Hommage à José Saramago - Clément Puippe Traductions

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Hommage à José Saramago - Clément Puippe Traductions
Hommage à José Saramago
Gazeta Lusófona – Hommage à José Saramago – 2012 (lien vers l’article en portugais)
Que vive la révolution!
Commémoration du «25 Avril» à Genève
Revivre le «25 Avril» chaque année, depuis 38 ans déjà, constitue un devoir de mémoire de
chaque Portugais. Cette transition démocratique est souvent citée en exemple. L’ «Etat
nouveau» (1926-1974) a laissé la place à un esprit nouveau. Revivre l’esprit du «25 Avril»
grâce aux témoins de cette révolution représente une fabuleuse aventure. Et la meilleure
manière de tuer l’esprit dans un flot ininterrompu de paroles creuses, ce sont les discours
commémoratifs à l’Assemblée de la République qui ont lieu chaque année dans l’indifférence
générale, comme aime à le souligner le professeur Jorge Vaz de Carvalho. Ce professeur de
littérature portugaise était l’invité de l’Association du 25 Avril de Genève www.a25a.ch . Un
choix judicieux. Car non seulement, il a proposé un éclairage original et enthousiaste sur
l’œuvre de José Saramago, le seul écrivain portugais nobélisé, mais il a aussi prêté sa voix de
baryton en interprétant de façon magistrale la chanson de António Gedeão «A pedra
filosofal» lors du concert de Francisco Fanhais. La révolution était à nos portes. Cet
amoureux de la littérature, de la musique (chanteur lyrique de talent) et de l’œuvre de Jorge
de Sena qu’il considère comme le plus grand écrivain et intellectuel du XXe siècle, joue le rôle
d’un formidable ambassadeur de la littérature portugaise. Et à la question sur la manière
d’encourager la littérature au sein des communautés portugaises à l’étranger, il évoque la
possibilité de mettre sur pied des cours intensifs de littérature, avec des propositions
d’auteurs à découvrir. Il nous précise aussi que ses voyages l’amènent souvent aux Etats-Unis
et sa première venue à Genève date des années 90 où il a chanté au Grand Théâtre.
Francisco Fanhais, compagnon de Zeca Afonso, n’est pas peu fier d’avoir enregistré avec lui et
deux autres exilés politiques la première version du fameux «Grândola Vila Morena», la
chanson la plus emblématique de la «révolution des œillets» (1974). Il évoque ce temps avec
passion et une lueur incroyable dans les yeux. Et notamment l’histoire d’une famille en
difficulté et qu’il avait été soutenir en sa qualité de prêtre et catholique progressiste. Le père
était emprisonné pour des raisons politiques dans la forteresse de Peniche et la mère
travaillait jour et nuit à assembler des pièces de vêtement pour survivre. En présence de ses
deux enfants qui semblaient distraits et étrangers à la conversation, la mère évoqua le fait
que sa fille allait devoir bientôt commencer à travailler afin de l’aider et malheureusement
cesser d’étudier. Mais la petite fille n’avait pas perdu un mot de la conversation et soudain
hurla dans un cri de désespoir «mais je suis intelligente». Ce cri d’injustice résonne encore
dans l’oreille de Francisco Fanhais. L’injustice est particulièrement révoltante quand elle
touche les enfants. Il chante, s’émeut et nous fait revivre cette période de l’esprit nouveau qui
ne doit jamais disparaître. Et les anecdotes sur les sujets les plus divers fusent entre les
chansons et son sourire resplendit : s’amuser à faire du stop au bord de la Seine et voir un
bateau-mouche s’arrêter pour les prendre à bord, la chanson Grândola et l’enregistrement du
bruit des pas obtenu en marchant sur des gravillons en pleine nuit dans une cour et dans un
silence absolu afin d’éviter les sons perturbateurs, les chants contestataires dans les églises au
Portugal pour dénoncer le silence des autorités religieuses. La révolution vit encore en lui et
bouillonne. A voir son enthousiasme, il nous donne une magnifique définition de l’utopie.
L’utopie, une nécessité, qui nous permet surtout d’avancer. Avancer pour lutter contre ces
inégalités et ces injustices. Le Portugal a toujours besoin de la révolution, de son esprit. Pour
le 40e anniversaire du «25 Avril», on souhaiterait à Genève une mobilisation générale, à la
fois artistique et populaire. Que vive l’esprit et l’âme de cette révolution…
Clément Puippe – 28.04.2012
Citations de José Saramago
« Beaucoup d’hommes, comme les enfants, veulent une chose mais non ses conséquences »
(Muitos homens, como as crianças, querem uma coisa, mas não as suas consequências)
« J’ai appris à ne jamais tenter de convaincre personne. La volonté de convaincre est un
manque de respect, une tentative de colonisation de l’autre »
(Aprendi a não tentar convencer ninguém. O trabalho de convencer é uma falta de respeito, é
uma tentativa de colonização do outro)