Version rédigée - Mémorial de l`Alsace

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Version rédigée - Mémorial de l`Alsace
« Il ne faut pas pratiquer l’amnésie et, en dépassant les
traumatismes, effectuer non pas un devoir de mémoire mais un
travail de mémoire »
Marc Ferro dans « Les saisons d’Alsace » n°27 – juin 2005
L’ambition du mémorial d’Alsace-Moselle de
Schirmeck est d’effectuer ce travail de mémoire tout en
favorisant également un travail d’Histoire.
Il ne s’agit pas seulement de faire de ce mémorial un
lieu retraçant l’histoire régionale de 1870 au milieu des
années 1950, mais aussi d’en faire un lieu d’histoire
générale, un lieu de sens et de pédagogie et un lieu
résolument ouvert sur l’Europe.
Le passé doit être lourd d’enseignements pour ne plus
reproduire les mêmes erreurs et les mêmes douleurs. Le
présent doit être source de réflexion, de remise en
question, de vigilance toujours renouvelée.
La connaissance du passé est un voyage pour lequel il
faut abandonner ses préjugés et autres idées toutes
faites. Il faut garder les yeux, le cœur et l’esprit ouverts
car c’est seulement ainsi, libérée de toute entrave, de
tout obscurantisme, que la compréhension peut se faire
et avec elle une vision plus sereine et plus réfléchie de
l’avenir.
LA PERIODE DU REICHSLAND
1871-1914
La vie des Alsaciens et des Lorrains est bouleversée dès 1870 et bascule en
1871, lorsqu’en vertu du Traité de Francfort, leurs régions sont annexées
au jeune Reich allemand. L’Alsace et la Lorraine vont alors se développer
dans un nouveau cadre, celui de l’Empire allemand avec Guillaume Ier de
1871 à 1888, Frédéric-Guillaume en 1888 et Guillaume II de 1888 à 1918.
Les conditions de l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine
au Reich allemand 1870-1871
LA GUERRE DE 1870
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19 juillet 1870 : La France déclare la guerre aux Etats allemands dominés par la
Prusse.
Aux origines immédiates du conflit se trouve la candidature d’un Hohenzollern,
cousin du roi de Prusse, au trône d’Espagne. Le 13 juillet 1870, après son
entrevue avec l’ambassadeur de France, Benedetti, le roi de Prusse, Guillaume
Ier envoie d’Ems une dépêche à Bismarck confirmant le désistement de son
cousin. Bismarck déforme la nouvelle en cherchant à offenser la France. Il publie
la « Dépêche d’Ems » en faisant croire que le roi de Prusse avait refusé de voir
l’ambassadeur de France. Cette ruse est un moyen d’exciter le nationalisme
allemand et de lutter contre le particularisme des Etats du sud refusant de se
placer sous commandement prussien sauf en cas de guerre.
Août-septembre 1870 : occupation de l’essentiel des territoires alsacien et lorrain,
malgré de nombreux combats : Wissembourg, Froeschwiller, Spicheren, Forbach,
Freyming, Borny, Rezonville, Gravelotte et Saint-Privat, Noisseville.
2 septembre 1870 : capitulation de Napoléon III avec son armée à Sedan
4 septembre 1870 : à Paris, proclamation de la République et formation d’un
gouvernement de la Défense nationale qui poursuit la guerre.
27 septembre 1870 : Après cinquante jours de bombardement par l’artillerie,
Strasbourg capitule.
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8 octobre 1870 : installation des premières autorités allemandes à Strasbourg.
27 octobre 1870 : capitulation de Bazaine à Metz qui livre à l’ennemi une armée de
175 000 hommes et 1500 canons.
24 novembre 1870 : capitulation de Thionville
18 janvier 1871 : proclamation de l’Empire allemand dans la galerie des Glaces à
Versailles
25 janvier 1871 : capitulation de Longwy
28 janvier 1871 : la France rend les armes.
Signature d’un armistice. La France, y compris les territoires occupés, procède à
l’élection d’une Assemblée nationale (qui siègera à Bordeaux).
L’ALSACE ET LA LORRAINE ALLEMANDES
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28 février 1871 : le gouvernement français signe les préliminaires de paix qui
comprennent notamment la perte de l’Alsace-Lorraine.
• 1er mars 1871 : L’Assemblée nationale accepte ces préliminaires (548 voix contre
107) qui conduiront à une annexion de droit de l’Alsace-Lorraine.
Les 28 députés alsaciens-lorrains rédigent en réaction « la protestation de
Bordeaux ».
• 12 mars 1871 : capitulation de la forteresse Bitche sur demande des autorités
françaises.
• 10 mai 1871 : signature du traité de Francfort.
L’Alsace et une partie de la Lorraine sont cédées au Reich (1,7 millions
d’habitants ; 2,6% du territoire national) et deviennent un une terre d’Empire
(Reichsland), propriété commune de tous les Etats allemands de l’Empire.
Le Reichsland Elsass-Lothringen (la Terre d’Empire
Alsace-Lorraine) 1871-1914
L’ADMINISTRATION ALLEMANDE
L’Alsace-Lorraine est divisée en trois districts (Bezirk) : la Haute Alsace avec comme
chef-lieu Colmar, la Basse Alsace avec comme chef-lieu Strasbourg et la Lorraine avec
comme chef-lieu Metz.
A la tête de chaque district est nommé un président (Bezirkspräsident).
Le gouvernement est confié à un ministère dont le siège est à Berlin. L’empereur délègue
ses pouvoirs à un président supérieur (Oberpräsident).
L’Alsace-Lorraine a donc un statut particulier. En effet, les autres Etats de l’Empire
disposent d’un souverain et d’une constitution propres.
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1er février 1874 : première élection de députés au Reichstag (Assemblée nationale) au
suffrage universel masculin.
Les quinze députés alsaciens-lorrains élus sont des « protestataires » qui
renouvellent la protestation de 1871 au Reichstag.
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29 octobre 1874 : le Reichsland Elsass-Lothringen obtient une Délégation régionale
(Landesausschuss) qui est un embryon de parlement aux pouvoirs limités (elle n’a
qu’un rôle consultatif).
• 1877 : Nouvelle élection au Reichstag. Cinq députés « autonomistes » sont élus à côté
des députés protestataires.
• 1er octobre 1879 : le rôle du Landesausschuss est accru.
Le président supérieur est remplacé par un Statthalter qui a à la fois les
attributions du chef de l’Etat et celles du chancelier qu’il représente.
• 1893 : Nouvelle élection au Reichstag.
Il n’y a plus qu’un seul député protestataire (deux socialistes, sept cléricaux
(proches du Zentrum (centre catholique)) et cinq « Ralliés » à l’annexion).
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26 mai 1911 : Guillaume II octroie au Reichsland une Constitution.
L’empereur reste représenté par le Statthalter mais le pouvoir législatif est
dévolu à deux chambres : une chambre élue au suffrage universel masculin et une
chambre haute dont les membres sont choisis par l’empereur et qui peut annuler
les décisions de la première. Le Reichsland reste donc sous le contrôle étroit du
Kaiser (l’empereur).
• 31 juillet 1914 : face à l’imminence de la guerre, l’Allemagne décrète l’état de danger
de guerre (Kriegsgefahrzustand) qui suspend l’application de la Constitution de
l’Alsace-Lorraine et instaure l’état de siège.
Une dictature militaire est mise en place (un tel régime ne sera installé nulle part
ailleurs en Allemagne), le Reichsland devient une zone d’opération militaire et un
glacis militaire avec la construction de forteresses et de casernes.
LE SORT DES ALSACIENS-LORRAINS
• Partir ou rester
L’article 2 du traité de Francfort spécifie que les Alsaciens-Lorrains désirant conserver
la nationalité française doivent s’installer en France avant le 1er octobre 1872. Le
nombre exact de ceux qui émigrèrent est discuté (de l’ordre de 130 000 personnes).
Certains ont opté pour la France, d’autres se sont installés en Algérie ou en Amérique.
Les émigrants sont surtout originaires de villes de plus de 4 000 habitants et
appartiennent au milieu des ouvriers, des artisans et de la bourgeoisie. Cette émigration
se poursuit sur toute la période et concerne notamment les jeunes gens avant leur
seizième année pour éviter de servir dans l’armée allemande. Ces départs ont été une
perte de substance qui a gravement affecté l’économie et la vie culturelle jusque dans les
années 1890.
Ces départs sont compensés par une importante immigration allemande (1/6e de la
population en 1910), traduisant une volonté de germanisation (volonté d’imposer la
civilisation et le caractère allemands) du Reichsland qui s’appuie par ailleurs sur l’école
et l’armée. En effet, dès 1871, l’école primaire en langue allemande est obligatoire (sauf
dans les régions francophones) et en 1872 le service militaire obligatoire dans l’armée
allemande est introduit. Des dizaines de milliers de jeunes Alsaciens et Lorrains
s’engagent alors dans la légion étrangère pour y échapper.
• L’évolution économique et sociale du Reichsland
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Une période de croissances démographique et urbaine :
Le Reichsland connaît une croissance naturelle plus forte que celle de la France (1 549 738
habitants en 1871, 1 815 000 habitants en 1905). En 1871, le taux d’urbanisation est de 35%.
En 1910, il est de 51% (44% en France et 61% en Allemagne). Cette croissance urbaine est
liée à une politique de construction active dans de nombreuses villes, notamment à
Strasbourg, la vitrine du Reichsland, et à Metz.
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L’évolution économique :
ƒ L’industrie
La période de l’annexion est d’abord une période difficile et la production industrielle subit
un recul (instauration de droits de douane pour vendre aux anciens clients français ;
concurrence des industries allemandes dans le cadre de la politique douanière libérale du
Zollverein (union douanière réalisée, sous l’égide de la Prusse, entre les différents Etats de la
confédération germanique. Elle est entrée en vigueur en 1834 et a fortement contribué à forger
l’unité allemande)). Certaines industries déclinent, certaines déménagent et s’installent en
France, mais la plupart se dédoublent , mettant un pied dans chaque pays. A partir de 1895, la
croissance industrielle reprend. Les capitaux venus d’autres Etats allemands favorisent cette
reprise, notamment pour les industries extractives (pétrole à Pechelbronn, potasse au nord de
Mulhouse, houille et fer en Lorraine). Les productions issues de la deuxième révolution
industrielle font leur apparition au début du XX e siècle comme la construction automobile
avec Mathis à Strasbourg ou Bugatti à Molsheim en 1906.
ƒ L’agriculture
Elle est marquée par des structures archaïques, surtout en Alsace (petites et très petites
exploitations fortement endettées) qui freinent son évolution. La productivité, qui repose sur
l’accroissement de la production en volume et en valeur et non sur l’exode des paysans,
progresse néanmoins. Les productions évoluent lentement avec l’introduction de nouvelles
cultures comme le houblon et la betterave à sucre (ouverture de la sucrerie d’Erstein en 1893).
Par ailleurs, le développement de la culture des pommes de terre et des cultures fourragères
favorise les élevages porcin et bovin.
En revanche, les viticulteurs des collines sous-vosgiennes optent pour le vin de quantité. Ils se
contentent de pieds hybrides pour greffer la vigne ravagée par le phylloxéra, aux dépens de la
qualité du vin.
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Des avancées sociales
Entre 1883 et 1889 est introduit un système complet d’assurances (assurance maladie,
protection contre les accidents du travail, assurance vieillesse…). Ce régime de sécurité
sociale moderne sera conservé après 1918 sous l’expression de « statut local ». Cette
législation sociale avancée n’empêche cependant pas une amplification des luttes ouvrières et
syndicales surtout pendant la crise des années 1910/1912.
• L’évolution culturelle
L’Allemagne dote Strasbourg d’une université moderne.
Le départ de nombreux écrivains, intellectuels et artistes est à l’origine d’un vide
artistique et littéraire jusque dans les années 1880. Le mouvement autonomiste
cherchant à affirmer politiquement le particularisme régional du Reichsland influence
fortement la vie culturelle qui revient à une création d’inspiration régionale comme le
groupe Saint Léonard autour d’Anselme Laugel, de Charles Spindler et de Gustave
Stoskopf. En 1898, Spindler crée « La revue alsacienne illustrée » qui a pour ambition
de promouvoir les études régionales, de valoriser le dialecte et d’affirmer la double
culture. La même année est créé le théâtre alsacien et en 1907 le Musée alsacien. Au
tournant du siècle, la multiplication des cercles littéraires et artistiques, le foisonnement
de publications (dont des journaux francophiles) et de revues, qui ont également un
caractère populaire, sont les signes d’une activité culturelle riche.
• Les relations entre les Alsaciens-Lorrains et les Allemands
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La persistance de sentiments français
La langue française et le dialecte sont un moyen d’affirmer la protestation à l’annexion
(existence de journaux francophones et/ou francophiles, dans le milieu bourgeois surtout
utilisation du français dans le cadre privé…). En 1907, Jean Pierre Jean introduit en
Lorraine annexée la Fondation du Souvenir français pour l’entretien des tombes des
militaires français.
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Quelques incidents marquants :
ƒ L’affaire Schnaebele
En janvier 1886, le général Boulanger est nommé ministre de la guerre. Il demande à tous les
commissaires le long de la frontière de l’Est de rester en contact avec les espions français
séjournant en Alsace-Lorraine.
Guillaume Schnaebele (d’origine alsacienne) est le commissaire de police de Pagny-surMoselle. De l’autre côté de la frontière, à Ars-sur-Moselle, son homologue allemand s’appelle
Gautsch (il est aussi d’origine alsacienne).
Le 20 avril 1887, Schnaebele se rend à un rendez-vous fixé par Gautsch à la frontière. Le
prétexte est un poteau frontière renversé pour lequel Gautsch veut dresser un procès verbal.
En réalité, il s’agit d’un guet-apens. Des policiers allemands arrêtent Schnaebele, qui est
emprisonné à Metz pour espionnage.
L’affaire provoque une vive émotion en France. Le général Boulanger veut adresser un
ultimatum à l’Allemagne. Flourens, le ministre des affaires étrangères, est d’avis de demander
d’abord des explications à l’Allemagne. Bismarck, en proie à des difficultés politiques au sein
de son cabinet, décide de réduire l’affaire à son plan juridique (Schnaebele a été arrêté sur sol
français). Le 29 avril Schnaebele est libéré.
Ce n’est que par la suite que les membres du gouvernement français auront connaissance des
réseaux d’espionnage mis en place par Boulanger.
ƒ Noisseville
Le 4 octobre 1908 est inauguré à Noisseville un monument dédié aux soldats français morts
au champ d’honneur. Ce monument est né d’une souscription publique ouverte par les
sections mosellanes du Souvenir français qui virent le jour en 1907. Cette cérémonie
réunissant 120 000 personnes donna lieu à des démonstrations pro-françaises.
ƒ
Wissembourg
En 1909, lors de l’inauguration d’un monument élevé à la mémoire des soldats français morts
à la bataille de 1870, la Marseillaise est entonnée en présence des représentants de l’armée
allemande.
ƒ L’affaire de Saverne
Le 6 novembre 1913, deux articles de l’ « Elsässer » et du « Zaberner Anzeiger » rapportent
que le jeune lieutenant du 99e régiment d’infanterie, Günther von Forstner, a traité les
Alsaciens de voyous. Cette affaire s’ébruite et est suivie de trois semaines d’émeutes et de
provocations abondamment relatées par la presse européenne et entraînant une crise politique
au sommet de l’Empire entre civils et militaires.
Le 7 novembre, la population savernoise manifeste devant le domicile de von Fortsner.
Le 9 novembre, la foule manifeste aux cris de « Vive la France », « Vive la République » et
entonne la Marseillaise.
Le 28 novembre, des mitrailleuses sont disposées sur la place du château. Une trentaine de
Savernois sont arrêtés. De fait, Saverne est en état de siège à l’indignation des autorités
civiles. Pour calmer les esprits, le 99e régiment est déplacé à Bitche et von Forstner est jugé et
condamné à 43 jours de prison pour avoir frappé un infirme à coups de sabre. Il est néanmoins
absout en appel.
L’affaire de Saverne signe l’échec de quarante ans de politique de germanisation et annonce
la reprise en main de l’Empire par les militaires.
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Les Alsaciens-Lorrains, des « Allemands suspects »
La menace de guerre conduit l’Allemagne à décréter dès le 31 juillet 1914 l’état de
danger de guerre. L’Alsace-Lorraine est dès lors soumise à un régime de dictature
militaire. Les libertés sont supprimées, les réunions publiques sont interdites, les
journaux sont censurés (les quotidiens francophones ou francophiles sont supprimés et
remplacés par des organes pro-allemands). L’administration civile est soumise aux
autorités militaires. La police peut arrêter n’importe qui sans justification. Près de 5 000
personnes suspectes de sympathie française sont arrêtées et déportées. Toute activité
jugée anti-allemande (Deutschfeindlichkeit) est sévèrement réprimée.
De lourdes suspicions quant à la fiabilité de sa population pèsent donc sur l’AlsaceLorraine à la veille de la guerre et mettent en cause l’octroi de la Constitution de 1911
destinée à faire évoluer le Reichsland vers une plus grande autonomie à l’image des
autres Länder (régions) du Reich.
L’Alsace-Lorraine durant la Première guerre mondiale
L’AlSACE-LORRAINE AU CŒUR DES COMBATS
L’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche, le 28 juin
1914 conduit à la mise en route du système des alliances.
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Du 28 au 30 juillet 1914 : les réservistes allemands sont rappelés dans leurs casernes
31 juillet 1914 : l’Allemagne décrète l’état de danger de guerre.
Août 1914 : 220 000 Alsaciens-Lorrains sont appelés sous les drapeaux allemands (les
classes 1869 à 1897). 8 000 hommes sont volontaires tandis que 3 000 mobilisables
franchissent la frontière pour éviter de porter l’uniforme allemand.
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Au total, à la fin du conflit, les Alsaciens-Lorrains mobilisés dans l’armée
allemande seront 380 000.
1er août 1914 : l’Allemagne déclare la guerre à la Russie et commence la mobilisation
générale de tous les hommes entre 17 et 45 ans.
3 août 1914 : l’Allemagne déclare la guerre à la France.
5 août 1914 : une loi est votée à l’Assemblée nationale spécifiant que tous les
Alsaciens-Lorrains s’engageant dans l’armée française obtiendront automatiquement
la nationalité française.
17 650 Alsaciens-Lorrains s’engageront ainsi volontairement dans l’armée
française, parmi eux, 1 650 sont des prisonniers de guerre et des déserteurs ayant
d’abord servi sous l’uniforme allemand.
8 août 1914 : offensive française sur Mulhouse qui est prise dans la soirée.
10 août 1914 : le 99e régiment de réserve composé d’Alsaciens pour les 4/5e se rend
aux Français près de Saint Blaise.
Ces 900 « prisonniers » quittent le front en chantant la Marseillaise.
11 août 1914 : les Français se replient de Mulhouse.
Du 14 au 21 août 1914 : batailles de Sarrebourg et de Morhange
14 août 1914 : des patrouilles françaises entrent dans Colmar.
16 août 1914 : les troupes françaises arrivent à Schirmeck
17 août 1914 : Château Salins est occupé par les troupes françaises
18 août 1914 : arrivée des troupes françaises à Dieuze et Sarrebourg
Dans la nuit du 18 au 19 août 1914 : drame de Saint-Maurice dans la vallée de Villé.
Le 14e régiment d’infanterie de réserve bavarois, croyant être pris par des francs
tireurs fait feu sur le village. Le village est en partie incendié.
19 août 1914 : les Français entrent à nouveau dans Mulhouse
20 août 1914 : les armées françaises sont arrêtées devant Sarrebourg par les troupes
allemandes qui y avaient établi des positions fortifiées. Les troupes françaises sont
obligées de se replier.
Drame de Dalhain dans la région de Morhange. Les Bavarois reprennent le
village. Les trois quarts du village sont détruits et les 65 hommes du village de
plus de 17 ans sont emmenés en captivité. Ils ne seront libérés qu’en mars 1916,
après 19 mois de captivité.
A partir du 23 août 1914, le repli est aussi effectif en Alsace.
Les troupes françaises se replient sur la Meurthe, le col du Bonhomme, Thann et
à 15 km au sud de Mulhouse. Dans les cantons de Thann, Saint-Amarin, Cernay,
Masevaux, Munster, Altkirch, Dannemarie et Hirsingue, 91 communes restent
entre les mains des Français soit plus de 62 000 habitants. Cette Alsace
reconquise est organisée et placée sous l’autorité militaire. En évacuant l’Alsace
et la Lorraine, les soldats français emmènent prêt de 8000 otages (des
fonctionnaires et des personnes suspectes de sympathie allemande). Ces otages
sont déportés dans des camps d’internement.
24 août 1914 : les lieutenants Jean-Pierre Jean (fondateur du Souvenir français en
Alsace-Lorraine) et Spinner (caricaturiste pro-français) sont chargés par le ministre de
la guerre français de parcourir les dépôts de prisonniers de guerre afin de séparer les
Alsaciens-Lorrains des Allemands.
LA GUERRE DE POSITION : CINQ ANNEES DE PRIVATIONS
En septembre 1914, le front se stabilise aux abords de l’ancienne frontière et n’évolue
plus jusqu’en novembre 1918.
• Décembre 1914 : trois dépôts de prisonniers de guerre alsaciens-lorrains sont créés :
Saint Rambert (Loire), Monistrol (Haute-Loire) et Lourdes (Hautes Pyrénées). Ces
trois dépôts accueillent au total environ 20 000 hommes. Ils sont vêtus d’uniformes
français, bien nourris et sont employés dans des usines, des exploitations agricoles ou
peuvent rejoindre l’armée française en combattant soit directement sur le front
(l’armée leur donne un « nom de guerre » pour ne pas être reconnus et accusés de
haute trahison en cas de capture par les Allemands) soit dans des régiments stationnés
hors de la métropole (Tonkin, Afrique). Le gouvernement français se préoccupe
également du sort des prisonniers alsaciens-lorrains en Russie. Il demande au
gouvernement russe de les faire bénéficier d’un régime de faveur identique à celui qui
leur est accordé en France. Un comité de notables alsaciens-lorrains, établis en Russie,
est chargé de les séparer des autres prisonniers.
1915 :
• 1915 : les permissions sont refusées aux soldats originaires des zones d’opération
militaire.
• De janvier à décembre 1915 : combats pour la possession des sommets qui
contrôlent les vallées de la Fecht et de la Weis. Combats du Linge, de la Tête des
Faux, du Hartmannswillerkopf…
• Mars 1915 : un fil de fer barbelé sous haute tension de 3m de hauteur est dressé entre
l’Alsace et la Suisse afin d’éviter toute tentative d’évasion.
Début des cartes de rationnement alimentaire pour le pain et les produits de
consommation courante.
• 15 mars 1915 : le général von Mandel publie un rapport confidentiel à l’origine de
l’envoi de presque tous les soldats alsaciens-lorrains sur le front Est.
• 7 mai 1915 : l’U-20 coule le navire britannique Lusitania. Le quartier maître de ce
sous-marin est Charles Voegele de Strasbourg. Plus de 16 000 Alsaciens-Lorrains
servent comme lui dans la flotte de guerre allemande.
• 2 septembre 1915 : 247 communes au nom à consonance française sont rebaptisées.
1916 :
• les noms de rivières, de montagnes et de lieux-dits à consonance française sont
rebaptisés.
La viande se raréfie. Selon les lieux, la ration hebdomadaire varie entre 100 et 400
grammes par personne.
• 11 janvier 1916 : le général von Mandel envoie une nouvelle circulaire afin que tous
les Alsaciens-Lorrains soient retirés du front Ouest.
• 31 janvier 1916 : une ordonnance impériale somme tous les Alsaciens-Lorrains qui se
trouvent hors du territoire de l’empire de rentrer immédiatement dans le pays faute de
quoi ils seront déchus de leur nationalité allemande.
• Août 1916 : l’ambassadeur de France en Russie obtient que les prisonniers de guerre
alsaciens-lorrains soient rendus à la France. Au total, ils seront 5 861 à être rapatriés
par bateau de Mourmansk d’août 1916 à mars 1918.
1917 :
• les cloches et les tuyaux des orgues des églises sont réquisitionnés afin d’être fondus
en armes et en munitions.
•
•
Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix, qui vivait en semi-liberté dans son hôpital de
Lambaréné depuis le début de la guerre, est interné avec sa femme à Bordeaux, puis à
Garaison. En mars 1918, ils sont transférés dans un camp d’internement réservé aux
Alsaciens-Lorrains, à Saint Rémy de Provence.
Novembre 1917 : les autorités allemandes mettent en place un projet de colonisation
agricole en Lorraine annexée francophone : la société Westmark. Le but est d’installer
sur les grandes propriétés foncières françaises du sud-ouest de la Lorraine des colons
allemands
1918 :
• 8 janvier 1918 : déclaration sur les buts de guerre des alliés faite par le président des
Etats-Unis Woodrow Wilson dans un discours en quatorze points. Le huitième prévoit
que :
•
« Le territoire français tout entier devra être libéré et les régions
envahies devront être restaurées ; le préjudice causé à la France par la
Prusse en 1871, en ce qui concerne l’Alsace-Lorraine, préjudice qui a
troublé la paix du monde durant près de cinquante ans, devra être
réparé afin que la paix puisse de nouveau être assurée dans l’intérêt de
tous. »
13 mai 1918 : une mutinerie d’Alsaciens-Lorrains amenés du front de Russie pour
combattre en France éclate dans un camp de Belgique (à Beverloo).
L’EFFONDREMENT DE L’EMPIRE ET LE RETOUR A LA FRANCE
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15 juillet 1918 : l’offensive allemande sur le front Ouest avorte
5 octobre 1918 : le gouvernement allemand déclare accepter les quatorze points de
Wilson tout en accordant une plus grande autonomie à l’Alsace-Lorraine, une
manœuvre pour conserver le Reichsland à L’Allemagne.
20 octobre 1918 : Foch charge Mangin d’attaquer entre Nomeny et Château Salins en
direction de Sarrebruck. Une énorme concentration de troupes s’opère sur le front
lorrain : l’offensive est prévue pour le 17 novembre 1918.
6 novembre 1918 : diffusion à Strasbourg de tracts en faveur de l’autodétermination
de la République neutre d’Alsace-Lorraine.
Du 8 au 10 novembre 1918 : création du soviet de soldats de Strasbourg. D’autres
seront créés à Metz, Colmar, Sarreguemines, Forbach, Mulhouse, Hayange, SaintAvold, Haguenau, Sélestat, Saverne, Sarrebourg…Les prisons sont ouvertes et les
stocks militaires pillés.
9 novembre 1918 : abdication de Guillaume II qui s’enfuit aux Pays-Bas.
11 novembre 1918 : signature de l’armistice. Le deuxième point prévoit que les
troupes allemandes doivent avoir évacué la totalité de l’Alsace-Lorraine dans un délai
de 15 jours et que les troupes alliées occuperont la rive gauche du Rhin.
Les députés alsaciens et lorrains du Landtag se constituent en conseil national qui
forme un gouvernement provisoire. Mais ses pouvoirs ne sont que théoriques. La
réalité du pouvoir appartient aux conseils des soldats et des ouvriers jusqu’à l’arrivée
des troupes françaises.
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13 novembre 1918 : le drapeau rouge flotte sur la cathédrale de Strasbourg
17 novembre 1918 : les troupes françaises franchissent la frontière : libérations de
Mulhouse, Cernay, Altkirch
18 novembre 1918 : libération de Metz
21 novembre 1918 : le cercle des étudiants arrache la statue de Guillaume Ier et les
dernières troupes allemandes quittent Strasbourg par le pont de Kehl.
22 novembre 1918 : libération de Strasbourg.
8 décembre 1918 : Poincaré proclame à Metz le retour définitif à la France des
provinces perdues.
1919 :
• 19 janvier 1919 : démobilisation des prisonniers de guerre alsaciens-lorrains de Saint
Rambert sur Loire.
• 28 juin 1919 : le traité de Versailles entérine la restitution de l’Alsace-Lorraine à la
France et précise les conditions de réintégration des Alsaciens-Lorrains dans la
nationalité française. Sont réintégrés de plein droit dans la nationalité française :
« 1-les personnes qui ont perdu la nationalité par application du traité
franco-allemand du 10 mai 1871, et n’ont pas acquis depuis lors une
nationalité autre que la nationalité allemande ;
2- les descendants légitimes ou naturels des personnes visées au
paragraphe précédent à l’exception de ceux ayant parmi leurs
ascendants en ligne paternelle un Allemand immigré en AlsaceLorraine postérieurement au 15 juillet 1870 ;
3- tout individu né en Alsace-Lorraine de parents inconnus ou dont la
nationalité est inconnue »
Presque tous les Allemands sont expulsés avec des bagages limités à 40 kg et soumis à
diverses vexations. Plus de 220 000 personnes sont ainsi expulsées. La mesure est d’autant
plus mal acceptée qu’en 1870 les Allemands n’avaient pris aucune mesure de ce type.
Le bilan de la guerre est lourd pour l’Alsace-Lorraine. Sur 380
000 mobilisés, 50 000 sont morts et 150 000 sont blessés dont 25
000 resteront invalides de guerre. Les destructions matérielles
sont considérables : 77 000 hectares de terre dévastés en Alsace et
15 000 en Lorraine. Plus de 18 000 maisons ont été détruites.
L’ALSACE-LORRAINE DANS
L’ENTRE-DEUX-GUERRES
1918-1939
Entre euphorie, inquiétudes et malaise, comment l’Alsace-Lorraine a-t-elle
vécu le retour à la France ? Comment réintroduire une culture et des
usages français dans une province qui, pendant un demi-siècle, a évolué
dans un cadre politique et juridique différent ?
L’évolution politique
L’épuration en Alsace-Lorraine
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Dès l’entrée des troupes françaises, les mairies reçoivent pour consignes de
délivrer des cartes d’identité répartissant la population en quatre catégories sur
des critères héréditaires.
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Carte d’identité A avec bandes tricolores pour les AlsaciensLorrains dont les parents et les grands-parents sont nés en
Alsace-Lorraine ou pour les habitants dont les parents sont
nés en France. Ils sont réintégrés de plein droit.
Carte d’identité B avec deux bandes bleues pour les
Alsaciens-Lorrains dont le père ou la mère est d’origine
étrangère, non-français, non-alsacien-lorrain.
Carte d’identité C avec deux bandes rouges pour les
Alsaciens-Lorrains dont le père et la mère sont originaires de
la France et de ses alliés ou de pays restés neutres pendant le
conflit.
Carte d’identité D sans bande pour les descendants – y
compris ceux nés en Alsace-Lorraine – d’Allemands,
Les commissions de triage de la population fonctionnent en dehors de tout ordre
juridique légal.
• Dès novembre 1918 : les Allemands de souche et les Alsaciens-Lorrains
germanophiles sont expulsés (environ 110 000 personnes).
Certains Alsaciens-lorrains s’installent en Allemagne ultérieurement (cette
émigration est moins importante que celle vers la France en 1871).
Des hésitations entre centralisation et maintien des particularismes
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Dès février 1915 : réunion d’une conférence d’Alsace-Lorraine qui adopte des
résolutions qui domineront les débuts de la vie politique, religieuse et culturelle après
l’armistice.
15 novembre 1918 : un décret confie l’administration préfectorale à trois
commissaires de la République résidant à Metz, Colmar et Strasbourg, ce dernier
assurant en même temps, avec le titre de haut-commissaire, le fonctionnement des
services communs.
26 novembre 1918 : un décret organise à Paris un service général d’Alsace et de
Lorraine contrôlé par un sous-secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil. Ce service
crée un Conseil supérieur d’Alsace et de Lorraine composé de hauts fonctionnaires
pour la plupart étrangers à l’Alsace-Lorraine. (Clemenceau, refusant tout ce qui peut
rappeler la période allemande, ignore le Conseil national issu des élections de 1911).
Octobre 1919 : création des trois départements (Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle)
mais l’administration spéciale et les lois locales sont maintenues.
LES ANNEES 1920 : entre agitation sociale et malaise politique
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1919/1920 : vague d’agitation ouvrière qui défend les avantages acquis avant 1914
1920 : mise en place d’un conseil consultatif d’Alsace et de Lorraine chargé d’aider
l’administration. Les deux tiers de ses membres sont originaires de l’ex-Reichsland.
Entre 1920 et 1924, le débat sur le régionalisme constitue l’essentiel de la réflexion
politique.
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juin 1924 : aux législatives, succès électoral du Cartel des gauches, jacobin et
assimilationniste. Le président du Conseil, le radical-socialiste Edouard Herriot,
annonce sa politique d’assimilation des territoires retrouvés, sa volonté d’introduire
l’ensemble de la législation française, ce qui conduirait à supprimer le Concordat
napoléonien (aboli en France en 1905) et la loi Falloux de 1850 sur les écoles
confessionnelles (abolie en 1881 par les lois Ferry). L’Eglise catholique et les
représentants des églises protestantes réagissent vivement à cette annonce remettant en
cause le particularisme.
La déclaration d’Edouard Herriot, contraire aux engagements de la France de
maintenir les droits spécifiques, ouvre une crise autonomiste qui domine la vie politique
de la seconde moitié des années 20 jusqu’à la veille de la Seconde guerre mondiale.
Cette question traverse et divise l’ensemble des forces politiques.
•
Juillet 1925 : loi qui supprime le commissariat général et le conseil consultatif
remplacés par une direction générale des services d’Alsace et de Lorraine qui siège à
Paris sous l’autorité immédiate du président du Conseil.
•
septembre 1925 : à l’initiative du parti communiste est réuni le Congrès des ouvriers
et des paysans à Strasbourg qui met à l’ordre du jour le droit à l’autodétermination
pour l’Alsace-Lorraine.
1926 : pour répondre au projet Herriot est créé le Heimatbund (la ligue de la patrie)
destiné à défendre les intérêts alsaciens. Il publie un manifeste demandant l’autonomie
dans le cadre de la France et réclame le bilinguisme.
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L’autonomisme domine la vie politique de 1924 à 1936. Il recouvre trois réalités
différentes :
1- Les autonomistes organisés autour de deux pôles, l’un laïc, l’autre
catholique, qui veulent préserver le bilinguisme et le maintien du statut
scolaire et religieux.
2- Les régionalistes : les plus nombreux. Ils sont présents dans tous les partis
(sauf chez les radicaux et les socialistes) et sont partisans d’une politique
de décentralisation administrative. Ils veulent également le maintien du
statut scolaire et religieux, le bilinguisme et une assemblée régionale dotée
de quelques pouvoirs. Les tendances régionalistes sont néanmoins
assimilées par la France à un séparatisme.
3- Les séparatistes : les moins nombreux.
• la Landespartei créée en 1927 et manipulée d’Allemagne. Le
gouvernement français voit dans ce parti une atteinte à l’intégrité
nationale et réagit vivement en interdisant les journaux autonomistes, en
procédant à des révocations de fonctionnaires et à des arrestations
• En 1929, les communistes qui se séparent du parti communiste français et
préconisent le droit de se séparer de la France au nom du problème
linguistique.
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Noël 1927 : une vingtaine de dirigeants « autonomistes » sont arrêtés et inculpés pour
intelligence avec l’Allemagne.
1er au 28 mai 1928 : ils sont accusés de complot contre l’Etat et jugés à Colmar. Ces
procès, qui marquent l’apogée du mouvement autonomiste, déchaînent les passions.
Faute de preuves, le tribunal ne peut prononcer que des peines légères ou acquitter les
inculpés. Karl Roos (le dirigeant de la Landespartei) est acquitté par la cour d’Assises
de Besançon.
En riposte à la répression est constituée une Volksfront (Front uni pour la défense des
revendications alsaciennes) qui regroupe des autonomistes, des communistes et des
catholiques de l’UPR (union populaire et républicaine). La Volksfront triomphe aux
élections législatives de 1928 avec 2/3 des élus et aux élections municipales de 1929.
LES ANNEES 30 :l’ombre du nazisme et le spectre de la guerre
Après 1930, le mouvement autonomiste connaît un reflux. Le gouvernement français fait
des concessions et ne pousse plus aux mesures d’assimilation (circulaire du recteur
Pfister qui introduit un certain bilinguisme à l’école). Par ailleurs, une fraction du
mouvement autonomiste (subventionnée par les nazis) refuse de condamner la politique
d’Hitler, ce qui le discrédite. A partir de 1932/34, les antagonismes de classe l’emportent
dans la vie politique et dans la deuxième moitié des années 30 la crainte de la guerre
domine dans l’opinion publique.
Le Front populaire en Alsace-Lorraine
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6 février 1934 : les événements parisiens entraînent d’importantes manifestations et
grèves à Mulhouse, Colmar et dans de nombreuses petites villes industrielles.
1935 : le Front populaire rencontre des difficultés pour se réaliser en Alsace (un seul
élu aux élections législatives en Alsace, le communiste Daul). Le socialisme recule
dans toutes les circonscriptions et le parti communiste connaît un succès relatif
(deuxième position en nombre de voix derrière l’UPR).
Juin 1936 : après les Accords de Matignon, les ouvriers, déçus par l’échec du Front
populaire en Alsace, prennent leur revanche dans les usines en organisant des grèves.
La menace de guerre
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mars 1936 : remilitarisation de la Rhénanie en violation du traité de Versailles et des
accords de Locarno.(ces accords signés par la France, la Grande-Bretagne,
l’Allemagne, l’Italie et la Belgique garantissent les frontières établies lors du Traité de
Versailles (28 juin 1919). L’Allemagne s’engage à respecter l’accord concernant la
zone démilitarisée de la Rhénanie et à ne pas violer les frontières de la Pologne et de la
Tchécoslovaquie).
Septembre 1938 : la crise des Sudètes aboutit à la signature des Accords de Munich
(Hitler, Mussolini, Chamberlain et Daladier signent un accord sur le statut de la
Tchécoslovaquie entérinant l’annexion des Sudètes par Hitler).
24 septembre 1938 : le gouvernement ordonne sur tout le territoire la mobilisation
partielle des réservistes. Les Alsaciens et les Mosellans sont surtout chargés d’occuper
les forteresses de la ligne Maginot et la population se prépare à partir.
Avril 1939 : dissolution de la Landespartei dont le dirigeant Karl Roos avait été arrêté
en février 1939.
1er septembre 1939 : invasion de la Pologne par la Wehrmacht(l’armée allemande) et
début de la seconde guerre mondiale.
Avec elle s’ouvre l’une des périodes les plus douloureuses de l’histoire
alsacienne et mosellane.
L’évolution économique
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1918 – 1922 : l’économie doit se réadapter au marché français. Ces années sont
une période d’agitation sociale. Les restrictions du temps de guerre prennent
néanmoins rapidement fin.
•
1922 – 1930 : une période de prospérité. Le traité de Versailles garantit aux
industries la franchise douanière pour les exportations en Allemagne. Par
ailleurs, la France en reconstruction a des besoins.
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A partir de 1930 : l’Alsace-Lorraine est durement touchée par la crise
économique mondiale. Elle atteint le fond de la dépression en 1934/35. Seule
l’industrie du bâtiment est épargnée grâce à la construction de la ligne Maginot.
•
Janvier 1933 : Hitler est nommé chancelier. Il ne formule aucune revendication à
propos de l’Alsace-Lorraine mais, la même année, les investissements publics et
privés sont arrêtés. Dorénavant, c’est la politique du glacis qui prévaut : tout
investissement important nécessite l’accord des autorités militaires. Des
entreprises sont transférées en des lieux plus sûrs (Manurhin (industrie
d’armement) quitte Mulhouse pour Vichy, Mathis (industrie aéronautique après
1938) quitte Strasbourg pour la région parisienne).
•
La déclaration de guerre provoque l’évacuation d’un tiers de la population entre
la frontière et la ligne Maginot et l’arrêt de nombreuses entreprises. La vie
économique tourne donc au ralenti.
Dans les campagnes évacuées, 127 000 ha de terres ne sont pas ensemencés en
1940.
Lors de la retraite, les troupes françaises détruisent une partie des
infrastructures notamment plus de 700 ponts et des usines comme la sucrerie
d’Erstein, la raffinerie de Pechelbronn ou encore les centrales électriques de
Strasbourg et de Kembs.
L’évolution culturelle
Le retour à la France ouvre une période critique pour le mouvement culturel. Entre
1880 et 1910, la France s’était constitué un espace national auquel l’Alsace et une partie
de la Lorraine n’étaient pas intégrés.
• La politisation de la vie littéraire
La politique d’assimilation et de « dégermanisation » menée par la France déçoit et
provoque un grave malaise à l’origine de la crise autonomiste à laquelle la vie culturelle
n’est pas insensible.
• 1924 : création de l’ARC, une association qui regroupe des artistes et des écrivains
revendiquant pour l’Alsace un rôle de pont entre les cultures française et allemande.
Cette tentative vole en éclats car beaucoup d’artistes (notamment Solveen, un des
fondateurs de l’ARC) adhèrent au mouvement autonomiste.
• Une volonté de dépolitisation
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1929 : en réaction à la politisation du mouvement culturel se constitue la Société des
écrivains d’Alsace et de Lorraine à l’initiative de Gustave Stoskopf , Gustave-Edmond
Naegelen et Camille Schneider. Elle regroupe des écrivains francophones,
germanophones et dialectophones et a pour ambition de reconstituer un espace culturel
autonome du politique.
En parallèle, la multiplication des sociétés d’histoire locale témoigne d’un repli sur le
terroir.
Après 1933 et l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, le mouvement culturel se
replie sur l’identité régionale et le loyalisme à la France.
« Si l’on voulait comprendre dans certaines sphères qu’en puisant à pleine
main dans les sources vivifiantes de la culture française, nous avons le
droit et le devoir de ne pas laisser tarir pour notre pays celle dont notre
langue maternelle nous assure l’accès. Mais nous sommes loin hélas de
cette compréhension »
Lettre d’Albert Schweitzer à Lucien Braun, novembre 1934.
L’ALSACE-LORRAINE DANS LA
SECONDE GUERRE MONDIALE
Vers les annexions de l’Alsace et de la Moselle
1939-1940
La « Drôle de guerre »
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En prévision d’une guerre de tranchées devant la ligne Maginot, toutes les
communes le long de la frontière sont évacuées (une première vague en
septembre 1939 suivie d’une seconde en mai 1940). La population civile est
évacuée vers les départements du Sud-Ouest de la France. Les Alsaciens et les
Mosellans ainsi évacués sont confrontés à des conditions de vie souvent précaires
et à un milieu culturel très différent. Ces évacuations se sont faites dans des
conditions déplorables (voyage d’au moins huit jours en train dans des wagons à
bétail, interdiction d’emmener plus de 30 kilogrammes d’affaires personnelles
par personne, les animaux doivent être laissés sur place et les portes des maisons
doivent rester ouvertes…).
3 septembre 1939 : Suite à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne le 1er septembre,
le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l’Allemagne.
De septembre 1939 à mai 1940 l’Alsace et la Moselle connaissent la « Drôle de
guerre ».
6 octobre 1939 : dans un discours au Reichstag, Hitler déclare que l’Allemagne n’a
pas de revendication territoriale vis-à-vis de la France.
Octobre 1939 : Les dirigeants autonomistes sont internés à Nancy. Ils sont jugés par
un tribunal militaire. Karl Roos est condamné à mort et exécuté le 7 février 1940.
Les Allemands en feront un martyr.
10 mai 1940 : Les Allemands attaquent la France mais en contournant la ligne
Maginot (qui n’est d’ailleurs pas encore terminée).
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14 juin 1940 : Les Allemands attaquent en vain la ligne Maginot entre Sarralbe et
Saint-Avold en Moselle.
15 juin 1940 : Ils franchissent le Rhin à la hauteur de Marckolsheim dans le sud du
Bas-Rhin.
17 juin 1940 : prise de Colmar
18 juin 1940 : prise de Mulhouse
19 juin 1940 : prise de Strasbourg
22 juin 1940 : Signature de l’armistice où il n’est fait aucune mention à propos de la
Moselle ou de l’Alsace qui sont occupées jusqu’en juillet 1940.
Malgré la signature de l’armistice, les combats se poursuivent sur la ligne
Maginot en Moselle et en Alsace du Nord. Les équipages des forteresses résistent
aux bombes allemandes, mais, faute de soutien à l’extérieur du fait du repli vers
l’arrière des troupes d’intervalle dès la mi-juin, ils doivent renoncer et se rendre.
Il a néanmoins fallu des négociations spéciales pour que les assiégés acceptent de
sortir des forteresses avec les honneurs de la guerre. L’esprit de la devise « On ne
passe pas » a été respecté et la ligne Maginot n’a donc pas démérité.
28 juin 1940 : unique voyage d’Hitler en Alsace.
L’annexion
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Juillet 1940 : Annexion de fait (et non de droit) des trois départements (Bas-Rhin,
Haut-Rhin et Moselle) au IIIe Reich.
La population a le sentiment d’avoir été abandonnée par la France de Pétain. Le
régime de Vichy adressa au total 62 notes de protestations, étouffées et
platoniques.
Les deux départements alsaciens sont intégrés au pays de Bade et l’ensemble forme le
Gau (vaste région servant à la fois de cadre à l’administration de l’Etat et à
l’organisation du parti nazi) Oberrhein dirigé par le Gauleiter Wagner installé à
Strasbourg.
La Moselle est intégrée au Gau Westmark (Moselle-Sarre-Palatinat) dirigé par le
Gauleiter (dirigeant d’un Gau) Bürckel installé à Metz.
Les pouvoirs des Gauleiter sont considérables et ne relèvent que du Führer en personne.
Ils ont dix ans pour faire de la Moselle et de l’Alsace des territoires définitivement
allemands (Wagner s’est donné cinq ans) . Ils légifèrent par ordonnances et disposent
d’un véritable droit de vie ou de mort sur les populations.
Germanisation et nazification
(volonté d’imposer l’idéologie nazie)
« Hinaus mit dem welschen Plunder »
(Dehors le fatras français)
Dès juillet 1940, une politique de germanisation et de nazification est mise en place.
- Les Allemands libèrent les chefs autonomistes (les Nanziger) et s’appuient sur
eux pour essayer de faire adhérer les populations aux idées nazies. Certains sont
-
-
même nommés Kreisleiter (ils ont autorité sur le territoire d’un Kreis (cercle)
consistant généralement en un seul district).
Les Allemands favorisent également le retour des évacués en organisant une
grande et subtile opération de séduction. Pressés par le désir de revoir le pays, de
travailler, de retrouver leurs biens, mais aussi par méconnaissance de la réalité
du nazisme, deux tiers environ des évacués reviennent en août 1940.
En parallèle, les « indésirables « (les Français établis après 1918, les Juifs, les
Tsiganes et les Alsaciens et Mosellans francophiles) sont expulsés en France. Au
nom de la sécurisation des frontières, les villages de la Moselle francophone sont
vidés de leurs habitants.
Les Allemands veulent supprimer toute trace de l’influence française. Dès juillet 1940,
l’allemand est la seule langue autorisée et elle est introduite dans tous les domaines
(changement des noms de rues, des noms et des prénoms qui sont germanisés, des
écriteaux…). Le droit allemand est appliqué. Tout ce qui rappelle la France est interdit
ou détruit (le béret, les librairies sont vidées, les livres sont brûlés…).
La mise au pas de la population
La nazification de l’Alsace et de la Moselle s’appuie sur :
•
L’organisation du parti nazi à toutes les échelles. Chaque localité a un
responsable du parti appelé Ortsgruppenleiter. Toutes les organisations nazies,
auxquelles la population devait adhérer, sont mises en place. L’Opferring
(« cercle du sacrifice »),est une organisation préparatoire à l’entrée dans le
NSDAP (le parti nazi, Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (Parti
national-socialiste des travailleurs allemands) , son adhésion était surtout un
moyen de ne pas se faire remarquer.
•
La mise au pas de la jeunesse :
- La Hitlerjugend (HJ, jeunesse hitlérienne) pour les garçons de 10 à 18 ans
- Le Bund deutscher Mädel (BDM, la ligue des jeunes filles allemandes)
pour les filles.
Ces organisations pour la jeunesse sont mises en place dès septembre 1940 (elles
sont les seuls mouvements de jeunesse autorisés). Le 2 janvier 1942, l’adhésion
devient obligatoire. A partir 1943, des amendes et des peines de prison menacent
les parents récalcitrants.
A l’école, l’enseignement du français est interdit même en temps que langue
étrangère. Le salut hitlérien est imposé pour les maîtres et pour les élèves. Les
instituteurs alsaciens sont déplacés en Autriche et en Allemagne pour subir une
Umschulung (stage de recyclage).
•
Le Reichsarbeitsdienst (RAD) : le service du travail national. Il est introduit en
Moselle le 23 avril 1941 et en Alsace le 8 mai 1941 et concerne les jeunes entre 17
ans révolus et 25 ans. C’est une organisation paramilitaire avec un uniforme, un
emblème (une pelle entourée de deux épis de blé) et un serment public au Führer.
Pour les garçons, il est un passage avant l’incorporation dans la Wehrmacht. Les
filles intègrent par la suite le Kriegshilfsdienst(le service auxiliaire de guerre).
Beaucoup effectuent le RAD en Autriche ou en Allemagne avec en parallèle des
cours d’histoire et d’éducation politique.
•
L’incorporation de force ou les « malgré-nous » : En août 1942, après l’échec de
plusieurs campagnes de recrutement de volontaires dans la Wehrmacht, le
service militaire obligatoire est mis en place. Mais les Alsaciens et les Mosellans
sont considérés comme des « Allemands suspects », donc la proportion des
nouvelles recrues ne doit pas dépasser 5% des effectifs d’une même unité et ils ne
sont pas affectés dans des services sensibles (reconnaissance, renseignement,
aviation, marine). 90% sont envoyés sur le front de l’Est.
Une économie au service de la machine de guerre allemande
L’Alsace et la Moselle vivent totalement sous le joug nazi, même dans le domaine
économique. Pour remettre l’économie en marche, l’Allemagne pratique la « politique
de la main tendue ». Elle distribue aux paysans des semences, des machines et des
animaux. Elle remet en marche les mines et les usines et injecte massivement des
capitaux, mais les économies alsacienne et mosellane sont entièrement mises au service
de l’économie de guerre allemande. L’Alsace et la Moselle sont non seulement pillées
mais la population est également soumise au rationnement.
Opposition, résistance et répression
La population est mise sous surveillance. Le livret du travail et le travail obligatoire
sont des moyens de contrôle décisifs et efficaces.
Opposition
La plupart des Alsaciens et de Mosellans résistent passivement ou par des formes
mineures dans la vie quotidienne (emploi de la langue française, mauvaise volonté
à s’engager dans les organisations nazies, écoute de la radio de Londres…). Dès
août 1940, par exemple, à Metz, malgré l’interdiction allemande de la procession
à la Vierge place Saint-Jacques, celle-ci a lieu et les Messins déposent devant la
statue de la Vierge des fleurs disposées de façon tricolore.
Résistance
Des formes de résistance active se sont également développées et ce dès 1940. Des
groupes isolés organisent des sabotages, d’autres communiquent des informations
militaires ou économiques aux organisations de résistance françaises ou au
gouvernement britannique et d’autres encore organisent des filières d’évasion
notamment pour les réfractaires du RAD ou à l’incorporation dans la
Wehrmacht. Des maquis se sont également formés dans les Vosges (près de
Thann, à Barr, à Volksberg en Alsace Bossue avec le pasteur Bastian). Tous les
maquis des Vosges sont décimés par les Allemands en août et septembre 1944.
Des Alsaciens et des Mosellans ont également fui les territoires annexés pour
rejoindre les forces combattantes de la France Libre.
Répression
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Dès juillet 1940 : ouverture du camp de rééducation de Schirmeck (à
quelques centaines de mètres de l’actuel mémorial), destiné aux Alsaciens
récalcitrants. L’équivalent mosellan est le fort de Queuleu dans la
banlieue de Metz.
Mai 1941 : ouverture du camp de concentration du Struthof (à quelques
kilomètres de l’actuel mémorial). Des résistants des pays d’Europe
occidentale y sont internés. Le Dr Hirt pratique des expériences médicales
sur les Juifs et les Tsiganes venant d’Auschwitz pour servir de cobayes.
La fin de la guerre
•
septembre 1944 : début de la libération de la Moselle par l’armée américaine (Metz
est libéré le 22 novembre)
Les Allemands organisent la défense de la ligne des Vosges (Vogesenstellung) par le
creusement d’un large fossé antichar à travers bois et champs entrecoupé de bunker.
Toutes les personnes valides de 16 à 65 ans sont réquisitionnées.
• octobre 1944 : début de la libération de l’Alsace par la 1ère armée française, débarquée
en Provence, commandée par le général De Lattre de Tassigny qui s’empare de Belfort
et libère Mulhouse le 21 novembre.
Au nord et au sud de Saverne, la 2e Division Blindée du général Leclerc franchit les
Vosges par surprise. Elle libère Saverne le 22 novembre et Strasbourg le 23
novembre : le serment de Koufra est honoré.
Le serment de Koufra
« Jurez de déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs
flotteront sur la cathédrale de Strasbourg »
Serment prêté par Leclerc et son armée à Koufra (Libye) le 1er mars 1941.
Le nord de l’Alsace est libéré par l’armée américaine.
Mais les Allemands occupent encore la poche de Colmar et lancent une contre-offensive
en janvier 1945 (l’opération Nordwind). Les Américains abandonnent une partie de
l’Alsace du Nord et se retranchent au sud de la Moder. Strasbourg est à nouveau
menacé, mais les FFI et la Brigade d’Alsace-Lorraine défendent la ville.
•
•
•
fin janvier 1945 : les troupes américaines et la 1ère armée française reprennent
l’offensive et libèrent le Haut-Rhin.
2 février 1945 : libération de Colmar
19 mars : libération définitive du nord de l’Alsace.
Un lourd bilan
L’Alsace et la Moselle (5% de la population de la France) enregistrent à elles seules le
sixième du total des pertes militaires françaises constatées au cours de la guerre, soit 6,5
fois plus de pertes militaires que le reste du pays. A ces pertes militaires il faut ajouter
les disparitions dues aux déportations et les « malgré-nous » qui ont payé un lourd tribut
(30 000 morts ou disparus, plus de 20 000 blessés, plusieurs milliers d’entre eux qui ont
été faits prisonniers dans des camps notamment le camp soviétique de Tambov).
Les dommages matériels sont par ailleurs considérables. L’Alsace et la Moselle,
profondément éprouvés, moralement et physiquement, doivent à nouveau réaliser leur
intégration à la France.
LE RETOUR A LA FRANCE
1945-1955
L’épuration
•
1945-1946 : condamnation des Alsaciens et des Mosellans coupables, souvent par
opportunisme, de s’être ralliés au régime nazi.
Le retour des Alsaciens et des Mosellans restés en France en 1940 ou évadés ou
déportés provoque des tensions et des divisions à l’intérieur des communautés et
même des familles. Des centaines de personnes suspectées de collaboration sont
internées quelques semaines au camp du Struthof, réutilisé en 1945 à cette fin.
C’est une période douloureuse et malsaine, car il est difficile de distinguer clairement
ceux qui ont occupé des fonctions officielles ou ont adhéré à des organisations nazies
à la suite de pressions plus ou moins importantes et ceux qui se sont ralliés en
connaissance de cause.
En Alsace, le nombre des condamnations s’est élevé à environ 8300 (0,8% de la
population). La majorité a été condamnée à l’indignité nationale entraînant
l’exclusion des listes électorales.
Par souci d’apaisement, ces peines sont amnistiées en 1951 et en 1953.
Le drame des incorporés de force
•
Février 1953 : Procès de Bordeaux.
Les soldats de la division SS « Das Reich » comparaissent pour avoir participé au
massacre de la population civile à Oradour-sur-Glane en juin 1944 (642 victimes).
Parmi les accusés comparaissent 13 Alsaciens enrôlés de force dans la Waffen SS,
un Alsacien engagé volontaire et 7 Allemands. Les 13 « Malgré nous » écopent de
5 à 8 ans de travaux forcés ou de prison.
A l’annonce du verdict, l’opinion alsacienne est indignée devant
l’incompréhension de la plupart des Français face au problème des « Malgré
nous ». L’Alsace se considère atteinte dans son honneur et se dresse contre le
jugement de Bordeaux (protestations, appels, manifestations, grève
administrative des maires, monuments aux morts qui se voilent de crêpe…). Dès
le 17 février, le chef du gouvernement, René Mayer, adresse un appel à l’union
nationale. Un projet de loi d’amnistie pour les Alsaciens condamnés est voté. Les
13 condamnés alsaciens sont libérés discrètement le 21 février 1953.
L’incompréhension du problème de l’incorporation de force ne cesse pas pour
autant et il faudra encore attendre plus d’une vingtaine d’années pour que les
« Malgré nous » obtiennent la reconnaissance de tous leurs droits et une
réparation.
La francisation
« C’est chic de parler français »
•
Dès 1945, l’allemand est exclu de l’école et sa place est fortement limitée dans la
presse. En parallèle fleurissent des papillons portant le slogan « C’est chic de
parler français ».
• 1951 : La loi Deixonne donne un statut aux langues et dialectes locaux mais exclut
les langues dites allogènes dont l’allemand.
Disparition du mouvement autonomiste et des partis régionaux. Presque toutes les
structures syndicales, culturelles et religieuses renforcent les liens avec Paris.
Passé, présent, avenir
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1946 : Germain Muller crée le cabaret « Barabli » qui est le premier ferment d’une
Alsace qui reprend confiance en elle.
1948 : Antoine Fischer fonde la revue « Saisons d’Alsace », une revue littéraire et
artistique destinée à faire le lien entre le passé et le présent et ouverte aux
universitaires et aux érudits.
1949 : Avec la pièce « Enfin, redde m’r nimm devun » Germain Muller entreprend
de vider l’abcès du comportement politique des Alsaciens entre 1939 et 1945.
Mai 1949 : Strasbourg est choisi comme siège du Conseil de l’Europe, première
organisation hautement symbolique destinée à préserver la paix en Europe en
veillant à l’application des principes de la Déclaration universelle des Droits de
l’Homme votée en 1948 par la jeune organisation des Nations unies. En 1949, le
Conseil de l’Europe comptait 10 membres. Il en compte aujourd’hui 45.
La guerre a provoqué traumatisme et souffrances aux conséquences lourdes
pour l’identité régionale. Pendant plus de deux décennies, en raison de
l’amalgame entre autonomisme et germanisme, la défense de la langue
maternelle est apparue comme suspecte.
Le dialecte et l’accent sont négativement connotés. La tragédie de la guerre
a privilégié une politique d’assimilation linguistique à la France visant à
supprimer le dialecte, étouffant la langue et la culture régionales.
Il faut attendre la fin des années 60 pour assister à un renouveau de la
culture régionale et à la volonté d’assumer une identité mise à mal par
quatre changements de nationalité entre 1871 et 1945.
« Le statut de la vérité est fragile. Aucune vérité historique n’est
acquise. Une pédagogie permanente est nécessaire »
Henry Rousso
Telle est l’ambition du mémorial d’Alsace-Moselle,
qui est, comme le disait avec conviction Jean-Louis
English,
« Le signe fort d’un siècle fou ».
Mon grand-père français a été fait prisonnier par les Prussiens en 1870 ;
mon père allemand a été fait prisonnier par les Français en 1918 ; moi,
Français, j'ai été fait prisonnier par les Allemands en juin 1940, puis
enrôlé de force dans la Wehrmacht en 1943, j'ai été fait prisonnier par les
Russes en 1945.
Voyez-vous, Monsieur, nous avons un sens de l'histoire très particulier.
Nous sommes toujours du mauvais côté de l'histoire, systématiquement :
les guerres, nous les avons toujours terminées dans l'uniforme du
prisonnier, c'est notre seul uniforme permanent
Cité par Geneviève HERBERICH-MARX, et Freddy RAPHAËL, " Les
incorporés de force alsaciens - Déni, convocation et provocation de la