SEQUENCE I, TEXTE 4 – OVIDE Les Métamorphoses Commentaire

Transcription

SEQUENCE I, TEXTE 4 – OVIDE Les Métamorphoses Commentaire
SEQUENCE I, TEXTE 4 – OVIDE Les Métamorphoses
Commentaire
Introduction
Entrée en
matière
Le bonheur se trouve-t-il dans un ailleurs ou se vit-il au présent. La théorie de l’ « âge
d’or » pose la question de savoir s’il serait possible de revenir à un état d’insouciance de
l’homme, d’otium, une sorte de paradis terrestre.
Auteur
Ovide, poète de l’amour mais aussi poète de la mythologie est né en 43 av. J.-C. et serait
mort vers 18 ap. J.-C. Témoin de l’émergence de l’Empire, il est exilé par Auguste à
Tomes (actuelle Roumanie), où il mourra.
Contenu et
portée de
l’œuvre
Ovide dans les Métamorphoses évoque la transformation du Chaos en un univers
ordonné jusqu’à la mort et à l’apothéose de Jules César. Dans l’extrait retenu, le poète
reprend le mythe de la « race d’or » évoqué par Hésiode (auteur grec du VIIIe s. av. J.C.) dans Les Travaux et les Jours.
Annonce du plan
du commentaire
Ovide choisit de montrer avant tout à quel point l’âge d’or s’oppose à son propre temps.
Cette évocation lui permet ainsi de manifester toute sa virtuosité et son talent dans un
tableau mêlant réalisme et imaginaire.
I- UNE EVOCATION PAR LA NEGATION : L’OPPOSITION AVEC L’EPOQUE DU POETE
1) Un emploi massif des négations
Adjectifs : « nullo » (1 et 15), « nulla » (8)
Prépositions : « sine » (2, 5, 11, 20)
Verbes : « aberant » (3)
Conjonctions de coordination : « nec… nec » (3-4 ; tous deux mis en valeur, après la coupe), « nec » (13, 22)
Adverbes de temps : « nondum » (6 et 9)
Négation : « non » (10 et 11, 2 fois)
Préfixes : « immunis » (in- privatif et « munia » fonction, devoir) (13) ; « intacta » (in- privatif et « tango » toucher)
(13) ; « inarata » (in- privatif et « arare » labourer) (21)
2) Pour une évocation en opposition avec l’époque du poète
→ Le poète évoque tous les aspects de la société de son temps, les uns après les autres :
la loi humaine (« lege » mis en valeur avant la coupe) et la justice, présentées dans leur aspect de contrainte (en
opposition avec « sponte sua » 2), de rapport de force (« vindice » 1 et 5, tous les deux mis en valeur par leur place
dans le dactyle 5ème), de menace (« verba minantia fixo / aere » 3-4), de répression (« judicis ora » 5 ; « poena » 3), ce
qui provoque la crainte de la population (« metus » 3 ; « timebat » 4), au lieu de la pousser au droit (« rectum »
renvoie à un comportement « droit », c'est-à-dire conforme au bien), et à la confiance et à la loyauté (ce sont les deux
sens de « fidem » 2) en lui proposant une vie en sécurité (« tuti » 5)
les voyages et les explorations, évoqués comme notre moderne exotisme (« peregrinum orbem » 6) ; mais ces
prouesses n’empêchent pas l’homme de rester mortel (« mortales » 8) et on peut se demander s’il ne vaut pas mieux
rester chez soi (« litora sua » 8). Le poète évoque d’ailleurs cet aspect en faisant du pin, qui voyage malgré lui, un être
animé (avec « viseret » et « caesa » 6 qui peut signifier « abattu » ou « égorgé ») ; les très nombreuses disjonctions des
v. 6-8 manifestent cet aspect non naturel en créant des ruptures.
l’armée et la guerre : les fossés (« fossae » 9) de protection ont un côté dangereux (« praecipites » 9) et l’accumulation
des termes donne l’impression d’une prolifération d’objets guerriers (« tuba », « aeris cornua » 10 « aeris » faisant ici
écho à « aere » du v. 4, le bronze, produit de l’artisanat humain, devenant symbole de contrainte (décrets) et
d’agressivité (trompettes de guerre) ; « galeae », « ensis » 11) ; mais le poète affirme que la sécurité (« securae » 12) et
les activités paisibles (« mollia … otia » 12) ne nécessitent nullement cette protection militaire (« sine militis usu »
11).
l’agriculture, qui fait partie des valeurs traditionnelles que l’Empereur Auguste voulait remettre à l’honneur. Ce n’est
pas tant le travail de l’homme que le poète remet en cause, mais plutôt la nécessité de forcer la terre à produire par
contrainte, sans la laisser donner (« dabat omnia » 14) d’elle-même (« per se » 14) ; elle subit une véritable violence
contraire à ce qu’elle est (« immunis » 13 ; « intacta » 13 ; « saucia » 14 ; « nullo cogente » 15).
→ De plus, l’accumulation des produits offerts par la terre non travaillée manifeste cette richesse : « arbuteos fetus »
et « montana fraga » 16 ; « corna » et « mora » 14 ; « glandes » 18.
Cette exposition de la richesse de la terre ouvre d’ailleurs la voie à une évocation poétique de la nature de l’âge d’or,
où se mêlent réalisme et imaginaire.
II- REALISME ET IMAGINAIRE
1) Réalisme de l’évocation
Voir les remarques ci-dessus sur les différents aspects de la société
Ovide emploie un vocabulaire précis et varié : « vindice » ou « judicis » quand il évoque le monde judiciaire ; les deux
types de trompette utilisées dans l’armée (« tuba directi [aeris] » et « aeris cornua flexi »)
Rappel de toutes les richesses naturelles du sol, qui ne demandent aucun travail agricole : fruits des arbres (« arbuteos
fetus » 16 ; « corna » 17 ; « glandes » 18) et fruits sauvages (« montana fraga » 16 ; « mora » 17). Cela correspond à la
pratique ancestrale de la cueillette.
2) Le rôle de l’imaginaire
→ Cependant, le mythe de l’âge d’or ne renvoie pas à une époque historique précise mais une très nette opposition
temporelle place cet âge dans un passé idéal :
Utilisation dominante de l'imparfait (« colebat » 2 et suiv.) qui renvoie à une durée sans limite précise et à des
habitudes
Adverbes de temps qui marquent l'opposition entre le passé et le présent (« nondum » en tête de vers, donc mis en
valeur, 6 et 9 ; « jam » 2 fois 23)
→ Dans cette évocation d'un passé mythique, le poète peut donc laisser libre cours à son imagination.
Ainsi Ovide propose un tableau riche en couleurs et en poésie :
Accumulation de termes voisins de sens (« metus » 3 et « timebat » 4 par exemple)
Utilisation de mots poétiques à la place de mots plus classiques (« ensis » 11 au lieu de « gladius » par exemple)
Jeux de parallélismes et de répétitions (« nec… nec » ou « non » répété 4 fois ; « flumina lactis » et « flumina
nectaris » 23, avec la variété introduite par la place de « jam » dans le GN)
Emploi de périphrases : « Jovis arbore » (18) pour le chêne
→ Mais c’est surtout dans son tableau d’un véritable paradis sur terre qu’Ovide crée une nouvelle réalité.
Un âge créé en premier (« prima » 1), ce qui semble connoter une pureté, une fraîcheur perdue par la suite
Un cadre sans limite de temps : l’âge d’or est « aeternum » (19) ; l’effet est renforcé par l’emploi de l’imparfait
Le rythme des saisons, avec notamment la mort annoncée par l’automne et l’hiver, n’a pas lieu d’être (« ver aeternum»
19)
Les éléments naturels ne sont pas hostiles : « tepentibus » (19), « mulcebant » (20)
→ Et plus encore :
La terre produit d’elle-même et en abondance, mieux que travaillée par les hommes (« gravidis […] aristis » 22)
Ce qui deviendra plus tard le produit d’une transformation (humaine ou autre) apparaît spontanément (« flumina […]
lactis » 23 ; « flumina nectaris » 23 ; « mella » 24). Ce point est commun à d’autres civilisations (cf. texte de la Bible).
Bilan
Ouv.
Conclusion
Ovide brosse ici un tableau idyllique de l’âge d’or ; il met en particulier en valeur l’harmonie de cette
époque imaginaire, en opposition avec les temps troublés qu’a connus Rome au cours du 1er s. av. J.-C.
Le poète met donc en jeu dans cette évocation toute sa virtuosité, utilisant toutes les ressources que lui
offre l’hexamètre dactylique : rythme, jeux sur la place des mots, sonorités… Au moyen d’images, il
dresse un tableau vivant et détaillé de cette époque mythique qu’est l’âge d’or.
Le mythe évoqué par Hésiode dans Les Travaux et les Jours a ainsi été revu par différents auteurs et à
différentes périodes, de l’Antiquité aux temps modernes. Cependant, chacun a pu choisir de mettre en
valeur l’un ou l’autre aspect de ce temps idyllique, manifestant une nostalgie d’un âge perdu ou au
contraire l’espoir de voir un jour cette utopie réalisée à nouveau.