Michel Raffaelli

Transcription

Michel Raffaelli
musée G@école
Dossier Pédagogique
de
L’ACTION MUSEE ECOLE
Pour l'Exposition temporaire du Musée Fesch
MICHEL
RAFFAELLI
Du 26 novembre 2002 au 28 février 2003
Partenaires : Musée Fesch - Action Culturelle Académique : commission Musée - Ecole.
Dossier préparé par : J-L Arrighi (Action Culturelle Académique) et C.Brothier (service éducatif Musée Fesch).
LE DOSSIER PÉDAGOGIQUE :
La découverte des œuvres contemporaines elles-mêmes, leur présentation, leur
confrontation avec l'espace du musée et avec des œuvres plus anciennes ne manquent jamais
de créer un choc. La rencontre avec l'Art contemporain ne nous laisse jamais indemne, et si
elle est parfois déroutante, elle nous invite à la réflexion et ouvre toujours sur un
questionnement en série.
Ce dossier pédagogique n'a pas été conçu pour supprimer le questionnement en
donnant des réponses toutes faites aux problèmes posés par les œuvres - cela serait d'ailleurs
utopique et présomptueux - mais au contraire pour donner des clefs, des pistes de travail aux
enseignants afin de leur faciliter la visite et l'exploitation de l'exposition temporaire sur
l’œuvres de Michel Raffaelli avec leurs élèves.
SOMMAIRE DU DOSSIER :
`
L'EXPOSITION :
L'ARTISTE : Qui est-il ?
LES ŒUVRES : Liste des œuvres exposées : Description des œuvres exposées et quelques clefs
pour en tenter une analyser et mieux comprendre la démarche et les influences de ces artistes.
K
PISTES DIDACTIQUES : Les possibilités, offertes par l'exposition, pour aborder des
notions essentielles de l'Art contemporain et des Arts plastiques en général.
.
§
PETIT GLOSSAIRE : Définitions, vocabulaire et références à l'histoire de l'art.
¨
LECTURES : Références bibliographiques.
` L'E
XPOSITION
: L'exposition investit l'espace des trois salles du rez-de-cour du
Musée FESCH ainsi que le grand couloir qui les dessert depuis l’entrée du bâtiment. Ce
temple de l’Art italien, nous a habitué depuis quelques temps à accueillir des expositions
temporaires en lien avec ses prestigieuses collections. Il nous est, cette fois-ci, proposé
d’effectuer un voyage à travers l'œuvre de Michel Raffaelli comprenant des dessins, des
huiles sur toile . En somme, il s’agit pour nous d’accomplir un parcours au cœur du travail de
cet artiste.
Les choix qui ont présidé à cette exposition :
Pourquoi exposer l'Art moderne au Musée Fesch ? :
Le Musée Fesch est un espace réservé à l'Art dont la collection permanente est
constituée d'œuvres anciennes. Il est essentiel de montrer - particulièrement aux jeunes
publics - que l'art ne s'arrête pas aux deux derniers siècles et que l'Art contemporain, même
s'il s'est voulu rupture, s'inscrit dans la continuité de la pensée esthétique et artistique. La
volonté du Musée Fesch est de faire régulièrement entrer, lors d'expositions temporaires,
"Stanze", "Life-forms", "J-P Marcheschi", œuvres du FRAC, l'Art contemporain dans un
espace que l'on aurait pu croire à vocation plus "classique". En ce sens cette démarche trouve
une résonance pédagogique incontestable.
D'autre part la confrontation d'œuvres anciennes et contemporaines crée souvent un
choc qui invite à la réflexion et qui fait que le musée ne peut plus être considéré comme un
lieu rassurant de réponses mais au contraire un lieu déroutant de questionnements.
Pourquoi exposer Michel Raffaelli ? :
Dans la suite des expositions que le musée Fesch à consacré aux rapports entre peinture et
scénographie comme Life Forms, Rêves de Pierres, Les arts en scène, il sera proposé au
public une exposition des œuvres de Michel Raffaelli, à partir du mois de novembre, artiste et
scénographe qui a travaillé pour le festival d'Avignon et les opéras de Berlin, Rome et Paris.
A la fois peintre et scénographe (metteur en scène, mais aussi dessinateur de costumes et de
décors) , Michel Raffaelli perpétue la tradition qui remonte au Seicento, où la peinture et la
scénographie s'enrichissaient mutuellement.
L'exposition proposera donc des huiles sur toile ainsi que des projets de décors et de costumes
(dessins et gouaches), des maquettes d'affiches, des plans de scène.
PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION
par Jean-Marc Olivesi Conservateur de Musées de la Ville d’Ajaccio
En 1917, Picasso dessine le décor de Parade d’Eric Satie. Mais les pendrillons
de toile peinte qui se succèdent jusqu’au fond de la scène et se rapprochent
progressivement deviennent obsolètes. L’arrivée de l’éclairage électrique qui en
révèle les trucs mettra un terme à cette technique. Jacques Copeau cesse
d’accorder à la toile et au carton – pâte une place qu’il estime usurpée, refusant
écrit-il, de « donner, sous une forme quelconque, dans les trucs ». Et d’ajouter :
« Anciens ou nouveaux, nous les répudions tous ». Les recherches de
Meyerhold, de Stanislavski en Russie, de Reinhardt en Allemagne vont toutes
dans ce sens.
Mais c’est Appia qui va synthétiser ces expériences. Il opère une hiérarchie de
chacune des composantes du spectacle théâtral : acteur, espace, lumière,
peinture. Cette démarche, jointe aux expérimentations de Craig, a posé les bases
de l’ensemble du travail effectué sur les scènes théâtrales occidentales depuis un
siècle.
Lorsque Raffaelli demande à ses décors de produire du son, il en fait des
protagonistes essentiels du drame. Evoquant La bécane ou le journal d’une
ouvrière de papier (Théâtre des Amandiers de Nanterre, 1975), Agnès Pierron
écrit : « La musique s’intègre directement à l’espace, puisqu’elle en sort. La
scénographie est inséparable du comédien qui la provoque – en faisant naître le
son de dessous ses pieds – et n’a d’existence qu’en sa présence ». (Le Théâtre,
éditions Bordas, Paris, 1984, page 138). L’artiste allait poursuivre cette
expérience dans le Ruminzulaghjiu. La diversité artistique de Raffaelli relève du
rapport profondément dialectique qu’il entretient avec les différentes formes de
création : celui qui a mené le théâtre musical à sa limite extrême est également
un peintre accompli, le découvreur, aussi, de Terrae incognitae de la musique
traditionnelle corse, avec U cantu nustrale et le travail effectué pour la Cetera.
On ne s’étonnera pas, alors, que celui qui crée des décors-machines-instruments
de musique, producteurs de leur propre partition, soit également l’auteur de
plans de scènes qui sont de véritables œuvres graphiques et d’affiches qui
racontent un spectacle en « bulles-dessinées ».
Travailler avec les plus grands créateurs, Xenakis, Aperghis, Scherchen, Lavelli
ou Picasso, peut donner, certes, un visa pour l’excellence, mais la
reconnaissance dont bénéficie Raffaelli sur les scènes et dans les festivals les
plus prestigieux du monde(Salzbourg, Prague, Berlin, Rome, Paris) ne pouvait
se faire sans une maîtrise absolue de son art doublée d’une exceptionnelle
sensibilité. De cette profusion créative qui résume tout un siècle, cette
exposition se veut le modeste témoignage.
1
L'ARTISTE : Qui est-il ?
MICHEL RAFFAELLI
né à Marseille en 1929.
Scénographe, peintre et musicien français.
Sa maîtrise technique et sa sensibilité ont influencé ses mises en
scène théâtrales.
Après une formation conjointement menée de peintre et de musicien, Michel RAFFAELLI est
très tôt invité à employer ses talents au service du théâtre, comme décorateur scénographe,
créateur de costumes et compositeur.
Il exerce pendant plusieurs années sur les grandes scènes européennes, développant une
maîtrise et une originalité qui lui vaudront les principaux prix internationaux et l’accès à un
répertoire prestigieux, classique ou contemporain.
De Moïse et Aron de SCHOENBERG (Deutsche Opéra, Berlin) au Mariage de Figaro de
MOZART (Festival de Salzbourg), il redessine l’espace théâtral, démontrant une perspicacité
dramaturgique qui le mènera tout naturellement à la mise en scène. Ses aspirations seront
définitivement confirmées lors de sa collaboration avec Jorge LAVELLI, Antoine VITEZ et
surtout Jean-Marie SERREAU avec qui il réalise plusieurs spectacles, intervenant à la fois sur
la dramaturgie, la mise en scène, la scénographie et la musique.
En 1971, à Prague, il reçoit la plus haute distinction : le Prix International de Scénographie
(Médaille d’Or). La même année, il est choisi par Jack LANG, alors Directeur du Théâtre
National de Chaillot, pour collaborer à la conception architecturale de la nouvelle salle du
Trocadéro.
Il sera, ensuite, sollicité à plusieurs reprises pour concevoir l’architecture de salles de théâtre.
En 1973, à la demande de Lucien ATTOUN, il écrit, en collaboration avec le poète Joseph
GUGLIELMI et Betty RAFFAELLI, Fils Carlos décédé, dont il signe la mise en scène,
conçoit le décor et compose la musique.
Dès lors, il se consacre entièrement à la recherche de formes dramaturgiques nouvelles,
abordant les différentes disciplines du spectacle afin d’asseoir son projet : la maîtrise globale
de l’objet théâtral.
En 1975, il crée sa propre compagnie, Le Théâtre Opéra Chronique. Durant une huitaine
d’années, cet ensemble pluridisciplinaire sera l’outil indispensable à sa démarche.
Au rythme d’une création mondiale par an, il impose un théâtre musical d’un style particulier,
privilégiant un jeu complexe de construction où toutes les composantes du travail théâtral sont
utilisées comme langage.
LES ŒUVRES :
CHRONOLOGIE DES ŒUVRES :
1975 – Théâtre des Amandiers – Nanterre.
La Bécane ou Le journal d’une ouvrière de papier.
Puis tournée en France et en Italie du Nord (A.T.E.R.).
Pièce unanimement saluée comme théâtre évènementiel.
1976 – Théâtre de Gennevilliers et Festival d’Avignon.
Chronique d’une solitude.
En collaboration avec le poète Tahar BEN JELLOUN.
Pour la première fois en scène, la représentation d’une mémoire.
1977 – Théâtre Opéra Chronique.
Ivanov d’Anton TCHEKHOV.
Création d’une œuvre classique à titre expérimental.
Traduction d’ A.M LAZARINI, adaptation et mise en scène de Betty RAFFAELLI.
1978 – Parc Paysager de La Courneuve.
Alba.
Pièce donnée pour le 5Oème anniversaire de la J.O.C et prévue pour être jouée devant plus de
1OO.OOO spectateurs, représentation interrompue du fait des intempéries.
Festival d’Avignon et Théâtre Ouvert de Lucien ATTOUN.
L’Affaire Hauser.
1979 – Festival d’Avignon, Sacra Musicale d’Umbria et Filarmonica di Roma.
Un jour comme un autre.
Adaptation scénique, scénographie et mise en scène de Michel RAFFAELLI sur un scénario musical
de Vinko GLOBOKAR.
Ce spectacle, dénonçant la torture, sera acclamé à chaque représentation.
1980 – Festival de Lille.
Les Légendes du Siècle.
Scénarii, scénographie et mise en scène de Michel RAFFAELLI sur une musique d’APERGHIS.
Œuvre considérée comme subversive et finalement défendue par le public.
1981 – Festival d’ Avignon.
La Muraille.
Sur une musique de Carlos ROQUE ALSINA, Michel RAFFAELLI affirme encore davantage son
principe de la partition globale.
1982 – Quadriennale de Nanterre.
La Muraille.
Reprise et deuxième version.
Pour la « Cetera », création d’une vingtaine de pièces originales, enregistrée en juin 1983 avec grand
cistre à seize cordes.
1983 – Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes.
U Lamentu di l’omu persu tra mare et surghjente.
Préalablement crée à Calenzana, cette pièce décidera d’une implantation plus marquée de l’auteur à
son île.
1984 – Confrérie de Calenzana et Université de Corte.
U Rumenzulaghju (Le Dépotoir).
Œuvre de théâtre musical en langue corse créée le 2O juillet avec le poète Duminicantone
GERONIMI.
En préfiguration, l’Assemblée de Corse vote le projet d’un Centre Dramatique Régional.
1985 – La Parlerie de RUZANTE.
Création de la pièce en co-production avec A Cumpagna di l’Olmu.
La Demande en mariage d’Anton TCHEKHOV.
Première version.
Premières activités de formation du Centre Dramatique Régional.
1986 – La Demande en mariage d’Anton TCHEKHOV.
Création en langue corse avec mise en scène, scénographie, costumes et musique de Michel
RAFFAELLI dans une traduction de D.A GERONIMI.
1987 – Opéra de Paris.
La Célestine de Maurice OHANA.
En création mondiale, scénographie de Michel RAFFAELLI.
1988 – Théâtre du Lierre , Paris.
Fluctuat ou La ballade clandestine.
Spectacle musical en langue corse avec texte, musique, mise en scène et costumes de Michel
RAFFAELLI. sur une scénographie d’Y. SAMSON.
1989 – Canti Corsi in Tradizioni (Fonti Musicali, Traditions du Monde, Bruxelles).
Conception et direction artistique du disque laser.
Création du groupe de chants polyphoniques féminin « Donnisulana ».
Festival de Lille.
A Hélène de Yannis XENAKIS.
Première interprétation.
Murato, puis Festival de Bonifacio, de Lille, Biennale Internationale de Musique de Bastia.
Canti Corsi in Tradizioni.
Représentation en concert.
Bona Sera film d’Henri GRAZIANI.
Michel RAFFAELLI compose la musique du film et en tient le rôle principal.
U Rumenzulaghju de D.A GERONIMI et Michel RAFFAELLI.
Théâtre et audiovisuel musical en langue corse.
1990 – Théâtre Municipal de Bastia.
A Pruvatoghja.
Comédie musicale corse avec des arrangements instrumentaux de David RUEFF.
1991 – La Comédie Française.
La Tragédie du Roi Christophe d’Aimé Césaire.
Scénographie et costumes de Michel RAFFAELLI.
Tra Ogghju e Mare.
Conception musicale du disque laser.
1992 – Musée de la Corse à Corte.
Exposition Mattei.
Conception scénographique, sonore et audio-visuelle.
1993 – Antulogia di u Cantu Nustrale.
Anthologie du chant corse. Parution du premier volume.
U Cantu Prufondu.
Edition du C.D. Reçoit, l’année suivante, une récompense et deux distinctions : le Prix International
du Disque de l’Académie Charles CROS, le Diapason d’Or et quatre étoiles du Monde de la Musique.
1995 – Librairie-Galerie La Marge à Ajaccio.
Exposition de peintures et d’œuvres récentes.
Antulogia di u Cantu Nustrale.
Parution du second volume, en collaboration avec Germaine de ZERBI.
1996 – Palazzu Naziunale de Corte.
« L’image dans le théâtre musical »
Présentation de planches techniques de scénographie, scénarii, croquis et études de costumes de
théâtre.
1997 – Parcours du Regard à Oletta.
Exposition de peintures récentes.
Di li venti la rosula , C.D Editions Auvidis.
Mighela CESARI canta Michel RAFFAELLI.
1998 – Musée de la Corse à Corte.
Exposition « A Moresca », scénographie et diaporama.
1999 – U Cantu Prufondu 2.
C.D Editions Harmonia Mundi.
Arrangements et accompagnements Michel RAFFAELLI, chant Mighela CESARI.
PRIX INTERNATIONAUX :
1961 – Grand Prix du Théâtre des Nations.
Conception scénique sérielle, scénographie et costumes de Moïse et Aron de SCHOENBERG.
1967 – Prix de la Critique Dramatique.
Scénographie de La coupe d’argent d’O’CASEY au Théâtre de l’Est Parisien.
1969 – Médaille d’Argent.
Costumes de Médéa de SÉNÈQUE à la Biennale de Novy Sad (Yougoslavie).
1971 – Médaille d’Or du Prix International de Scénographie.
Quadriennale de Prague.
1972 – Médailles d’Argent et de Bronze.
Costumes de Beaucoup de bruit pour rien de SHAKESPEARE et Béatrice du Congo de B. DADIE.
SCÉNOGRAPHIE POUR LA CONCEPTION ARCHITECTURALE ET LA POLYCHROMIE DES
THÉÂTRES SUIVANTS :
1975 – Théâtre National de Chaillot.
Grande salle, sous la direction de Jack LANG, avec les architectes V. FABRE et
J. PERROTET.
1979, 1980 – Théâtre D’Ivry.
Sous la direction d’Antoine VITEZ, avec les architectes V. FABRE et J. PERROTET.
1981 – C.A.C de Saint Avold.
Avec l’architecte Bernard KOHN.
1983 – Théâtre de L’Est Parisien.
Lauréat du concours, avec les architectes V. FABRE et J. PERROTET.
Théâtre inauguré sous le nom de Théâtre de la Colline par François LÉOTARD, Ministre de la
Culture, le 7 février 1988.
DISTINCTIONS :
1989 – Chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres.
Nomination par Jack LANG.
Le public et surtout celui du milieu scolaire, a besoin d'un éclairage et d'un accompagnement
pédagogique dans les découvertes d'œuvres et d'artistes que la société des adultes définit
souvent comme difficiles d'accès. Cette nouvelle exposition temporaire présente l’œuvre de
Michel Raffaelli dans son double aspect à la fois pictural et scénographique. Pour une
meilleure compréhension et pour en faciliter l’analyse nous avons choisi d’étudier ces deux
formes artistiques et d’en donner quelques clefs séparément. En effet bien que la peinture et la
scénographie s'enrichissent mutuellement dans l’œuvre de M. Raffaelli notre chapitre
consacré aux œuvres proposera d’abord un éclairage sur le travail pictural constituée d’huiles
sur toile puis un regard sur l’œuvre scénographique comprenant des projets de décors et de
costumes (dessins et gouaches), des maquettes d'affiches, des plans de scène.
L’ŒUVRE PICTURALE :
Un peu à l’image de Nicolas de Staël, Raffaelli a inscrit sa pratique picturale dans une
démarche qui a toujours été à sens contraire des grands courants dominants.
A une époque où l’abstraction gouverne tout le champ des arts plastiques, Raffaelli,
tout en épurant et en simplifiant la forme, n’en renie pas moins totalement la figure. Il ne
l’abandonnera d’ailleurs jamais même dans ses compositions les plus hermétiques où elle
demeure le seul indice qui nous fait franchir le seuil par lequel on pénètre dans l’énigme de
son monde pictural si personnel.
A une époque où les postures contemporaines conduisent les artistes qu’il côtoie à
jeter une allumette dans la térébenthine brûlant avec elle ce qui reste des pinceaux, des tubes
de couleur et des toiles, Raffaelli, lui manifeste dans sa pratique un profond respect pour les
outils et les techniques artistiques traditionnelles. Il n’abandonne pas le terrain où peuvent
encore se dérouler des expériences inattendues, des combats artistiques et des luttes nouvelles.
N
DESCRIPTION
:
Le travail de simplification que Michel Raffaelli opère par rapport à la réalité aboutit à
des compositions d’aplats, de couleurs vives, juxtaposés qui créent des sortes de réseaux dans
lesquels l’œil se fraie un chemin. Cette progression optique entre les éléments constitutifs de
la peinture que sont la forme et la couleur est ponctuée ça et là par la rencontre de signes
parlants. Parlants dans le sens héraldique du terme c'est-à-dire qui fonctionnent comme des
réminiscences significatives du réel. Ces toiles sont composées à coups de brosse plus ou
moins larges comme des marqueteries ou des mosaïques de plaques colorées.
ÑQ
UELQUES CLEFS
:
Raffaelli dans sa peinture, épure la perception que nous avons de la réalité. L’artiste utilise
des formes pures, des couleurs pures.
L’éclatement et la stylisation des formes si prégnantes dans son œuvre Raffaelli
montre l’importance qu’a pu avoir sur lui la connaissance de l’œuvre cubiste d’un maître
comme Picasso.
Musique : Tout dans son œuvre picturale a une résonance musicale. Les références à
la musique ne sont pas seulement présentes dans l’utilisation de signes plastiques évoquant
des guitares et autres instruments mais Raffaelli joue avec les tonalités, les accords colorés,
les vibrations chromatiques, les rythmes, comme le ferait un musicien qui compose.
Rythme : Un peu à la manière de N . de Staël, Raffaelli utilise des cubes colorés et
des blocs de peinture pure qu’il juxtapose, superpose ou dispose en créant des motifs rythmés.
L’alternance et le jeu que la composition crées entre les grands aplats et les petites touches
colorées sont à l’origine d’une tension dynamisme et d’une scansion rythmique de l’espace
qui conduisent notre regard, tantôt vers des zones saturées tantôt dans des plages plus de
calmes
KP
ISTES DIDACTIQUES
:
Loin d'être exhaustive, cette présentation est conçue comme une série d'incitations au
questionnement à partir de l'œuvre picturale et scénographique de Michel Raffaelli et des
éléments constitutifs de celle-ci tels que espace, matière, lumière, rythme, mouvement...
Contrairement au chapitre sur les œuvres qui présentait séparément les deux aspects de
la pratique de Michel Raffaelli, nous étudierons ici, pour l’ensemble complet de son œuvre
exposée, les problématiques que celle-ci peut poser.
ABSTRAIT OU FIGURATIF ?
La peinture de Michel Raffaelli, se caractérise par une oscillation permanente entre
abstraction et figuration de la réalité. Raffaelli est un peintre de l’écart c'est-à-dire qu’il
s’exprime dans cet interstice qui sépare et crée une distance entre un objet (un personnage,
une scène, un paysage, etc.) et sa représentation. L’allusion et la suggestion deviennent alors
la seule réalité picturale.
La nature n’est pas totalement évacuée par l’artiste qui garde des éléments référentiels
Pas plus qu’il n’abandonne la technique Michel Raffaelli reste fidèle aux genres
traditionnels de la peinture. Il nous propose en effet ses variations sur les sujets habituels que
sont paysages, natures mortes, portraits, vue d’atelier, …
La notion de décalage : mise à distance par rapport au réel, transposition et métamorphose
des figures de la réalité mais aussi des rythmes naturels. La réalité ou ce qu’il en reste sur la
toile après fragmentation, géométrisation et les battements du monde réel sont soumis aux
rythmes propres de la peinture de Raffaelli.
Matériaux, média et techniques :
LA COULEUR :
La juxtaposition des multiples aplats colorés crée une vibration chromatique qui est souvent
amplifiée par une utilisation récurrente des couples de couleurs complémentaires.
Les rouges sont associés aux dominantes vertes, les éclats de jaunes viennent piquer les
tonalités violettes et les touches orangées viennent faire vibrer les accords de bleus.
LA COMPOSITION :
La composition chez Raffaelli est très structurée. Elle l’est par le choix et la mise en scène des
formes de départ qui épurées stylisées et retravaillées deviennent des éléments graphiques des
signes colorés et des surfaces qui quadrillent la toile. Ces toiles fonctionnent comme de vastes
réseaux « achitectoniques » de plaques colorées. Aplats, plaques, de bandes de couleurs
LE SIGNE :
L’économie des moyens et le dépouillement de la forme jusqu’à la stylisation fait
émerger des signes plastiques et graphiques simples que l’artiste utilise plus pour suggérer
que pour décrire.
LA TOUCHE :
Raffaelli travaille en posant la couleur avec des brosses. Il structure la surface par des
touches de couleur qui par moment cessent leur alternance chromatique pour s’élargir en
aplats plus larges.
§P
ETIT GLOSSAIRE
: Définitions et vocabulaire
Morandi, Giorgio (1890-1964), peintre et graveur italien de paysages et de natures mortes dont les œuvres,
énigmatiques et dépouillées, reprennent invariablement les mêmes thèmes.
Né à Bologne le 20 juillet 1890, Morandi y étudia à l’Académie des beaux-arts de 1907 à 1913 avant de devenir
professeur de dessin en 1914. Professeur de gravure et d’eau-forte à partir de 1930, il s’installa en 1943 de façon
permanente à Grizzana, où il passait tous ses étés depuis 1927. Il mourut à Grizzana le 18 juin 1964.
Morandi peignit des paysages avant de se spécialiser dans les natures mortes, généralement composées de
bouteilles et d’objets de la vie quotidienne. Il travailla à l’écart de tout groupe ou mouvement, bien que certains
de ses premiers tableaux aient subi l’influence des peintres métaphysiques comme Giorgio De Chirico et Carlo
Carrà. Il ne connut de véritable reconnaissance qu’à la fin de sa vie en remportant un prix à la biennale de
São Paulo en 1957.1
Staël, Nicolas de (1914-1955), peintre français d'origine russe dont les tableaux généralement abstraits aux
structures géométriques simplifiées et aux larges aplats de couleurs connurent un vif succès après-guerre.
Nicolas de Staël est né à Saint-Pétersbourg au sein d'une vieille famille de l'aristocratie russe. Après la
Révolution bolchevique, la famille quitta la Russie pour la Pologne, où moururent peu après son père et sa mère.
Le jeune Nicolas fut ensuite élevé en Belgique, où il suivit les cours de l'académie Saint-Gilles et de l'Académie
royale des beaux-arts de Bruxelles jusqu'en 1933. Bien qu'exilé depuis son plus jeune âge, Nicolas de Staël resta
fidèle à ses racines. Alors qu'il gagnait sa vie comme peintre de décors, il présenta pour la première fois ses
œuvres en 1936 dans une exposition de groupe à la galerie Diétrich ; il y exposa des icônes, ainsi que des
aquarelles. À cette époque, il effectua de nombreux voyages en Afrique du Nord et en Italie. Engagé dans la
Légion étrangère en 1939, il fut rapidement démobilisé en 1940 ; il s'installa à Nice, où il rencontra Robert
Delaunay, Sonia Delaunay et Le Corbusier. Georges Braque le présenta à J. Dubourg, l'un des plus grands
marchands d'art parisiens qui, avec la galeriste Jeanne Bucher, lui vint en aide pendant toute une période
d'indigence. C'est dans les années 1940 que s'affirma le style de sa peinture, profondément abstraite : la matière
picturale est largement étalée sur le support, par bandes épaisses presque géométriques, de telle sorte que les
toiles rendent à la fois une impression tactile et une structuration visuelle en aplats (Astronomie, 1944).
Au printemps 1944, de Staël participa avec Domela, Kandinsky et Magnelli à l'exposition Peintures abstraites
organisée par la galerie l'Esquisse, laquelle présenta en été de la même année la première exposition personnelle
de l'artiste. En 1948, il obtint la nationalité française. Nicolas de Staël se consacra à la peinture et au dessin de
1942 à sa mort, produisant quelque mille toiles, essentiellement des huiles. En 1949, après une période
d'incertitude, il reconsidéra l'œuvre d'Henri Matisse, dont l'influence se traduisit alors par une vibration
chromatique nouvelle dans sa peinture.
Nicolas de Staël considérait l'art comme un dialogue entre peintres du passé et peintres actuels — l'œuvre
d'autres artistes constituant pour lui une source permanente d'inspiration — tout en reconnaissant le paradoxe de
vouloir concilier tradition et création originale. À partir de 1952, lassé de la querelle sur les mérites respectifs de
l'abstrait et du figuratif, il se mit à peindre dans un style vigoureux et libre, utilisant une gamme de couleurs
pures et vives, et revint alors à des compositions où sont intégrées des entités figuratives — natures mortes,
paysages, oiseaux — mais toujours avec une forte tendance à l'«abstractisation» du réel. En 1953, Nicolas de
Staël s'établit dans le Vaucluse, non loin de son ami de longue date René Char, avec qui il avait coréalisé un livre
de poèmes illustrés de lavis en 1952. Il passa ses derniers jours à Antibes, où il se suicida en 1955.2
ECART : Différence, distance entre un objet ( un personnage, une scène, un paysage, etc.) et sa représentation.
ECHELLE : Rapport entre les dimensions réelles d'un objet (bâtiment, paysage, élément naturel,...) et celle de
sa représentation.
1"Morandi, Giorgio."EncyclopédieEncarta 2001. © .
2"Staël, Nicolas de."EncyclopédieEncarta 2001. © 1993-2000 Microsoft Corporation.
¨LECTURES : Références bibliographiques :
Arts Plastiques; éléments d'une didactique - critique Bernard- André Gaillot PUF Paris,1997
Groupes mouvements tendances de l'Art Contemporain depuis 1945. E.N.S.B.A Paris, 1990.
L'Aventure de l'art au XXème Siècle. Editions du Chêne Paris, 1988.
ANNEXE :
Mises en scène d'Antoine Vitez
1967.
Les Bains, de Vladimir Maïakovski.
Texte français d'ElsaTriolet. Décor et costumes de Michel Raffaelli, musique d'André Chamoux
Avec Claude Aufaure, Ariette Bonnard, Marcel Champel, Daniel Dubois, Jacques Giraud, Florence Guerfy,
André Lacombe, Jacques Lalande, Claude Lévêque, Alain MacMoy, Lise Martel, Michel Robin, Raymond
Studer, Salah Teskouk, Agnès Vanier, Gilbert Vilhon, Antoine Vitez, Claude Yersin
Représentations à Caen. Tournée en France, Algérie, Belgique et Suisse
Il traduit La Maison est à louer avec son amie Chrysa Prokopaki (E.FR, 1967).
1968.
Le Dragon, d'Evgueni Schwarz
Texte français de Georges Soria.
Décor et costumes de Michel Raffaelli, musique d'André Chamoux, marionnettes de Georges Tournaire
Avec Armand Babel, Marcelle Barreau, Micheline Brault, André Chaumeau, Michel Chasseing, Gérard Darman,
Monique Darpy, Jean Dasté, Luc Delhumeau, Pierre Dios, Prosper Diss, Michel Dubois, Marc Fraiseau, Murray
Grbnwall, Gérard Hérold, André Marcon, Alain Meilland, Jacqueline Nigay, Gérard Pichon, Jean-Marie Richier,
Georges Tournaire, Dominique Toussaint, Igor Tyczka, Pierre Vial, Marie- Thérèse Virieu, Wanda Woznica.
Grenoble, Saint-Étienne, Bourges
1973.
Théâtre des Amandiers de Nanterre, Théâtre des Quartiers d'Ivry
Vendredi ou la Vie sauvage, d'après le roman de Michel Tournier
Scénographie sonore et costumes de Michel Raffaëlli, dramaturgie musicale de Georges Aperghis, musique
composée et jouée par Lauréat Dionne.
Avec Ariette Bonnard, Jean-Pierre Colin, Akonio Dolo, Colin Harris, Brigitte Jaques, Mehmet Ulusoy
Théâtre national de Chaillot, dans le cadre du Théâtre national des enfants

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