memoire de criminologie par un medecin pedopsychiatre. 2003

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memoire de criminologie par un medecin pedopsychiatre. 2003
Mémoire de Criminologie,
P.C. Pédopsychiatre,
Université Claude Bernard
Faculté de Lyon
DU de Criminologie Clinique
année 2003
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES
1
INTRODUCTION
2
PREMIERE PARTIE I- LA QUESTION
DES MINEURS DANS LE PHENOMENE
SECTAIRE
2
1 - La cellule familiale, l’enfant et la secte
1 a ) Place de l’enfant dans la famille
1 b ) La scolarité de l’enfant
1 c ) L’intégrité physique de l’enfant
1 d ) La sexualité et l’enfant
L’utilisation des lois
La dissuasion
Les limites de la prévention
Le sentiment de culpabilité
19
19
20
20
CONCLUSION
21
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
ARTICLES et REVUES
22
22
22
3
3
4
5
6
2) La santé psychique de l’enfant et de l’adolescent 6
2 a ) Développement psycho affectif
7
2 b ) Question des origines
7
2 c ) L’enfant et la société
8
2 d ) Les séquelles
9
- La dangerosité de la secte :
9
- La nature de l’acte maltraitant :
9
- Le niveau de développement psychique et affectif
9
de l’enfant :
- La vulnérabilité ou la résilience de l’enfant :
9
- L’âge :
9
- L’implication sectaire de l’entourage familial : 10
DEUXIEME PARTIE
DROIT ET DEVOIR DE PROTECTION DU
MINEUR A L’EPREUVE DES SECTES
10
10
1) Pour une protection de l’enfant et de l'adolescent 10
1 a) La protection du mineur par le Code civil :
10
1 b) La protection du mineur par le Code pénal
13
Infractions d’omission :
13
Atteinte à l’intégrité des personnes :
14
Prise en compte de la vulnérabilité par le Code
pénal :
15
La responsabilité pénale des parents :
15
1 c ) La protection du mineur par le Code de la santé
publique et le Code du travail
16
1 d) Le soin à l’épreuve des réflexions théoriques et
16
de la pratique
2) La prévention et les limites des actions à l’encontre
17
des sectes
2 a) La prévention
17
L’Education Nationale
18
Le Ministère de la Jeunesse et des Sports
18
Le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité
18
Le Ministère de l’Intérieur
19
La Gendarmerie Nationale
19
2 b) Les limites des actions à l’encontre des sectes 19
1
INTRODUCTION
J’exerce la profession de pédopsychiatre
depuis six ans. Je suis amenée à suivre des
enfants victimes d’adultes (maltraitance,
violences intra-familiale, violences sexuelles).
Une rencontre avec une adolescente dont le
père était adepte de la secte des raëliens, ses
interrogations, sa souffrance retenue et sa
fragilité (cachée derrière une relative
assurance) m’ont posé de façon plus précise la
question de la vulnérabilité confrontée au droit.
Le phénomène sectaire concerne très
directement le domaine de la criminologie car
il se trouve au carrefour du droit, de la
psychiatrie et de la sociologie.
L’adulte adepte est victime du phénomène
sectaire. L’enfant, dont la vulnérabilité est très
grande et spécifique, est lui aussi victime d’un
tel processus. Or, la société se doit de protéger
les enfants et la famille.
C’est pourquoi je me propose d’aborder à
travers ce travail le problème de l’enfant face
au phénomène sectaire car il se trouve souvent
victime d’élection de ces groupes et en même
temps, je crois, un peu masqué par les victimes
« initiales » que sont les adultes.
Dans une première partie je présenterai la
situation des mineurs confrontés aux sectes.
J’aborderai
notamment
les
problèmes
familiaux, la scolarité, la situation sanitaire de
ces enfants ainsi que les conséquences sur leur
développement psychique.
Dans une seconde partie je tenterai de
confronter ces constatations aux droits et
devoirs de protection du mineur, abordant
aussi la prévention et les limites des actions
menées à l’encontre des sectes.
PREMIERE PARTIE
ILA QUESTION DES MINEURS
DANS LE PHENOMENE
SECTAIRE
Je ne reviendrai que rapidement sur la
définition de secte.
La loi n°2001-504 du 12 juin 2001, JO du
13 juin 2001 n°135 p.9337 tend à renforcer la
prévention et la répression des mouvements
sectaires portant atteinte aux droits de
l’homme et aux libertés fondamentales, en
particulier concernant l’abus des personnes
vulnérables.
M et Mme Jougla, spécialisés sur ce sujet,
dans le cadre d’interventions universitaires,
proposent la définition suivante :
« La secte, quelle que soit sa taille, est
une structure dogmatique de type étatique,
hégémonique et totalitaire. Elle est refermée
sur elle-même, en autarcie ou en milieu
ouvert et dirigée par une autorité absolue (le
gourou) autoproclamée et non contrôlée. Le
gourou peut être vivant ou mort et il cumule
à la fois les pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire. La secte est mue par le projet
utopique de création d’un surhomme idéal et
d’une société fantasmée, dans lequel le
temporel est subordonné à un spirituel auto
référent. Elle soumet par la manipulation
mentale l’individu adepte, le conduisant vers
une
déstructuration
psychologique,
intellectuelle, émotionnelle et physique qui
lui fait perdre sa dimension de personne et
de citoyen »(M et Mme Jougla, DU de
victimologie à Lyon le 9 avril 2003).
Le phénomène sectaire s’amorce dès lors
qu’un groupe glisse hors légalité et qu’il vise
à exclure l’individu de la collectivité. Il peut
être coercitif ou non. Selon J.M.Abgrall (1) :
« Une secte coercitive est une structure de
groupe fermée, fondée sur la manipulation
mentale, organisée autour d’un maître
(gourou) et d’une idéologie. » La secte
coercitive se différencie d’une secte non
coercitive par son caractère contraignant et
par l’absence de liberté qui en résulte.
Au fil des définitions il apparaît
primordial d’éviter les amalgames et l’écueil
du religieux car ceci entraîne le débat sur un
terrain de confusion.
Il est difficile d’évaluer précisément le
nombre de mineurs réellement impliqués
dans le phénomène sectaire car certains
vivent au sein même de la secte (avec ou sans
leur famille) si celle-ci est communautaire ;
d’autres font partie du mouvement mais en
restant dans un milieu ouvert (au moins en
apparence), enfin des mineurs peuvent être
concernés parce qu’au moins un des parents
est adepte, ou que le mineur fréquente une
association écran d’un phénomène sectaire.
2
1 - La cellule familiale, l’enfant et
la secte
La notion de famille a beaucoup évolué au
cours du temps, néanmoins il apparaît
clairement que le phénomène sectaire la remet
en question d’une façon assez spécifique :
qu’elle soit unie, recomposée, disloquée.
Qu’il s’agisse de conquérir le monde ou de
s’en éloigner pour mieux se délivrer de
l’emprise du mal qu’il représente, la secte
dénigre la famille :
Extrait d’O. Braconnier, (Radiographie
d’une secte au dessus de tout soupçon ; Le
groupe de Saint-Erme) (10) :
« La méthode, consistait à assommer
littéralement, lors des retraites ou par courrier,
les frères et les sœurs avec un discours
passionné dont les thèmes se substituaient les
uns aux autres rapidement et constituaient à
chaque fois un objectif à atteindre, un rite, un
comportement à intégrer impérativement (...).
Parmi ces thèmes il y en avait un qui revenait
régulièrement celui des ennemis intérieurs ou
extérieurs de la famille. Ceux-ci étaient
représentés pêle-mêle par les aumôniers, les
évêques, l’Etat, les militaires, les policiers, les
politiciens et, bien évidemment, les parents,
ainsi que les ex-membres, tous plus ou moins
accusés de comploter contre le fondateur. »
Denis Salas (24) émet l’hypothèse que le
projet sectaire serait « orienté vers la
destruction de la filiation d’origine et en
particulier la désarticulation des liens
familiaux » et aspirerait à « la construction
d’une filiation spirituelle par le groupe auquel il
adhère et dont il attend une vie meilleure et
bonne pour lui. »
1 a ) Place de l’enfant dans la famille
Le phénomène sectaire est toujours plus ou
moins en lien direct avec une destruction de la
famille :
Soit le processus sectaire profite d’une
séparation conjugale ou d’une mésentente pour
appréhender le sujet fragilisé, futur adepte,
avant son entrée dans la secte ;
soit la séparation du couple conjugal ou
celle des enfants et des parents a lieu de façon
plus ou moins précoce au sein même de la
secte, selon des critères spécifiques au gourou,
en voici quelques exemples :
« Chez Moon, afin d’entamer la rupture
des liens familiaux, le nouvel adhérent
s’entend dire qu’il est « pur », ou va le
devenir, tandis que ceux qui restent au
dehors sont soumis au pêcher originel, …Le
néophyte doit par conséquent adopter de
vrais parents (Moon et sa femme) à travers
deux jeunes du groupe qui en sont les
représentants : « la mère et le père
spirituels ». Néanmoins, il doit essayer de
convertir ses parents « sataniques » (ceux de
l’état civil) mais, en cas d’échec, il est amené
à prendre ses distances vis-à-vis d’eux, sinon
à rompre tous les liens. » « Suivant un
précepte mooniste, une jeune femme offrira,
quelque temps après sa naissance, son
enfant en « cadeau d’amour » à un autre
couple. » (8)
Dans toute communauté sectaire la
relation affective parent/enfant est un
obstacle car elle risque d’entamer la dévotion
inconditionnelle au gourou. Ainsi pour la
Scientologie, la vie familiale et les enfants
passent après la fidélité absolue qu’exige la
secte de ses adeptes. Les parents qui
souhaitent consacrer du temps à leurs
enfants sont méprisés.
Dans certaines sectes le gourou marie ou
dissout le mariage selon son bon plaisir. Il
choisit personnellement qui il aime, marié
ou non. Le gourou précise avec netteté :
« Nos épouses ne sont pas à nous ! Elles
appartiennent
au
Seigneur
et,
par
conséquent, à moi qui le représente ! » Secte
Love Family (8)
Il est net que les relations intra familiales
sont donc gérées de façon très particulières,
avec un retentissement direct sur les enfants.
Extrait de « Le Maître parle, 1-1-1980 »
(8)
« En 1970, j’ai ordonné à tous les couples
bénis de quitter leurs familles. Les femmes
ont pris le rôle de première ligne et je les ai
envoyées à l’extérieur. Pourquoi ? Parce que
les femmes devaient expérimenter ce que la
vraie Mère (Mme Moon) avait expérimenté
avant elles…La meilleure manière pour les
femmes de surmonter la tentation (de
refuser d’obéir à cet ordre céleste) c’était de
considérer leurs maris comme leurs
ennemis…Pour la même raison, chaque mère
devait considérer ses enfants comme son
second ennemi. Alors, même si les enfants
pleuraient et tentaient de l’empêcher de
partir, cela ne lui faisait pas mal ni ne lui
brisait le cœur…C’est pourquoi la bible
3
enseigne que dans les derniers jours, les
membres de votre famille les plus proches sont
votre pire ennemi… »
Dans certaines sectes, l’enfant n’appartient
ni à la famille ni à la société mais à la secte et
ceci parfois dès la naissance.
« Ce qui existe entre parents et enfants dans
une secte, ce n’est plus la transmission
généalogique d’une histoire que l’enfant reçoit,
assimile, s’approprie, transforme avant de la
transmettre à ses propres enfants, c’est la
reproduction à l’identique de ce qui est
semblable » R. BIDART, juge des enfants. (13)
Enfin il peut arriver que lorsque des adultes
quittent la secte, ils abandonnent les membres
de leur famille, y compris leurs enfants.
L’enfant se trouve donc d’emblée dans une
situation d’insécurité matérielle et/ou affective,
avec une famille désarticulée par l’emprise
sectaire.
1 b ) La scolarité de l’enfant
D’après l’éducation nationale 6000 enfants
seraient concernés par le problème de la
scolarité et du phénomène sectaire. Deux cas
sont possibles :
- Le mineur peut être scolarisé au sein de la
secte.
Les sectes qui fonctionnent en mode
communautaire ont souvent leur propre
système scolaire à l’intérieur de la secte ce qui
aggrave la désocialisation des enfants. Il s’agit
une nouvelle fois de répondre à des attentes
parentales mais qui n’ont pas de lien avec une
réalité sociale.
L’éducation est alors le plus souvent en
opposition ou en négation de la société (à
l’extérieur de la secte). Les acquisitions
intellectuelles et sociales sont très limitées.
L’enseignement extérieur est présenté comme
préjudiciable aux enfants des adeptes. Les
enfants scolarisés à l’intérieur de la secte ne
fréquentent donc pas d’autres enfants, d’autres
idées. Leur approche du monde est rigide et
restrictive. Leur esprit critique n’est pas
développé. Par exemple l’enseignement de
Krishna baigne dans la spiritualité. Les dictées
sont extraites de textes sacrés. La conjugaison
des verbes fait appel à d’étranges notions
religieuses : « j’ai du pragadam, tu as du
pragadam…Je
fais
sankirtan,
tu
fais
sankirtan… » c’est-à-dire faire la quête et du
porte à porte. (8)
Dans une école en Inde de la secte Shri
Mataji, la pensée de l’enfant est dirigée
constamment vers un pôle unique : le culte
de la déesse vivante Shri Mataji. L’écriture,
l’arithmétique, les sciences naturelles, le
jardinage, l’anglais et l’Hindi constituent le
programme
scolaire
sans
aucune
communication avec le monde extérieur.
La vie de l’enfant dans un monde ainsi
clos peut être appréhendée comme une
privation de capacité à faire des choix de vie,
de croyance, avec une inégalité des chances à
pouvoir s’intégrer dans la société (facteur de
vulnérabilité).
- Cependant, la scolarité du mineur peut
se faire hors de la secte.
C’est par exemple le cas des Témoins de
Jéhovah, mais lorsqu’ils sont inscrits dans
une école publique, ils ne doivent ni
participer aux activités sociales, ni aux
sports. Ils ne doivent pas non plus avoir de
rapport avec les autres enfants, mais plutôt
mettre à profit les récréations pour lire un
recueil d’histoires bibliques afin d’attirer
l’attention de leurs camarades et de les
convertir. Leur objectif principal est avant
tout de devenir de bons ministres de Dieu.
Malgré une pseudo ouverture sur la
société, il est clair que la pression du
phénomène sectaire reste présente même audelà des temps forts officiels.
Dans la société actuelle il y a une perte de
mémoire, une défaillance de la transmission,
c’est là que la secte va donner une sorte
d’éducation sur mesure qui va apporter des
satisfactions immédiates.
Dans le rapport annuel 1997 de
l’Observatoire interministériel sur les sectes
(7) une cinquantaine de mouvements
pratiquant l’embrigadement des enfants a
été dénombrée (contre vingt-huit lors du
rapport parlementaire antérieur). De plus un
envoi massif de brochures a été adressé à des
établissements scolaires et de formation
professionnelle publics ou privés. Elles
louaient les propositions du gourou pour
traiter l’illettrisme. L’information et la
vigilance des cadres de l’Education nationale
ont permis de mettre en échec cette action
prosélytiste.
Il existe donc des démarches extensives
et par delà même la question de l’école il y a
plusieurs structures « d’accueil-écran »,
organismes divers qui sont destinés aux
enfants et par le biais desquels des groupes
coercitifs peuvent s’immiscer dans des
4
secteurs clés comme le domaine socio-éducatif,
culturel, professionnel et de la santé.
La famille aux prises avec la secte ne
remplit donc plus sa fonction d’aide auprès des
enfants pour s’intégrer dans la société. Elle ne
leur permet pas d’accéder aux lieux de
socialisation que sont la crèche, l’école, les
activités sportives et culturelles, les camps de
vacance, ou alors de façon très contrôlée.
1 c ) L’intégrité physique de l’enfant
L’intégrité corporelle du mineur peut être
atteinte :
- de façon directe par des sévices physiques,
l’exploitation des enfants pour des travaux, une
alimentation inadaptée aux besoins de l’enfant,
des conditions matérielles inacceptables.
- de façon indirecte par des refus de
vaccinations, refus de transfusions, ou lorsque
l’enfant est élevé par d’autres adultes que ses
parents ou ailleurs qu’à son domicile.
Les Témoins de Jehovah refusent par
exemple les transfusions sanguines ce qui a
causé plusieurs décès d’enfants ou d’adultes.
L’Eglise Chrétienne Universelle, dont le
gourou se faisait appeler le Christ de Monfavet,
se considérait à l’abri de toute maladie grave.
Les adeptes refusaient tout recours à un
médecin pour eux et pour leurs enfants car
selon eux « la médecine tue l’âme ». Pour
obtenir une guérison, l’imposition des mains ne
suffisait pas, il fallait donc aussi bannir cinq
« poisons mortels » : le tabac, le café, le thé, les
graisses cuites et les conserves. « Quand nos
erreurs ont commencé à détruire l’harmonie de
l’organisme, les éléments nettoyeurs (microbes,
lésions etc) entrent en jeu pour accomplir
inexorablement leur mission qui est de détruire
tout ce qui vit en dehors de la loi. » Cette secte
a défrayé la chronique dans les années
cinquante lorsque trois enfants sont décédés
car leurs parents, adeptes, avaient refusé les
soins médicaux (8).
Certaines sectes professent un régime
alimentaire spécifique censé conférer aux
adeptes une santé parfaite. L’alimentation est
ainsi très souvent carencée, tant pour les
adultes que pour les enfants. Ce peut être dû à
des régimes alimentaires déséquilibrés :
végétarisme strict, végétalisme, crudivorisme,
macrobiotique, des jeûnes imposés… Il peut en
résulter des retards de croissance, une
hypotonie musculaire, une décalcification, une
asthénie extrême, un rachitisme, une
anorexie…
Dans la secte La Citadelle, au nom de
principes bibliques, une mineure de 15 ans a
été soumise à des jeûnes prolongés et
contrainte à l’isolement, l’hiver, dans une
maison de gardiens non chauffée.
De telles épreuves permettent de
manipuler plus facilement les adeptes et
d’autant plus les enfants puisqu’ils y sont
soumis dès leur enfance. Ces régimes
mettent l’organisme et le psychisme à rude
épreuve.
Certaines sectes sont hostiles aux
vaccinations car elles revendiquent une
prophylaxie du fait de leur vie en
communauté fermée. D’autres ne refusent
pas ouvertement les soins médicaux, mais
par leur doctrine favorisent le recours aux
médecines parallèles, même en cas de
maladies graves et soignables efficacement.
Les prières peuvent être présentées comme
une alternative aux soins médicaux
classiques, ou bien être obligatoires à
n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Les rythmes biologiques sont également
perturbés avec souvent des réveils tôt dans la
nuit (3 heures du matin), pour commencer la
journée avec des rituels, un travail acharné,
peu de temps de repos, l’absence de jeux et
une alimentation qui est le plus souvent
carencée.
D’autres sectes portent atteintes à
l’intégrité corporelle à travers des punitions
corporelles qui peuvent commencer très
jeunes. D’une façon générale dans ces sectes
les enfants ne doivent ni craindre, ni
ressentir, ni aimer, ni rire, pas plus que
manifester de la douleur, de la faim… Ce qui
aboutit au contrôle absolu et à la domination
de la vie de chaque fidèle.
Toute entrave aux prérogatives du
gourou peut être sévèrement punie par des
coups, des maltraitances physiques actives :
témoignage de l’Ashram de Dharamsala :
« Parfois on me laisse dehors une partie de la
nuit en slip, dit un des enfants. On nous tire
les oreilles et on nous donne du bâton sur les
fesses. En cas de faute grave, on doit toucher
nos pieds avec nos doigts pendant
longtemps. On nous met un bâton sur le dos
et il ne doit pas tomber. » (8)
Les enfants survivants de Waco ont
expliqué que des parents avaient assisté
pendant 40 minutes à une séance où David
Koresh battait leur fille de 9 mois parce
qu’elle ne voulait pas rester à genoux devant
5
le groupe. Il avait estimé que des bébés de huit
mois étaient capables de discerner le bien du
mal. Koresh leur disait d’appeler leurs parents
« les chiens », lui seul était appelé « père ». (8)
Enfin, des parents adeptes de la secte
Sahaja Yoga, ont envoyé leur fils âgé de 6 ans et
demi en Inde dans une école dirigée par les
membres de cette secte. Un deuxième enfant
allait naître, leur fils ne parlait ni l’indien, ni
l’anglais, le climat était rude, les conditions
sanitaires déplorables, mais ils ne s’en sont pas
préoccupés.
Ces derniers exemples montrent jusqu’où
l’intégrité physique des enfants est atteinte, à
différents niveaux mais toujours de façon
dramatique. Epuisés physiquement ils ont une
résistance réduite à néant et leur vulnérabilité
est accrue. Comment des enfants parfois très
jeunes et dépendants peuvent-ils se protéger
d’adultes qui ont tout pouvoir sur eux ?
1 d ) La sexualité et l’enfant
L’enfant dans certaines sectes subit
l’absence d’interdit commun à nos sociétés
c'est-à-dire l’interdiction de l’inceste en
particulier ou de la pédophilie.
Cet
interdit
fondateur
semble
systématiquement annulé dans les sectes, qu’il
le soit par des actes ou de toute façon
symboliquement.
Certaines sectes théorisent et rationalisent
la pédophilie et l’inceste (abaissement de l’âge
de la majorité, « épanouissement total » de
l’enfant).
La Famille d’Amour, ex Enfants de Dieu,
préconise une sexualité libre dès la plus tendre
enfance. Moïse, le gourou conseillait aux
parents de masturber les enfants au coucher
afin de les calmer. De même la mère devait
manipuler son garçon à chaque changement de
couche sous les yeux des petites sœurs, qui
reprenaient ces pratiques avec le reste de la
fratrie. Toutes les pratiques sont préconisées,
l’inceste inclus. Moïse David le fondateur,
exerçait un véritable droit de cuissage sur ses
adeptes (même les enfants) et préconisait le
prosélytisme par la prostitution. Ainsi l’enfant
était il élevé dans un climat de perversité.(1)
La secte de Waco avec David Koresh était
aussi en pleine confusion avec un gourou qui
avait des femmes très jeunes (11 ans d’après
certains témoignages) et les leçons bibliques
concernaient souvent le sexe, même avec les
plus jeunes filles. Pour les enfants il était tout à
fait clair qu’être la femme de Koresh
impliquait des relations sexuelles avec lui.
(8)
Pour la secte de Raël le conditionnement
sexuel est aussi important : extrait de
« l’éducation sensuelle ». « Tu éveilleras
l’esprit de ton enfant, mais tu éveilleras aussi
son corps, car l’éveil du corps va de pair avec
l’éveil de l’esprit. …Etre sensuel c’est laisser
le milieu où l’on se trouve donner du plaisir.
L’éducation sexuelle est très importante elle
aussi mais elle n’apprend que le
fonctionnement technique des organes et
leur utilité, tandis que l’éducation sensuelle
doit apprendre comment l’on peut avoir du
plaisir, sans rechercher forcément à utiliser
ses organes dans un but utilitaire qui est le
leur. Ne rien dire à ses enfants au sujet du
sexe c’est mal, leur expliquer à quoi ça sert
c’est mieux mais ce n’est pas encore
suffisant : il faut leur expliquer comment il
peuvent s’en servir pour en retirer du
plaisir ».
Le gourou de la secte Longo Maï
disposait d’un groupe de jeunes dévoués
pour satisfaire ses fantasmes, c'est-à-dire la
quasi obligation de combler ses désirs
homosexuels. Après enquête une jeune fille
mineure révéla qu’elle était obligée de
recevoir dans son lit tout adepte désigné par
le gourou.
Tous ces exemples montrent à quel point
les enfants peuvent être touchés et blessés
dans leur vie affective, familiale, sociale et
dans leur chair.
Ils sont aussi atteints très sérieusement
dans leur développement psychique, c’est ce
dont il va être question dans le prochain
développement.
2) La santé psychique de
l’enfant et de l’adolescent
La maltraitance au sein des sectes revêt
une forme particulière. C’est la secte qui
l’oriente et la codifie. En dehors des
maltraitances « matérialisées » évoquées
dans le paragraphe précédent, un élément
commun à tous les groupes sectaires est
retrouvé : celui de la maltraitance
psychologique, quel que soit le mode de vie
choisi (communautaire ou ouvert sur la
société) et le discours du gourou (religieux,
médical,
écologique,
transformation
personnelle).
6
H. El Mountacir, politologue, chargée de
mission au CCMM, reprend deux définitions de
la maltraitance psychologique : celle de J.F.
Rabain. « Pour nous psychiatres d’enfants et
psychanalystes, c’est d’abord un enfant qui n’a
pas été reconnu comme un autre, comme un
individu, avec ses besoins, ses demandes et ses
désirs propres. » ; et celle du Service national
d’accueil
téléphonique
pour
l’enfance
maltraitée (SNATEM) : « l’enfant violenté est
pris pour un autre et l’adulte attend de lui des
attitudes, des comportements, des messages
qu’il n’est pas en mesure ou en âge de
manifester. L’enfant n’est pas considéré comme
un enfant avec des besoins spécifiques. » (19)
De telles attitudes sont repérables dans le
fonctionnement sectaire :
le refus du droit d’être un enfant car les
sectes ne respectent pas les étapes du
développement de l’enfant (par exemple un
enfant de 8 mois qui serait capable de
discerner le bien du mal (Koresh)).
Un système de prévention totalitaire bloque
les désirs de l’enfant ainsi que sa création ou
son sens critique (par exemple avec
l’interdiction de jouer qui est une étape
fondamentale d’appréhension du monde pour
l’enfant).
L’enfant doit répondre à un idéal, celui
prôné par la secte, et il n’est donc pas reconnu
pour lui-même.
Les sectes fixent elles mêmes une frontière
rigide entre le permis et l’interdit. A
l’adolescence, l’enfant soumis aux pressions
parentales et groupales, développe un
sentiment de culpabilité, le gourou décide
arbitrairement et de façon autoritaire ce qui
est juste ou non.
Les demandes affectives de l’enfant restent
parfois sans réponse.
lui dès l’âge de six mois. Ou encore : « Pour
être un bon scientologue, explique A. DoddBova, ancienne adepte, vous devez demander
à l’enfant de se prendre en charge : « Je
n’avais pas à demander à mon fils de cinq
ans s’il avait faim, il le savait lui-même. Je
n’avais pas à lui préparer son dîner, il savait
se débrouiller. » (8)
H. El Mountacir écrit : « Ecrasé par
l’idéal imposé par la secte, traité en adulte,
sommé de changer le monde, cet enfantenjeu perd, en outre son droit à
l’irresponsabilité qui découle du principe de
l’incapacité juridique que lui confère le droit.
En le dépossédant de son enfance, la secte ne
lui permet pas de s’inscrire dans la
temporalité nécessaire à la construction
progressive de son identité. »(19)
Toute activité qui provoque chez un
enfant un besoin de s’adapter à l’extrême,
dans des conditions qui ne sont pas
naturelles est abusive. Le conditionnement
sectaire prolongé provoque un désordre
mental qui rend l’enfant inadapté à la
société. Sa santé psychique est menacée par
l’enfermement et la discipline imposée par la
secte.
Sa faculté de penser et le droit à la
critique peuvent être perdues ou apprises de
façon tronquée. L’enfant est alors un esprit
« suiveur ».
Très souvent il doit réprimer ses
émotions, « contrôler son éthique » selon la
doctrine scientologue.
« Par ces structures et ces rites nous
étions
entourés
d’un
mur
affectif
difficilement franchissable et dont nous
n’étions pas conscients »( 10) extrait
d’Olivier Braconnier Radiographie d’une
secte au dessus de tout soupçon (Le groupe
de Saint-Erme).
2 a ) Développement psycho affectif
L’enfant est blessé dans son développement
psycho affectif par une inadéquation entre ce
qui est exigé de lui et ce qu’il est en capacité de
donner selon sa maturité.
Ainsi dans le groupe « Livingstone », les
enfants du Christ, nés dans la secte, devenaient
de ce fait des êtres supérieurs et ils devaient
suivre un enseignement spécifique, même s’ils
ne possédaient pas le vocabulaire ni la
compréhension
correspondant
à
l’enseignement. David Livingstone avait par
exemple décrété qu’un « enfant du Christ »
était capable de marcher et de prendre soin de
2 b ) Question des origines
Les
enfants
confrontés
à
la
problématique sectaire sont d'emblée
confrontés à la question des origines. De qui
sont-ils les enfants? Des parents, du gourou
ou de la secte? De quel désir sont-ils le fruit?
L’état civil de l’enfant est souvent absent
ou tronqué, un « baptême » sous l’égide du
gourou modifie jusqu’à son identité (ceci
concerne aussi l’adulte). Or dès sa naissance
les parents donnent un nom et un prénom à
l’enfant ce qui le place d’emblée dans un
cadre symbolique. Cette nomination signe
7
l’entrée du sujet dans l’espèce. Son nom propre
lui donne la citoyenneté et la langue. Le droit
civil introduit à la différenciation du sujet et du
« tout ». Ceci est donc annulé par la pratique
sectaire.
L’enfant est dans une confusion perpétuelle
de générations, de personnes. Il est fréquent
que les adeptes s’appellent tous frères ou
sœurs, quels que soient leurs liens familiaux,
les pères et mères ne sont pas ceux que l’on
nomme ainsi… Or la généalogie dépasse la
triade père/mère/enfant. Pour devenir sujet
l’enfant doit pouvoir se différencier. L’enfant
aux prises avec la secte n’a donc pas d’existence
propre et ne pourra pas en avoir.
Madame. H. El Mountacir constate que les
parents adeptes, « obnubilés par leurs
motivations conscientes ou inconscientes,
obéissent aux directives du gourou et élèvent
un enfant imaginaire car son existence propre
est niée. » (19)
« Dans
les
sectes,
l’identification
communautaire
gomme
la
singularité
individuelle au profit de l’uniformisation du
clan. Or, être citoyen c’est se sentir partie
prenante de la société sans pour autant
abandonner sa singularité. » (19)
Dans un tel système l’enfant ne peut pas
bénéficier de pare-excitant et l’on peut
s’interroger sur la qualité de la relation précoce
mère-enfant lorsque le nouveau né est avant
tout celui du gourou ou de la secte. Quelle
spontanéité, quelle vitalité peut se dégager d’un
parent lui-même en position infantile et
totalement dépendant ? Les conséquences
psychologiques sur l’enfant sont bien connues
d’une pratique en pédopsychiatrie lorsque la
préoccupation
maternelle
primaire
est
défaillante. Ces enfants deviennent apathiques,
ils souffrent d’un sentiment d’insécurité.
La construction de la personnalité de
l’enfant est donc gravement compromise
lorsqu’elle est manipulée et baignée par les
idéologies sectaires.
2 c ) L’enfant et la société
La vision du monde qui est donnée aux
enfants par les sectes est une vision qui les
situe d’emblée en une place donnée : celle de
l’intra-sectaire qui se construit à la frontière
voire contre le monde extérieur : la société. Le
mode de pensée de l’enfant va alors s’organiser
de façon dichotomique : le dedans /le dehors,
le bien/le mal, le permis/l’interdit. La
perception de la réalité sociale est altérée.
L’emprise est exercée sur l’enfant par la peur
de l’extérieur jugé négatif et hostile.
Le langage est aussi investi par la
mécanique sectaire. Soit les mots sont
empruntés à d’autres langues, soit ils sont
détournés de leur sens initial, ce qui
concourt beaucoup à la manipulation
mentale.
Les sources d’information extérieures à la
secte sont contrôlées (télévision, cinéma,
activités culturelles ou sportives). Les
lectures sont elles aussi contrôlées.
Il est donc extrêmement difficile, voire
impossible pour l’enfant, de développer un
esprit critique. La secte va tenter de tout
maîtriser, de tout imposer. Comme pour
l’adulte il y a perte de l’identité et de toutes
possibilités d’individualisation. Par un
processus totalitaire, le désir, la capacité de
penser
et
d’imaginer
sont
parfois
durablement mais aussi définitivement tués.
Ceci aboutit à une véritable anesthésie
affective et une indifférence émotionnelle
dans la relation aux autres.
Les enfants sont privés d’enfance, ils sont
désocialisés.
« Les sectes, parce qu’elles fonctionnent
sur le mode du clivage dedans-dehors,
privent les enfants de l’apprentissage de la
tolérance et du pluralisme des sociétés
démocratiques. » (19)
L’intériorisation de la norme par l’enfant
suppose une communauté d’adultes qui
partagent cette norme et la transmettent.
L’enfant est à ce sujet souvent en attente de
réponses. Or les sectes ne donnent qu’un
modèle totalitaire de société où il y a
confusion et cumul des pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire. (20)
Que peut-il donc espérer d’une
organisation sectaire dans un processus de
maturation et de construction de sa
personnalité ?
Par ailleurs, l’expérience montre que
l’enfant baigné dans la confusion et la
promiscuité n’a pas d’identité et qu’il
présente un risque important de passage à
l’acte et de violence.
L’intérêt des sectes pour les mineurs n’est
pas innocent.
Le jeune est déjà victime de trois
régressions dues à la mondialisation :
régression sociale en raison de la grande
précarité qui lui est proposée, politique car
les grandes utopies sont défaillantes et
culturelle (primat d’une société de
8
consommation). Ceci réalise un terrain propice
à l’emprise des sectes sur les jeunes qui sont de
fait des sujets particulièrement vulnérables. P.
Aries (12)
Ils sont une proie fort intéressante pour les
sectes car ils ont peu de responsabilités et
peuvent investir facilement beaucoup de temps
pour la secte. Ils sont prêts à un rapport
passionnel avec elle. Peu à peu ils vont perdre
leur autonomie et devenir dépendants de la
secte. Il n’est pas impossible que ces
adolescents et jeunes adultes influencent aussi
à terme leurs parents et donnent une « bonne
image » de la secte. Enfin, avec le
développement
des
techniques
de
communication telles que l’informatique,
l’internet, les jeux de rôle, les stages variés
proposés de formation…l’atteinte des jeunes
par le phénomène sectaire est plus facile
(surtout en zone urbaine).
2 d ) Les séquelles
Les professionnels spécialisés dans la prise
en charge de ces enfants victimes constatent
des séquelles graves. (S.Jougla) (21)
Leur gravité dépend de six paramètres :
- La dangerosité de la secte :
Certaines sectes sont coercitives d’autres
non, elles acceptent ou non une scolarité
normale. Elles peuvent s’intéresser aux enfants
en bas âge ou aux adolescents, les
conséquences sont alors différentes sur leur
développement. Selon les sectes, leur
dangerosité, la relation parent enfant sera
autorisée, favorisée ou entravée.
Le type d’idéologie véhiculée par le groupe
est aussi plus ou moins dangereux et
destructeur (discours élitiste, intolérance de la
différence). Il existe notamment les sectes
sataniques où les enfants sont utilisés comme
objet de réalisation des fantasmes les plus
terribles, comme les « snuff films » dont la
spécificité est le viol et/ou la mort en direct,
mettant en scène des enfants, ou bien encore
les enfants participent au sacrifice d’autres
enfants.
- La nature de l’acte maltraitant :
relations aussi destructrices que celles
entretenues au sein des mouvements
sataniques, un lien de dépendance est induit.
Certains actes aggravent plus que d’autres la
perte de l’estime de soi (par exemple les
actes d’humiliation devant les autres
membres de la secte).
- Le niveau de développement
psychique et affectif de l’enfant :
Plus l’enfant est jeune plus il est
vulnérable et totalement dépendant de son
entourage. Sa personnalité est encore à
construire et son appareil psychique n’a pas
encore pu se prémunir contre diverses
agressions
ou
abandons
(réels
ou
symboliques).
Il
est
physiquement
dépendant et le langage ne lui est pas encore
possible ce qui peut aggraver les violences
contre lui. L’adolescence est aussi un
moment de fragilité accrue susceptible de
déstabiliser le mineur et de favoriser
l’emprise de la secte sur lui. Il est pourtant
permis d’espérer qu’un adolescent qui a
grandi hors de la secte puisse trouver les
ressources psychiques, intellectuelles et
affectives pour se protéger des pratiques
sectaires qu’il pourra côtoyer de près ou de
loin.
- La vulnérabilité ou la résilience de
l’enfant :
L’enfant est par essence vulnérable,
cependant certains le sont plus que d’autres
en particulier les enfants handicapés (sourd,
muet, troubles psychologiques). Ceux-ci sont
des victimes plus aisées des pratiques
sataniques car leur crédibilité est sujette à
caution.
D’autres enfants pourront évoluer
favorablement
en
dépit
de
graves
traumatismes et ils parviendront à se
construire ou se reconstruire.
- L’âge :
Un enfant est d’autant plus vulnérable
qu’il est jeune. Il pourra d’autant moins se
protéger et il sera donc potentiellement plus
atteint par l’emprise sectaire.
Il est donc évident que la nature de l’acte
maltraitant induit des séquelles différentes.
L’une d’elles est la dépendance. Même dans des
9
- L’implication sectaire de l’entourage
familial :
1 a) La protection du mineur par le
Code civil :
Si l’enfant se trouve dans un système où
tout converge vers une seule direction, celle
donnée par le gourou, il lui sera d’autant plus
difficile de sortir de ce carcan. Il n’y aura pas de
place au doute et il pourra subir de terribles
sévices sans même en prendre conscience. C’est
ainsi que des enfants victimes de pratiques
sataniques sont amenés à les reproduire, dans
un processus d’identification à l’agresseur.
C’est comme si un enfant, « impliqué dans
cette voie n’éprouve pas le besoin de justifier le
mal : il finit même par le savourer et éprouve la
sensation que le mal est toujours plus
intéressant que le bien ».(8)
La situation des enfants aux prises avec des
mouvements
sectaires
est
donc
très
préoccupante sur plusieurs plans et à différents
niveaux.
A partir de ce constat, que peut-on
envisager afin de protéger ces enfants ?
- L’article 371- 2 du Code civil (loi du 4
juin 1970 et réformée par les lois des 22
juillet 1987, 8 janvier 1993 et 4 mars 2002)
définit l’autorité parentale comme suit :
« L’autorité parentale appartient aux
père et mère pour protéger l’enfant dans sa
sécurité, sa santé et sa moralité ». Ils ont à
cet égard «droit et devoir de garde, de
surveillance et d’éducation ».
En outre les père et mère garants du
patrimoine de l'enfant sont tenus de le gérer
jusqu'à sa majorité dans le cadre de
l'administration légale, qu’elle soit pure et
simple ou sous contrôle judiciaire. En contre
partie ils disposent d'un droit de "jouissance
légale" sur les biens des mineurs.
La loi permet aux parents d’adapter les
règles en fonction de leur conception de
l'éducation mais ils ne sauraient se
soustraire à leurs obligations. Selon l'article
1388 du Code civil, les époux ne peuvent
déroger aux « règles de l'autorité parentale,
de l'administration légale et de la tutelle. »
Le droit pénal sanctionne le non respect de
cet article.
La liberté des parents dans le cadre de
l’exercice de leur responsabilité ne peut donc
entrer en contradiction avec les droits
fondamentaux de l’enfant et en particulier
avec l’article 19 de la Convention des Droits
de l’Enfant : « les parents ou les
représentants légaux doivent être guidés
avant tout par l’intérêt supérieur de
l’enfant ». Depuis la deuxième moitié du
XIX° siècle l’intérêt de l’enfant n’est plus
subordonné à celui de la famille.
Sur ces questions il est évident que les
adeptes des sectes sont en contradiction avec
les textes de loi car les parents n’assument
plus leurs responsabilités de protection et ils
soumettent l’enfant à leur intérêt propre, en
tous cas à leur conviction, même délirante.
Les parents adeptes d’une secte
délèguent
leur
autorité
parentale,
abandonnant leurs devoirs et obligations à
l’égard de leurs enfants au profit de l’autorité
sans partage du gourou. Les descriptions
faites dans la première partie montrent
combien l’intérêt des sectes est éloigné de
celui de l’enfant. Il y a donc infraction au
Code civil.
- L’autorité parentale comprend le devoir
d’éducation de l’enfant. Elle se décline en
DEUXIEME PARTIE
DROIT ET DEVOIR DE
PROTECTION DU MINEUR A
L’EPREUVE DES SECTES
Il existe en France une législation qui
concerne spécifiquement les mineurs. Elle
devrait permettre de réprimer les infractions,
les délits ou les crimes commis contre les
enfants par les sectes. Cette législation s’appuie
sur différents codes et règlements dont il va
être à présent question : le Code civil, le Code
pénal et la Convention Internationale des
Droits de l’Enfant (votée par les Nations Unies
le 20/11/1989 et en vigueur depuis le
6/09/1990).
1) Pour une protection de
l’enfant et de l'adolescent
10
terme
d’éducation
morale,
scolaire,
professionnelle et religieuse.
Concernant l’éducation morale et le droit de
correction, la coutume française reconnaît aux
parents le droit de corriger leurs enfants afin de
les contraindre à se plier à leur autorité. Mais
ces châtiments corporels doivent rester légers
et être donnés dans l’intérêt de l’enfant. Les
abus sont sanctionnés par les articles 222-8 à
222-14 du Code pénal. (cf le prochain
paragraphe). Les faits rapportés dans la
première partie de ce travail constituent donc
une infraction ou au moins une déviance vis-àvis des normes sociales.
Au sujet de l’éducation scolaire et
professionnelle, la loi du 28 mars 1882,
remaniée le 6 janvier 1959 et le 11 juillet 1975,
concerne l’obligation scolaire et s’impose aux
enfants de 6 à 16 ans. Ce droit à l’éducation est
aussi
rappelé
dans
la
Convention
Internationale des Droits de l’Enfant, article
28 : « les Etats parties reconnaissent les droits
de l’enfant à l’éducation. » Mais dans le cadre
de cette obligation les parents ont libre choix
de l’établissement ou des modalités de
l’enseignement.
Un
enfant
scolarisé
exclusivement dans une communauté sectaire
est en situation potentiellement sanctionnable,
mais de façon parfois difficile à prouver. C’est
pourquoi la loi n°98-1165 du 22/12/1998
renforce le contrôle de l’obligation scolaire.
- L'article 371- 4 du Code civil modifié par la
loi du 4 mars 2002 accorde aux grands-parents
un rôle de protection non négligeable
concernant leurs petits-enfants. Cependant il
est édifié autour de la notion d’intérêt de
l’enfant et il étend à tous les ascendants la
possibilité d’entretenir des relations avec leurs
petits-enfants et arrières petits-enfants. Il
ouvre aussi plus largement aux tiers, membres
de la famille ou non, cette faculté de voir
l’enfant, tout en maintenant une distinction
entre les ascendants et les tiers. Ceci confirme
la promotion de la personne de l’enfant et la
consécration de ses droits par la Convention
Internationale des Droits de l’Enfant : article 8
qui fait obligation aux états de respecter le
droit reconnu à l’enfant de « préserver (…) ses
relations familiales. »
Légalement les parents ne peuvent donc pas
s’opposer aux relations de leur enfant avec ses
grands-parents, à l’exception de motifs graves.
Les grands-parents ne doivent pas hésiter à
défendre leurs petits-enfants et à faire valoir
leurs droits, encore faut-il qu’ils les
connaissent.
Le maintien de ces liens qu’ils soient sous
forme de visite, de téléphone ou de lettres
permet de savoir où se trouve l’enfant,
d’apprécier son évolution, et d’évaluer les
risques encourus. C’est une porte ouverte sur
le monde extérieur pour l’enfant.
Un placement provisoire chez les grandsparents peut d’ailleurs être ordonné par le
juge en cas de divorce par exemple, lorsque
un parent ou les deux sont adeptes et jugés
dans l’incapacité de subvenir à l’éducation de
leur enfant.
En cas de conflit c’est le juge aux affaires
familiales ou le juge des enfants qui apprécie
la situation.
- L’Etat se doit d’intervenir par
l’intermédiaire du juge pour enfants, afin de
protéger le mineur lorsqu’il est en danger en
raison des choix de ses parents.
L’article 375 du code civil prévoit la
protection des enfants. Cet article est
fondamental car il permet d’assurer la
protection des mineurs quelles que soient les
circonstances : « Si la santé, la sécurité, ou la
moralité d’un mineur sont en danger, ou si
les conditions de son éducation sont
gravement compromises, des mesures
d’assistance
éducative
peuvent
être
ordonnées par Justice (…).»
La notion de danger justifie le recours au
juge. Cependant, la notion de violence
psychologique est très délicate à définir. Il
appartient au juge des enfants « de mettre en
relief la souffrance psychologique ». Il est
important notamment de prendre en compte
la doctrine qui sous-tend l’organisation du
groupe sectaire, même si ce n’est pas
toujours suffisant pour caractériser les
éléments
de
dangerosité
ou
de
compromission
grave
des
conditions
d’éducation, critères d’intervention du juge
des enfants.
Ce dernier peut être saisi par le père
et/ou la mère, la personne ou le service à qui
l’enfant a été confié, le tuteur, le mineur, le
ministère public, ou encore se saisir luimême suite à un signalement.
Plusieurs "outils" sont à sa disposition
afin d’éclairer et d’étayer ses décisions.
La mesure d’IOE (investigation et
orientation éducative) peut lui permettre
d’avoir une vision complète de la situation
personnelle et familiale du mineur concerné.
11
Elle cumule un bilan médical, psychologique,
psychiatrique et éducatif et permet d’étayer une
décision la plus adaptée possible à la situation.
La décision judiciaire peut déboucher sur
un « non lieu », une mesure d’AEMO (mesure
d’aide éducative en milieu ouvert), ou le
placement avec retrait du milieu actuel.
L’enfant est alors confié à celui des père et
mère qui n’avait pas l’exercice de l’autorité
parentale, ou la résidence habituelle ; à un
autre membre de la famille ou un tiers digne de
confiance, à un service ou un établissement
sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou
spécialisé ou au service départemental d’aide
sociale à l’enfance.
Dans le cadre d’une assistance éducative,
l’intérêt de l’enfant est apprécié par rapport
aux comportements « normaux » dans une
société à la fois judéo-chrétienne et laïque.
Il arrive qu'un enfant soit signalé dans un
mouvement sectaire, mais il n’est généralement
pas le seul à subir les mêmes traitements. Il
appartient alors au procureur de la république
de prendre l’initiative d’intervenir et de saisir le
juge des enfants compétent pour tous les
enfants du groupe de façon systématique, afin
que le cas de chacun soit examiné avec une
appréciation précise du danger.
Certains
défendent
une
conception
restrictive du droit d’intervention du juge pour
enfants en précisant que seules les conditions
d’éducation scolaire ou professionnelle de
l’enfant sont visées par le texte de l’article 375
du Code civil et non les choix éducatifs. Mais
peut-on parler de choix lorsqu’ils sont faits
sous l’emprise sectaire ? La tendance actuelle
est favorable à un interventionnisme accru du
juge en se fondant sur les textes internationaux
(articles 5,9 et 10 de la Convention Européenne
des Droits de l’Homme ou les articles 12,13 et
14 de la Convention de New York). La
jurisprudence ne refuse pas d’intervenir en
particulier quand les exigences de la secte
conduisent les parents à renoncer à leur
fonction éducative. Le juge se doit donc
d’étudier au cas par cas si la situation de tel
enfant représente un danger.
- Sur la question de la liberté de religion :
depuis la Révolution (art.7, titre II de la
Constitution de 1791), le mariage est un acte
civil ; mais les libertés de conscience et de
religion règnent pour chaque époux.
Si la liberté de religion peut être considérée
comme une liberté constitutionnellement
garantie pour l’adulte, en ce qui concerne
l’enfant, elle ne peut éliminer l’intérêt de
l’enfant. C’est pourquoi dans ce cadre, le juge
sera conduit à s’immiscer dans le domaine
des croyances personnelles des parents, mais
il ne sera interpellé que par le caractère
« potentiellement » dangereux de la secte
pour l’enfant.
Concernant une demande de l’enfant luimême à avoir une certaine autonomie
religieuse vis-à-vis des souhaits de ses
parents, les jugements confirment que les
parents peuvent interdire au mineur son
appartenance à un groupe religieux et s’il
devait amener l’enfant à quitter le domicile,
les parents pourraient le contraindre à
réintégrer le logement familial qu’il ne peut
quitter « sans permission des père et mère »
(article 371-3 du Code civil). S’il y a litige
entre les parents sans accord possible, c’est
le juge qui tranche. Ceci devrait permettre de
protéger les mineurs, proies attirantes et
faciles pour les sectes, à condition que les
parents soient eux mêmes vigilants et en
dehors du processus sectaire.
- Lorsque la pratique « religieuse »
déborde sur les enfants, le caractère
intolérable du maintien de la vie commune
peut être évoqué : exemple du parent
prosélyte avec ses enfants. Mais ce n’est que
sur les conséquences des positions
religieuses, supposées néfastes pour les
enfants, que les preuves doivent porter. Ainsi
il sera possible d’étayer les démarches sur
des pratiques alimentaires étranges, un refus
des soins médicaux (vaccins, antibiotiques),
un changement de comportement, une
pratique qui retentit sur les résultats
scolaires. L’article 242 du Code civil pourra
alors être évoqué. Il pose une double
condition pour retenir une cause de divorce :
d’une part une violation grave ou renouvelée
des obligations du mariage et d’autre part
que cette violation rende intolérable le
maintien de la vie commune.
En cas de divorce des parents, l’enfant
peut être entendu par le juge, mais celui-ci
rendra sa décision selon l’intérêt de l’enfant,
ce qui ne correspondra peut-être pas au
souhait de l’enfant.
Les décisions du juge aux affaires
familiales semblent plus privilégier la
stabilité de l’implantation de l’enfant et il est
exceptionnel qu’il arrache l’enfant du milieu
« religieux » où il vit pour le confier à l’autre
parent.
12
- La protection d’un enfant, d’une famille
peut enfin passer par la protection de ses
ressources et la satisfaction de ses besoins
c'est-à-dire protéger les intérêts patrimoniaux.
A cet effet, l’article 488 du code civil prévoit
que peut être protégé celui qui « par sa
prodigalité, son intempérance ou son oisiveté
s’expose à tomber dans le besoin ou
compromet l’exécution de ses obligations
familiales » (6). Un sujet qui se mettrait donc
dans l’impossibilité de pourvoir aux besoins de
ses enfants pourrait tomber sous le coup de cet
article. Une mesure de tutelle sera plus difficile
à instaurée car il serait malgré tout plus délicat
d’attester que le sujet est atteint dans ses
capacités mentales au point d’être assisté dans
tous les actes de la vie civile. L’enfant, la famille
peut aussi être protégé par le régime
matrimonial primaire (articles 217, 219 et 2201 du Code civil) qui permet au conjoint, sur
autorisation ou habilitation judiciaire, de se
substituer pour tout ou partie à l’autre conjoint
adepte d’une secte, « hors d’état de manifester
sa volonté », dans la gestion à long terme des
affaires familiales, même en urgence. De
même, une personne qui par ses actes ferait
preuve de désintérêt pour sa famille ou de
détournement des revenus à usage familial au
profit d’un tiers pourrait être bloqué dans ses
mouvements financiers par les dispositions
relatives au régime légal.
Enfin, des dispositions générales peuvent
permettre une protection familiale à travers
des actions en justice menées a posteriori afin
d’obtenir une annulation d’acte (donation,
testament). En effet le code civil interdit à toute
personne de disposer de son vivant ou par
testament au-delà d’une certaine quotité
disponible quand elle est pourvue de famille
(c’est la réserve héréditaire).
Si la secte n’a pas la capacité juridique de
recevoir un bien transmis par une tierce
personne, l’article 913 du code civil pourrait
être par exemple mis en œuvre.
Le Code civil prévoit donc la protection du
mineur y compris lorsqu’il est aux prises d’un
phénomène sectaire.
1 b) La protection du mineur par le
Code pénal
La circulaire du ministère de la Justice du
29 février 1996 insiste pour une meilleure
utilisation des moyens existants pour assurer
la sécurité des personnes.
Depuis la création de l’Observatoire
Interministériel sur les Sectes (créé par
décret du 9 mai 1996) remplacé par la
Mission Interministérielle de Lutte contre les
Sectes (créée par décret du 7 octobre 1998),
un nombre élevé de poursuites pour atteintes
aux mineurs et à la famille, violences,
agressions sexuelles et mises en danger de la
personne a été relevé.
J.M. Abgrall considère que le caractère
criminel des sectes s’inscrit dans le cadre des
« crimes et délits contre les particuliers » tels
qu’ils sont définis au titre II du Code pénal.
(1)
Celui-ci prend en compte la protection
des mineurs contre les mauvais traitements
que pourrait lui infliger sa famille, mais aussi
d’autres infractions qui, lorsqu’elles sont
réalisées sur des mineurs entraînent des
sanctions aggravées.
Infractions d’omission :
Il s’agit de protéger les mineurs contre
ceux-là mêmes qui devraient les protéger.
- L’ascendant légitime, naturel, ou
adoptif ou toute autre personne qui exerce
l’autorité parentale ou qui a autorité sur un
mineur de 15 ans, qui le prive de soins ou
d’aliments au point de compromettre sa
santé (article 227-15 du Code pénal) encourt
7 ans de prison 100 000 euros d’amendes et
des peines complémentaires. Si l’enfant
décède, l’infraction devient un crime
sanctionné de 30 ans de réclusion criminelle.
Il s’agit de s’attacher à la notion de
compromission de la santé d’un mineur qui
permet une qualification de l’infraction plus
rapide et plus facile.
- Selon l’article 227-17 encourent deux
ans de prison les seuls père et mère légitime,
naturel ou adoptif, qui se soustraient à leurs
obligations légales à l’égard de leurs enfants
mineurs au point de compromettre
gravement la santé, la sécurité, la moralité
ou
l’éducation
de
ces
derniers
(anciennement intitulé l’abandon matériel et
moral d’un enfant).
Les parents adeptes relèvent très souvent
de ces infractions comme il a été rappelé
dans la première partie de ce travail.
- Pour les cas des séparations parentales
les articles 227-5 et 227-6 prévoient une
13
peine d’un an d’emprisonnement et 15245
euros d’amende pour le délit de non
représentation d’enfants. De même, pour
l’absence de notification de changement de
domicile, rendant l’exercice du droit de visite
impossible, il est prévu une peine de six mois
de prison et 7622 euros d’amende.
- On peut évoquer aussi la non assistance à
personne en danger, article 223-6 du Code
pénal. Cette qualification a par exemple été
retenue contre certains membres d’une
communauté de l’Ordre apostolique qui,
devant un état fortement préoccupant d’un
enfant de 19 mois n’ont pas appelé de médecin
et ont donc ainsi provoqué le décès de l’enfant.
Atteinte à l’intégrité des personnes :
Par des comportements de commission
(assassinat, notamment les drames de l’Ordre
du Temple Solaire, l’attentat au gaz dans le
métro de Tokyo, acte terroriste), (article 421-1),
de provocation au suicide tenté ou consommé
(article 223-13), aggravé lorsque la victime est
un mineur de 15 ans ou pour toute forme de
violences volontaires des plus graves (article
222-7) au moins graves (article 624-1, 625-1),
les sectes relèvent d'infractions pénales.
Ainsi les articles 222-24 du Code pénal
concernant le viol, 222-29 pour les agressions
sexuelles et suivants, les articles 227-25 et 22726 pour des agressions commises sans
violence, contrainte, menace ni surprise
peuvent être évoqués pour de nombreuses
pratiques sectaires comme elles ont été décrites
dans la première partie.
Ces articles prennent notamment en
compte les cas d’inceste bien que ce terme ne
soit pas précisément inscrit dans le Code pénal.
Ces infractions, bien qu’elles ne soient pas
typiques de pratiques sectaires, sont très
souvent mises en évidence dans la mécanique
des sectes. Elles n’en sont pas moins
sanctionnables.
Face à un cas d’enfant violenté, le soignant
est légalement délié du secret professionnel.
L’article 226-14 du Code pénal, dispose que le
secret professionnel dont l’atteinte est
sanctionnée pénalement « n’est pas applicable
à celui qui informe les autorités judiciaires,
médicales ou administratives de sévices ou
privations dont il a eu connaissance et qui ont
été infligées à un mineur de quinze ans ou à
une personne qui n’est pas en mesure de se
protéger en raison de son âge ou de son état
physique ou psychique. » La vulnérabilité du
mineur est ici bien prise en compte par le
Code pénal.
Le médecin n’est plus soumis au secret
professionnel s’il est amené à connaître des
actes de maltraitance ou une situation de
danger concernant un mineur. Il pourrait
même être sous le coup de la non assistance
à personne en danger s’il s’abstenait
d’intervenir.
L’article 44 du Code de déontologie est
aussi formel : « lorsqu’un médecin discerne
qu’un mineur auprès duquel il est appelé est
victime de sévices ou de privations, il doit
mettre en œuvre les moyens les plus
adéquats pour le protéger en faisant preuve
de prudence et de circonspection. S’il s’agit
d’un mineur de 15 ans ou d’une personne qui
n’est pas en mesure de se protéger en raison
de son âge ou de son état physique ou
psychique, il doit sauf circonstances
particulières qu’il appréciera en conscience,
alerter les autorités judiciaires, médicales ou
administratives. ».
« les Etats parties prennent toutes les
mesures
législatives,
administratives,
sociales et éducatives appropriées pour
protéger l’enfant contre toute forme de
violence, d’atteinte ou de brutalités
physiques ou mentales (…) » Article 24 : « le
droit de l’enfant de jouir du meilleur état de
santé possible et de bénéficier de services
médicaux et de rééducation... Les Etats
parties s’efforcent de garantir qu’aucun
enfant ne soit privé du droit d’accès à ces
services. »
Les punitions corporelles (censées
purifier l’enfant pour assurer le salut des
parents) évoquées dans le premier chapitre
sont en contradiction avec ces deux articles
et constituent donc des infractions.
D’autres infractions relevant du Code
pénal peuvent concerner directement les
pratiques sectaires sur mineurs :
- Outrages aux bonnes mœurs (article
283 du Code pénal) et attentats aux mineurs,
- Incitation de mineurs à la débauche,
corruption de mineurs, prostitution
(article 225-5)
- Violence, torture et homicide (article
222-1),
- Coups et blessures, voie de fait (article
222-7),
- Détournement de mineurs, enlèvement
et séquestration de personnes
14
(article 224-1)
- Délit de corruption de mineurs (article
227-22), lui-même aggravé si le mineur a
moins de 15 ans.
Il est remarquable que le Code pénal peut
être appliqué à de nombreuses pratiques
sectaires,mais indépendamment de leur
caractère spécifiquement sectaire.
Prise en compte de la vulnérabilité par
le Code pénal :
La responsabilité pénale des
parents :
Article 223-15-2 de la loi du 12 juin 2001 :
« Est puni de trois ans d’emprisonnement
et de 375 000 euros d’amende l’abus
frauduleux de l’état d’ignorance ou de la
situation de faiblesse soit d’un mineur, soit
d’une
personne
dont
la
particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à
une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est
apparente et connue de son auteur, soit d’une
personne en état de sujétion psychologique ou
physique résultant de l’exercice de pressions
graves ou réitérées ou de techniques propres à
altérer son jugement, pour conduire ce mineur
ou cette personne à un acte ou à une abstention
qui lui sont gravement préjudiciables.
Lorsque l’infraction est commise par le
dirigeant de fait ou de droit d’un groupement
qui poursuit des activités ayant pour but ou
pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter
la sujétion psychologique ou physique des
personnes qui participent à ces activités, les
peines
sont
portées
à
cinq
ans
d’emprisonnement et à 750 000 euros
d’amende. »
Cet article fait partie du texte de loi orienté
particulièrement sur le problème sectaire et
s’applique de fait aux enfants sous l’emprise
des sectes.
La question de la responsabilité des
parents auteurs d’infractions sur leur enfant
peut être posée dans ce cadre particulier du
processus sectaire où la manipulation
mentale est un principe essentiel (défini par
l’article 222-18-1et 222-18-2 du Code pénal).
Elle s’exerce sur les enfants et les parents.
Comment peut être alors évaluée leur
responsabilité, jusqu’où et en quoi leur
responsabilité peut être entière ou atténuée ?
Ceci pourrait faire l’objet d’une étude plus
précise et relève aussi du travail d’expertise.
Mais le Code pénal prend dores et déjà en
compte cette notion.
L’article 121-1 du Code pénal concernant
la responsabilité pénale personnelle rappelle
que « nul n’est responsable pénalement que
de son propre fait ». Or dans les pratiques
sectaires les violences sont souvent le fait de
plusieurs personnes, voire du système
(délégation des responsabilités et emprise
des injonctions du gourou). A cet effet il est
possible de retenir la responsabilité pénale
des personnes morales articles 223-7-1, 22315-1 et 227-4-1 du Code pénal. De même la
loi du 12 juin 2001 prévoit la dissolution
civile « de toute personne morale, quelle
qu’en soit sa forme juridique ou l’objet, qui
poursuit des activités ayant pour but ou pour
effet de créer ou d’exploiter la dépendance
psychologique ou physique des personnes
qui participent à ces activités et portant
atteinte aux droits de l’homme ou aux
libertés fondamentales, lorsqu’elles ont été
prononcées à plusieurs reprises, contre la
personne morale elle-même ou ses dirigeants
de droit ou de fait, des condamnations
pénales définitives pour l’une ou l’autre des
infractions suivantes : infractions d’atteintes
volontaires ou involontaires à la vie ou à
l’intégrité physique ou psychique de la
personne, de mise en danger de la personne,
d’atteinte aux libertés de la personne,
d’atteinte à la dignité de la personne,
d’atteinte à la personnalité, de mise en péril
des mineurs … »
Lorsque
des
faits
sanctionnables
concernent un mineur de 15 ans et/ou une
personne particulièrement vulnérable, il y a
facteur aggravant. Celui ci peut être encore
majoré par deux hypothèses : l’auteur est un
ascendant ou une personne ayant autorité
(juridique ou de pur fait), et les faits ont un
caractère habituel (à partir de la deuxième
commission des faits).
Ces conditions sont souvent réunies lors des
pratiques sectaires où il s'agit d'adeptes
majeurs qui commettent un acte sur un
mineur, sur lequel ils ont autorité, avec la
répétition de l'acte comme il a été décrit à
plusieurs reprises dans la première partie de ce
travail.
15
1 c ) La protection du mineur par le
Code de la santé publique et le Code
du travail
Le Code de la santé publique apporte
quelques éléments de référence pour la
protection des mineurs.
Un médecin, qui dans le cadre de sa
profession est conduit à connaître une situation
de danger pour un mineur, est libéré du secret
professionnel et se doit de prévenir les
autorités compétentes (cf la protection par le
Code pénal). De même pour promulguer les
soins nécessaires à l’état de santé d’un enfant,
comme une transfusion sanguine, un médecin
peut faire appel au procureur le temps de
prodiguer les soins nécessaires, même sans le
consentement des parents.
L’article 376 du Code de la santé publique
concerne l’exercice illégal de la médecine et
donc certaines pratiques sectaires (en
particulier les sectes guérisseuses).
De même il existe aussi des dispositions
relatives aux vaccinations obligatoires, aux
maladies à déclaration obligatoire que la
plupart des sectes ne respectent pas pour
divers motifs.
Enfin, le Code du travail est garant lui aussi,
dans son domaine, de la santé de l’enfant,
articles L212-1 à 212-14.
Il existe par exemple une réglementation
précise de l’âge et des conditions de travail
concernant les mineurs qui est souvent bafouée
par les phénomènes sectaires.
Parallèlement, la Convention Européenne
de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des
Libertés Fondamentales (article 9) ainsi que la
Convention Internationale des Droits de
l’Enfant (1989) viennent renforcer les lois
précédemment rappelées.
1 d) Le soin à l’épreuve des
réflexions théoriques et de la
pratique
L’aide aux victimes de sectes est
particulièrement difficile car les adeptes qui
ont quitté la secte préfèrent garder le silence
par sentiment de culpabilité.
Les familles d’ex-adeptes ou d’adeptes se
tournent plus volontiers vers les associations
de victimes.
Pour que les enfants parviennent
jusqu’au système de soins, il faut encore que
les responsables légaux ou familiaux aient
conscience de leur détresse et de leur statut
de victime. La plupart du temps l’adulte est
lui-même en détresse et il ne lui est pas
toujours facile de faire une démarche de soin
pour son enfant. Celle-ci peut donc être
retardée ou compliquée.
Les enfants victimes des sectes sont
souvent sujets aux auto mutilations, aux
passages à l'acte suicidaire ou aux
comportements agressifs voire criminels ce
qui fait directement référence à la confusion
dans laquelle ils ont été élevés.
Certains souffrent de psychose post
sectaire.
Il ont subi un interdit de penser et pour
certains une manipulation mentale telle que
des rituels et des pensées du gourou
persistent, même après leur sortie du
groupe.
Les ravages sur le développement
psychoaffectif et la construction de la
personnalité sont grands. Il est donc
important d’entamer un soin spécifique et
individuel pour ces enfants afin de prendre
en
compte
«toutes
les
dimensions
(psychologiques, médicales, sociales et
juridiques) des problèmes rencontrés » (7)
Les intervenants doivent avoir une
connaissance approfondie des mécanismes
de la manipulation mentale et de l’emprise
sectaire sur les adultes comme sur les
enfants, et de la doctrine propre à la secte
concernée.
Un des objectifs de la décision du juge
des enfants est la réinsertion des enfants
dans leur histoire familiale propre dont ils
ont été spoliés par le processus sectaire. (13)
Cette
prise
en
compte
et
cette
reconnaissance juridique du préjudice subi,
du statut de victime, semble un temps fort
pour espérer une évolution favorable. Le soin
peut tout à fait s’appuyer sur cette démarche
juridique comme élément de la réalité et
garant du cadre thérapeutique. Ceci est
particulièrement important pour les enfants
dont l’identité et les fondements narcissiques
ont été annulés voire reconstruits sur une
base délirante de type délire de filiation par
exemple.
Un travail minutieux de reconstruction
devra donc être amorcé dont les axes
essentiels pourraient se résumer ainsi :
16
- Tout d’abord s’occuper de l’état physique
de l’enfant avec une prise en compte d’un état
de faiblesse ou de carence, des conséquences
des violences physiques vécues. Un nursing
prudent semble le plus souvent nécessaire pour
ceux qui ont vécu au sein d’un groupe sectaire.
Il s’agit aussi de s’assurer de la mise à jour des
vaccins, de réapprendre à l’enfant les rythmes
de la vie quotidienne élémentaire : horaire de
sommeil, de jeu, d’étude, et de casser les rituels
qui obscurcissent la conscience et entravent la
liberté individuelle.
- Aider l’enfant à trouver ou retrouver une
identité car celle-ci a été niée : un état civil en
règle et correspondant à la réalité du sujet, le
sens de son histoire avec son inscription dans
la filiation et les liens qui le soutiennent
(relation avec ses parents, sa famille, sa fratrie
désignée comme telle). Il s’agit de replacer
l’enfant dans le cours des générations avec tous
les repères structurants qui y sont attachés (sa
conception, sa naissance, la différence des
générations, les interdits de l’inceste et du
meurtre notamment).
- Découvrir et s’intégrer dans une société
dont les règles et fonctionnements lui sont
étrangers.
- Travailler sur le sentiment de culpabilité,
la perte de l'estime de soi, les cauchemars…
Comme il a été précisé dans la première partie,
les adeptes sont souvent soumis à des pratiques
humiliantes, culpabilisantes et déstructurantes
ou l’individu et sa pensée sont niés.
- Retrouver et exprimer des émotions
jusqu'alors niées et étouffées. Il importe de
retrouver un désir personnel, de s’autoriser à
nouveau à ressentir et partager ses émotions
avec autrui sans s’exposer à nouveau à une
relation de dépendance et d’emprise.
- Travailler sur la confiance vis-à-vis
d’autrui et le sentiment de sécurité.
- Assurer un important travail de guidance
parentale et/ou familiale car les parents restent
eux-mêmes souvent imprégnés des principes
sectaires, incapables de s’en détacher. Les
proches, extérieurs au phénomène sectaire,
peuvent être facilement déroutés et pourront
bénéficier d’information (cf paragraphe
suivant).
- Des soins pour les parents sont bien
évidemment une condition indispensable pour
aider l’enfant à progresser dans sa thérapie,
surtout s’il est élevé avec et par eux.
La prise en charge thérapeutique des
enfants qui ont été sous l’emprise sectaire est
donc une entreprise longue et complexe.
2) La prévention et les
limites des actions à
l’encontre des sectes
2 a) La prévention
Depuis 1996 des dispositifs ont été mis en
place.
La circulaire du garde des Sceaux du 29
février 1996 a demandé une attention
particulière des parquets concernant les
dérives sectaires. Une cellule spécialisée a été
créée en octobre 1996 à la direction des
affaires criminelles et des grâces. Enfin un
magistrat de la direction de la protection
judiciaire et de la jeunesse a été désigné afin
de veiller plus particulièrement à la
protection des mineurs face au phénomène
sectaire.
Le Rapport de la Commission des
Affaires Culturelles, Familiales et Sociales,
sur la proposition de JP Brard a souhaité la
création d’une commission d’enquête
relative à la situation sanitaire et éducative
des enfants hébergés ou scolarisés dans des
sectes (12/11/1997).
La prévention est aussi axée vers une
application plus stricte du droit existant (7),
en particulier en passant par des procédures
d’assistance éducative pour les mineurs.
Cependant cela implique des investigations
longues.
Mais il s’agit surtout d’avoir une
perception pointue des dérives sectaires.
C’est pourquoi l’information et la formation
sont des outils indispensables pour lutter
efficacement contre les sectes.
Les propositions officielles qui ont été
faites par l’Observatoire Interministériel des
Sectes (7) peuvent être ainsi résumées.
Une attention particulière concernant les
associations qui dérivent, certaines prises de
positions, des propagandes de circonstances
(sur la psychiatrie, les œuvres caritatives…)
est vivement souhaitée.
17
Le prosélytisme est notamment surveillé
dans les domaines de l’éducation, de la
formation professionnelle, de l’alphabétisation,
de la santé, de la psychiatrie, de la lutte contre
l’illettrisme, des activités socioculturelles ou de
loisirs en direction des jeunes et dernièrement
dans le champ de l’humanitaire et du
développement personnel.
Une action concertée des pouvoirs publics
et de tous les intervenants concernés par le
phénomène sectaire, mobilisée autour de
l’Observatoire et associée à une information
des populations, pourrait permettre une
meilleure protection des mineurs. Il s’agit
d’aiguiser leur esprit critique dès la minorité et
que les citoyens adultes puissent discerner les
tentatives de séduction et d’aliénation émanant
de certaines organisations. Ceci fait partie
intégrante de l’éducation à la citoyenneté.
Chaque institution concernée doit pouvoir
échanger
régulièrement
avec
d’autres
administrations. Une collaboration entre les
services de police, les autorités sanitaires,
l’inspection académique, l’inspection du travail
est nécessaire à un travail efficace. Les
associations de lutte contre le phénomène
sectaire sont aussi à associer à cette démarche.
L’Observatoire est à ce propos un lieu
privilégié.
Les recours juridiques pour les victimes et
leur famille ainsi que leurs droits devraient être
mieux connus.
L’Education Nationale
Une cellule spécialisée a été créée le 1°
septembre 1996 au sein du ministère de
l’Education Nationale : la CRIS (Cellule pour
les
Relations
avec
l’Observatoire
Interministériel sur les Sectes). Elle est dirigée
par un inspecteur général de la vie scolaire,
spécialiste de la vie associative.
Elle est en relation avec la direction des
écoles, la direction des lycées et collèges et la
direction des affaires juridiques. Elle est
chargée d’informer et de conseiller les cadres
de l’Education nationale confrontés à des
tentatives sectaires, de coordonner les réponses
du système éducatif au prosélytisme, de
favoriser l’information auprès des élèves
(vigilance et sensibilisation), d’engager une
réflexion pour la protection des élèves et des
étudiants et de participer à la sensibilisation
et à la formation des personnels du
ministère.
Le respect du principe de la laïcité du
système éducatif constitue la meilleure
garantie contre les tentatives de prosélytisme
en direction des enseignants et des élèves.
Enfin le contrôle de l’obligation scolaire
est renforcé.
Le Ministère de la Jeunesse et des
Sports
Le ministère de la jeunesse et des sports a
également initié une forte campagne de
sensibilisation dès 1996. Un travail en réseau
a débuté et des documents d’information ont
été distribués dans les centres régionaux
d’information jeunesse, les associations et
fédérations sportives de jeunesse et
d’éducation populaire….Il s’agit ainsi d’être
vigilant quant aux associations sportives et
socioculturelles et celles qui gèrent des
centres de vacances et de loisirs afin qu’elles
ne soient pas infiltrées par des associations
coercitives à caractère sectaire.
Le Ministère de l’Emploi et de la
Solidarité
Les services du ministère de l’Emploi et
de la Solidarité ont été particulièrement
informés. La direction générale de la santé a
été sensibilisée à l’exercice illégal de la
médecine et à la situation sanitaire des
enfants vivants dans les sectes. La direction
des relations du travail (droit du travail), la
délégation à l’emploi et à la formation, le
groupement de lutte contre l’illettrisme ont
été aussi mobilisés. Les services extérieurs
relevant de la direction des affaires sociales
(DDASS et DRASS) ont confié à une
association « Je, Tu, Il » la diffusion d’un
film pédagogique.
Les présidents des conseils généraux, en
charge des problèmes de protection de
l’enfant, ont été aussi sensibilisés aux
agissements
sectaires
et
à
leurs
conséquences sur les enfants.
18
Le Ministère de l’Intérieur
La direction centrale des renseignements
généraux ; la direction centrale de la police
judiciaire et les préfets ont été sensibilisés à ce
problème.
Les magistrats, les personnels de la
protection judiciaire de la jeunesse ont
bénéficié d’une formation plus spécifique
concernant les sectes.
La Gendarmerie Nationale
La gendarmerie nationale a également été
sensibilisée et formée à la problématique
sectaire. Sa vigilance a été accrue et les moyens
d’investigation ont été renforcés.
Dans le cadre d’une prévention d’ordre
général, il y a aussi tout un travail engagé sur le
domaine fiscal (la direction générale des
impôts est amenée à contrôler l’activité des
associations régies par la loi de juillet 1901).
L’Union
Nationale
des
Associations
Familiales (UDAF), avec la coopération des
associations de défense des familles et de
l’individu
(ADFI)
et
le
Centre
de
documentation, d’éducation et d’action Contre
les Manipulations Mentales (CCMM) ont bien
sûr un rôle d’importance à jouer dans cette
démarche globale. Dans le cadre de la loi du 12
juin 2001 il est d’ailleurs prévu que les
associations de défense des victimes de sectes
puissent « exercer les droits reconnus à la
partie civile… » (article 2-17 du Code de
procédure pénale).
L’association française pour la sauvegarde
de l’enfance et de l’adolescence a également
conduit plusieurs réflexions et en particulier
sur la question des assistantes maternelles qui
appartiennent à des associations répertoriées
comme sectes.
Un effort important a donc été mené depuis
1996 afin de mieux appréhender et prévenir le
phénomène sectaire. Cependant il reste encore
de nombreuses situations d’échec qui posent
alors le problème des limites des actions
conduites.
2 b) Les limites des actions à
l’encontre des sectes
L’utilisation des lois
Les carences constatées dans les années
précédant 1996 pouvaient s’expliquer par un
manque de priorité dans la gestion de ces
affaires. L’accent a donc été mis ces
dernières années sur la vigilance à avoir
concernant les enfants et les sectes. En cela,
la commission des Droits de l’Homme, en
1993 ; le Rapport de la Commission
Parlementaire d’Enquête sur « les Sectes en
France » du 10/01/1996 ; la Circulaire du
Garde des Sceaux relatives aux mouvements
sectaires le 29/02/1996 et la Circulaire du
Ministre de l’Intérieur du 7/11/1997 ont tous
insisté sur la nécessité de vigilance, de
circonspection, et d’utilisation stricte et
entière du dispositif juridique pour lutter
contre les agissements liés au mouvement
sectaire et particulièrement pour protéger les
mineurs. (14)
Mais la mise en œuvre des dispositifs
juridiques est difficile lorsque les deux
parents sont membres d’une secte. Dans
cette hypothèse il est vivement recommandé
au Juge d’Instruction de veiller à faire
respecter le droit des grands-parents. Mais
ces derniers sont souvent hésitants à se
constituer partie civile et à porter plainte
contre leurs propres enfants pour non
représentation d’enfants (article 371.4), par
peur de représailles ou de rupture des liens
avec leurs enfants.
Le recours à la loi n’est pas toujours
simple et connu de tous d’où l’importance de
l’information en cette matière.
Enfin il semble que certains magistrats
ne tiennent pas compte de l’appartenance
sectaire de la partie civile ou de la défense
notamment dans les cas de divorce pour
établir le droit de garde ou le droit de visite
et d’hébergement.
La dissuasion
Il y a aussi une insuffisance de
signalement des faits. En ce qui concerne le
droit des familles, le droit civil, c’est à
l’individu de prendre l’initiative d’appeler le
juge pour contrôler des activités source de
19
conflit. Ceci est critiqué (UNADFI et CCM) et
critiquable. Ne faudrait-il pas pouvoir agir pour
la défense de l’intérêt et des valeurs familiales
en tant qu’association par exemple ?
Une participation plus étroite des
associations de défense des victimes de secte,
avec la possibilité de se porter partie civile (en
dehors des cas de lutte contre des violences
sexuelles ou de l’enfance martyrisée) permettra
peut être d’augmenter le nombre des
signalements.
Le Rapport parlementaire propose de
« compléter ou de modifier l’arsenal juridique
sur quelques points de façon à rendre plus
efficace la riposte contre les dérives
sectaires »(5). Il s’agirait en particulier
d’étudier l’effet dissuasif des sanctions
encourues par les sectes et l’opportunité de les
aggraver, revoir le régime de la diffamation, et
renforcer la protection des experts mandatés
auprès des tribunaux.
L’action est aussi limitée car les sectes
peuvent adopter deux modes de réaction : la
fuite et la dissimulation, ou bien la résistance.
Lorsque des mesures de type AEMO par
exemple sont prises et que les mineurs y
échappent en étant déplacés, il serait alors
intéressant de maintenir la compétence du juge
des enfants même hors de son territoire.
Les sectes savent utiliser des procédures
administratives et judiciaires afin, entre autres,
d’obtenir des jurisprudences en leur faveur.
L’Observatoire Interministériel sur les
Sectes (7) a été lui-même confronté à deux
limites :
Les associations qui ont été qualifiées de
sectes dans le rapport parlementaire ont, pour
certaines, contesté ce classement. D’autre part
certaines associations suspectes, mais n’ayant
pas été répertoriées comme telles sont
difficilement attaquables.
Les limites de la prévention
Les limites de la prévention sont
perceptibles en ce qui concerne le milieu
scolaire car des enfants sont scolarisés dans des
écoles privées hors contrat ou dans leur famille,
dans un cadre malgré tout prévu par la loi. Le
contrôle de ces écoles est difficile car il faudrait
des visites « surprises » mais rien ne garantit
que les livres rangés dans une bibliothèque ne
sont pas enseignés aux enfants. Il s’agit donc de
contrôler mais toujours dans le respect des
principes constitutionnels de la liberté
d’enseignement. Des visites sans rendez vous
sont donc vivement souhaitables.
Les techniques de manipulation mentales
sont parfois très frontières avec des
pratiques thérapeutiques. Une information
ne sera donc pas toujours suffisante pour
que la distinction entre duperie abusive et
relation d’aide soit véritablement possible
par tout un chacun.
Deux
informations
contradictoires
s’affrontent et il ne va pas de soit que la plus
juste soit la plus facilement reçue.
Il y a enfin de nombreux enjeux
politiques, financiers… qui sont susceptibles
d’intervenir et d’enrayer ainsi les rouages
d’un processus de lutte contre les sectes. Ceci
est net pour des groupes sectaires
importants, à grande échelle, mais des
appuis sont toujours possibles même sur des
structures plus modestes en taille.
Le sentiment de culpabilité
Les victimes encore membre d’une secte
ne parlent pas par peur de représailles,
d’autres, anciens adeptes, ne parlent
toujours pas, préférant oublier un passé
douloureux, restent enfin ceux qui ne se
savent pas victimes, car leurs seuls repères
(affectifs et sociaux) sont ceux d’un monde
clos dans lequel ils vivent et parfois sont nés
(en particulier les enfants et les adolescents).
Il semble difficile pour des enfants de faire
une telle démarche de rupture avec leur
« famille » ou le groupe pour toutes les
raisons rappelées ici. L’adolescence sera peut
être un moment propice pour aller au delà
du sentiment de culpabilité. La relation de
dépendance est trop forte.
Pour les enfants il apparaît que la notion
du temps est primordiale et en particulier
pour prendre conscience de leur état de
victime
et
donc
pour
entamer
éventuellement une démarche en justice.
Malheureusement il y a alors bien souvent
prescription ce qui laisse les victimes sans
réponse. Faudrait-il alors envisager de
repousser certaines durées de prescriptions ?
Enfin l’amour de ces enfants pour leurs
parents biologiques ou spirituels, leur grande
vulnérabilité affective par immaturité,
ignorance, faiblesse rendent leur démarche
personnelle de rupture encore plus difficile.
La maltraitance entraîne parfois des
attitudes
qui
peuvent
paraître
contradictoires, mais qui sont très fréquentes
20
avec en particulier de sentiment de culpabilité
et de souffrance méritée.
Les enfants, comme les adultes peuvent
avoir peur et craindre des représailles. Ils
restent donc dans le silence.
CONCLUSION
La situation des enfants confrontés de près
ou de loin aux sectes est préoccupante, grave et
complexe car très spécifique d’un individu,
d’une famille, d’une doctrine et d’un moment.
Ces enfants sont les victimes de leurs
parents, du gourou, des adeptes et de la société.
Les préjudices physiques, psychiques, moraux
et affectifs sont énormes. Il est important de ne
pas les oublier derrière des événements
dramatiques et médiatisés, ou derrière des
désaccords parentaux lors d’une séparation, ou
encore derrière une supposée liberté
individuelle.
Une prise en charge thérapeutique
spécifique pour ces enfants est nécessaire ainsi
qu’un travail essentiel de prévention et
d’information.
Il semble qu’une action parallèle et
conjointe, thérapeutique et judiciaire soit un
cadre nécessaire à leur prise en charge. Il
faudrait donc que tous les intervenants auprès
des adeptes ou ex-adeptes soient formés et
connaissent tant les mécanismes sectaires
spécifiques que les textes de loi sur lesquels il
est possible de s’appuyer.
Les instances publiques, chacune dans leur
domaine mais aussi de façon conjointe,
semblent être sensibilisées et mobilisées autour
de ce problème.
Elles prônent l’utilisation et la mobilisation
de tous les recours existants qui sont nombreux
et variés. La loi du 12 juin 2001 tend à
renforcer et compléter ces dispositifs tout en
évitant de s’exposer à des digressions où les
libertés individuelles seraient attaquées. Ceci
est une avancée mais encore faut-il que les
personnes vulnérables ou celles qui les
protègent soient en capacité de faire les
démarches nécessaires. La possibilité pour les
associations de défense des victimes de sectes
de se porter partie civile est en cela un progrès
qui devrait favoriser les procédures.
21
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