HOMMAGE AUX FUSILLES LES CHAUMES SAINT AIGNAN 15

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HOMMAGE AUX FUSILLES LES CHAUMES SAINT AIGNAN 15
HOMMAGE AUX FUSILLES
LES CHAUMES SAINT AIGNAN
15 AOÛT 2014
L’an dernier, j’avais souhaité qu’à l’avenir, une commémoration ait
lieu chaque 15 Août, en souvenir de l’histoire tragique qui a
endeuillé notre commune ce même jour de 1944. Tragédie qui nous
réunit de nouveau ce matin, pour ce triste 70ème anniversaire.
A l’aube de ce nouveau mandat, soyez assurés que le Conseil
municipal perpétuera cette célébration, pour honorer la mémoire des
disparus mais aussi pour que la mémoire ne s’efface jamais. Cette
mémoire dont nous sommes tous dépositaires et qu’il est de notre
devoir de transmettre à ceux qui ne savent pas encore. Ne serait-ce
que pour éviter d’autres dérives.
Aujourd’hui nous sommes censés être en temps de paix. Pourtant la
guerre et les conflits sont partout, à quelques heures de notre nation
et parfois même sur notre territoire par le biais de groupuscules
activistes qui ne rêvent que de semer le chaos dans nos villes et nos
campagnes. Alors plus que jamais il nous faut être vigilants. La
situation internationale, la mentalité déplorable de notre société en
général et des personnes en particulier, n’ont jamais été aussi
propices pour que l’histoire se répète.
Il nous faut être attentifs et communiquer. Et pour ceux qui ont eu la
chance de ne pas connaitre la guerre, écoutons les anciens en parler,
documentons-nous, pour mieux en parler nous-mêmes aux jeunes
générations. Parler et expliquer ces guerres qui font naitre de super
héros persuadés d’être de grands patriotes, profitant de ces conflits
pour régler leurs comptes personnels, détruisant à tout va et se
donnant bonne conscience.
Exterminations, morts inutiles de soldats et de civils innocents,
rivières de sang et de larmes, champs de ruines ; tels en sont les
résultats. Chaque jour apporte son lot de nouvelles qui montrent
bien que l’homme n’est pas prêt à s’arrêter de les provoquer. Bien
au contraire ! Convaincu de sa supériorité qui n’est bien souvent
que le reflet de son fanatisme, de sa soif de puissance, de son
inconscience et par voie de conséquence de son irresponsabilité.
Tout en clamant haut et fort qu’il agit et qu’il se bat pour sa Nation,
pour son idéal !
Il est une chose qu’il faut néanmoins reconnaitre. Dans quelque
conflit que ce soit, l’homme a toujours montré sa vraie
personnalité ; s’illustrant, pour les uns, (heureusement les plus
nombreux), par ses qualités de bravoure et de sacrifice et pour les
autres par leur penchant pour la trahison, l’indignité et la lâcheté.
Terribles mots que ceux là. Car c’est bien d’indignité et de lâcheté
dont il est question ici ; terribles mots qui nous réunissent ce matin.
Indignité d’une poignée de provocateurs stupides qui a conduit à
l’assassinat de trois Guerchois innocents, à cet endroit, le 15 Août
1944, il y a donc 70 ans.
Lâcheté de n’avoir jamais avoué leur responsabilité dans ces crimes.
Pourtant de nombreux Guerchois les ont connus et se souviennent
encore d’eux, des groupes et de l’idéologie politique qu’ils
prétendaient incarner et représenter et qu’ils ont salis à jamais.
Les plaies ne se refermeront sans doute jamais pour les plus
proches, mais il est de mon devoir de rappeler, comme chaque
année, les circonstances de ce drame.
Pour ce 70ème anniversaire, à la lueur des témoignages officiels sur
les événements qui se sont déroulés ici même, j’ai souhaité vous
communiquer la déclaration faite aux autorités par M. François
Lardot, alors Maire de la commune de La Guerche sur l’Aubois.
Et qui mieux que M. Romain Fontaine, benjamin de notre Conseil
municipal et représentant cette jeune génération que nous
souhaitons impliquer dans le souvenir, pouvait nous lire cette
déclaration ?
Le 15 Août 1944, les nommés Maulard Yves, Taillemite Henri et
Dorsemaine Léonard demeurant au lieu-dit Les Chaumes ont été
victimes de représailles de la part des allemands.
Ils ont été tués à bout portant dans la rue située devant le débit
exploité par Mme Maulard, sans être jugés et à ma connaissance,
sans avoir commis aucun acte répréhensible.
Après avoir tué les personnes désignées ci-dessus et avoir incendié
six maisons du hameau des Chaumes, un commandant allemand
m’a fait appeler à la Mairie et m’a chargé de prévenir la
population, que si des membres de leurs armées étaient encore
attaqués par des terroristes, qu’ils fusilleraient mille otages et
mettraient le feu à toute la ville.
Dès le départ de cet officier, je me suis renseigné sur la tragédie
des Chaumes et j’ai appris que ces représailles étaient dues à la
désertion d’un soldat allemand et à l’intervention d’un groupe de
résistance qui l’aurait désarmé ainsi que son camarade.
Cette déclaration est l’épilogue d’une succession de faits qui avaient
commencé la veille, 14 Août en début d’après midi. Deux soldats
allemands entrent dans le café tenu à cet endroit par M. et Mme
Maulard. Ils disent venir de Clermont Ferrand et se rendre à
Orléans.
Leur consommation terminée ils se rendent sur cette route, pour
arrêter un camion et continuer leur chemin. Peu après, quatre jeunes
gens armés de pistolets et de mitraillettes et arborant des brassards,
arrivent sur les lieux et désarment les deux soldats allemands qui se
trouvaient toujours sur la route.
L’un des deux soldats se sauve alors vers Nevers tandis que l’autre
se réfugie dans un premier temps dans le café, avant de s’enfuir
dans les bois environnants et semble-t-il de déserter.
La conjonction de ces deux faits provoque des représailles
immédiates.
Dès le lendemain mardi 15 Août, vers 10 heures, un détachement de
soldats allemands, dirigé par un Commandant et un Capitaine,
arrive aux Chaumes en provenance de Bourges ou d’Avord. Ils
cernent tout le périmètre et investissent le café. Ils font alors sortir
M. Maulard, M. Taillemitte, le beau-frère de M. Maulard, et M.
Dorsemaine, un voisin.
Ils les battent à coups de crosse et les fusillent aussitôt.
Et ce n’est que de justesse que Gérard Maulard, alors âgé de neuf
ans, aura la vie sauve, bien que blessé à la tête, au cou et dans le dos
par les tirs allemands.
Des représailles qui auraient pu être encore plus meurtrières avec un
bilan encore bien plus lourd :
- Tout d’abord parce que ce matin du 15 Août, traditionnelle fête
religieuse de l’Assomption de Marie, de nombreux habitants
assistant à la messe en ville, sont absents de leur domicile.
- Ensuite, parce qu’au même moment, une escadrille aérienne passe
à très basse altitude juste au dessus du carrefour. Redoutant une
attaque, les Allemands s’affolent et prennent la fuite, non sans avoir
incendié six maisons proches, dont la ferme de M. Daugy
entièrement détruite avec le matériel et la récolte.
Trois morts. Trois familles anéanties. Huit orphelins : six dans la
famille de M. et Mme Maulard et deux dans la famille de M. et
Mme Dorsemaine.
Sur l’instant, les Allemands avaient jugé ces représailles
proportionnées. Au regard des faits elles étaient bien évidemment
démesurées, ce qui ne fait que rajouter à l’effroyable lâcheté de ces
soi-disant « patriotes » qui resteront à jamais les véritables
responsables de la mort de MM. Maulard, Taillemite et
Dorsemaine.
Enfermons les dans les ténèbres les plus sombres de notre histoire.
Le temps a déjà presqu’effacé leurs noms (et c’est là un grand bien
pour leur descendance) mais il n’effacera jamais leurs actes. Qu’ils
demeurent à jamais inscrits au chapitre de ceux qui ont terni
l’histoire de La Guerche sur l’Aubois.
Une ombre éternelle jetée sur les actes de bravoure des habitants de
notre vallée qui se sont pourtant vaillamment distingués au cours de
cette guerre, au combat ou par une résistance exceptionnelle à
l’occupant. Sans oublier l’aide qu’ils ont apportée, souvent au péril
de leur vie, au passage clandestin de la ligne de démarcation qui se
situait seulement à quelques kilomètres d’ici.
Je vous le disais au début de mon propos et je le redis chaque année,
même s’il s’agit d’un vœu pieu : aujourd’hui plus que jamais, ce
drame doit rester une leçon pour tous. Celle de ne jamais laisser
l’inconscience, le calcul ou la lâcheté guider nos actes, sans en
évaluer les conséquences directes. Et de les assumer quel qu’en soit
le prix !
Soixante dix ans plus tard cette même lâcheté existe toujours, même
si elle revêt parfois des formes différentes. Et il n’existe pas de
moyen plus efficace que le souvenir pour la combattre.
Voilà pourquoi le souvenir de ce 15 Août 1944 est symbolisé par
cette stèle offerte par M. Legal et inaugurée en 2000 par M. Jacques
Chavy, aujourd’hui Maire Honoraire de notre commune, qui est
fidèlement parmi nous ce matin.
Enfin, je ne dérogerai pas non plus à ce qui est devenu une tradition
instituée en 2008, la lecture du magnifique poème de M. André
Renard, auteur et poète guerchois qui l’avait lui-même lu ici, en
2008, avant de nous quitter l’année suivante. Très affecté par cet
épisode noir de l’histoire locale, il avait dédié ces magnifiques vers
à la mémoire des Fusillés du 15 Août 1944.
Réécoutons-les par la voix de Nicolas Maulard, arrière petit fils de
M. Maulard, l’une des victimes.

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