voyage au pays des laboratoires géants

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voyage au pays des laboratoires géants
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INGÉNIERIE
Brésil
voyage au pays
des laboratoires géants
sept biologistes français se sont rendus en mars dans trois des plus grands laboratoires
du Brésil, vitrine de la biologie industrielle. Quand on traite 10 000, 20 000… ou même
70 000 tubes par jour, quelles technologies et quelles organisations faut-il mettre en œuvre ?
C’est à ces questions qu’a permis de répondre ce voyage organisé à leur demande
par Roche Diagnostics France.
"Gigantesque ! " Tel est le mot qui revient
le plus souvent dans la bouche des sept
biologistes français de retour d’un voyage
en amérique du sud (lire ci-dessous), où ils
ont notamment visité trois des plus grands
laboratoires du Brésil. Organisé en mars
dernier, à leur demande, par Roche Diagnostics France, ce déplacement les a conduits à
sao Paulo et Rio de Janeiro, capitales des
"laboratoires géants". "Une occasion unique
de découvrir de l’intérieur des structures dix
à vingt fois plus grandes que les nôtres, et
de mieux comprendre, toutes proportions
gardées, les mutations que nous vivons à
travers les regroupements de nos propres
structures et l’automatisation de nos plateaux
techniques ", souligne François Marquet,
responsable de laboratoire chez Unibionor.
Les règLes
Ne sONt pas Les mêmes
La destination n’a pas été choisie au hasard :
les laboratoires brésiliens évoluent dans un
environnement géographique et réglementaire très différent de la France. Dans ce
pays 17 fois plus grand et divisé en 26 états,
aucune législation ne limite les regroupements ni l’étendu des zones de prélèvements. L’ordonnance Ballereau n’a donc
pas son équivalent dans le cinquième pays
le plus peuplé au monde, et rien n’empêche
les plateaux techniques de traiter plusieurs
dizaines de milliers de dossiers par jour,
ni de servir des centaines de centres de
prélèvement implantés sur des millions
d’hectares. "Nous étions perplexes, raconte
Christophe Richard, biologiste chez Bioliance,
notamment sur les procédés de transport
Christophe Lenys,
SCM Biogroup ;
Christiane Monsch,
SCM Biogroup ;
Philippe Douet,
Bioliance ;
Christophe Richard,
Bioliance ;
Jean-Marc Corcy,
LABM Corcy
et Associés ;
Jean-François
Rousselle,
LAM Montagut ;
François Marquet,
Unibionor et leurs
accompagnateurs
Roche.
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des prélèvements et sur la maîtrise de la
production de masse à une pareille échelle…"
On le comprend.
Pas de miracle cependant : la productivité exige des choix, voire des concessions.
Confronté à des enjeux massifs de santé
public, le pays de Lula et de Dima Rousseff
n’impose pas la validation des résultats par
les biologistes. "De quoi rendre circonspects
nos voyageurs français", remarque JeanMarc slama, directeur des Ventes Roche
Diagnostics, qui a accompagné le groupe.
Mais cette liberté à une contrepartie : ce
sont les laboratoires les moins chers qui livrent des résultats bruts, tandis que les plus
coûteux s’engagent à ne pas livrer une seule
mesure de glycémie qui n’ait été examinée
par un biologiste. C’est même un argument
pour se démarquer de la concurrence.
En visitant les plateaux techniques de Dasa,
de sERGIO FRaNCO et de FLEURY, qui
s’adressent respectivement aux classes
populaires, aux classes moyennes et
couches les plus aisées de la population (lire l’encadré page suivante), les sept
biologistes français ont touché du doigt
la segmentation sociale de la patientèle
brésilienne. L’Institut national de la sécurité
sociale du Brésil (INss), qui fait néanmoins
figure de modèle pour tous les pays émergents, a souffert de la crise et prévoit près de
18 milliards d’euros de déficit en 2011.
seulement un quart des Brésiliens – soit 25 % –
souscrivent des assurances complémentaires
et, comme on l’a vu, tous n’ont pas les mêmes
facilités d’accès aux analyses biologiques, en
dépit du remarquable effort de massification.
Le magazINe D’INFOrmatION BIOmÉDIcaLe De rOche DIagNOstIcs FraNce
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INGÉNIERIE
eN pÉrIphÉrIe
et sOUs haUte prOtectION
tOUtes Les DIscIpLINes
DaNs Le même espace
En toute logique, c’est en périphérie des
mégalopoles et à proximité des grandes infrastructures de transports que nos voyageurs ont découvert ces trois laboratoires.
"Le site de FLEURY est à quelques centaines
de mètres de l’aéroport de Sao Paulo, note
François Marquet. Cette situation permet d’optimiser la logistique des transferts
par avion depuis des centaines de sites de
prélèvements à travers le pays."
À la sensation de pénétrer un sanctuaire
s’ajoute, une fois les portes franchies, le choc
du gigantisme. Notamment chez Dasa, où
la visite s’est déroulée depuis la coursive
qui surplombe le plateau. "Imaginez la surface de plusieurs terrains de foot couverte
d’équipements pré-analytiques et analytiques,
décrit Jean-François Rousselle, directeur du
LaM Montagut. Les volumes sont tels que les
chambres froides, pourtant très grandes, suffisent à peine à stocker deux jours de réactifs !"
Toutes les filières sont présentes : au centre,
les lignes pré-analytiques – une dizaine
d’îlots robotiques type Rsa et RsD Pro –
alimentent les lignes analytiques en immunologie, chimie et hématologie, toutes fortement automatisées. Les lignes spécialisées
sont, quant à elles, disposées en bordure
de plateau. "Tout est aménagé pour faciliter
les déplacements autour des trieurs centraux
et limiter les risques d’engorgement dans les
allées", note François Marquet.
Enceintes grillagées, équipes de gardiens,
systèmes d’accès et de surveillance ultramodernes : les dispositifs de sécurité
témoignent d’une conception industrielle
des sites, mais aussi d’une réalité locale qui
les rend indispensables, notamment dans la
mégalopole de sao Paolo. "Les prises de
vues étaient extrêmement contrôlées", note
encore François Marquet. Quel contraste
avec notre propre environnement, où
circulent des patients, des personnes âgées,
des enfants, en un mot le grand public !
Il faut dire que les sites de prélèvements sont
toujours séparés des plateaux techniques
et même, le plus souvent, très distants. "Il
n’y a donc aucune raison d’autoriser l’accès
de l’enceinte au public, observe Christophe
Lenys, directeur de laboratoire pour sCM
Biogroup, c’est la culture industrielle qui
domine, avec ses protections habituelles et
légitimes contre l’espionnage."
avec OU saNs aLIqUOt
seLON Le NIveaU De servIce
Les configurations varient cependant selon
la pratique ou non de l’aliquotage : ce choix
est lui-même déterminé par le positionnement du laboratoire et le pouvoir d’achat des
patients ! Pratiqué chez sERGIO FRaNCO et
FLEURY pour limiter le temps de rendu du
résultat (TaT), l’aliquotage ne l’est pas chez
chILI : sImILItUDes
Les premiers jours du séjour ont été
consacrés à la visite de deux laboratoires
à Santiago du Chili. Les participants
sont unanimes : les similitudes avec
leurs structures ( volumes, organisation,
réglementation ISO 15 189 ) sont
telles que leurs équipes "pourraient prendre la relève et être immédiatement opérationnelles."
Dasa. "Toutes les analyses se font à partir
d’un tube primaire, ce qui permet de solliciter
moins de ressources. En revanche, il est impossible d’effectuer des analyses en parallèle,
ce qui allonge le TAT", précise Christophe
Richard. FLEURY garantit en outre à ses
patients un TaT optimum pour les tests de
routine grâce à son organisation pré-post
analytique mixte : il est équipé de deux
RsD, deux Rsa et deux MPa: MODULaR®
PRE-aNaLYTICs, chacun connecté à trois
Modular® PPP/PPP/EEE.
Dasa a également misé sur l’automatisation
des transferts de tubes : après chaque passage sur le trieur, les portoirs sont acheminés
sur les lignes analytiques à l’aide d’un chariot
guidé par reconnaissance optique. "Je n’avais
jamais vu cela !", déclare François Marquet
qui, dans cette atmosphère atypique, a redécouvert le potentiel des chaînes Roche
Diagnostics. "Nous utilisons exactement les
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eN chIFFres
Dasa (sao paolo)
• 70 000 tubes analysés / jour
• positionnement classes populaires
• activité sans aliquotage
• envoi son propre tube aux sites
de prélèvements
• 9 laboratoires centralisés
• 180 000 000 tests/an
sergIO FraNcO (rio de Janeiro)
• 35 000 tubes analysés / jour
• 550 sites de prélèvements (dont tous
les tubes sont fournis par le plateau
central)
• positionnement classes intermédiaires
• activité avec aliquotage
Les résultats sont envoyés
exclusivement par Internet
et téléphone.
mêmes équipements. C’est très rassurant de
constater qu’ils sont adaptés à des organisations de cette envergure-là."
pas De pLace
pOUr La pOLyvaLeNce
Dans un tel contexte, la grande surprise est
la maîtrise du niveau sonore. "Il y a peu de
bruit et d’agitation pour le volume traité",
observe Jean-Marc slama. La raison tient
à la rareté des personnels dans les allées :
quelques techniciens suffisent au pilotage
de l’activité. Chez Dasa par exemple, on
compte seulement deux techniciens – très
spécialisés – pour 18 Modular® E ! Quant
aux échanges téléphoniques – souvent générateurs de brouhaha, ils sont concentrés
ailleurs, dans un centre d’appel jouxtant le
plateau et dont la dimension est proportionnelle à l’activité. Chez sERGIO FRaNCO,
à Rio de Janeiro, celui-ci compte près de
110 collaborateurs traitant 8 800 communications par jour, dont près des deux tiers
avec les patients eux-mêmes. Ces derniers
reçoivent tous leurs résultats par Internet
ou téléphone – dématérialisation oblige – ils
FLeUry (sao paulo)
• 30 000 tubes traités / jour
• positionnement classes supérieures
• activité avec aliquotage
• mise en place de la validation
biologique à l’étude
ne les reçoivent que sous cette forme. Les
équipes du centre d’appel disposent des
mêmes informations que les techniciens de
la plate-forme. Elles sont dûment formées
pour leur mission de relation client, grâce à
des programmes développés et délivrés en
interne. Les laboratoires disposent de leurs
propres salles de conférence et de formation.
Enfin, comment ne pas imaginer des salles
de sport dans ces usines ultramodernes ?
Les biologistes brésiliens n’oublient pas de
gérer l’adrénaline de leurs collaborateurs,
qui trouvent sur place de quoi se détendre,
notamment des salles de restaurants.
Véritables entreprises, ces géants de la biologie ont à leur tête un top management
complet incluant DRH, directeurs financiers
et commerciaux. Et comme la direction d’entreprise n’entre pas dans la vocation initiale
du biologiste, seuls ceux qui ont accompli
une mutation culturelle peuvent aspirer à la
direction générale de ces entités. Quant aux
autres, par bonheur – ils sont les plus nombreux, ils restent les gardiens du "cœur de
métier" et les experts indispensables à la
validation des résultats… quand elle est
exigée.
eNseIgNemeNt : vers UNe
reDIstrIBUtION Des cartes
"En visitant ces laboratoires géants, nous
avons pris conscience des gains de productivité que nous pouvons réaliser dans nos
organisations, retient Christiane Monsch,
co-dirigeante de laboratoire pour sCM
Biogroup. On pourrait en particulier
s’inspirer de la spécialisation brésilienne des
tâches pour que les biologistes se consacrent à leur cœur de métier." À cette analyse, Christophe Lenys ajoute une dimension
démographique : "En France, la profession
arrive à une étape charnière : toute une
génération de biologistes partira bientôt en
retraite et les effectifs vont manquer pour
assurer la relève. Le biologiste va devenir
une ressource rare et il faudra qu’il consacre
tout son temps à sa spécialité."
De quoi remercier sincèrement leurs
confrères brésiliens pour leur avoir ouvert
leurs portes.
Le magazINe D’INFOrmatION BIOmÉDIcaLe De rOche DIagNOstIcs FraNce
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