cela, comme tous les peuples de la terre… on estime que les
56
gays et les lesbiennes représentent plus ou moins 10% de l’humanité, ce
qui ferait quand même, à peu près, 300 millions de gays et 300 millions de
lesbiennes…
11 Les gays et les lesbiennes «people».
Profitant des changements de société, de plus en plus de personnes en
vue: vedettes de cinéma ou de la chanson, écrivains, journalistes, sportifs
de haut niveau, médecins réputés, notables de toutes sortes, hommes et
femmes politiques… rendent publique leur homosexualité.
Ce «coming out» a deux intérêts outre le fait qu’il libère son auteur d’une
pression quotidienne énorme, évidemment.
Le premier, c’est que son image publique souvent brillante et positive
va déteindre sur l’idée que les hétéros qui l’admirent, auront de
l’homosexualité en général et pourront sans doute mieux accepter la
différence d’un de leurs proches si elle signifie un point commun avec
quelqu’un qu’ils admirent.
Le second, c’est que, de la même manière, cette image positive de notre
différence, sa multiplication, sa diversité humaine va permettre aux jeunes
gays ou aux jeunes lesbiennes de pouvoir mieux se reconnaître et de
s’accepter dans leur différence, s’ils peuvent l’assimiler au vécu d’une
personne que tout le monde admire.
12 Depuis toujours.
Il n’y a pas d’âge pour effectuer sa reconnaissance, elle peut se faire de 7 à
77 ans pour parodier un auteur de BD célèbre, d’autant que certains la vivent
par rebondissements, ne l’acceptant ni du premier doute ni même de la
première évidence.
Mais lorsque nous l’acceptons enfin et que nous savons qu’elle est part
entière de notre ego, nous réalisons aussi combien nous nous sommes
trompés nous-mêmes, qu’elle a toujours été là au fond de nous, qu’elle a
grandi avec nous, n’attendant que notre courage de la vivre ouvertement et
consciemment.
On ne devient pas homo, on l’est, on met seulement un certain temps –
différent pour chacun- à le comprendre et à l’accepter.
13 L’invisibilité des lesbiennes.
Marguerite Yourcenar que Jacques Chancel interrogeait sur le fait qu’elle
n’écrivait que sur des personnages gays jamais lesbiens, lui expliqua que
c’était difficile de parler de quelque chose d’invisible car «les lesbiennes ont
profité et subi l’ombre de l’histoire». Longtemps, en effet, elles ont pu croire
qu’elles avaient plus à perdre à se révéler qu’à rester secrètes.
Les lois qui condamnaient la gaytude, ont rarement touché les femmes
avant le XXe siècle, on ne s’est jamais fort ému de voir des femmes sans
mari se réunir pour se prémunir ensemble des accidents de la vie et
partager leur vie, on ne s’est pas plus ému des marques de tendresse ou
57
d’intimité qu’elles se permettent en public. Il faut dire que, depuis Saint
Augustin, dans l’esprit machiste, «la femme n’est que le cloaque du plaisir
de l’homme»! Pas d’homme, pas de plaisir! Cette invisibilité fut un miroir
aux alouettes, c’est ce qu’exprime Marguerite Yourcenar, car elle a maintenu
les lesbiennes dans un grand isolement, une grande ignorance de leurs
semblables et, partant, a retardé d’autant non seulement l’émergence d’une
culture lesbienne, mais aussi celle d’un mouvement de revendication qui
leur soit propre.
Il faut attendre les années «1900» pour voir apparaître les premiers cercles
intellectuels lesbiens autour, notamment, des poétesses Renée Vivien,
Natalie Clifford-Barney ou Colette qui vont créer le mythe de Sappho et poser
les bases d’un cahier de revendications communautaire.
Mais la plupart des lesbiennes qui vont les suivre, choisiront, pour militer, le
mouvement féministe et ce n’est qu’en 1974 que l’on peut parler réellement
d’un mouvement gay «et lesbien» qui va prendre enfin en compte la mixité
de notre communauté. Cependant, ce retard et l’évolution du militantisme
de manière générale les laissent toujours en retrait des gays, moins
nombreuses et moins exubérantes -et donc moins visibles- qu’eux, dans
toutes les facettes de notre communauté.
Océanerosemarie (humoriste française) a lancé un one woman show
s’intitulant «la lesbienne invisible». Elle y parle de son expérience, mais
surtout du fait que personne ne croit en son homosexualité car elle serait
trop féminine, trop jolie pour ça. Les lesbiennes se cacheraient plus que les
gays et elles seraient d’autant moins acceptées qu’elles ne correspondraient
pas au look «bush» (garçon manqué).
14 Les hétéros aussi doivent se protéger.
Mélanie part donc du principe que Léa ne se protègera pas s’il y a rapport,
puisqu’elle craint qu’elle soit enceinte. Heureusement, Léa est plus au
fait de ces réalités que sa condisciple car elle a bien prévu d’utiliser un
préservatif… même s’il est à la banane.
Il faut rappeler ici que, si trois nouvelles personnes vivant en Belgique sont
atteintes par le VIH-sida tous les jours, deux d’entre elles sont certainement
hétéros. Que si l’on peut avoir de nombreux rapports sans avoir été
contaminé, un seul suffit pourtant, qu’enfin, l’infection ne se voit pas sur le
visage et que l’on ne peut se fier à son intuition pour connaître la sérologie
d’une personne.
Utiliser le préservatif n’est pas tout, il faut encore l’utiliser à bon escient!
Un préservatif à la banane est adapté à la fellation ce qui justifie son goût,
mais il est très fragile pour une pénétration qu’elle soit vaginale ou anale.
C’est mieux que rien, mais il vaut mieux choisir, pour cet exercice, un
préservatif plus solide et, encore mieux, l’utiliser avec un lubrifiant qui le
garantira au maximum d’un déchirement malencontreux.
Ceci n’enlève rien à la précaution qu’il faut prendre en le manipulant: vérifier
58
sa date de péremption, l’état de son emballage, bien le placer sans utiliser
ses ongles pour le dérouler, veiller à bien vider son réservoir pour qu’il
n’explose pas.
Et après cela, ne plus y penser jusqu’à ce qu’il ne serve plus.
15 La part des gays et des lesbiennes dans la culture.
Le fait que Michel-Ange et Léonard aient été gays, ne signifie pas que nous
soyons tous doués pour le dessin et la sculpture, pas plus que le fait que
Marguerite Yourcenar et Colette aient été lesbiennes, ne nous fasse la plume
plus facile.
Mais savoir que cette différence qui pèse si lourd en notre parcours, nous
relie à ces hommes et ces femmes de génie, la rend quand même plus
supportable, elle montre aussi qu’elle n’empêche rien et pas même la
renommée. Leur présence montre aussi la part que notre communauté a
prise à l’édification de l’humanité toute entière et à toutes les époques.
Que serait le monde, en effet, sans Alexandre, Sappho, Platon, Montaigne,
Proust, George Sand, Warhol, Virgile, Hadrien, Thomas Mann, Mishima,
Virginia Woolf, Lyautey… et ceux déjà nommés?
16 Homosexualité et religion: la Bible, les Évangiles et le Coran.
Ni la gaytude, ni le saphisme ne sont évoqués dans aucun des Livres, encore
moins condamnés.
Le Christ n’évoquera jamais ce péché qui paraîtra si grand à ses disciples,
quant au Coran, il n’en parle pas explicitement mais renvoie à la Bible
pour ce qui concerne l’épisode de la destruction de Sodome, et encore,
indirectement, en parlant «du peuple de Loth».
Pour ce qui concerne, cet épisode (Genèse, chapitre 18 &19), rappelons que
les anges envoyés par Dieu pour voir ce qui se passe dans la ville réputée
pour sa débauche, sont accueillis par le neveu d’Abraham, Loth, qui les
héberge. Aussitôt, la maison est entourée des sodomites, habitants et
habitantes de la ville, détail important pour la suite, qui demandent à Loth
de leur livrer les «étrangers» (le crime punit dans la Bible est donc un refus
d’hospitalité), Loth, après diverses tergiversations, leur dit que son devoir
de père passe après son devoir d’hospitalité et leur propose ses filles.
Les sodomites, hommes et femmes, lui répondent: «nous ne voulons pas
connaître de tes filles, nous voulons connaître des étrangers» et c’est cette
phrase qui justifie que l’on prétende que la Bible nous condamne. Pourtant,
il s’agit-là au pire d’un viol, condamnable quel que soit le genre des
bourreaux et de leurs victimes, pas d’amour entre deux hommes ou entre
deux femmes.
Cette interprétation est tardive (sous Justinien, semble-t-il) et les premiers
«bûchers de Sodome» seront consécutifs aux Croisades. La sodomie devient
alors le vice de l’autre, de celui que je ne suis pas, les musulmans persuadés
que ce mal vient des Chrétiens et ces derniers persuadés du contraire.
Pour ce qui concerne les autres textes de la Bible ou du Nouveau Testament
59
pris à témoin de notre condamnation, on se souviendra qu’ils figurent dans
des textes plus larges (comme le Lévitique) dont les croyants conviennent
eux-mêmes qu’il faut les remettre dans leur contexte historique et qu’il faut
les lire avec un œil «moderne», or ce qui est valable pour l’esclavage, la
peine de mort, la lapidation, la torture ou la condition de la femme, devrait
l’être pour nous aussi.
La seule difficulté tient au fait que les trois religions veulent lier l’acte sexuel
à la procréation, mais l’on sait que la plupart des croyants hétérosexuels ont
pris, depuis longtemps, des libertés avec ce dogme.
Reste que les réticences des clergés des trois grandes religions
monothéistes à reconnaître aux gays et aux lesbiennes le droit
«d’aimer l’autre» comme le commande leur cœur, est une grave entrave
psychologique et culturelle à l’émancipation des gays et des lesbiennes
croyants.
17 «Juste une question d’amour»
Comme déjà évoqué, la gaytude et le saphisme dépassent notre appétence
sexuelle, ils sont, d’abord, une structuration de notre identité, une forme
d’affinité particulière qui est en nous bien avant nos premiers émois sexués.
Comme les hétéros, les jeunes gays et les jeunes lesbiennes sont très «fleur
bleue», ils rêvent tout jeunes à leur grande histoire d’amour, à fonder une
famille et, aujourd’hui, ils savent que c’est possible, qu’ils pourront même
se marier…
Du moins s’ils ont la chance de vivre en Belgique ou dans un des neuf autres
pays du monde qui nous ont ouvert ce droit (Pays-Bas, Espagne, Canada,
Afrique-du-Sud, Portugal, Suède, certains Etats US, District de Mexico et
Argentine).
Dans une dizaine d’autres, ils pourront signer un partenariat enregistré qui
revient presque au même (Danemark, Norvège, Islande, Grande-Bretagne,
Allemagne, Autriche, Israël, certains Etats US, Uruguay, Colombie, NouvelleZélande, plusieurs Etats australiens et brésiliens…) ou un degré inférieur
au mariage (France, Tchéquie, Suisse, Equateur, des Etats US, Slovénie,
Luxembourg…)
18 Et s’ils avaient été hétéros?
Nos jeunes auteurs-interprètes ont imaginé une histoire qui les concerne
et les touche, mais que la loi condamnerait dans la réalité, ce que nous
n’avons pas voulu éviter comme débat.
Dans la même situation, un prof hétéro séduisant une élève mineure serait
condamnable de la même manière. La question que l’on s’est posée en
relisant le texte, c’est: «Est-ce plus grave parce que c’est une relation
homosexuelle?»
Malheureusement, il y a fort à parier –peut-être pas au tribunal, mais
certainement dans la rumeur qui l’entourerait- qu’une affaire de ce type
serait toujours considérée plus négativement si la relation est homosexuelle
60
que si elle était hétérosexuelle.
C’est cet a priori qui amena au vote de la loi de 1965 qui institua, dans
notre pays, pour vingt ans, comme dans plusieurs autres pays européens
bien avant (en 1889, aux Pays-Bas), un âge de majorité sexuelle différent
pour les gays ou les lesbiennes (18 ans) et pour les hétéros (16 ans). Cette
discrimination disparut chez nous à la fin des années ‘80 avant qu’au début
des années ‘90, le Parlement européen suivi par le Traité d’Amsterdam ne
l’interdise dans toute l’Union.
19 Après le premier baiser: «maintenant, je sais!»
Autant notre gaytude ou notre saphisme est moins notre sexualité que notre
affectif, autant tant qu’ils ne se sont pas concrétisés par un passage à l’acte,
ils restent une espèce de rêve, de fantasme, de doute…
Ce premier baiser est vraiment une révélation, un éclair de notre évidence.
20 Les excès du novice!
Souvent, lors de rencontres avec de jeunes hétéros, ils nous disent qu’ils
connaissent un gay ou une lesbienne qui «exagère»…
C’est qu’après s’être autant caché, après avoir autant «fait l’hétéro», le
jeune gay ou la jeune lesbienne qui se découvre, a tendance à perdre
ses préventions, à vouloir que tout le monde le sache: «puisque j’ai eu le
courage de le dire, je veux que plus personne ne puisse l’ignorer».
Non seulement, cela les pousse à des comportements et à des modes
vestimentaires «visibles», «exagérés», mais surtout cela les met en danger
du regard des autres car ils en oublient de continuer à se protéger.
Et, paradoxalement, c’est au moment où ils vivent au mieux leur différence,
qu’ils courent le plus de risques.
21 «Outing».
C’est le fait de révéler l’homosexualité de quelqu’un d’autre contre sa
volonté. C’est une trahison, une violence, un viol pour tout dire de notre
intimité.
Réprouvée par les communautés continentales, elle est une arme redoutable
dans les mains des militants gays anglo-saxons qui menacent les décideurs
politiques ou religieux gays de les «outer» s’ils s’opposent aux changements
favorables à notre communauté.
En privé, c’est une violence terrifiante faite à un gay ou à une lesbienne que
de le tenir sous la menace de son outing. C’est d’ailleurs une des violences
conjugales particulières aux couples gays ou lesbiens.
22 Les insultes usuelles
Pédé, gouine, tapette, tantouze, brouteuse… Le texte reprend les plus
usuelles, aujourd’hui, en français, mais notre langue et la plupart des
autres ont eu une inventivité infinie pour nous désigner, nous humilier
de toutes les manières, garçons et filles, de «sodomite» au moyen âge (et
61
«gomorrhéenne» pour les femmes), à «hommelette» qui est une mauvaise
traduction de l’Italien «frittata» (omelette), nous eûmes droit à une infinité
de noms d’oiseaux (dinde, canard, colibri, lièvre), de termes latins (où
l’on nous assimile au lupin) compliqués plus ou moins traduits (fricatrix,
succube, inverti…), de néologismes traduisant une ambiguïté de genre
(tarlouze, tante, sacoche en allemand…) ou d’aucunes pratiques sexuelles
par lesquelles on semble vouloir nous distinguer (brouteuse, enculé…),
en ancien français, on nous traitait souvent de «bougre», c’est-à-dire de
zoophile «aimant les boucs»…
Le pire, ce sont les langues où pas même une injure ne nous désigne
réellement, ce qui rend notre identification quasi impossible car on ne
peut s’identifier à un concept qui n’a pas de nom. C’est le cas des langues
guinéennes pour lesquelles homosexualité se confond avec ambiguïté de
genre car on ne peut la dire que par une expression qui signifie littéralement
«un homme-femme», comme en wolof, «Gorguiguenne».
23 L’homoparentalité: la PMA, la coparentalité et l’adoption.
Depuis juin 2006, nous pouvons adopter, en couple, des enfants (comme
dans une dizaine d’autres pays dans le monde).
Cette date ne marque pas la naissance de l’homoparentalité qui existe
depuis toujours. De tous temps, notre désir d’enfants qui n’est pas moins
grand que celui des hétéros à trouver à se concrétiser par des projets
d’enfants qui, certes, demandaient un peu d’inventivité mais restaient tout à
fait possibles car si la nature a rendu nos couples stériles, elle ne nous a pas
rendus stériles individuellement.
A toutes les époques, des gays ont ainsi organisé des coparentalités
avec des comparses lesbiennes avec lesquelles ils partageaient ensuite
l’éducation des enfants. Beaucoup ont eu leur enfant dans le cadre
d’une première relation hétérosexuelle qui a précédé leur coming out.
Si la coparentalité reste le mode de procréation le plus populaire, les
relations hétéros, par contre, ont quasi disparu à la fin du XXe siècle, la
reconnaissance des couples de même sexe, puis, de l’homoparentalité
elle-même, ayant permis aux jeunes gays et lesbiennes d’envisager
immédiatement un projet de vie incluant leur gaytude ou leur saphisme.
Dans notre pays, les lesbiennes ont également accès à la Procréation
Médicalement Assistée (PMA), du moins dans les hôpitaux laïques ou
publiques, et peuvent développer un projet de couple pour l’enfant, enfin,
depuis longtemps, gays et lesbiennes pouvaient espérer adopter «en
célibataire». Tous ces enfants réunis doivent représenter plus ou moins
35.000 individus en Communauté française.
La loi sur l’adoption fut d’abord une victoire pour ces enfants issus des
deux derniers cas, enfants qui, jusque là, ne pouvaient être reconnus que
par un seul de leurs parents. Désormais, le compagnon de leur père ou la
partenaire de leur mère qui était souvent là depuis leur naissance, peut les
adopter et être reconnu comme parent à part entière, ce qui est un droit
62
fondamental reconnu par la Déclaration universelle des Droits de l’Enfant.
Reste à débattre du cas des «mères porteuses» qui apparaît aujourd’hui
dans les projets d’enfant de couples gays qui veulent élever seuls leur
enfant, car la législation belge sans l’interdire, ne lui donne aucun cadre
juridique, ce qui est la porte ouverte à tous les excès et à toutes les
arnaques.
Reste également le problème de la reconnaissance directe de l’enfant
par le second parent, à sa naissance, comme le fait le père dans une
relation hétérosexuelle qui n’a pas besoin d’adopter son propre enfant.
Car l’adoption par ce deuxième parent engendre des frais supplémentaires
venant souvent s’additionner au frais de PMA ou d’adoption en célibataire
(sans parler de ceux d’une mère porteuse).
24 En guérir!
On est homosexuel, on ne le devient pas, on ne peut donc pas en guérir, ni
être «dégayfié». Et quand bien même, serait-ce possible, serait-ce utile?
Une fois notre parcours identitaire assuré, notre gaytude ou notre saphisme
fait à ce point partie de notre personnalité, qu’il n’est pas pensable de
vouloir encore s’en écarter, s’en départir.
Mais, ce n’est pas possible. Même si d’aucuns charlatans proposent des
traitements (de choc) pour nous débarrasser de notre désir, ils ne font de
ceux qui s’y laissent prendre que des «plantes» ou des «légumes» sans plus
aucun désir.
Ce n’est pas un choix, c’est un sentiment qui est en nous, qui grandit avec
nous, contre lequel nous ne pouvons rien, sinon, les nôtres qui vivent dans
un pays où l’homosexualité reste interdite, ne courraient pas le risque d’être
arrêtés, violentés, mis à mort sans autre forme de procès. Et non! On ne peut
pas faire un effort pour faire plaisir aux hétéros car c’est plus fort que nous.
25 Les droits des LBGT dans le monde.
Les gays et les lesbiennes belges ont la chance de vivre dans un pays qui
leur garantit l’égalité de droit avec les hétéros, ce n’est le cas ni dans tous
les pays, ni même dans tous les Etats membres de l’Union européenne (il
suffit de passer Outre-Quiévrain).
Mais, au-delà de certaines discriminations qui subsistent en Europe, il reste
des pays où le simple fait d’être gay ou lesbienne est considéré comme un
crime punissable de peines de prison, voire de la peine de mort.
7 pays continuent à nous condamner à mort: l’Iran, l’Arabie Saoudite,
les Emirats Arabes Unis, le Yémen, le Soudan, le Nigéria (du moins
ses Etats fédérés musulmans du Nord), la Mauritanie (qui la commue
automatiquement en peine de prison à perpétuité ce qui revient au même en
Afrique).
Un tiers des pays membres de l’ONU (+/-70) continuent à nous condamner
à des peines de prison qui pour six mois, qui pour un à cinq ans, qui à
perpétuité.
63
Pour le détail, une carte détaillée pays par pays est téléchargeable sur le site
de l’ILGA monde.
26 «Qui fait l’homme et qui fait la femme?»
C’est la question bateau. Elle exprime le besoin des hétéros de nous ranger
en une traduction de leurs propres schémas conjugaux, elle sous-tend leurs
préjugés de genre et une interrogation que nous développerons dans la note
suivante.
Lorsqu’on nous pose la question, qui ne laisse de nous faire sourire, la
réponse est souvent: «pourquoi tu veux savoir qui fait la vaisselle et qui tond
la pelouse?» car on serait bien étonné de voir ce que l’hétéro qui nous pose
cette question met sous ces désignations de genre.
En fait, ce concept même renvoie à un partage machiste des rôles sexués où
l’homme serait le mâle dominant, actif dans le jeu sexuel et «pénétrant», et
où la femme serait sa proie dominée, passive et «fatalement» pénétrée.
Heureusement pour la femme hétéro, ces rôles caricaturaux sont largement
dépassés aujourd’hui et remplacés par un partage moins stigmatisant.
Nos couples, parce qu’ils sont de toute manière encore «hors norme», sont,
sans doute, plus libérés de ces préjugés et la question du partage des
rôles se fonde, sans doute, de manière beaucoup plus égalitaire entre les
partenaires.
27 Qu’est-ce qu’ils font?
En fait, la question précédente en cache une autre, celle de comprendre ce
que nous faisons au lit car là est le vrai fantasme qui assimile «l’enculé» à
un rôle féminin dans le concept machiste, ce qui lui fait horreur. Quid des
autres partenaires, homos eux aussi? Point leur chaut en réalité.
Et beaucoup d’hétéros ne peuvent comprendre que notre sexualité puisse
être moins normée que la leur et, souvent, très éloignée de leurs schémas
simplistes. Difficile ainsi de leur faire comprendre que notre sexualité –
tant chez les filles que chez les garçons- peut se passer de toute forme de
pénétration qu’elle soit anale ou vaginale. Que la question de savoir qui
«s’allonge» n’a pas beaucoup de sens pour la plupart des couples gays ou
lesbiens. Mais ce fantasme est un des plus difficiles à extirper…
28 La rencontre des pairs.
Notre parcours est un long moment de solitude. En outre, notre entourage
est de peu de secours dans nos recherches sur le sens de notre différence
et sur nos modes de vie, ni la gaytude ni le saphisme ne se transmettant
«générationnellement».
Il est donc impérieux de rencontrer des paires, et de préférence plus
âgés, plus expérimentés, qui nous apporteront réponses aux nombreuses
questions qui tournent et retournent dans notre tête.
Cette rencontre est aussi un moment privilégié dans notre quotidien où
l’on peut enfin être totalement nous-mêmes. Rares sont ceux d’entre nous
64
qui peuvent, à tous moments, être 100% naturels et ne pas apprécier un
moment entre «compagnons de destin».
29 L’homophobie à l’école.
C’est, pour la plupart d’entre nous, le premier lieu de discriminations liées à
notre orientation sexuelle. Quelles soient fondées ou non (voir note 8).
Lors d’une étude réalisée, au début des années 2000, dans le cadre du
Fonds Daphné, le fonds européen luttant contre la violence faite aux femmes
et aux jeunes, 85% des jeunes gays et lesbiennes de différents pays de
l’Union, dont la Belgique, ont répondu qu’ils avaient subi, à l’école, des
violences verbales, mais aussi physiques.
Cela veut dire que l’école reste une étape difficile de notre parcours, et
cela explique, en partie, que ces jeunes aient six à dix fois plus souvent la
tentation de mettre fin à leurs jours que leurs condisciples hétéros.
30 «Je ne le connais plus»
C’est une réaction commune, même parmi nos parents qui ont l’impression
d’être devant quelqu’un de totalement différent, comme si la révélation nous
changeait tout entier. Certains de nos proches, de nos «usagers», de nos
collègues qui nous vouaient une confiance sans faille, du jour au lendemain,
se posent des questions, comme si cette révélation nous rendait faillibles
tout à coup.
Pourtant, nous étions hier ce que nous sommes aujourd’hui, en nous, rien
ne change du fait que nous en avons parlé. Que du contraire, d’en avoir parlé
nous a libérés d’un poids et d’un stress qui étaient certainement sources
d’erreurs, de renoncements, d’évitements. Mieux dans notre peau, en toute
logique, nous devrions être encore plus performants et aptes à répondre aux
attentes de nos proches.
31 La gay pride
Dans les années ‘60, la communauté gaye commence à se rebeller contre les
brimades incessantes de la société américaine à son encontre, en 1969, naît
le Gay Liberation Movement. C’est l’été, le mois de juin est caniculaire, le 22,
on apprend la mort de Judy Garland à 47 ans (celle qui chantait: «Somewhere
over the Rainbow»), son corps est ramené dans les jours qui suivent à NewYork, la tension monte dans la communauté gaye pour qui elle est une
véritable icône. Le 27 juin 1969, au 53 Christopher Street, le Stonewall Inn
est comble lorsque huit policiers en civil font irruption à 1h20. La taupe que
le patron du bar payait très cher pour être averti de ce genre de descentes,
n’a pas pu le prévenir cette fois. C’est la panique!
Un premier contrôle d’identité divise la clientèle entre ceux qui sont en
ordre de papiers et les autres, mais surtout entre ceux qui sont habillés en
homme et les travestis, car ce sont les Queens qui sont la proie favorite de
la flicaille. Les coups et les brimades commencent à tomber. Une gifle vient
exploser la lèvre du travesti Sylvia Rivera qui, à la vue de son sang, devient
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hystérique, elle va poser le geste qui va changer le cours de l’histoire, plutôt
que de baisser la tête comme à l’accoutumée, elle s’empare d’une bouteille
qu’elle fracasse sur la tête du policier. La foule qui s’est amassée pour voir
l’événement, surchauffée, se met à canarder les agents qui, stupéfaits,
se réfugient dans l’auberge, emmenant quelques otages dont le chanteur
de folk –hétérosexuel et là par hasard- Dave Van Ronk qui fut battu à la
matraque. La foule est déchaînée, elle lance tout ce qui se trouve à portée de
main, certains boutent le feu à la porte qui heureusement résiste.
C’est l’émeute. On estime que plus de 2.000 personnes sont dans
Christopher Street, les 400 policiers dépêchés sur place ne suffisent pas à
les déloger, on finit par envoyer la brigade anti-émeute, sans succès.
Le 28, Craig Rodwell, fondateur de la première librairie gaye, l’Oscar Wilde
Memorial Bookshop, installé dans la rue, alerte la presse qui couvre les
événements qui durent pendant 5 jours. C’est lui qui a l’idée d’organiser
une manifestation qui commémorerait les événements de Stonewall: le
«Christopher Street Liberation Day» (c’est toujours le nom de la gay pride
dans plusieurs pays), et au bout d’une véritable guerre d’usure, obtient des
autorités l’autorisation de manifester. Une centaine de gays défilent pour
la première fois dans Greenwich Village, en juin 1970, derrière des slogans
comme «Come Out!», «Gay is Good», «Freedom for Gay»… et celui que
l’histoire a retenu: «Gay Pride» («fierté gaye»).
C’est toujours en l’honneur de cet événement libérateur de notre
communauté que nous défilons, chaque année et c’est lors de ces premières
manifestations qu’apparut notre drapeau aux six bandes horizontales
(rouge, orange, jaune, vert, bleu roi, violet pour les lesbiennes).
Pour un gay ou une lesbienne, il y a un avant et un après sa première gay
pride car c’est le seul jour de l’année où nous nous retrouvons majoritaires
dans la rue, une véritable catharsis de toutes nos retenues.
Nous espérons que vous avez passé un bon moment, aussi agréable
qu’instructif !
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