Editeurs et droit de prêt en bibliothéque
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Editeurs et droit de prêt en bibliothéque
INSTITUT DE RECHERCHE EN PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE HENRI-DESBOIS Le 26 juin 2003 Article pour l’ARÉE – août/septembre 2003 EDITEURS ET DROIT DE PRÊT EN BIBLIOTHEQUE Le droit français reconnaît pour la première fois une obligation de rémunérer le prêt des livres en bibliothèque. Cette nouvelle loi intéresse directement les éditeurs qui recevront une partie des sommes collectées. L’Assemblée Nationale et le Sénat ont voté à l'unanimité la loi relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque (loi n°2003-517 du 18 juin 2003, JO du 19 juin 2003, p.10-24). Le vote de cette loi clôt un débat qui opposait les auteurs entre eux, les bibliothécaires, les élus responsables des collectivités territoriales et les éditeurs. Leurs divergences avaient pris corps à la suite de la directive européenne du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle. Cette directive rappelle que le droit exclusif de l'auteur comprend le droit d'autoriser ou d'interdire le prêt de son œuvre. L'instauration d'une licence légale En France, si le droit de prêt était reconnu comme composante du droit exclusif de l'auteur, il n'était pas accompagné de rémunération. Or, la croissance continue du nombre de livres empruntés par le public dans les bibliothèques n’engendrait aucun revenu, ni pour les auteurs, ni pour leurs éditeurs. Cette loi du 18 juin 2003, qui modifie le Code de la propriété intellectuelle, vient combler cette lacune en liant une rémunération au prêt des livres. Pour permettre une gestion efficace de la rémunération du droit de prêt, le Parlement instaure un système de licence légale : dès lors qu'une œuvre fait l’objet d’un contrat d’édition, l’auteur ne peut en interdire le prêt en bibliothèque; la contrepartie de cette obligation d’accorder le prêt est le versement d’une rémunération équitable aux auteurs et à leurs éditeurs. L’intérêt de la licence légale est qu’elle ne bouscule pas l’utilisation traditionnelle des livres en bibliothèque. Tous les livres pourront être prêtés, ce qui apaise la crainte des opposants à la rémunération du prêt qui prévoyaient une fermeture de l’accès pour tous à la culture. Un financement assuré par l'État et les "fournisseurs" des bibliothèques Dans le même souci d’accès généralisé aux bibliothèques, les parlementaires ont écarté d’emblée le choix d'un "prêt payant" des livres pour préférer un "prêt payé". Le "prêt payant" signifie que chaque emprunteur paie personnellement l'emprunt d’un ouvrage. La formule du "prêt payé", qui lui a été préférée, revient à faire payer non pas l'utilisateur lui-même mais, en amont du prêt, l'État et les collectivités locales qui gèrent les bibliothèques. Concrètement, l'article 1er de la loi du 18 juin 2003 (qui deviendra l'article L. 133-3 du CPI) dispose que la rémunération au titre du droit de prêt provient de deux sources de financement. VUne contribution forfaitaire payée par l'État. Elle correspond à une somme forfaitaire par usager inscrit dans les bibliothèques de prêt accueillant du public (à l’exception des bibliothèques scolaires). Cette somme, d'un montant d’environ 1,50 euros par personne inscrite dans les bibliothèques, sera fixée par décret. Elle variera selon le statut des bibliothèques (il est prévu que le forfait relatif aux inscrits dans les bibliothèques universitaires soit moindre, de l'ordre de 1 euro par étudiant) VUne contribution basée sur l'achat des livres. Les "fournisseurs" des bibliothèques, c'est-à-dire les librairies et les grossistes, devront verser une somme correspondant à 6% du montant de leurs ventes aux bibliothèques, montant basé sur le prix public hors taxes des livres. Dans la mesure où, pour des raisons d’ordre pratique, il est impossible de distinguer parmi les ouvrages vendus aux bibliothèques, ceux qui seront destinés au prêt de ceux destinés à la simple consultation, ce versement de 6% du montant des ventes comprend les ventes de tous les exemplaires achetés par les bibliothèques, sans distinction de leur finalité de prêt ou de consultation. Dès lors tout livre acheté par une bibliothèque ouvre droit à rémunération. Modification de la loi de 1981 sur le prix unique du livre Concernant les ventes de livres aux bibliothèques, la loi du 18 juin 2003 modifie la loi de 1981 sur le prix unique du livre en instaurant un plafond des rabais pour les ventes de livres aux collectivités locales. Désormais, les fournisseurs ne pourront plus accorder de rabais supérieur à 9% du prix de vente au public. Cette mesure a pour objectif de permettre aux libraires de rester concurrentiels sur le marché, face aux grossistes. On notera toutefois que les livres scolaires ne sont pas concernés par cette disposition, qu'ils soient achetés par des associations de parents d’élèves ou par des collectivités territoriales. L'affectation des sommes perçues au titre du droit de prêt Le Ministère de la Culture prévoit que les sommes ainsi collectées au titre du prêt en bibliothèque représenteront environ 22,4 millions d’euros. La loi du 18 juin 2003 vient régir avec précision l’affectation des sommes collectées. VUne première partie des sommes sera reversée sous la forme de redevances. Ces redevances devront être partagées à hauteur de 50% entre les auteurs et leurs éditeurs. Le partage à parts égales entre auteurs et éditeurs est inscrite dans la loi (futur article L.133-4 du Code de la propriété intellectuelle). VUne seconde partie sera affectée à la prise en charge d'une partie des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des écrivains et traducteurs. Un décret déterminera, chaque année, la part affectée au financement de ce régime complémentaire, dans la limite de la moitié du montant total des sommes perçues par le prêt des livres. La partie restante des cotisations sera financée par les écrivains et traducteurs relevant de ce régime. Pour terminer, il faut préciser qu'une ou plusieurs sociétés de gestion collective prendront en charge la gestion de la perception et de la répartition des redevances à verser aux auteurs et éditeurs. A ce jour, une société a été créée, la SOFIA 1 (société française des intérêts des auteurs de l’écrit) dans le but d’opérer la gestion de la rémunération du droit de prêt en bibliothèque. Cette société, conformément au futur article L.132-2 du Code de la propriété intellectuelle, est administrée à parité par les auteurs et les éditeurs, elle attend l'agrément du Ministère de la Culture. Anne LEPAGE Juriste à l'Institut de Recherche en Propriété Intellectuelle Henri Desbois (IRPI) 1 SOFIA, Hôtel de Massa, 38, rue du faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris tél 01 44 07 15 65, fax : 01 44 07 17 88, e-mail : [email protected]