Comment concilier les démarches « psy » et « spi ».De nombreux

Transcription

Comment concilier les démarches « psy » et « spi ».De nombreux
Comment concilier les démarches « psy » et « spi ». De nombreux chrétiens
qui suivent une psychanalyse ou une psychothérapie ont également un accompagnateur spirituel. Certains
préfèrent se tourner vers des sessions de guérison intérieure.
Par CLAIRE LESEGRETAIN, la-croix.com le 03/06/2011 « Sur huit, nous sommes cinq actuellement en analyse ou en thérapie », confie l’un des membres d’une équipe parisienne de la Communauté vie chrétienne (CVX), mouvement laïc de spiritualité ignatienne. C’est pourquoi une de ses réunions mensuelles a été consacrée à partager et à prier sur les incidences d’une telle démarche. Un moment « très riche », selon ce membre de CVX, ayant montré que « ce peut être une décision spirituelle que d’entamer un travail sur soi, que le psy choisi soit chrétien ou non ». Depuis une trentaine d’années, de nombreux catholiques sont entrés ainsi en psychanalyse ou en psychothérapie et l’on peut considérer que l’ère de la méfiance de l’Église est révolue. Des clercs psychanalistes dès les années 1950 Après le temps des pionniers dans les années 1950 (Albert Plé, Louis Beirnaert, Marc Oraison…), les décennies suivantes ont vu la liste des prêtres ou religieux et religieuses psychanalystes s’allonger (Maurice Bellet, Denis Vasse, Jean‐François Noël, Daniel Duigou, Isabelle Le Bourgeois…), sans parler des psychanalystes laïcs assumant l’étiquette de « chrétiens ». « Sans doute sommes‐nous plus d’une centaine, mais encore peu en France se revendiquent ouvertement comme tel », estime Anne‐Marie Saunal, psychanalyste et théologienne, qui anime un groupe mensuel de réflexion au Forum 104, chez les maristes de la rue de Vaugirard à Paris, sur « l’articulation entre psy et spi », avec des thérapeutes et des accompagnateurs spirituels. De fait, l’approche de la vérité sur soi, qui est au centre de la cure analytique, rejoint la tradition judéo‐chrétienne d’une « vérité qui rend libre » (Jn 8, 32). Revoir son imager de Dieu en cure « La cure amène à sortir de l’illusion de la bonne conscience et conduit à une certaine humilité », explique Jacques Arènes, psychanalyste chrétien, enseignant au Collège des Bernardins et au département d’éthique de la Catho de Lille. De plus, un grand nombre d’analysés chrétiens sont amenés, en cours de cure, à revoir leur image de Dieu. « Ma psy m’a aidé dans mes relations, donc elle m’a forcément aidé dans ma relation avec Dieu », poursuit cette même personne engagée à CVX (Communauté Vie chrétienne). Il n’est pas rare non plus que des analysés non croyants débouchent sur des questionnements existentiels et spirituels. « Il peut y avoir un surgissement du religieux dans le cadre analytique », témoigne Jean‐François Noël, prêtre et psychanalyste à Aix‐en‐Provence, pour qui « ce qu’il y a au cœur de l’homme – du divin, du sexuel et les deux à la fois – est le lieu de l’émergence de la personne ». Ceci avait d’ailleurs été souligné lors d’un débat, en septembre dernier, au Centre Sèvres, entre les psychanalystes Marie Balmary et Jacques Sédat, à l’occasion de la publication de textes choisis du bénédictin Marc‐François Lacan (1), frère de Jacques, le célèbre psychanalyste. Car si la psychanalyse n’a rien à transmettre – aucun savoir, aucune valeur, aucune foi –, elle relève pourtant d’une « attente croyante », selon Jacques Sédat. Psychanalyse et spirituel pour trouver du sens Rien d’étonnant, donc, à ce que bon nombre de chrétiens en analyse ressentent le besoin d’être aussi accompagnés spirituellement. « Ils vivent sans contradiction cette double approche ; elle leur paraît compatible et complémentaire », constate Jacques Arènes. L’analyste comme l’accompagnateur spirituel acceptent d’être ce tiers qui permet au sujet de retrouver le fil de son histoire pour en dégager le sens. « Au psychanalyste on raconte les offenses subies ; au prêtre, on dit les offenses commises », résumait Marie Balmary lors de ce même débat parisien. Dans les deux cas, le rôle de la parole est essentiel : « Le Je du sujet se construit à partir de l’écoute d’un Tu qui l’interpelle » – toujours selon Marie Balmary. Ainsi que la place du silence comme « attente dans une neutralité bienveillante » – selon Jacques Sédat. Respecter la foi pour le psychanalyste Une différence, fondamentale, cependant : l’analyste – rétribué – n’a rien à transmettre, puisqu’il lui suffit de laisser l’autre « libre de son commencement » (Freud), tandis que l’accompagnateur spirituel – bénévole – a quelque chose à transmettre de l’Évangile et de la Tradition de l’Église, en rappelant, si besoin, quelques repères et interdits. Dès lors que la foi personnelle du patient est respectée – et là, l’éthique du psychanalyste est en jeu –, l’expression de la foi chrétienne trouve donc toute sa place en psychanalyse. « Il serait regrettable que des rêves à contenu spirituel ne soient interprétés que sur un plan psychologique », insiste Anne‐Marie Saunal, dont « trois patients sur quatre » ont la foi. « La vie spirituelle, comme la vie affective ou relationnelle, est un lieu qui mobilise le désir et l’énergie ; il est normal qu’elle interfère dans la thérapie », ajoute pour sa part Jacques Arènes. Séssion de guérison intérieure Certains chrétiens restent toutefois réticents à l’idée d’un vrai travail thérapeutique. Non pas tant par crainte de perdre la foi, mais plutôt parce qu’à leurs yeux ce serait « manquer de confiance dans le Seigneur ». Du coup, ils préfèrent se tourner vers des sessions de guérison intérieure. Ainsi, les week‐ends d’« évangélisation des profondeurs » Bethasda (lancés dès 1987 par Simone Pacot et désormais animés par une équipe de laïcs formés par elle) ou les semaines « Agapè » au Puy‐en‐Velay (animées par une équipe autour du médecin Bernard Dubois) ont un tel succès qu’il faut patienter plus de six mois avant de pouvoir s’y inscrire. Dans ces sessions psychospirituelles, on croise aussi de nombreux chrétiens ayant fait une analyse ou une psychothérapie mais venant trouver là la paix espérée. Car ces sessions sont « des lieux spécifiques pour recevoir des grâces de libération et de pardon », confirme Françoise Stutzmann, qui a publié un ouvrage exhaustif sur les propositions de guérison intérieure dans l’Église en France (2). Pour son livre, elle a interviewé une quarantaine de responsables d’associations catholiques et de communautés charismatiques, tels le jésuite Bertrand Lepesant ( Puits de Jacob), le P. Joseph‐Marie Verlinde ( Famille de saint Joseph) ou le P. Joseph‐Michel Lemaire ( Maison d’Abba)… « Je n’ai pas osé leur demander s’ils avaient fait une analyse ou une psychothérapie, mais, en général, ces responsables s’étaient formés à la relation d’aide et savaient s’entourer de psychiatres ou de psychologues professionnels dans leurs équipes », poursuit Françoise Stutzmann. D’ailleurs, les accompagnateurs de ces sessions n’hésitent pas, face à certains discernements plus complexes, à renvoyer vers un psy. « Entre psychanalyse, accompagnement spirituel et sessions de guérison intérieure, conclut Françoise Stutzmann, les allers‐retours sont fréquents. » Et pour bon nombre de chrétiens, il apparaît normal de vivre « ces trois approches à la fois ». (1) « Dieu n’est pas un assureur » (tome I) ; « La vérité ne s’épuise pas » (tome II), Albin Michel. (2) « Qui donc va te guérir ? Aujourd’hui la guérison intérieure », Éd. des Béatitudes, 2006, 466 p., 21,50 €. 

Documents pareils