La Fête nationale de 1834 à 1947 - Société Saint-Jean

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La Fête nationale de 1834 à 1947 - Société Saint-Jean
La Fête nationale de 1834 à 1947
En 1827, le journaliste Ludger Duvernay devient éditeur en achetant
le journal La Minerve de Augustin-Norbert Morin. Sous la tutelle de
Duvernay, La Minerve devient rapidement un journal important du BasCanada.
En mars 1834, Ludger Duvernay, George-Étienne Cartier et LouisVictor Sicotte fondent la société « Aide-toi, le ciel t'aidera ».
Duvernay en est le président. Les membres de cette société se
rassemblent et discutent politique et littérature. Duvernay développe
alors l'idée de faire revivre une tradition interrompue depuis la
Conquête, soit la célébration des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste.
Son but avoué est de doter le peuple d’une fête nationale annuelle.
Le 24 juin 1834, Duvernay organise un banquet dans les jardins de
l’avocat John McDonnell (futur site de la gare Windsor) afin, entre
autres, de concrétiser son projet. Une soixantaine de personnes
participent à ce banquet, dont les plus connues, outre les hôtes euxmêmes, sont le maire de Montréal, Jacques Viger, Louis-Hippolyte
Lafontaine, Thomas Brown, Édouard Rodier, George-Étienne Cartier et
le Dr Edmund O’Callaghan. Plusieurs toasts sont portés au Parti
patriote, aux États-Unis, à l’Irlande et aux Quatre-vingt-douze
Résolutions.
« La plus grande gaité (sic) régna pendant toute la soirée. Le
dîner préparé par Jehlen était splendide. Les tables étaient
placées dans le jardin de M. McDonell, avocat, qui avait eu la
politesse de l’offrir pour cette fête champêtre. Les lumières
suspendues aux arbres, la musique et l’odeur embaumée que
répandaient les fleurs, la beauté du site, tout tendait à
ajouter aux charmes du spectacle.
Cette fête, dont le but est de cimenter l’union entre les
Canadiens, ne sera point sans fruit. Elle sera célébrée
annuellement comme Fête Nationale, et ne pourra manquer de
produire les plus heureux résultats. »
– Extrait de l’article de Ludger Duvernay « Banquet de St. JeanBaptiste », paru dans le journal La Minerve, le 26 juin 1834.
Ce banquet est un véritable succès et les journaux encouragent les
gens à fêter la « Saint-Jean-Baptiste » dans leur village à l'avenir
afin de favoriser l'union des Canadiens français. Duvernay gagne son
pari : l'année suivante, les célébrations de la fête nationale se
répandent. En effet, on note des célébrations dans bon nombre de
villages, dont Debartzch (aujourd’hui Rougemont), Saint-Denis, SaintEustache, Terrebonne et Berthier. La feuille d'érable devient le
symbole du Bas-Canada.
Duvernay organise aussi le banquet de la Saint-Jean-Baptiste en
1835. Puis en 1836, il y a dissension au sein du Parti patriote. Les
modérés et radicaux ne s'entendent plus et deux banquets sont
organisés : un chez McDonnell pour les modérés et un à l'hôtel Rasco
pour le groupe de Duvernay. En 1837, après avoir reçu les 10
résolutions de Russell, en réponse aux 92 résolutions proposées, le
Parti patriote propose de boycotter les produits importés en guise de
protestation. Cette année-là, c'est dans cette ambiance que la SaintJean-Baptiste se déroule. Durant le banquet, les produits locaux sont
de mise et les leaders du Parti patriote encouragent le peuple à les
imiter.
Après les événements de 1837-1838, les Canadiens français doivent
s’unir pour éviter l’assimilation. C’est ainsi que naissent de
multiples Sociétés Saint-Jean-Baptiste sur le territoire. Pendant une
centaine d’années, les sections locales ou paroissiales n’ont presque
aucun lien entre elles, si ce n’est celui du nom.
Duvernay s’exile enfin en 1837 et ne revient au pays qu’en 1842.
Dès son retour, il ressuscite La Minerve, interdite de publication
durant la répression de l’armée à la suite des Rébellions. Le
journal, désormais plus modéré, est au service du parti de LouisHippolyte Lafontaine, puis des conservateurs de George-Étienne
Cartier.
Le 9 juin 1843, Duvernay fonde l’Association Saint-Jean-Baptiste et
invite publiquement la population à célébrer la fête nationale des
Canadiens français, qu’il enrichit lui-même de la devise « Rendre le
peuple meilleur ».
C'est cette année-là à Montréal que s’est tenu le 1 er défilé à
grand déploiement. C'est donc de cette époque que datent nos célèbres
défilés de la Saint-Jean.
Au tout début du 20e siècle, la fête de la Saint-Jean était
principalement célébrée à Montréal et à Québec, mais au fil des
années, elle prit de l'ampleur dans plusieurs régions du Québec. On a
dû toutefois attendre 1925 avant que la Saint-Jean ne devienne une
fête officielle et soit déclarée, par la législature du Québec, comme
étant un congé férié. Dès l’année suivante, et pour toutes celles qui
suivront, cette journée devint l'occasion de se rassembler et de
témoigner de la vitalité et de la richesse culturelles de la nation
canadienne-française. C'est aussi à partir de ce moment que la SaintJean-Baptiste prit véritablement son envol et que l'on assista à des
défilés dans plusieurs villes. Évidemment, dans un Québec extrêmement
religieux, on ne pouvait dissocier la religion de cette fête. Le
petit Saint-Jean-Baptiste, blond et frisé, avait sa place de choix
dans les festivités, surtout dans les défilés.
La Fête nationale du Québec de 1947 à aujourd’hui
En 1947, neuf Sociétés Saint-Jean-Baptiste se réunissent en congrès
à Sherbrooke et décident de fonder la Fédération des Sociétés SaintJean-Baptiste du Québec. Les fondateurs se donnent pour premier
objectif de grouper sous une même bannière toutes les Sociétés SaintJean-Baptiste existantes, d’en fonder de nouvelles au fur et à mesure
des possibilités et enfin de travailler à l’unification d’une pensée
nationale saine et robuste.
Sitôt fondée, la Fédération participe à une vaste campagne qui
mènera à l’adoption, le 21 janvier 1948, du fleurdelisé comme drapeau
officiel du Québec. Pour la première fois cette année-là, la fête de
la Saint-Jean-Baptiste est célébrée partout avec le fleurdelisé.
Rapidement, le drapeau devient un puissant symbole de l’appartenance
au Québec.
Au tournant des années 1950, les fêtes de quartier se multiplient à
Montréal. Des soirées de danse sont organisées au son de chansons
traditionnelles.
À la fin des années 1950, la Fête nationale est devenue un moment
très important de l’année. Les défilés de Montréal et de Québec
rassemblent chaque année des foules impressionnantes.
Dans les années 1960, outre à Montréal et à Québec, les feux de
joie et les défilés attirent les foules. On note des rassemblements
importants, entre autres à Shawinigan, Trois-Rivières, Alma,
Drummondville, Lac-Mégantic, Asbestos et Victoriaville.
Les années 1960 et 1970 sont le théâtre de changements profonds
dans les célébrations de la Saint-Jean. Certaines représentations
traditionnelles se transforment, et les aspects historiques et
religieux s’effacent au profit des représentations culturelles et
artistiques contemporaines. Toutefois, les feux d’artifice et les
feux de joie continuent à animer la nuit. Les feux de joie surtout
sont porteurs d’une signification de partage et de solidarité et,
s’ils sont présents dans toutes les régions, le plus connu d’entre
eux est organisé à Québec sur les plaines d’Abraham.
En 1972, la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste du Québec
devient le Mouvement national des Québécois. Il compte alors
15 Sociétés affiliées, dont la plupart changent également de nom pour
devenir des Sociétés nationales des Québécois.
Au début des années 1970, les organisateurs des célébrations
essaient de trouver de nouvelles formules pour que le plus grand
nombre possible puisse jouir de la fête. Les bals populaires, les
messes sur les parvis des églises et les nombreux spectacles en plein
air cherchent à intégrer les Québécois de tous les milieux.
En 1975, l’enthousiasme conquiert les
foules.
Gilles
Vigneault
lance
sa
désormais célèbre chanson « Gens du
pays » et Ginette Reno interprète la
chanson de Ferland « Un peu plus haut, un
peu plus loin ». Puis en 1976, le grand
spectacle des plaines d’Abraham passe à
la postérité sous le nom de « 1 fois 5 ».
Il est présenté deux jours plus tard à
Montréal et remporte le succès que l’on
connaît.
En 1977, le gouvernement dirigé par René Lévesque proclame le
24 juin jour de la Fête nationale du Québec. Cette journée sera
désormais fériée et chômée et surtout, sera la fête de toutes les
personnes habitant le Québec. Ce faisant, le 24 juin n’est plus
associé
exclusivement
aux
personnes
pratiquant
la
religion
catholique, mais revêt un aspect ouvert et laïque.
En 1978, le gouvernement du Québec crée la Corporation des fêtes du
24 juin et le Comité organisateur de la Fête nationale du Québec afin
de favoriser la participation de toutes les régions du Québec. Pour
ce faire, il développe le « Programme gouvernemental d’assistance
financière aux manifestations locales ». La population est invitée à
soumettre des projets pour fêter son appartenance à la nation et
développer sa fierté nationale.
En 1984, le Mouvement national des Québécoises et Québécois obtient
le mandat de coordination de la Fête nationale du Québec et la
gestion du Programme d’assistance financière qu’il partage avec ses
Sociétés nationales et Sociétés Saint-Jean-Baptiste affiliées,
rejoignant ainsi la population de toutes les régions du Québec. Le
MNQ détient toujours ce mandat qu’il remplit avec rigueur et
transparence, efficacité et surtout, avec fierté!
Chaque année depuis 1984, le MNQ détermine un thème et un visuel
qui inspireront les responsables des quelque 750 fêtes locales,
régionales et nationales à travers le Québec. À la demande du
gouvernement, le MNQ assure ainsi la cohésion et l’unité entre les
célébrations de la Fête nationale afin que cette dernière soit
vraiment soulignée de façon appropriée.
En 2005, en collaboration avec le Comité de la Fête nationale de
Montréal et Terres en vues, Société pour la diffusion de la culture
autochtone, le Mouvement national des Québécoises et Québécois met
sur pied le Solstice des Nations. La principale vocation du Solstice
des Nations est de créer des rapprochements entre les festivités du
peuple autochtone et du peuple québécois.
Des représentants des communautés québécoises et autochtones se
réunissent pour célébrer le début du cycle solaire en allumant le feu
de l'amitié, le 21 juin, à l’occasion de la Journée nationale des
peuples autochtones. Les braises de ce feu sont ensuite transmises
aux organisateurs de la Fête nationale et servent à allumer le grand
feu de joie du 23 juin, sur les plaines d'Abraham à Québec.
À la fois symbolique et festif, le Solstice des Nations vise à
créer des rapprochements et renforcer les liens d'amitiés entre les
Québécois et les Autochtones du Québec.
La Fête nationale aujourd’hui… En bref!
La Fête nationale du Québec, c’est :
près de 750 projets, du plus petit au plus grand, occupant autant
de sites, répartis sur l’ensemble du territoire
plus de 20 000 bénévoles
plus de 1 050 spectacles, des chansonniers aux marionnettes, en
passant par les grandes scènes des plaines d’Abraham ou du parc
Maisonneuve
au-delà de 700 jeux organisés pour toute la famille
plus de 360 feux de joie
250 feux d’artifice
plus de 100 défilés.
En 2009, au moment de marquer le 175 e anniversaire de la Fête
nationale du Québec, le Mouvement national des Québécoises et
Québécois célèbre ses 25 ans à titre de coordonnateur principal de la
Fête. Il décide alors de créer le prix « Artisan de la Fête
nationale », pour souligner l’apport inestimable de ceux et celles
qui, à travers leur contribution, donnent un sens à notre Fête. Il
remercie de cette façon les milliers de bénévoles qui s’activent
chaque année pour faire un succès des célébrations de la Fête
nationale du Québec.
Note ethnographique : Les origines de notre Fête nationale remontent à des temps
immémoriaux, où les peuples célébraient le solstice d’été. La coutume de cette fête
païenne voulait qu’un grand feu de joie soit allumé afin de symboliser la lumière qui
était à son apogée. Puis, en Europe, principalement en France, on a plus tard associé
à cette fête Jean, le cousin de Jésus, surnommé « le baptiste », ayant le premier
reconnu puis baptisé le Christ. Ainsi, on faisait le lien entre la lumière et saint JeanBaptiste.