40 à 50 - Leader Assurances
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40 à 50 - Leader Assurances
ENQUÊTE 40 à 50 % Aviva 10 à 12 % c’est le taux de la commission précomptée aux courtiers en santé comme en prévoyance la première année l’assureur ne pratique le précompte en prévoyance et en retraite que depuis l’an dernier c’est le taux moyen de transformation d’un prospect santé qualifié sur internet © iStockphoto.com de page 8 La Tribune de l’assurance // avril 2014 // n°190 // une publication Santiane 25 à 30 % Le courtier web indique produire quotidiennnement 300 contrats santé c’est les taux de chute des affaires santé individuelles apportées par les grossistes à une mutuelle de la place, contre 7 à 9% sur son portefeuille propriétaire DISTRIBUTION © iStockphoto.com Les jours du précompte sont-ils comptés ? Largement pratiqué en santé-prévoyance individuelle, le précompte n’en est pas moins vilipendé. A l’origine de la disgrâce de ce mode de rémunération des intermédiaires, la déferlante réglementaire et les incessants mouvements de portefeuilles organisés par quelques distributeurs indélicats. La généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés sera-t-elle l’occasion de mettre un terme au précompte ? Par Stéphane Tufféry L e précompte, tout le petit monde de la santé-prévoyance le pratique, mais personne n’en parle. « C’est un sujet tabou qui suscite pas mal de contrevérités, remarque Yoann Chery, président du groupe de courtage Leader assurances. Le principal raccourci qui est fait consiste à dire qu’avec ce système, le courtier perçoit 40 ou 50 % de la prime annuelle. En réalité, le précompte (ou majoration de la commission de première année) sert en règle générale à financer le déve- La Tribune de l’assurance // avril 2014 // n°190 // une publication loppement de l’intermédiaire ou la mise en place d’un réseau de mandataires. En outre, le précompte implique que le linéaire perçu les années suivantes soit plus faible. Et au total, le coût de la distribution pour l’assureur et la rémunération de l’intermédiaire sont équivalents, que l’on soit en précompte ou en linéaire. » Certes, les mécanismes de rémunération en précompte ou en linéaire s’équilibrent dans le temps : avec le précompte, l’intermédiaire perçoit une commission de première année majorée (en santé individuelle, elle représente 40 à 50 % du niveau de prime) et des commissions minorées les années suivantes (5 ou 10 % chaque année, en lieu et place d’un commissionnement linéaire de 15 % versé tout au long de la vie du contrat). Toutefois, les mouvements incessants de portefeuille opérés par quelques distributeurs indélicats ces dernières années, pour percevoir les commissions précomptées sur affaires nouvelles à chaque changement, ont suscité pas mal d’émoi chez les porteurs de risque. « Le précompte, c’est un sujet qui concerne tous les acteurs de la santé-prévoyance, les assureurs, 9 >> ENQUÊTE de page >> les grossistes, les distributeurs finaux…, estime Roger Mainguy, directeur général d’April santé prévoyance. Une solution tout à fait légitime dans certains cas. Même si personne n’est dupe quant à l’utilisation pernicieuse qu’en font certains. Le précompte, c’est un outil utile qui, lorsqu’il est dévoyé, s’apparente à une grande lessiveuse. » COUPABLE DE TOUS LES MAUX A la base, il s’agit d’un outil de financement des intermédiaires par les assureurs. « C’est le métier de la banque de financer les acteurs économiques et leur besoin de trésorerie ! », regrette Roger Mainguy. D’autant que le financement d’intermédiaires indépendants par leur fournisseur pose de multiples questions quant à d’éventuels conflits d’intérêts ou aux obligations d’information et de conseil des courtiers. « Le précompte, c’est un outil utile qui, lorsqu’il est dévoyé, s’apparente à une grande lessiveuse. » « Le coût d’acquisition d’une affaire nouvelle constitue un investissement pour un assureur, que sa distribution soit intermédiée ou pas. Il y a en plus un paradoxe avec le commissionnement précompté aux courtiers : l’assureur fait le choix d’externaliser sa distribution et doit, en parallèle, la préfinancer. Le tout pour, in fine, ne pas être propriétaire du portefeuille. Le risque de voir des portefeuilles entiers partir sous d’autres cieux est réel, et notre mutuelle en a fait l’amère expérience », témoigne Stéphane Varda, directrice générale de Mutuelle Mieux-être. Détourné de son objectif initial par quelques-uns, le précompte se voit du coup rendu coupable de tous les maux actuels de l’assurance santé. Et beaucoup le désignent comme le facteur qui a précipité la faillite retentissante d’Assor l’an dernier. Un trou de caisse chez un intermédiaire ? C’est la faute du précompte. La volatilité exacerbée des complémentaires santé souscrites sur internet ? Le précompte en est à l’origine… FINANCER LA CONQUÊTE Qu’en est-il réellement ? « Après l’avoir plus ou moins délaissé pour leurs réseaux debout, les assureurs ont eu à nouveau recours au précompte ces dernières années pour se constituer des portefeuilles santé, rappelle Henri Debruyne, président du Medi, cabinet de conseil spécialisé dans la distribution des produits financiers. Mais c’est un outil qui ne fonctionne bien qu’en conquête ; dès que l’atterrissage commercial est annoncé, les difficultés commencent. » Et la phase d’atterrissage du précompte, au moins pour la santé individuelle, semble bel et bien enclenchée avec l’ANI, d’une part, et la récente obligation faite aux entreprises d’assurance santé d’afficher leurs coûts de gestion (parmi lesquels le coût de la distribution), d’autre part. La commission métier du Syndicat 10 (syndicat de courtiers) doit s’emparer du sujet : « Tout est sur la table. Faut-il bannir les pratiques de précompte, réserver l’escompte à certains marchés d’assurance et mieux l’encadrer sans toucher aux engagements contractuels ? », demande Laurent Ouazana, directeur général du grossiste Ciprés vie et secrétaire général du Syndicat 10. Pour les distributeurs finaux, tout est fonction du business model mis en place. Chez les FACE À FACE Etes-vous favorable au PIERRE-ALAIN DE MALLERAY, directeur général de Santiane DR « Nous commissionnons à la fois sous forme de précompte et en linéaire » « Dans son rôle d’apporteur courtier direct comme dans celui de fournisseur courtier grossiste, Santiane pratique à la fois des commissionnements sous forme de précompte et sous forme de linéaire. Au total, plus du tiers de notre production est commissionné en linéaire. Le précompte répond à une réalité du marché : c’est la première année du contrat que les coûts d’acquisition, par essence non récurrents, sont supportés. Il est donc logique de mieux rémunérer l’intermédiaire l’année de la souscription de la police et un peu moins les exercices suivants. C’est mécanique, cela repose sur une réalité économique simple, si bien que les actuaires trouvent cela parfaitement légitime et le marché le fait depuis des décennies ! Cette mécanique 10 de rémunération n’a de sens que si le portefeuille est stable dans le temps ; les affaires doivent tenir suffisamment longtemps pour rattraper progressivement le déséquilibre né de la surcommission de l’année 1. Depuis l’ANI, l’équilibre s’est rompu, et pour les cohortes d’assurés individuels qui passeront en collective à l'horizon 2016, Santiane ne précompte plus ses apporteurs. A l’instar de la majorité du marché qui, à l’occasion des renégociations annuelles des protocoles courtage, a préféré le linéaire au précompte. Toutefois, et contrairement à la plupart des acteurs, nous pratiquons encore le précompte sur une part significative des salariés qui ne seront pas touchés par l’ANI, de façon à rémunérer au mieux nos apporteurs. » La Tribune de l’assurance // avril 2014 // n°190 // une publication courtiers full web, comme Santiane, les frais d’acquisition sont élevés en raison à la fois du référencement, via l’achat de mots clés sur Google, mais surtout de l’achat de fiches prospects, ou leads. Sachant que le prix d’un lead est compris entre 10 et 20 € et que le taux de transformation peine à dépasser les 10 %, on arrive tout de suite à un coût d’acquisition de 100 €. Auquel il faut encore ajouter celui de la transformation, soit, pour un courtier en ligne, le salaire de ses collaborateurs en plate-forme et les charges informatiques ou d’infrastructures destinées à les accueillir… OUI, MAIS AVEC PARCIMONIE Ces coûts exorbitants pour réaliser une affaire nouvelle peuvent justifier le recours à un commissionnement précompté. « Swiss Life accompagne ses distributeurs dans leur développement en fonc- tion d’un équilibre entre développement de l’activité et rentabilité. Pour cela, nous faisons évoluer nos modes de rémunération des intermédiaires. Et dans l’arsenal à notre disposition, le précompte est parfois totalement légitime », explique ainsi Pierre François, directeur de Swiss Life prévoyance et santé. Dès 2012, l’assureur a toutefois levé le pied sur le précompte et durci les règles relatives aux reprises de commissions précomptées : « Swiss Life figure sans doute parmi les assureurs les plus exigeants en la matière, avec des reprises qui peuvent s’étaler sur trois ans. Le précompte n’a de sens que dans le temps et dès lors que nos lois de chute sont respectées. Cet objectif de recherche des grands équilibres techniques exigeait de resserrer les vannes du précompte dès 2012. Même si cela nous a été préjudiciable d’un point de vue commercial. » « Arrêtons de vouloir légiférer sur tout ! Dès lors qu’il n’y a pas d’incidence pour l’assuré final, je ne vois pas en quoi le financement de l’intermédiaire par l’assureur serait problématique. » Même son de cloche, chez SPvie, le grossiste qui monte : « Il est clair que notre réseau d’apporteurs, constitué de 150 courtiers indépendants, serait au moins deux fois plus important si nous faisions du précompte », remarque Jérémy Sebag, associé gérant. Au bord du gouffre, Mutuelle Mieux-être a mis un terme, fin 2012, à sa stratégie de développement en santé individuelle avec les courtiers grossistes : « Pendant plusieurs années, Mu- ble au précompte ? LAURENT OUAZANA, directeur général de Ciprés vie DR « Notre réseau d’apporteurs est uniquement, et depuis toujours, commissionné en linéaire » « Depuis sa création voilà près de 15 ans, Ciprés vie a toujours travaillé son segment de marché de la protection sociale des TNS/TPE dans une logique propre aux assurances collectives. Cela vaut également pour la rémunération de notre réseau d’apporteurs qui, comme c’est la règle en collectives, est commissionné en linéaire. Ceci étant dit, la reconfiguration du marché attendue avec l’ANI nous interroge. Face à l’assèchement programmé de leur marché, il est probable que des courtiers spécialisés en individuelle, donc habitués du précompte, se repositionnent sur notre cœur de cible des TNS, et cherchent à le faire en dupliquant leur mode de commissionnement précompté. En outre, les assureurs dépourvus d’un réseau de proximité capable de faire des affaires collectives auprès des TPE vont chercher à intéresser les courtiers de proximité. Il est, là encore, possible qu’ils cherchent à le faire en ayant recours au précompte. Enfin, même notre réseau va devoir s’adapter à la nouvelle donne réglementaire et prospecter les petits collèges en collectives avec des garanties a minima (panier de soins ANI), donc avec une rentabilité incertaine si la démarche est monoproduit… Et pour réaliser ces développements, il y aura des besoins de financement. Pour les y aider, Ciprés vie ne fera pas de précompte, trop dangereux, mais sera attentif avec ses partenaires assureurs aux besoins d'escompte du réseau. » La Tribune de l’assurance // avril 2014 // n°190 // une publication Lexique >> Précompte : le niveau de commissionnement est majoré (entre deux et trois fois la commission linéaire) l’année de réalisation de l’affaire. Avec ce système, les commissions perçues pour les années de reconduction du contrat sont moindres qu’en linéaire. Précompte différé : les commissions précomptées sont versées à la signature du contrat et indépendamment de la date de prise d’effet des garanties. Commissionnement linéaire : le taux d’intéressement du distributeur est identique chaque année ; les commissions linéaires sont payées mensuellement par l’assureur. Escompte : sans différencier l’année de réalisation de l’affaire de celles de reconduction du contrat, l’escompte consiste à verser l’intégralité de la commission linéaire de l’exercice au 1er janvier. Reprise de commission : si le contrat vient à chuter dans les premiers mois, voire les deux ou trois premières années de vie du contrat, les protocoles courtage stipulent des règles de remboursement de la commission précomptée ou escomptée. Frais précomptés aux clients : pratique très mal perçue, exclusivement utilisée en épargne et, semble-t-il, en passe de disparaître. Elle consiste à faire porter à l’assuré l’intégralité des frais dès la souscription du contrat. Ainsi le commercial peutil être correctement intéressé dès l’affaire faite. Incentive, challenge, budget commercial, surcommission : autant de termes, aux définitions plus ou moins floues, pour justifier un complément de rémunération pour l’intermédiaire, sur la base des volumes réalisés sur tel ou tel produit. Pas nécessairement en phase avec l’intérêt de l’assuré final. 11 ENQUÊTE de page © Arnaud Tchia massif au commissionnement précompté et le chiffre d’affaires s’est envolé, raconte Stéphane Varda. A ma prise de fonction, je n’ai pu que constater la fragilité et le déplacement de certains portefeuilles, avant même de permettre un retour sur investissement. Je ne m’interdis pas de recourir à cette pratique à l’avenir, mais ce qui est sûr en revanche, c’est que l’assureur doit piloter très précisément le volume d’activité obtenu de cette façon, compte tenu des importantes sorties de trésorerie que nécessite le précompte. » Les courtiers ayant gouté aux joies des rémunérations précomptées ont, semble-t-il, du mal à s’en défaire. « Il est évident que les courtiers ont fait monter les enchères ces dernières années. Et sur un marché de la santé individuelle hyperconcurrentiel, où tout le monde veut prendre des parts de marché, les intermédiaires sont « Contrairement à la santé individuelle, la prévoyance et la retraite par capitalisation sont très peu volatils. Sur ces branches, le précompte n’est pas une ineptie. » JULIEN VIVIER Sofraco 12 www.franckdunouau.com >> tuelle Mieux-être a fait un recours allés, parfois, au plus offrant », confirme Henri Debruyne. Pour autant, les assureurs sont-ils à la merci des intermédiaires ? Les dindons de la farce ? « Les assureurs disposent de plusieurs moyens pour se prémunir contre les dérives du précompte sans pour autant arrêter les avances de commission. Ils peuvent notamment limiter le nombre de contrats éligibles à ce mode de rémunération », suggère Yoann Chery. RÉSILIATION EN PAGAILLE C’est depuis plusieurs années, le credo retenu par Aviva France pour son réseau de courtiers actifs en santé (Amis). Plutôt que de renoncer au précompte, l’assureur préfère limiter le volume éligible chaque année pour chacun de ses intermédiaires. Claude Zaouati, à la tête des activités dommages et santé de l’assureur d’origine britannique, détaille : « Aviva France pratique le précompte avec ses courtiers. Même si la redistribution des cartes par l’ANI nous a obligés à réduire la voilure sur la partie des assurés qui vont se retrouver en collectives, nous continuons à avancer les commissions pour les seniors et les indépendants. Comme ces cibles représentent 70 % du business de nos courtiers santé-prévoyance, le bouleversement n’est pas majeur. » Bien plus que les trous de caisse, gérés ici ou là en toute discrétion et auxquels les assureurs sont en réalité exposés régulièrement, c’est la révolution suscitée par « Le risque de voir des portefeuilles entiers partir sous d’autres cieux est réel, et notre mutuelle en a fait l’amère expérience. » STÉPHANE VARDA Mutuelle Mieux-être l’accord national interprofessionnel de janvier 2013 qui explique le revirement soudain des porteurs de risque quant au commissionnement précompté. Comme une bonne part du marché de la santé individuelle va s’assécher d’ici deux ans, les assureurs n’ont d’autre choix que de rompre avec le précompte ; lequel a besoin d’au moins trois ans pour s’équilibrer. D’où l’envoi fin 2013 par quasiment toute l’industrie de lettres de résiliation des protocoles de précompte négociés avec les intermédiaires. Au-delà de ce changement réglementaire et de la nécessaire adaptation de la rémunération des intermédiaires, la pratique généralisée du précompte interroge également sur le fond. Car si, à l’instar d’Aviva France, tous les assureurs de la santéprévoyance (Generali, MetLife, Swiss Life, Mutuelle UMC, etc.) pratiquent le précompte, le mécanisme est régulièrement dénoncé pour les risques inhérents qu’il comporte. « C’est la vie des affaires, lâche Yoann Chery. Arrêtons de vouloir légiférer sur tout et n’importe quoi ! Dès lors qu’il n’y a pas d’incidence pour l’assuré final, je ne vois pas en quoi le financement de l’intermédiaire par l’assureur serait problématique. En l’occurrence, si l’assuré acquitte une prime de 1 000 € tous les ans, précompte ou linéaire n’ont aucune incidence sur ses garanties ou son tarif. » Toutefois, et même si l’argument semble imparable, beaucoup considèrent le précompte comme un pousse-au-crime. « Dès lors que les flux deviennent négatifs, les assureurs réclament le remboursement des commissions anticipées (le trop-perçu). Si les courtiers se sont servis du précompte pour financer leur propre réseau de mandataires ou leurs investissements, la situation peut vite devenir critique, pointe Henri Debruyne. De plus, les assureurs devront bien se rattraper sur les clients si des difficultés de trésorerie apparaissent chez leurs apporteurs. Il y a, selon moi, un effet inflationniste du précompte sur les niveaux de primes. » L’OMBRE DU CONFLIT D’INTÉRÊTS Au moment où l’Europe met la dernière touche à la deuxième mouture de la directive intermédiation et porte l’accent depuis plus de cinq ans sur les risques de conflits d’intérêts chez les intermédiaires financiers, le précompte fait tache dans le paysage. « Sachant qu’il sera mieux rémunéré chez tel ou tel assureur, le risque est grand que l’intermédiaire ne place pas le risque en fonction des besoins de son client, mais plutôt en fonction de ses objectifs financiers », assène Henri Debruyne. Pour autant et comme les autres assureurs, Generali France précompte les commissions. Sauf sur "PGM" (plan gérant majoritaire), son contrat phare pour les chefs d’entreprise. Bien qu’en proie à la vive concurrence des grossistes et désormais de la quasi-totalité des assureurs sur ce segment haut de gamme de la protection sociale complémentaire des indépendants, Generali a fait le choix d’un commissionnement linéaire de 8 %. Et malgré ce choix assez peu conciliable avec un fort développement commercial, les résultats sont au rendez-vous : Generali parvient même à tailler des croupières à la concurrence et s’arroge une belle part de marché avec près d’un quart du segment en portefeuille. « Comme La Tribune de l’assurance // avril 2014 // n°190 // une publication quoi, il est possible de développer un portefeuille sans précompte des commissions », analyse Jérémy Sebag. A noter toutefois que PGM, contrat de prévoyance santé des gérants majoritaires, est souscrit en complément du contrat "Generali La Retraite", lequel voit sa distribution facilitée par le biais de commissions précomptées… UNE PORTE OUVERTE EN RETRAITE « Contrairement à la santé individuelle, les marchés de la prévoyance et plus encore de la retraite par capitalisation sont très peu volatils. Sur ces branches, le précompte n’est pas une ineptie, relève Julien Vivier, membre fondateur du groupe Sofraco, expert de la protection sociale. Grâce à son savoir-faire et au volume d’affaires généré par son réseau de plus de 200 courtiers, notre groupe bénéficie d’une forte rémunération de la part des assureurs. Alors, on parle là de budget commercial et pas de commission précomptée, mais, au total, nous percevons une rémunération très nettement supérieure à celle d’un intermédiaire se présentant seul au guichet de la même compagnie. » Derrière une terminologie volontairement absconse, les mêmes pratiques d’intéressement, assises sur le volume et les affaires nouvelles, sont à l’œuvre. « C’est le volume d’affaires apporté par notre groupement et le fait que le marché reconnaisse son savoir- faire sur la protection sociale complémentaire des indépendants, qui génèrent, in fine, un intéressement supérieur de Sofraco. Mais si les termes utilisés sont les mêmes, les pratiques divergent radicalement de celles qui ont cours en santé individuelle. Sur ce dernier segment, tous les assureurs ont, à un moment où à un autre, accepté de verser des rémunérations précomptées très élevées à tous les courtiers qui en faisaient la demande. Inévitablement, des difficultés sont apparues. » Le constat est évident, de plus en plus, les assureurs lèvent le pied sur le précompte. « La position de SPvie est claire vis-à-vis des apporteurs : notre commissionnement est linéaire, martèle Cédric Pironneau, associé gérant. Nous escomptons la commission, c’est-à-dire que le paiement de la totalité du commissionnement de l’année est effectué à la signature de l’affaire, et elle est récurrente d’une année sur l’autre. Les dangers du précompte sont trop élevés. » Quels risques ? Ceux liés à la montée en puissance de la transparence des rémunérations et de la lutte contre les conflits d’intérêts dans l’arsenal réglementaire, celui relatif à la trésorerie de l’intermédiaire et des éventuels trous de caisse qui pourraient l’accompagner, celui de la remise en cause de l’indépendance de l’intermédiaire, et même celui de ne pas pouvoir valoriser son portefeuille en cas de cession… « La seule exception concerne la retraite : notre produit en cours de développement passera par le biais du précompte, avoue Jérémy Sebag. La volatilité des affaires retraite est beaucoup moins forte qu’en santé-prévoyance. Le souscripteur d’un contrat retraite en capitalisation n’est par essence pas un zappeur. Par rapport à un assuré santé, la probabilité qu’il aille voir si l’herbe est plus verte ailleurs au bout d’un an est infinitésimale. » Si l’hyper-concurrence de la santé individuelle ces dernières La Tribune de l’assurance // avril 2014 // n°190 // une publication 3 QUESTIONS À ISABELLE MONIN LAFIN, avocate, cabinet Astrée « Compte tenu des risques, le régulateur va sans doute se saisir du sujet » Quelle est votre vision de la rémunération précomptée ? Quand on parle de rémunération précomptée, on évoque une rémunération versée à un intermédiaire. Ce mode de rémunération n’a cours véritablement qu’en santé-prévoyance individuelle. De fait, il concerne essentiellement le courtage et les réseaux salariés. Du côté des porteurs de risque, beaucoup y ont recours, des réassureurs aux compagnies en passant par les mutuelles 45 ou les courtiers grossistes… DR « Les assureurs devront bien se rattraper sur les clients si des difficultés de trésorerie apparaissent chez leurs apporteurs. Il y a un effet inflationniste du précompte sur les niveaux de primes. » Le précompte est-il réglementé ? Pour l’heure, et à ma connaissance, l’ACPR n’a pas émis d’avis sur le sujet. De fait, l’absence de réglementation renvoie les intéressés (courtiers et assureurs) aux protocoles qu’ils signent pour encadrer leurs relations. Des risques sont pris par l’assureur avec ce type de rémunération, mais les intermédiaires s’exposent aussi largement en y recourant. Ainsi, les modalités de restitution des commissions précomptées en cas de résiliation de l’affaire la première année du contrat exigent parfois le remboursement de la totalité de la commission précomptée. Il y a pourtant eu un travail de l’intermédiaire et même parfois des sinistres gérés… Compte tenu des risques de dépendance de l’intermédiaire et de conflit d’intérêts que crée le précompte, nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que le régulateur va sans doute se saisir du sujet un jour. La généralisation de la santé collective changera-t-elle la donne en matière de rémunération des distributeurs ? Il est impossible de répondre à cette question. Il n’y a aucune incompatibilité entre ce mode de rémunération et la nature du produit vendu. Les réseaux qui pratiquent les commissions précomptées pourront donc continuer à le faire sur les nouveaux produits collectifs qu’ils mettront à disposition de leurs distributeurs. Propos recueillis par S.T. années a permis le recours massif au précompte, l’assèchement du marché acté par l’ANI siffle la fin de partie. Qu’en sera-t-il en collectives ? « La réglementation en général et la loi Sapin en particulier nous obligent à former les réseaux, indique Olivier Farouz, directeur général d’Arca patrimoine. Et la formation, c’est une charge qu’il faut financer. Pour Arca patrimoine, qui a mis un terme définitif aux frais précomptés en épargne depuis 2007, l’avance de commissions de la part des assureurs fait partie des outils de financement à notre disposition. » En dépit des grandes manœuvres actuelles orchestrées par les assureurs, le précompte pourrait encore vivre de belles années. 13